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initiation doit émaner nécessairement d'un moi exté

rieur, d'un toi qui se connaît*. Résumons ce qui précède.

L'impuissance ac

tuelle de la psychologie est due à la tyrannie exercée sur la méthode par un principe étroit et dogmatique, qui veut constituer la science en considérant l'homme comme une unité intellectuelle relevant d'elle seule. A ce principe nous avons opposé l'énoncé d'un principe nouveau.

L'hypothèse de la virtualité, c'est-à-dire du développement solitaire et spontané de nos facultés, sert de fondement à la science des facultés de l'âme telle qu'on a voulu la faire jusqu'à ce jour. L'impuissance de cette hypothèse a été démontrée. Il faut, dit Newton, que les hypothèses soient vraies, qu'elles suffisent à l'explication des phénomènes. Or, la virtualité, toute seule, ne peut faire sortir l'homme de la vie purement automatique et végétative; elle n'est donc pas une hypothèse vraie.

Nous avons recherché les éléments du premier fait de conscience. Dans ce fait nous trouvons unis, par un lien indissoluble, le moi, le toi et la causalité libre qui est sans cesse entre le moi et le toi. Nous considérons la permanence de cette notion trinaire

* M. de Bonald a dit quelque part : « Peut-être est-il impossible à l'esprit de s'expliquer lui-même, tout seul, et sans recourir à un autre être que lui, comme il l'est à notre corps de s'élever lui-même sans prendre au dehors un point d'appui. » Cette idée pouvait être féconde, mais, par malheur, il y a un peut-être au commencement de la phrase, et l'idée s'arrête.

comme une loi de notre nature, hors de laquelle aucune pensée ne saurait exister.

Enfin, nous savons que les éléments de cette notion trinaire ne relèvent pas des sensations, et qu'une sensation n'est elle-même possible que par la préexistence de ces éléments.

Nous nous trouvons ainsi ramenés au principe nouveau qui doit fonder la psychologie en l'agrandissant, au principe d'une initiation intérieure qui franchit les organes des sens, qui fait naître le premier acte libre et appelle le moi personnel. Jusqu'à ce moment le moi demeurait purement automate; on pouvait dire de lui ce que Maine de Biran disait de l'animal :

Vivit e est vitæ nescius ipse suæ.

Ce moi solitaire, renfermé dans sa coquille, ne possédait pas les éléments qui font le contraste, l'opposition du moi automate au moi libre dans laquelle git la conscience de la liberté; tout à coup ces éléments se trouvent en présence par l'initiation, et la personne humaine sort de sa prison. Le moi de la force propre et virtuelle entre en possession de lui-même parce qu'il s'oppose au toi qui paraît tout à coup sur la scène de la conscience; le moi devient personnel parce qu'il s'oppose au toi identique à lui, avec le senti

ment intime de cette opposition et de cette identité, avec le sentiment intime que le toi pense du moi ce que le moi pense du toi. En ce sens, la pensée de l'initiateur devient la pensée de l'initié.

PREMIÈRE PARTIE.

L'INITIATION MATERNELLE.

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