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de l'homme, et s'épanche sur ses rapports avec la société dans laquelle il se trouve, en identifiant ainsi les individus à la totalité. Les rapports sociaux qui se trouvent pénétrés de cet élément, s'animent de la vie des êtres organiques, en sorte qu'on peut nommer organisme social l'ensemble de ces rapports dans une société spéciale.

La société en général existe avant l'individu; plus tard les hommes qui la composent, peuvent se séparer et former, à leur tour, de nouvelles réunions. Mais quoiqu'il dépende de leur volonté de former une réunion, ils n'en peuvent déterminer que les rapports rationnels, et non ceux qui sont fondés sur le sentiment. Car les rapports sociaux organiques, ainsi que tout autre organisme, sont un produit de la nature et non de la raison humaine. Cependant des rapports sociaux uniquement rationnels peuvent se transformer en rapports organiques, si le principe vivifiant de la confiance et du sentiment venait à les animer. Comme production de la nature, chaque organisme social est un tout complet en lui-même, qui ne saurait être apprécié par comparaison avec des organismes pareils, dont l'existence se lie à d'autres conditions (1).

(1) « Was auf der höchsten Stufe der Entwickelung oder Blüthe eines Pflanzen-Thier-Menschen oder Völker-Individuums schon oder

Mais si l'homme est incapable de créer, il peut détruire tout corps organique. L'injustice, ou les actions qui blessent ou révoltent le sentiment, menacent l'organisme social dans son existence même, en tarissant la source vive qui le féconde. Cependant, de même que tout autre corps organique, l'organisme social ne périt pas par suite de chaque lésion. Mais ces atteintes, en se renouvelant, le minent imperceptiblement peu à peu les sentimens qui ont de la généralité disparaissent, et se trouvent remplacés par des sentimens égoïstes d'intérêt personnel, d'amour-propre et de vanité. Alors rien de vital ne lie plus les hommes, et ils ne tiennent ensemble que par un lien mécanique, la force des circonstances, ou celle de l'habitude.

:

Mais ce lien mécanique devient pénible aux hommes dès que le milieu du sentiment n'en mitige plus la dureté. Lorsque l'union intime que produit le sentiment n'existe plus, les moyens extérieurs peuvent seuls conserver une unité, qui n'est plus qu'extérieure. L'autorité souveraine y aura nécessairement recours, mais cet emploi de la force devenant oppressif aux individus qui composent l'État, ils s'efforceront de secouer ce joug

hässlich sei, ist nur subjectiv-menschliches Gefühl, menschlich beschränkte Ansicht.» (Die Systeme der praktischen Politik im Aberdlande v. H. Vollgraff, T. I, S. 16.)

que

par tous les moyens en leur pouvoir, et c'est ainsi les révolutions et les émeutes agiteront sans cesse la société matérialisée.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

C'est ainsi que nous avons vu s'expliquer, par le simple mouvement dialectique de l'idée du droit, les différens rapports qui se forment dans la société humaine.

Nous avons donné le nom de Philosophie du droit à ce système scientifique, parce qu'il n'est autre chose que le développement philosophique de la même idée du droit.

Cependant il résulte de ce que nous avons dit au chapitre précédent, que quoique le droit soit la base générale des rapports sociaux, les motifs de la religion et de la morale donnent aussi lieu à des rapports d'homme à homme. Mais l'influence de ces deux motifs n'est que partielle, l'homme étant libre de s'y soustraire, ce qui n'existe pas à l'égard du droit, dont l'observation peut lui être imposée forcément. Ainsi donc la seule base sur laquelle

un système de rapports sociaux puisse être élevé, est celle du droit, puisque les autres motifs que nous avons indiqués n'ont d'effet que sur l'individualité de l'homme, et ne peuvent même servir de base à l'établissement régulier de rapports sociaux. - Et c'est ce qui justifie le second titre de cet ouvrage, car nous croyons avoir expliqué ces rapports en les présentant sous le point de vue du droit, puisque les autres motifs de religion et de morale, tout en exerçant l'influence la plus bienfaisante sur les relations sociales, n'arrivent qu'indirectement à cet effet, ayant uniquement rapport à l'individualité de l'homme.

Ces motifs étant différens de celui du droit, il appartient aussi à une autre science de s'en occuper. Car en confondant les limites des sciences, on n'en augmente pas l'étendue, mais on les défigure au contraire, comme le fait observer Kant.

Par la même raison nous n'avons pas entrepris la déduction métaphysique des différentes faces ou modalités du principe spirituel, qui ont paru dans le courant de cet ouvrage, sous le nom de volonté, d'intelligence ou de liberté, n'ayant à nous occuper que de la combinaison de ces manifestations de la même espèce spirituelle avec la matière, et non à les considérer en elles-mêmes.

La combinaison de l'esprit avec la matière, dans

le sens particulier qui constitue l'idée du droit, s'est d'abord présentée à nous au chapitre sous un double point de vue, comme droit personnel et comme droit réel, et nous avons examiné au chapitre les variations de ce dernier.

L'identité du principe spirituel dans tout individu humain étant reconnue, l'idée du droit en acquiert un nouveau degré de développement, et ce développement apparaissant comme une autre idée, elle reçoit le nom de justice. Nous avons considéré au chapitre la justice d'abord comme idée subjective, ensuite comme idée objective ou réalisée, et nous en avons suivi les deux côtés abstraits, qui nous ont ramené à la totalité de l'idée.

Son développement ultérieur a donné pour résultat, au chapitre iv, d'abord la punition du mal par le mal, puis la rétribution du bien par le bien.

Après avoir suivi ainsi le développement de l'une des modalités du droit, nous avons entrepris la même tâche à l'égard de l'autre, celle qui constitue le droit personnel. Nous avons vu au chapitre v que le droit personnel produit une altération apparente dans le principe spirituel lui-même, en y introduisant une inégalité extérieure qui se manifeste, d'un côté, comme autorité, de l'autre, comme dépendance.

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