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d'une fois a captivé Carthage sous sa puissante voix, sont la plus belle antiquité qui nous reste de l'Afrique.

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Carthage en ruines conserve la suprématie de son nom magique. Le fier antagoniste de Sylla se croit vengé de sa défaite en répondant à l'esclave: « V'a dire à ton maitre que tu as vu Marius assis sur les ruines de Carthage (1). » Au onzième siècle, un grand pape (2) répond à l'un des trois évêques qui restaient des six cents siéges d'Afrique « Carthage, soit qu'elle reste ensevelie sous ses ruines, soit qu'elle se relève triomphante, sera la métropole de toute l'Afrique.

Carthage, n'est-elle plus qu'un nom? ou conserve-t-elle un signe de vie? Depuis le décret de Caton, comme si tous les peuples qui ont passé sur ce théâtre, avaient affecté d'écrire sur leurs drapeaux la devise delenda Carthago, tous ont détruit les Romains ont détruit, les Vandales ont détruit, les Byzantins ont détruit ; les Arabes, personnification de la destruction, n'ont pas laissé pierre sur pierre. Enfin, un Juste venait pour réédifier; mais non, c'était pour s'offrir en holocauste et purifier de ses cendres les ruines de Carthage. S'il n'a pas trouvé sa mort au sein du triomphe, le triomphe se trouve dans sa mort. Depuis 1270, le nom de saint Louis planait comme un ange tutélaire sur les rives solitaires de Carthage. C'était le seul espoir de Rachel désolée.

(1) Tite-Live. (2) Léon IX.

En 1840, il se rencontre enfin un illustre neveu qui ouvre un temple au grand nom, au nom béni de son aïeul. La croix, plantée sans effusion de sang sur le lit de mort de saint Louis, n'est pas seulement un monument religieux, national, digne de prendre rang parmi les grands faits accomplis dans la première moitié du dix-neuvième siècle, c'est de plus l'étendard d'une civilisation nouvelle. Achmet, bey de Tunis, ne se plaît-il pas à citer ce monument, où la miséricorde et la vérité se sont rencontrées, où la justice et la paix se sont embrassées, comme un gage d'union civilisatrice? N'est-ce pas à l'ombre de cette croix qu'a commencé l'affranchissement de l'esclavage à Tunis?

En 1843, une famille, pour échapper aux mauvais traitements de son maître, avait cherché un asile auprès du santo, sultan des Français. C'étaient mari, femme et enfants. A la demande du représentant de la France, le bey donne la liberté à cette famille, et déclare libre pour l'avenir tout enfant qui naîtrait de parents esclaves.

N'a-t-on pas vu ce prince, poursuivant ses idées civilisatrices, traverser les mers, parcourir la France, comme un autre Anacharsis cherchant la sagesse?

Enfin, à l'ombre de la chapelle de Saint-Louis, ne voit-on pas d'autres œuvres de civilisation?

La régence de Tunis possède deux établissements de sœurs de la charité, l'un à Tunis, l'autre à Sousa, quatre écoles de petites filles, trois écoles de garçons, le collége Saint-Louis, une salle d'asile et une école gratuite; ces divers établisse

ments sont fréquentés par plus de trois cents élèves de diverses nations et de divers cultes; pour les malades: l'hôpital Saint-Louis, une infirmerie et des soins à domicile, le tout sous la haute surveillance du vicaire apostolique de Tunis, la protection spéciale de la France, avec le concours des agents des autres puissances, et à la grande satisfaction du bey de Tunis.

L'élan est donné; mais, pour seconder l'élan d'un peuple, il ne suffit pas des efforts de quelques personnes isolées, il faut le concours d'un autre peuple.

Afin d'entretenir et de développer le bien commencé, nous émettons le vœu de voir se former une association religieuse et civilisatrice pour l'Afrique. Et qui pourrait ne pas ambitionner de porter sa pierre à la reconstruction de ce grand édifice? Amis de l'histoire et de l'antiquité, Carthage et ses environs sont une terre féconde à exploiter; archéologie, numismatique, inscriptions puniques et latines, vos associés des rives africaines se feront un devoir de tout vous communiquer, et de demander, avec le concours de vos offrandes, celui de vos lumières. Le musée naissant de Saint-Louis à Carthage possède déjà quelques intéressants objets de divers genres.

Amis de la civilisation, nous sommes aux avant-postes, aidez-nous.

Enfants des croisés, et à ce titre je m'adresse aux Français, et à tous les peuples civilisés, arborez le labarum de la charité, et combattez un vaillant combat.

Saint Louis, avant d'expirer, prononça ces mots : Qui enverrons-nous à Tunis? Que chaque Français, que chaque Européen entende ce vou comme adressé à lui-même, et se rende à Carthage et à Tunis par le concours de la science et l'effusion de ses largesses. Associons les successeurs des Numides aux enfants de l'Europe, Carthage à Rome, la chapelle de Saint-Louis à la Sainte-Chapelle, à saint Denis.

C'est dans le but de nous procurer quelques ressources pour les œuvres fondées à Tunis que nous publions les dialogues ci-après. Quant au fond des questions, nous avons moins prétendu le traiter que faire naître à d'autres l'idée de le faire. Le champ est vaste, et le musulman est plus accessible au raisonnement qu'on n'a coutume de le penser. Il faut seulement faire attention, en causant avec lui, d'éloigner toute apparence d'esprit de prosélytisme, un des premiers devoirs prescrits par le Koran étant de fuir ceux qui parlent contre la religion.

C'est ce qui explique la manière peu normale de procéder dans ces dialogues. Aucune question grave n'y est sérieusement traitée. Ce qui aurait dû, ce semble, être posé comme principe, est laissé pour conséquence, et cette conséquence reste à deviner.

Le guerrier qui désespère de prendre la place d'assaut, cherche à s'y introduire par quelque voie détournée.

NOTA. En attendant que l'association dont nous avons émis le vœu, se soit organisée, les personnes qui auraient l'heu

reuse pensée de s'associer à nos œuvres, voudront bien adresser leurs offrandes à M. l'abbé Bourgade, à Tunis, ou bien à M. le Curé de leur paroisse, qui aura la bonté de les faire parvenir à leur destination.

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