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ces poltrons reprochent en face leurs crimes aux tyrans, et un grand nombre de prosélytes marchent à leur suite. Pour ceux qui ne savent pas reconnaître la puissance de Dieu dans ces hommes, Dieu va la leur rendre plus sensible; il va permettre qu'on brise ces instruments, mais il se servira de leurs cendres : les haouariouna sont mis à mort, et leur sang devient une semence de chrétiens. Ainsi agissait Aïça; il a voulu montrer dans la mission de ses kalifes la puissance divine, comme il l'avait montrée dans la sienne. Il s'était laissé mettre à mort pour reprendre lui-même la vie, et prouver ainsi son origine. Ainsi, d'un côté, les armes de l'homme nulle part et la puissance de Dieu partout; de l'autre, les armes de l'homme partout et la puissance de Dieu nulle part. Que le muphti et le cadi rapprochent de ceci ce que nous avons déjà vu au sujet du firman de séid Aïça et de l'absence de firman dans séid Mahomet, et comme ils sont sincères, ils devront avouer que si le fils d'Abdallah a prouvé qu'il était un habile et brave guerrier, le fils de Marie a prouvé qu'il était le sceau des prophètes, la parole, le fils de Dieu.

CADI. Oui, nous sommes sincères; à ce titre et au titre d'hommes de loi, nous devons dire au babas que sa conclusion pèche par deux endroits. Il conclut que séid Aïça est la parole de Dieu, le fils de Dieu; conclusion inutile: parole de Dieu est dans le Koran; fils de Dieu, nous l'avons vu, se déduit par voie de conséquence. Il conclut que séid Mahomet n'est qu'un guerrier réformateur

de l'Arabie; conclusion exagérée : nous avons bien vu que le fils d'Abdallah, fils d'Abdelmotalleb, n'a montré le firman de Dieu ni par ses miracles, ni par un héroïsme de pureté, ni par la sublimité de ses enseignements, ni par la prédiction des Écritures, ni par l'établissement de sa doctrine; mais ce n'est pas à dire pour cela que le firman ne se trouvera pas plus tard.

PRÊTRE. Peut-être dans quelque pli de son bernous:

MUPHTI. Ia babas! Tetmeskhar aléina (tu te moques de nous)!

PRÊTRE. Je complète la conclusion.

CADI. A demain mes instances.

PRÊTRE. En challah. Restez en paix, Messieurs. MUPHTI et CADI. Que la paix t'accompagne.

DIALOGUE XIII.

ENTRE LE PRÊTRE, LE MUPHTI ET LE CADI.

SUJET Le culte de l'Islam, au lieu de présenter une pureté modèle, est entaché d'idolatrie.

§ I.

(Compliments.) CADI. Je l'ai trouvé!.... J'ai trouvé le firman du prophète : ce sont la pureté dans le culte et l'unité dans la doctrine.

PRÊTRE. L'unité est, en effet, l'image de Dieu; c'est le sceau empreint à tous ses ouvrages; la pureté doit être la première condition d'un culte, expression d'une religion émanée de Dieu. J'aime à rendre hommage à la vérité partout où je la trouve, parce que rendre hommage à la vérité, c'est rendre hommage à Dieu. Je serai donc reconnaissant au cadi s'il veut bien faire ressortir l'unité de sa doctrine et la pureté de son culte; et quoiqu'il fallut naturellement commencer par la doctrine, commençons par le culte, puisqu'il a été nommé le premier. Ce qui compose le culte, ce sont le temple, les ministres et les cérémonies.

Veuillez d'abord me dire, Messieurs, en quoi consistent vos temples.

CADI. Nos temples ont ordinairement la forme quadrangulaire. Mais n'importe la forme : ce qui est essentiel, c'est que le mihrab soit tourné vers la Becca (Mecque), parce que le temple de la Becca est la kebla dans nos prières.

PRÊTRE. Quelle est donc la cause du respect particulier qui se rattache au temple de la Mecque?

MUPHTI. Là se trouvent quatre objets sacrés: le temple de la Kaaba (quadrangulaire), ou béit Allah (maison de Dieu); la pierre noire, placée à droite de l'entrée; la pierre blanche, à gauche, et le puits de Zemzem, qui se trouve hors du temple.

PRÊTRE. Voilà bien des objets de vénération; veuillez me donner un mot d'explication sur chacun, commençant par la Kaaba.

MUPHTI. La Kaaba est presque aussi ancienne que le monde. Adam, chassé du paradis, demanda à Dieu qu'il lui fut permis de bâtir un temple pareil à celui qu'il avait vu dans le séjour de délices. Dieu lui en envoya la représentation sur des rideaux de lumière. Ce plan descendit perpendiculairement sur la Becca. C'est vers cette merveille que notre premier père se tournait dans ses prières. Après la mort d'Adam, Seth bâtit un temple sur ce beau modèle. Après le déluge, Abraham et Ismaïl reconstruisirent l'édifice. Voilà, en abrégé, l'historique de la Kaaba.

PRÊTRE. Que signifie la pierre noire?

MUPITI, La pierre noire est tellement vénérable qu'elle est appelée la main droite de Dieu sur la

terre. En voici l'origine : elle tomba du paradis avec Adam; elle fut conservée pendant le déluge; l'ange Gabriel l'apporta à Abraham dans le temps où il reconstruisait la Kaaba. Cette pierre était d'abord blanche; elle a été noircie par les péchés du genre humain, d'autres disent par l'attouchement

d'une femme.

PRÊTRE. Et que dites-vous de la pierre blanche? MUPHTI. Les uns disent qu'Abraham se tenait sur cette pierre quand il bâtissait le temple; elle s'élevait et s'abaissait à volonté, comme un échafaudage aérien; d'autres prétendent que c'est sur cette pierre qu'il se tenait pendant que l'épouse d'Ismaïl lavait la tête au patriarche, dans une visite qu'il fit à sa bru. Les pèlerins doivent boire dans cette pierre de l'eau de Zemzem.

PRÊTRE. Qu'est-ce que c'est que le puits de

Zemzem?

MUPHTI. C'est le puits que trouva Agar dans le désert, pour étancher sa soif et celle du petit Ismaïl. Agar s'arrêta, et cria à son fils: Arréte, arréte, zem, zem! C'est le nom qui est resté au puits. L'eau de ce puits est sacrée ; voilà ce qui justifie la kebla de nos prières.

PRÊTRE. Tu as prononcé le mot de pèlerins : aie la complaisance de me dire de quelle manière se fait le pèlerinage à la Mecque. Ceci paraît un peu en dehors de la question; mais nous ne la perdrons pas de vue, et il est permis de s'écarter du chemin pour participer à un pèlerinage.

MUPHTI. Les pèlerins se réunissent dans un endroit de la Becca, mais en dehors du temple.

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