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pu dire le babas, les musulmans entretiennent les chrétiens dans un acte continuel de superstition et d'idolâtrie, ils sacrifient la vérité au mensonge. Oui, et ceci je l'ajoute de moi-même, nier la mort et la résurrection de séid Aïça, c'est vouloir que les clefs du Saint-Sépulcre servent à ouvrir les portes de l'enfer à ceux qui fond la garde des saints lieux. Mais on ne comprend pas.

§ III.

MUPHTI. J'ai demandé au marabout pourquoi les chrétiens adorent la Croix et les images. CADI. Que t'a-t-il répondu? ceci est un peu plus difficile.

MUPHTI. Ce n'est pas du tout ce que nous pensions. Le marabout m'a répondu que les chrétiens n'adorent point les images, qu'ils s'en servent seulement pour penser plus facilement à l'objet qu'elles représentent, de même que dans nos mosquées, dit-il, nous plaçons des versets du Koran et le croissant, et que nous nous tournons vers le Mihrab, non pour adorer ces signes, mais pour exciter en nous les sentiments religieux. CADI. Vraiment, c'est comme cela?

MUPHTI. Comme cela, ni plus ni moins.

CADI. Je te l'avoue, il m'a toujours paru un peu étonnant que les chrétiens, qui ont tant de compas pour le reste des choses, fussent ignorants en matière de religion au point d'adorer du bois; du reste, ce que nous avons traité tout à l'heure, nous dispensait de toucher cette question. Nous

avons vu que les vrais chrétiens sont sur le chemin du paradis; ils marcheraient dans le chemin opposé s'ils étaient idolâtres; non, les chrétiens ne peuvent être ni polythéistes ni idolâtres.

MUPHTI. A qui peut s'appliquer le mot flétrissant d'idolâtre, que séidna Mahomet répète si souvent dans le Koran?

CADI. Évidemment aux Arabes de son temps, qui refusaient de se convertir, comme les adorateurs de Tagout, ceux qui sacrifiaient sur les collines Safa et Meroua, ceux enfin qui s'abandonnaient au culte d'Ozza et de Menat, qu'ils regardaient comme filles de Dieu.

MUPHTI. Il faut convenir que les musulmans sont dans une erreur bien grossière et commettent une grande injustice à l'égard des chrétiens, en les comprenant au nombre des idolâtres.

CADI. Dieu est clément et miséricordieux. Excuse, le devoir m'appelle chez moi. Penses-tu voir encore le marabout?

MUPHTI. Je l'espère. Je suis même comme certain qu'il me rendra la visite que je lui ai faite.

CADI. Si je savais le jour et l'heure, je me transporterais chez toi. Je suis désireux de connaître cet homme et de causer avec lui.

MUPHTI. C'est chose facile; quand le marabout sera entré chez moi, j'enverrai quelqu'un pour t'en prévenir.

CADI. Tu me ferais plaisir. Reste en paix.
MUPнTI. Va en paix.

DIALOGUE IX.

ENTRE LE PRÊTRE CHRÉTIEN, LE MUPHTI ET LE CADI.

SUJET L'Évangile au-dessus du Koran, Jésus-Christ audessus de Mahomet de l'aveu même du Koran. - Napoléon a autant de titres que Mahomet à être appelé prophète. Rien ne prouve que Mahomet ait eu une mission divine. Il n'a pas fait de miracles. Les chrétiens n'ont pas fait disparaître le passage où l'on prétend que se trouve prédite la mission de Mahomet. Le muphti et le cadi espèrent convertir le prêtre; réponses de celui-ci.

S I.

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MUPHTI. Louange à Dieu! nous ne sommes pas dans les ténèbres; les astres brillent dans ma maison.

CADI. Fasse Dieu que ces astres brillent d'un éclat de plus en plus pur!

PRÊTRE. Fasse le ciel qu'ils imitent le plus beau et le plus bienfaisant des astres, qui féconde la nature en même temps qu'il l'éclaire!

CADI. Il en serait ainsi si nous empruntions la lumière à un foyer commun.

MUPHTI. Prends garde, babas, le cadi veut faire de toi un musulman.

PRÊTRE. Le cadi parle juste. Dieu avait formé

un seul peuple. Les hommes ont divisé ce que Dieu avait uni; mais ils n'ont pu éteindre le foyer de ce que nous appelons, vous et moi, le livre de la lumière.

CADI. Oui, mais ce livre n'éclaire que les croyants, et pas de vrais croyants, si ce n'est les musulmans.

PRÊTRE. Louange à Dieu! ta doctrine est la mienne.

CADI. Tu es donc musulman?

PRÊTRE. Grâce à Dieu, je l'ai déjà dit au muphti, je suis musulman; tous les chrétiens le sont, et nul ne peut se dire vrai chrétien s'il n'est musulman.

CADI. Tu nous apprends-là une chose nouvelle! PRÊTRE. Tant de choses sont appelées nouvelles, tandis qu'elles sont fort anciennes ; l'Amérique est appelée nouveau monde, et nos ancêtres l'avaient connue; mais elle avait été oubliée. Bien des connaissances que nous appelons nouvelles aujourd'hui, n'étaient pas nouvelles à Salomon; pour Dieu rien n'est nouveau, parce qu'il n'oublie rien, et Dieu nous défend d'oublier le livre de la lumière.

MUPHTI. Est-ce que l'Evangile dit que les chrétiens sont musulmans?

PRÊTRE. L'Evangile le dit, le Koran le dit. CADI. Quelque Évangile et quelque Koran falsifiés par les chrétiens.

PRÊTRE. Le chrétien ne falsifie pas les Écritures, il les étudie avec respect, et avec l'aide de Dieu il cherche à les comprendre. Vous êtes les doc

teurs de la loi, Messieurs, j'ai lieu de m'étonner que vous me fassiez des difficultés sur un point aussi simple; ouvrez le Koran et lisez.

MUPHTI. Quelle sourate?
PRETRE. Imran, verset 45.

MUPHTI. J'y suis: Aiça s'aperçut de l'infidélité des Juifs, il s'écria: Qui me secondera dans la cause de Dieu ? C'est nous, dirent les apótres, qui seconderons Dieu (1). Nous croyons en lui, et tu témoigneras que nous sommes musulmans (résignés à la volonté de Dieu).

فلما احس عيسى منهم الكفر قال من انصارى الى الله قال الحواريون نحن انصار الله امنا و اشهد بانا مسلمون

CADI. Musulmans... Cela est vrai !... je l'entends et j'ai peine à le croire; ce mot avait entièrement échappé à mon attention.

MUPHTI. Moi, je le vois et j'ai peine à en croire à mes yeux.

PRÊTRE. Ce n'est pas moi qui ai écrit ce mot; ce ne sont pas non plus les chrétiens. Ce Koran est le vôtre... Les apôtres étaient musulmans : eh bien, la foi des apôtres est la nôtre.

CADI. Pour être bon musulman, il ne suffit pas de l'être comme les apôtres. Il faut de plus avoir la croyance d'Abraham, de Moïse, de David et des prophètes.

PRÊTRE. Sid Mahomet se faisait gloire de pro. fesser la foi des apôtres; le cadi fait injure à son

Ce verset du Koran renferme l'aveu que les انصار الله (1)

apôtres reconnaissent Jésus-Christ pour Dieu.

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