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priété ne diffère en rien des autres droits, conformement aux idées de certaines époques.

Le père de famille ayant transmis la base matérielle de son autorité à son successeur, celui-ci se trouvera à même d'exercer les différentes fonctions législatives et judiciaires qui en découlent. L'autorité spirituelle est également susceptible d'être transmise, puisque la science et la doctrine peuvent l'être. Et le reste de la famille s'y soumettra d'autant plus volontiers, dans le cas où le chef déclarera que son successeur est initié aux connaissances qu'il possède lui-même sur les choses divines et humaines. Cette transmission de l'autorité spirituelle aurait encore plus de valeur, si la doctrine religieuse était enveloppée de mystères qui ne seraient intelligibles qu'à celui qui aurait été initié.

y

C'est ainsi que rien n'étant changé par la mort du chef aux rapports extérieurs de la famille, aucun de ses membres ne sera dans l'obligation de s'en éloigner, puisqu'ils pourront continuer leur genre de vie accoutumé, et qu'ils trouveront tous les mêmes moyens d'existence auprès de son successeur. Il ne pourrait donc y avoir de modification que dans leurs rapports de sentimens. Cependant il est à remarquer, que les liens de sentimens qui attachent l'homme à celui dont dé

pend son bien-être terrestre, ont leur origine dans un sens religieux. Ils augmentent en intensité avec la dépendance, et sont distincts des autres sentimens; mais néanmoins la personnalité y influe, en tant que la haine ou la défiance peuvent les neutraliser, tandis que l'affection, la confiance, y ajoutent une nouvelle force.

S'étant décidé à nommer un successeur, pour être remplacé auprès des siens, le chef ne suivra que l'impulsion de sa prédilection particulière pour l'un d'eux, ou bien, ayant en vue principalement le bien de tous, il aura égard à la sagesse supérieure du plus âgé (1). Ou bien encore, prenant en considération que son fils aîné aurait été le plus ancien, s'il avait vécu, et que le fils de celui-ci succèderait ensuite, si cet ordre naturel n'avait pas été interverti par une mort prématurée, il se décidera pour ce dernier mode de succession, quand même il en résulterait quelque inconvénient, par suite de l'inexpérience du jeune chef.

(1) Presque tous les peuples ont suivi un pareil ordre de succession, à une époque peu avancée de leur développement social, et dans la plupart des pays de l'Orient il est en vigueur jusqu'à nos jours. En Russie, le fils du dernier monarque cédait constamment le pas à son oncle jusqu'à l'année 1389, que cet ancien ordre de succession fut aboli par un traité conclu entre le grand-prince Dimitry et son cousingermain le prince Wladimir; ce dernier, ayant reconnu son neveu Bazile comme frère aîné, lui abandonna ses droits au trône de la grande - principauté. (Histoire de Russie par Karamzin, t. V. p. 100.)

Ainsi nommé, sans être astreint à aucune condition, le successeur pourra, à son tour, librement disposer de son héritage; en sorte qu'aucune règle de succession ne sera observée dans la famille. Mais si pour la nomination de son successeur le dernier chef adopte de plein gré, ou par suite de la substitution faite par son prédécesseur, le même motif qui a amené sa propre nomination, un ordre de succession régulier quelconque s'introduira dans la famille et passera dans ses mœurs.

La stabilité dans la succession des chefs devient un noyau solide, auquel viennent aboutir tous les intérêts matériels de la famille, et qui maintient son unité dans le moment le plus critique, celui où elle change de chef.

Dès que la famille s'est agrandie au point que le même toit ne peut plus abriter tant d'individus à la fois, ses 'domiciles doivent se multiplier. La nécessité de se séparer devenant évidente, il ne peut y être procédé qu'arbitrairement, eu égard au nombre des individus, ou d'une manière facile et naturelle, d'après la liaison qui existe déjà entre eux, c'est-à-dire par familles.

Mais l'autorité du chef supérieur continuera à se maintenir dans toute son étendue sur ces familles détachées de leur souche, si les idées sur le droit ne se sont pas modifiées dans la société dont

nous parlons; puisque la séparation des habitations ne saurait, à elle seule, y apporter de changement. Si l'autorité du chef était portée aux dernières conséquences qui découlent du droit personnel pris dans toute sa rigueur, elle s'étendrait aux personnes et à la possession des individus qui dépendent de lui, et ils ne seraient pas même libres de disposer de leur activité, de leur travail. Un tel état de dépendance devient plus onéreux, à mesure que la société s'agrandissant, les liens du sentiment ne tempèrent plus aussi efficacement que dans la famille simple, ce qu'il y a de rigoureux dans les rapports sociaux. D'un autre côté, l'autorité du chef continuant à être la même, il l'exercera avec moins de ménagement à l'égard d'individus qui lui sont devenus presque étrangers, surtout si l'esprit de l'époque ou du pays lui permet d'en user arbitrairement. Une dépendance aussi extrême se nomme esclavage. - Mais quelle que soit l'étendue de l'autorité à laquelle sont soumises les familles secondaires, les rapports intérieurs de celles-ci se trouveront essentiellement modifiés, en raison de la dépendance de leurs chefs à l'égard d'un chef supérieur.

Par suite de la séparation des domiciles, l'autorité de ce dernier sera moins minutieuse, par l'impossibilité où il se trouvera d'entrer dans tous

les détails des familles particulières, à mesure que leur nombre devient plus considérable. Elles reviendront ainsi à des rapports plus exclusifs avec leurs chefs immédiats; - mais dans les cas plus importans, son autorité fera place à celle du chef supérieur, dont il dépend lui-même. C'est ainsi qu'il maintiendra parmi les siens l'observation des règles de conduite qui existent dans la société; mais s'il se présente des cas nouveaux, il appartiendra au chef supérieur seul de les déterminer, puisqu'autrement la généralité et l'uniformité des coutumes pourraient être rompues.

D'un autre côté, si le père de famille n'avait pas su empêcher les actions déréglées de ceux qui dépendent de lui, il perdrait le droit de les comprimer, dès qu'elles seraient devenues nuisibles au reste de la société. Dans ce cas, il pourrait en être rendu responsable lui-même, en raison de la rigueur que l'interprétation du droit personnel a acquise, puisqu'alors la famille entière est considérée ne former qu'une seule masse, dont les actions sont solidaires. Et il s'ensuit, que le père de famille étant lui-même partie intéressée aux actes de violence commis par les siens, on ne saurait s'attendre qu'il leur applique avec impartialité le principe de la rétorsion, et qu'il exerce ainsi la justice à leur égard. Mais en perdant l'autorité législative et

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