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ment la base même du droit; et comme elle revient également à tout homme, il ne saurait y avoir de motif, résultant de la nature du droit, pour qu'un individu expulse de la substance matérielle une autre individualité pareille, à laquelle cette substance appartiendrait, et qui voudrait s'y maintenir.

Le motif qui permettrait à l'individu de se libérer du droit personnel étranger, ne saurait ainsi se rencontrer qu'en dehors de l'idée du droit; et en effet nous verrons plus loin, que le droit personnel est limité par l'action d'une autre idée, celle de la liberté.-L'idée du droit se trouvant ainsi en opposition avec une autre idée, la limite de leur action dépendra du degré de développement que chacune d'elles aura pris, c'est-à-dire de leur relation réciproque. Celle-ci varie selon les époques de l'histoire des peuples, et c'est ainsi que le droit personnel aussi se modifie en conséquence.

S III.

De l'autorité et de ses différentes modalités.

Nous avons vu, en examinant au chapitre la nature du droit, qu'il se présente tantôt en état d'immobilité, tantôt comme mobile, et que son acquisition, de même que son exercice, ne s'opère que par le mouvement. Cependant ce mouvement se bornerait déjà à une simple indication de la voix, s'il s'agissait de l'exercice d'un droit relati

vement aux animaux domestiques qui auraient appris à connaître la signification de ce commandement. A plus forte raison, lorsque l'individu humain est devenu l'objet du droit, celui-ci peut-il être exercé par le commandement seul, qui prescrit à l'individu soumis au droit une action quelconque l'exécution de ce commandement réalisera l'exercice du droit.

Nous voyons ainsi deux volontés humaines, dont l'une commande, l'autre obéit; dont l'une est supérieure, l'autre inférieure; en sorte qu'au lieu de rester d'une égale valeur spirituelle, elles présentent l'apparence de l'inégalité. Mais il est à observer que cette inégalité ne concerne pas le principe spirituel, considéré en lui-même, et qu'elle se rapporte uniquement à la matière. En supposant le droit personnel dans toute sa vigueur, l'individu pourra faire mouvoir, en conséquence de ce droit, le corps d'autrui comme si c'était le sien, l'individu soumis à ce droit extrême n'ayant pas la propriété de son corps. C'est ainsi qu'une action quelconque étant commandée à l'individu qui se trouve dans la dépendance, celui-ci exécute la volonté étrangère, n'ayant pas le droit d'agir conformément à la sienne propre.

Le droit personnel, considéré comme faculté de

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CHAP. V. LE DROIT PERSONNEL.

la volonté supérieure, se nomme autorité, et l'état de la volonté inférieure relativement à la première, se nomme soumission ou dépendance.

Le père de famille est d'autant plus dans le cas de diriger les actions de son fils mineur, que la volonté de ce dernier n'est pas réfléchie encore, et qu'alors ses actions pourraient devenir dangereuses autant pour lui-même que pour les autres.

La réflexion ne se forme que par la comparaison des choses et l'expérience, et comme l'enfant ne l'a pas acquise encore, il en résulte une différence naturelle dans l'intelligence des hommes. Cette inégalité paraîtrait contredire leur égalité spirituelle; mais la spiritualité n'est identique, ou d'égale valeur en tout homme, que par son essence seule. Son apparition extérieure dépend de l'organisation individuelle, du développement de cette organisation, d'influences locales et matérielles. Il s'ensuit, que quoique le principe spirituel soit toujours le même, il ne se manifeste pas de même; qu'il peut s'arrêter à une des gradations du développement par lequel il passe, qu'il peut s'obscurcir, et que souvent même il ne parvient pas à se manifester du tout.

Dans tous ces cas, l'essence spirituelle de l'individu humain reste d'égale valeur à celle des . autres, mais comme il ne peut en faire le même

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usage, il se trouve à cet égard dans un état d'infériorité envers ses semblables. Pendant l'enfance de l'homme, et souvent même par la suite, cette inégalité est si grande, qu'elle ne permet pas à l'individu de se passer d'assistance intellectuelle. Celleci prend alors le nom de tutelle ou de curatelle, selon qu'elle se rapporte à la direction de la personne ou à celle de la propriété.

Plus l'intelligence est faible, plus elle est soumise aux influences matérielles (1). C'est pourquoi l'enfant se laisse déterminer plutôt par ses besoins et ses penchans; mais comme ceux-ci n'ont pu prendre encore de force en lui, ses velléités passent aussi facilement qu'elles lui viennent, surtout lorsqu'il rencontre une volonté forte et motivée là où la sienne ne sait pas se décider encore. Il s'accoutume ainsi à ne prendre de détermination que lorsque la volonté de son père lui est connue, ou lorsqu'il peut présumer du moins qu'elle n'est pas contraire à la sienne, car il sait que dans ce cas il serait forcé de l'abandonner.

C'est ainsi que l'enfant prend l'habitude de la

(1) L'influence presque exclusive que Montesquieu et d'autres auteurs attribuent au climat sur les dispositions de l'homme, n'est motivée qu'en tant que le corps possède la prépondérance sur l'esprit. Cette influence se perd ainsi à mesure que l'esprit se développe et qu'il acquiert la prépondérance sur le corps, à son tour.

soumission (1) à une autre volonté. Mais le père de famille ne pouvant diriger toutes les actions des siens, leur donne des préceptes pour leur conduite en général. A mesure que ces règles de conduite cessent d'être l'expression de la volonté individuelle et changeante du père de famille et qu'il s'y conformera lui-même, aussi bien que ceux qui dépendent de lui, elles prendront un caractère de généralité et mériteront la dénomination de coutumes ou de lois.

Telle est l'origine de l'autorité législative; en grand comme en petit, son but reste toujours le même, celui d'introduire de l'uniformité dans les actions des membres d'une société.

Des causes de dissension existent dans chaque société; toujours il s'y présente des cas qui donnent l'éveil aux passions. Celles-ci, mises une fois en jeu, emportent facilement au-delà des bornes de la justice. Et comme les règles de conduite que le père de famille a données, représentent la justice, telle qu'il la conçoit du moins, son autorité serait méconnue si elles étaient violées. C'est pourquoi, dès qu'un acte de violence a été commis dans la famille, il lui importe de ramener le coupable, soit par la

(1) « L'homme respecte plus par habitude que par sentiment; il en est de même de l'obéissance. » (Institutions du droit de la nature et des gens, par le comte de Rayneval, p. 38.)

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