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son âme, comme le feu et la lumière pour les besoins de son corps et l'étanchement de ses yeux; ceux-là savent qu'on ne peut étudier le monde qui n'est pas encore, qu'en étudiant le monde qui fut. L'unité de la loi divine a été posée dans les limites de l'organisme humain, moral et physiologique. Cette loi, on ne saurait la méconnaître. Tout ce qui y contrevient d'un atome n'est qu'une rêvasserie d'esprit faux.

Or, si l'homme est plus qu'un animal, dans la bauge de ses sensations, ou une mécanique de fange durcie; si c'est réellement une créature de vérité, il est évident que cette vérité, sa substance nécessaire, lui a été donnée dès l'origine, Dieu n'étant et ne pouvant être injuste pour aucune génération. Or encore, si elle lui a été donnée, il la transmet, ou, quand la transmission en a été faussée ou interrompue, il est tenu de remonter vers elle. Cela est

inévitable. De troisième parti, je n'en connais pas. Eh bien, dans cette double hypothèse, le Progrès, comme l'entend, je ne dis pas la Raison, mais l'Imagination moderne, n'existe pas, et ne peut pas exister. En effet, on l'entend dans le fond des choses... Si ce n'était que le développement de ce qui fut, ce serait le Passé qui se continuerait. Si un anneau repris dans une chaîne brisée, après rupture, ce serait du passé encore, le point de départ, la Vérité fondamentale, le Principe enfin, ne pouvant être détruit par les vérités qui s'en suivent et qui n'ont dû être que les déductions de la vérité première, inébranlable en science sociale, autant qu'en mathématiques, les axiomes. Je sais bien que là, justement, est la question, ou plutôt que la Philosophie l'a mise là; mais voyons! Dieu étant donné, conçoit-on que la création puisse être refaite par des

notions nouvelles, incombant à l'homme tout à coup, au bout de quelques misérables générations! La vérité sociale, c'est donc le Passé qui la contient et qui l'enseigne, et l'Histoire prime tout dans les sciences humaines. Que dis-je? la Rédemption elle-même n'est qu'une rétrogression sublime, par un sanglant et incompréhensible mystère, vers le passé de l'homme déchu de sa primitive innocence.

Ainsi, qu'on y prenne garde! On ne joue point ici au jeu d'osselets des antithèses; on n'invoque pas cette notion devenue scandaleuse du Passé pour l'opposer stérilement à la notion d'un Avenir mystique, devenue populaire; on ne veut pas du passé pour le passé, car en luimême ce n'est qu'une date vide, mais parce qu'il est le plein de Dieu! Parce qu'il est le point de naissance de la lumière,

la lentille condensée et embrasée qui,

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des projections fulgurantes de son inépuisable clarté, balaie autour de nous les ténèbres; parce que l'homme enfin, dans la vie de l'histoire, comme dans la vie physique, ne voit devant lui et ne s'aperçoit lui même, ombre maigre sur une terre qui passe, qu'à la condition éternelle d'avoir toute la lumière à dos! Cela posé, qu'on y songe et qu'on le comprenne! plus on s'éloignera du Passé, plus on s'éloignera de la Vérité révélée,de l'enseignement, de l'origine où tout existe, non du côté de l'homme, que Dieu commence et qui s'achève seul, mais du côté de Dieu, qui, dans l'indivisibilité de sa durée, n'a pas attendu les évolutions du Temps pour donner à l'homme la suffisance de vérité qui le rend apte à la vie morale et sociale! Quand un écrivain (1) de la

(1) M. Saint-Bonnet, dans les Temps présents.

filiation des Joseph de Maistre et des Bonald, écrivait dernièrement comme nous eussions pu l'écrire Le Passé, c'est le Possible, mesuré à la nature humaine; l'Avenir ne le dépassera pas! il pouvait avoir cette certitude, il pouvait affecter cet aplomb cubique dans l'affirmation de sa pensée. Six mille ans d'histoire sont un assez puissant aval de garantie à la faible parole d'un homme! Seulement, l'avertissement était inutile. L'Avenir essaiera, soyons-en sûrs! Il brisera le Passé, le dégradera, le reniera comme jamais il ne

M. Saint-Bonnet sera bientôt connu de tout ce qui pense en Europe. Il est l'auteur d'un livre qui renverse sens dessus dessous les idées modernes, et dont le titre ne dit pas, selon moi, comme il faudrait, l'énorme portée : De la Restauration française. L'esprit des Prophètes du Passé est en ce jeune homme, à l'aurore d'une gloire qui deviendra un bien beau jour.

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