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les Écritures. Si quelques chrétiens ont abandonné la croix pour le croissant, ce n'a jamais été par conviction, mais toujours par la crainte, ou la suite des persécutions, ou par quelque autre motif humain; l'histoire est là pour rendre témoignage.

S V.

CADI. Je n'ai, en effet, jamais vu un chrétien devenir bon musulman; ceux que j'ai vu admettre parmi nous, n'ont su que déshonorer la religion du prophète, et nous ont trahis quand l'occasion s'en est présentée.

MUPHTI. C'est bien d'eux qu'il est écrit: Ils cherchent à tromper Dieu et ceux qui croient; mais ils ne trompent qu'eux-mêmes, et ils ne comprennent pas :

لخادعون

يشعرون

انفسهم و ما و الذين امنوا و ما لخدعون الا انفسهم الله

(Sourate, la Vache, v. 8.)

PRÊTRE. Ils ont acheté l'erreur avec la monnaie de la vérité, mais leur trafic ne leur a point profité:

اولايك الذين اشتروا الصلالة بالهدى فما ربحت تجارتهم :

(Sourate, la Vache, v. 15.)

CADI. Si le babas embrasse la religion de sid Mahomet, il le fera avec conviction, et alors le changement lui sera profitable.

PRÊTRE. Le cadi me permettra de lui faire observer qu'il emploie un mot inexact: c'est le mot changement, il faut dire complément. Il ne faut jamais conseiller à quelqu'un qui a la connaissance de Dieu de changer de religion; mais on fait bien

de le porter à compléter celle qu'il professe, si elle est imparfaite. Je m'explique: vous avez vu que, parmi les chrétiens, il y a diverses sectes à côté des catholiques. Quand un membre de ces sectes passe ou revient à la religion telle que séid Aïça l'a établie, il ne change pas de religion, mais il complète celle qu'il professait, dans laquelle il a reconnu un vide. Si, ensuite, il passait de la vérité à l'erreur, ou à la vérité altérée, alors ce serait changer de religion. Faisons maintenant l'application à l'islamisme : vous avez vu que chrétiens, juifs, mahométans, nous sommes tous musulmans, tous nous professons et pratiquons plus ou moins bien la religion des prophètes, de Moïse et d'Abraham, que la paix de Dieu soit sur eux! d'Abraham, appelé le premier des croyants, le premier des musulmans. Mais séid Abraham, seid Moïse, séid David et les prophètes, n'avaient que commencé d'enseigner l'Islam; séid Aïça, parole de Dieu, séid Aïça, établissant le Pentateuque sur des bases inébranlables (moussadiquan), ne change pas la religion des prophètes, il y met le complé ment par le livre de la lumière, l'Évangile, dépôt du véritable Islam. Eh bien! ceux d'entre les enfants d'Israël, disciples d'Abraham, de Moïse et des prophètes, qui ont adopté le livre de la lumière, ont-ils changé de religion? Non, ils ont complété celle de Moïse et des prophètes.

Sid Mahomet, en venant instruire les idolâtres de l'Arabie, a-t-il enseigné un commencement d'Islam, à peu près comme avaient fait Moïse et les prophètes? ou a-t-il enseigné un Islam plus

parfait que celui de Aïça, le confirmateur des prophètes (moussadiquan)? ce serait une dérogation à la marche de Dieu et de la nature, qui vont par degré à la perfection, et ne commencent jamais par ce qui doit être le complément. Mais enfin, si l'Islam prêché par sid Mahomet était plus parfait que celui de séidna Aïça, en passant de l'Évangile au Koran, comme le cadi semble me le conseiller, je ne changerais pas de religion, je compléterais celle où je suis né; de même, si l'Islam de l'Evangile, le livre qui éclaire, reste supérieur à celui du Koran, celui d'entre vous qui passerait à l'Islam de l'Évangile, ne changerait pas de religion, il compléterait celle où il est né.

MUPHTI. Le cadi avait raison de dire que si le babas se range parmi nous, il le fera avec connaissance de cause, avec conviction; il ne nous trompera pas comme ont fait tant de chiens de chrétiens.

