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fut brisé, dégradé et renié; mais oui, pour le dépasser, impossible! Un peuple meurt, un autre tombe, une part du globe se sèche et pèle comme une tête frappée d'une teigne maudite; mais si le Dieu qui n'éteint pas le flambeau fumant et n'achève pas le roseau brisé, n'a pas juré d'éteindre, sous son pied vengeur, sa coupable planète, l'humanité, c'est-à-dire l'homme, plus solide que des théories ne sont homicides, n'éclatera pas comme un fragile condamné, tiré qu'il soit aux quatre chevaux indomptés de ce Progrès, aiguillonné par les folles lances de tous ces bourreaux intellectuels! Dégradations, transformations, obscurités, ruptures dans le fil étincelant de la Tradition; cela s'est vu, cela va se voir encore, mais tant mieux peut-être ! La sauve-garde est là. Il est une seule institution dans l'histoire qui remonte jusqu'au point de départ de la pensée et de la matière ; jusqu'à

l'axiome fondamental d'où la société humaine est sortie, comme une mathématique vivante. L'Église catholique prend, seule, le passé tout entier, parce qu'elle saisit l'homme dans ce qu'il a d'un et d'immuable; et, pour peu qu'on l'étudie dans ses enseignements, elle montre que toutes les sociétés les mieux faites sont celles qui sont sorties de la notion de Dieu, comme elle la conçoit et la pose. Car toute société comme toute philosophie, se résume dans une théodicée. Une théodicée, c'est le dénouement de tous les problêmes dans la réflexion de l'humanité; c'est le dernier mot de toutes les civilisations!

Y reviendra-t-on à cette notion Catholique de Dieu, que la philosophie se donne pour mission de détruire et qui, autour de nous, reconstruirait le passé avec des éléments nouveaux ?... Voilà la question pour le monde moderne, pour l'Europe,

pour la France. Aujourd'hui, il ne faut être ni de Maistre, ni Bonald, ni Chateaubriand, ni Lamennais, il ne faut qu'être homme, pour entrevoir ce qui va suivre... Les bêtes sentent l'orage quelques minutes avant l'orage... les hommes aussi. Un immense frissonnement court déjà le long de l'échine de la vieille Europe et lui lève le poil sur son corps épouvanté. Les Événements, ces Muets de la Providence, comme des canonniers à leurs pièces, sont près de laisser tomber l'étincelle... qu'arrivera-t-il? On doit avertir; mais qui peut conseiller? Autrefois, du temps de ces incendies qui étaient la rente d'hécatombes que Constantinople payait à la Fatalité, le vrai dieu des Turcs, si le feu prenait dans la nuit, nulle voix ne s'entendait aux Sept-Tours; mais la Sultane favorite effarée ceignait vite ses tempes d'un turban rouge et surgissait tout à coup,

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sans dire un seul mot, devant le Sultan. Aujourd'hui, à l'exception de trois têtes de Roi, dignes de leurs couronnes (1) et sur lesquelles repose la sécurité de l'Europe, mais comme un viager hazardeux, la plupart des Gouvernements et des peuples ressemblent à des Sultans engourdis de vieillesse et de scepticisme, ce double

(1) Ces trois souverains qu'on pourrait se dispenser de nommer, car on ne saurait se méprendre à la beauté de leur attitude déjà historique, sont l'empereur de Russie, le jeune empereur d'Autriche et le roi de Naples, ce glorieux Bomba, au surnom écrit par la foudre sur les lèvres de ses ennemis. Qui sait ce que des individualités si hautes, avec l'instinct religieux de leurs devoirs de chefs de gouvernement, feront entrer dans ce que les niais appellent les hasards de la fortune? Les panthéistes dépaysés par les événements parlent de la force des choses: moi, je ne crois qu'à l'âme humaine en histoire. On ne connaît pas assez le poids d'une grande âme dans les destinées des nations.

opium qui donne la mort. Quand même il y aurait pour eux, parmi ceux qui les aiment et qui voudraient les sauver, un favori qui pût se lever devant leur faiblesse, en leur montrant à son front, fût-il éclatant de génie, le terrible bandeau écarlate le signe du Feu qui dit aux yeux la vérité de l'incendie et l'approche furieuse du fléau... le verraient-ils? Et s'ils le voyaient, sortiraient-ils du lâche hébètement dans lequel ils vivent, en attendant de mourir ?...

FIN.

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