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de chaque citoyen, les habitans des dépendances ou des pays conquis, les esclaves ou autres inférieurs quelconques.

L'idée de la république suppose une association. entre hommes indépendans et égaux. Mais à cause de la difficulté d'un rapprochement entre égaux, on la voit rarement se former de cette manière. Un pareil rapprochement ne peut être amené que par des circonstances extraordinaires et fortuites, telles que communauté de biens accidentelle, fréquentation des mêmes temples, réunion dans le même lieu de refuge. (Telle fut l'origine de la république de Venise). Aussi, l'histoire ne présente-t-elle qu'un très-petit nombre de sociétés humaines, républicaines d'origine; et presque toujours la république ne se compose que des ruines d'une autre société. Cette transformation peut être amenée par la violence, mais elle peut se faire aussi d'une manière conforme au droit. Dans le cas, par exemple, où une monarchie serait privée de son chef, sans qu'il eût transmis ses droits à un autre, tous ceux qui étaient soumis à son autorité, se trouveraient indépendans. Si les rapports sociaux qui existent dans la monarchie avaient tellement passé dans leurs habitudes, qu'ils ne voulussent pas les voir changer, ils se concerteront sur le choix d'un nouveau souverain, pour remplacer celui qu'ils ont

perdu. Mais si ces individus devenus indépendans se trouvent sous l'influence d'autres idées, ils voudront conserver la liberté personnelle qui leur est échue en partage, et accaparer encore, par première occupation, tous les droits restés vacans dans la monarchie.

Et c'est ainsi que, selon le nombre plus ou moins considérable des individus qui participeront à ces avantages, une aristocratie ou une république prendra la place de la monarchie.

Il y a donc erreur à condamner, du point de vue de la légitimité, l'existence même de la république, puisqu'elle peut se constituer d'une manière aussi légitime que la monarchie elle-même. Mais il est certain, d'un autre côté, que les tendances propres à ces deux formes sociales, ne sauraient manquer de se manifester dans chacune d'elles, avec plus ou moins de prépondérance, ce qui les place toujours en opposition de principes.

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On a pu se convaincre, que l'extrême du côté par lequel des rapports d'autorité et de dépendance s'établissent parmi les hommes, de même que celui par lequel ces rapports sont repoussés, c'est-à-dire le droit et la liberté, mènent également à des abstractions qui ne peuvent exister dans la réalité. Ce

pendant ces extrêmes résultent uniquement de la manifestation exclusive de l'un des deux côtés, aux dépens de l'autre, et il s'ensuit, que ne pouvant s'exclure réciproquement sans contradiction logique, il ne leur reste d'autre alternative que celle de se comporter mutuellement, et de se coordonner dans une proportion quelconque. Reste à examiner sur quelle base cette proportion peut être établie.

Le droit se combinant avec l'idée de la liberté, en éprouvera, comme première modification, la perte de son caractère abstrait. Si on observe cette modification dans ses conséquences pratiques, on verra le père de famille abandonner l'idée de conserver la propriété exclusive et perpétuelle des objets livrés à la consommation de ses enfans; et il reconnaîtra un terme où ces objets cesseront de lui appartenir, soit complétement, ou du moins en partie. Il s'ensuit que ses enfans se trouveront plus ou moins complétement libérés de son autorité, à un terme donné. Ce terme ne saurait devancer le moment où le développement des facultés intellectuelles de l'homme est assez avancé pour lui permettre d'en faire usage, puisqu'il ne peut jusque-là se conduire par lui-même. Dans la prévision de ce moment, le père de famille n'aura livré à ses enfans les objets nécessaires à leur subsis

tance, que d'une manière conditionnelle, puisqu'il y aura attaché l'idée conditionnelle de n'en conserver la propriété que jusqu'à leur majorité. Il s'entend du reste que nous ne voulons pas dire par là que les hommes arrivent à la conscience d'idées de ce genre; mais quoiqu'ils n'en aient qu'un sentiment obscur ou instinctif, ils en subissent néanmoins l'influence.

Cette donation conditionnelle ne dépendra qu'à un certain degré de la volonté individuelle du père de famille, puisqu'il ne saurait se soustraire à l'effet des idées du temps sur la valeur de la propriété. Et d'un autre côté, il prévoit que ses enfans, une fois arrivés à l'âge de majorité, revendiqueront la part d'indépendance et de liberté individuelle, que leur assurent les coutumes et la législation du pays. - L'individu ne peut ainsi attacher au droit personnel une plus grande valeur, que celle qui résulte de la législation à laquelle il est soumis, puisque celle-ci détermine, combien l'idée de l'autorité se trouve circonscrite par son idée opposée, la liberté.

Le droit subira ainsi un changement dans sa nature la plus intime, dans l'idée même qui constitue son essence, celle de la puissance de l'intelligence sur la matière. Cette puissance se trouvera restreinte, puisque sa durée perpétuelle ne

sera plus admise, et qu'au contraire les objets cesseront d'appartenir, du moins d'une manière exclusive, au premier propriétaire, par suite de leur transformation dans la susbtance d'un autre indi

vidu.

L'une des conséquences du droit, celle qui sert de base à l'autorité, ayant été essentiellement modifiée de la sorte, tous les autres rapports sociaux se ressentiront de l'influence de cette modification. -La liberté individuelle ressortira d'une manière plus prononcée; mais le degré de ce développement, la proportion dans laquelle elle se combine avec l'idée du droit personnel, ne peut être déterminée que d'une manière générale par les coutumes ou la législation spéciale du pays. Alors le besoin se fera sentir d'en préciser les détails davantage encore, ce qui ne pourra être atteint qu'à l'aide de stipulations ou de conventions particulières.

Cette tendance est de nature différente: ou bien elle est individuelle; c'est-à-dire que chacun dans la société ne songe qu'à ses avantages personnels, ou bien elle prend un caractère plus général et embrasse les intérêts de la société entière, c'est-àdire qu'elle se dirige vers un but social.

Nous nous occuperons de cette dernière direction sociale au chapitre suivant, en parlant de l'état moderne. L'autre tendance, qui porte à s'assu

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