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salité propre et de la causalité extérieure: c'est là précisément la notion trinaire que l'analyse et l'observation intérieure nous ont montrée comme dominant tous les faits de la pensée, et les pénétrant tellement que, sans cette notion trinaire et indélébile, on ne saurait concevoir l'existence d'aucune pensée *.

Que l'on y réfléchisse et l'on reconnaîtra que les choses se passent bien comme nous le disons; et dès lors seulement on comprendra la raison des convictions précoces de l'enfance; on comprendra comment il arrive que la connaissance de l'activité volontaire et intelligente de notre mère et d'autrui, est chez nous un fait du sens intime, et se trouve en nous en même temps et au même titre que celle de notre activité volontaire et intelligente.

Voilà donc que nous commençons à pénétrer dans l'analyse de cette initiation primitive de notre intelligence, de cette initiation élémentaire qui franchit les organes des sens. Mais, ici, nous rencontrons un autre élément qui surgit en nous avec les trois notions primitives; nous voulons parler d'un élément moral destiné à vivifier cette trinité, foyer de nos connaissances. Lorsqu'un enfant repose sur le cœur de sa mère, cette mère n'est pas seulement un être actif; elle est en même temps et par-dessus tout un être qui aime, un être qui est heureux. L'amour est l'antécédent nécessaire de l'initiation; il est le moi, de même

* Introduction.

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que l'activité, de même que la cause libre et volontaire. Si donc l'enfant participe à tout ce qui se développe chez sa mère, il prend part à son amour et à son bonheur. Et c'est ainsi que, dès l'origine, se manifeste cette loi de notre nature en vertu de laquelle les affections du cœur se développent parallèlement à l'intelligence; les affections du cœur qui toujours enveloppent l'esprit et le vivifient.

Il ne faut plus demander pourquoi nous croyons à l'existence du monde extérieur comme à notre existence, à la causalité intelligente des autres hommes comme nous croyons à la nôtre, à toutes les affections de leur être comme aux nôtres : toutes ces croyances sont contemporaines; ces croyances sont solidaires et se confondent dans la même certitude. Aussi, celui qui effacerait un seul de ces éléments de son esprit ou de son cœur, mutilerait sa nature intellectuelle ou morale le sentiment le plus pur et le plus fécond qui puisse l'animer, se pose dans le cœur de l'homme en même temps que dans son esprit les fondements de la pensée.

Telle est l'analyse sommaire de l'initiation maternelle. On le voit, la femme est revêtue d'un sublime ministère... La Providence a voulu que l'homme reçût les éléments de toute vérité et le premier sentiment du cœur, dans un même acte d'initiation qui a pour sanctuaire la famille et pour autel le sein maternel ! Faut-il dès lors s'étonner que la famille soit principalement dans la maternité? Il est bon que l'homme

apprenne tout ce qu'il doit à sa mère; il ne lui doit pas seulement la vie, mais encore l'institution de l'intelligence qui vaut mieux que la vie. Parcourez l'histoire elle nous montre que les hommes célèbres par leur grand caractère ont presque tous eu pour mère de ces femmes chastes et fortes, dans l'âme desquelles ils avaient trempé leur âme. Ces exemples sont surtout fréquents dans les premiers siècles du christianisme; et sans recourir à l'antiquité, il nous suffirait de regarder autour de nous..... Nous pourrions parler ici de cette madame Lætitia dont les Français ne devraient jamais prononcer le nom sans respect, non parce qu'elle fut par le sang la mère de leur Empereur, mais parce que ce fut elle, femme plus remarquable encore par son caractère que par sa beauté, qui couva la grande âme de son fils. Napoléon a dit: Je dois tout à ma mère!

V.

Le moi et le toi, révélés par l'initiation, sont soustraits à l'imagination et aux sens le moi et le toi qui se posent au sein de la conscience, en vertu de l'initiation qui franchit les organes, n'appartiennent pas à ces organes, n'appartiennent pas à la matière; c'est l'âme humaine qui s'est ainsi manifestée. De quelle façon l'homme complète-t-il son unité terrestre, son unité terrestre qui est âme et corps? Dans l'homme

CHAPITRE 1.

la conscience pose deux êtres, l'âme et le

corps; mais en même temps qu'elle les pose distincts, elle les pose dans une unité. Par quel acte nouveau cela s'accomplit-il? Nous allons reconnaître que cet acte exige que le moi se connaisse déjà comme substance spirituelle, en se distinguant d'une substance extérieure identique.

41.

Lorsque l'enfant commence à devenir sensible aux impressions organiques, le jeu des organes s'exécuterait en lui sans lui s'il ne sentait pas qu'il sent. Si l'enfant s'identifiait toujours avec la sensation, il serait sensation dans toute la force du terme; il ne pourrait pas sentir qu'il sent. Pour qu'il aperçoive toutes ses manières d'ètre, il faut qu'au sein de la conscience un départ s'opère entre le moi qui sent le pâtir et le moi qui pâtit; il faut que le moi actif se reconnaisse comme étant hors de la sensation. Ce moi qui se reconnait ainsi, c'est le moi spirituel, lequel s'est déjà posé dans la conscience. Ce moi, cette âme, qui sait déjà son amour et son activité, va distinguer la sensation organique dans laquelle il est purement passif. Mais son activité c'est lui; son amour c'est encore lui; et s'il a vu son activité et son amour, c'est qu'il les a distingués d'une activité et d'un amour hors de lui: maintenant il faut qu'il se sépare, qu'il sépare son activité de ses impressions organiques, de même qu'il a séparé son activité d'une activité extérieure. Si le moi n'avait pas auparavant reconnu son essence spirituelle en la distinguant d'une essence identique et extérieure,

pourrait-il maintenant reconnaitre son corps en se reconnaissant lui-même hors de la sensation? il ne le pourrait pas; car le moi peut s'approprier les sensations, de même qu'il s'approprie le sentiment des facultés. Le moi reconnait son corps, il se reconnaît sensible aux impressions organiques, il sent qu'il sent, il sépare le moi passif du moi actif, par cela et par cela seul qu'il connait déjà le moi et le toi sans les sensations, qu'il sait déjà séparer le moi du toi. Il y a, ici, un achoppement, une nouvelle antithèse; et cette antithèse n'a lieu qu'autant qu'une autre antithèse, celle du moi et du toi spirituels, séparés quoique identiques, l'a précédée. L'achoppement que suppose Fichte est primitivement impossible.

Il reste à savoir comment le moi renferme l'âme et le corps dans une unité. Or, voici : Par cela même que la sensation n'est distincte qu'après que le moi actif s'est posé, quoiqu'il y eut auparavant impression organique, il peut arriver que ce moi s'efface, tandis que l'impression de plaisir ou de souffrance reste. C'est en effet ce qui a lieu lorsqu'une sensation est très vive; le moi s'abandonne alors tout entier à la sensation, le moi passe tout entier dans la sensation. La sensation peut donc être aussi le moi, de même que l'amour et l'activité; le moi s'approprie la sensation comme l'activité, parce que la conscience, une et permanente, résume, malgré leur opposition, l'activité préexistante et la sensation survenue à laquelle le moi s'est abandonné. La conscience une et permanente est

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