PRÊTRE. Le vrai chrétien est fidèle à Dieu comme le chien à son maître; c'est à ce seul titre qu'il mérite la qualification de chien; et vous m'honorerez, Messieurs, en me comptant parmi les chiens.

CADI. Mais, à ce compte, nous devons revendiquer le nom pour nous.

PRÊTRE. Libre à vous, Messieurs, de le porter à d'autres titres; mais je n'ai pas encore pu m'apercevoir que vous le méritiez au titre d'une fidélité agréable à Dieu, c'est-à-dire d'une fidélité éclairée, basée sur la conviction; c'est impossible! MUPHTI. Nous n'avons pas de conviction! Je me ferais couper la tête pour notre prophète.

PRÊTRE. Le bédouin de la montagne et le hammel des rues (portefaix) se feraient aussi couper la tête, et ils seraient louables; c'est le meilleur raisonnement de ceux qui n'ont pas de tête. Mais le muphti et le cadi, pour honorer leur prophète, doivent le montrer les preuves à la main, sous peine de se déclarer les faux ansars (auxiliaires) d'un faux prophète. Oui, Messieurs, vous ne savez pas le tort que vous faites à votre cause, en la défendant sans armes ; quoique je sois avec conviction dans l'Islam de séid Aïça, si vous m'aviez démontré que celui de sid Mahomet est mieux fondé, déjà je serais des vôtres. Vous voyez que je ne refuse pas d'examiner, de peser vos preuves; mais je n'en trouve aucune qui ait la moindre consistance, ce sont des fantômes échappant à la main qui veut palper, s'évanouissant à l'œil qui les regarde en face.

Vous dites que sid Mahomet est un prophète envoyé de Dieu; mais nul signe, firman de Dieu, qui accompagne sa mission; vous dites qu'il a été annoncé par les autres prophètes, par séid Aïça lui-même, et nous cherchons en vain le passage renfermant cette prétendue promesse; vous dites que les chrétiens ont fait disparaître ce verset, et si vous avez réfléchi, ou plutôt si vous n'avez pas mis un bandeau sur vos yeux, vous avez vu l'injus tice, pour ne pas dire l'absurdité d'une telle assertion. Jusqu'ici je ne vois donc, dans sid Mahomet, que le Napoléon de son siècle; je dis trop: Napoléon n'était pas prophète, et ne s'est pas dit prophète; Napoléon a été vrai et sage.

CADI. Babas, nous le voyons clairement, tu penses mal de séid Mahomet.

PRÊTRE. J'admire son génie.

MUPHTI. Son génie!

PRÊTRE. Oui, Messieurs, et quand je prononce ce mot, l'ombre de Mahomet applaudit que je lui reconnaisse un titre qu'elle a mérité pour toujours, comme elle s'apitoie quand vous répétez le nom de prophète, qu'elle n'a voulu emprunter que pour un temps.

CADI. Subhanou! (Dieu écarte l'outrage!)

MUPATI. Subhanou! Chitan des enfers, les sept cieux en ont frémi!

PRÊTRE. De grâce, Messieurs, calmez-vous; honorez sid Mahomet comme je l'honore.

MUPHTI. Tu le maudis; et tu oses dire...! PRÊTRE. Je le vois, vous n'êtes pas assez calmes pour discuter. Je n'ajoute qu'un mot, et le Koran me le fournit Séid Aïça, ceux-là seuls feront partie de la famille des Écritures qui croiront en lui avant leur mort, et auxquels il rendra témoignage au jour de la résurrection :

:

و ان من

القيمة اهل الكتب الا ليومن به قبل موته و يوم

(Sourate, les Femmes, v. 157.) lugu peale at

Au Koran, ajoutez le témoignage des grands commentateurs, vous verrez que le règne de séid Aïça doit s'établir après celui de Mahomet sur toute la terre, et c'est Mahomet qui l'a dit. Il a déclaré que séid Aïça était la parolé de Dieu, le complément des prophètes ; il annonce que séid Aïça doit venir après lui pour compléter l'œuvre

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