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De la recherche des eaux souterraines au moyen de la sonde.

Des puits artésiens ou fontaines jaillissantes.

Si je ne suis pas très-partisan de la recherche des mines au moyen de la sonde, et si j'ai placé ce mode de recherche en dernière ligne, comme étant le moins satisfaisant de tous, à mon avis, je pense tout différemment par rapport à la découverte des eaux souterraines, bien qu'elle présente aussi de grandes difficultés à vaincre; mais au moins on ne peut pas rester dans l'incertitude, et jusqu'ici le sondage est le seul moyen de ramener à la surface de la terre ces sources abondantes qui circulent dans ses entrailles, et qui sont appelées à féconder et à embellir les campagnes les plus stériles et les plus mal arrosées.

La première idée de créer des fontaines jaillissantes appartient aux Français; elle fut mise à exécution dans l'Artois, d'où est venu le nom de puits artésiens, qu'on leur donne ordinairement, et c'est encore à un ingénieur français, M. Garnier, que l'on doit un bon traité sur l'art du fontenier-sondeur, qui a remporté le prix proposé par notre excellente Société d'encouragement.

Cette découverte est donc toute française, et quoiqu'on l'ait exportée de l'autre côté de la Manche et dans les États-Unis d'Amérique, où on lui a donné plus de suite qu'en France, l'honneur de l'invention nous appartient tout entier, et je ne saurais mieux faire pour donner une idée de cet art si neuf et si important, que d'extraire ce que je crois devoir en dire, de l'excellent ouvrage que je viens de citer, et auquel je renvoie pour les détails qui sont particuliers à la recherche des sources jaillissantes et montant de fond (1).

On avait cru, et M. Garnier lui-même l'avait avancé dans son ouvrage, que toute autre espèce de roche que le calcaire ne pourrait présenter les mêmes avantages pour la recherche de ces fontaines, mais l'expérience est venue nous donner un heureux démenti; car, ainsi que nous le verrons bientôt, on en trouve tout aussi bien dans les terrains primordiaux que dans les terrains secondaires.

Moyens d'exécution.

Lorsqu'on a choisi la place où l'on désire établir une fontaine

(1) De l'art du fontenier-sondeur et des puits artésiens, par François Garnier, ingénieur des mines. Ouvrage couronné par la Société d'encouragement, et imprimé par ordre du Gouvernement.

jaillissante, on forme, afin d'éviter de construire un échafaudage et pour pouvoir en même temps travailler avec facilité, une excavation pyramidale de 18 pieds de profondeur environ, dont la pointe est tournée en bas et dont la base, qui a 18 pieds de côté (6m), se trouve à la surface du terrain : les quatre côtés de cette espèce de trémie sont garnis de palleplanches et soutenus par plusieurs cadres, qui vont toujours en diminuant à mesure que l'on approche du fond, de manière à ce que le dernier n'a plus que 8 pieds de côté : cette excavation, ainsi boisée et garnie de porteurs, permet aux ouvriers d'y descendre sans craindre le moindre éboulement, quand bien même le terrain ne serait composé que de sable fin. Arrivé là, on fait agir la sonde garnie d'une tarière, et l'on donne au trou un diamètre assez grand, pour que l'on puisse y enfoncer à coups de mouton des espèces de tuyaux carrés d'un pied de côté intérieurement, composés de planches épaisses et bien jointées. Ces tuyaux se nomment coffres en terme de l'art, et comme il importe infiniment qu'ils s'enfoncent en conservant un aplomb parfait, deux grillages, qui sont eux-mêmes ajustés avec tout le soin possible, les conduisent et leur servent de guide jusqu'au moment où ils pénètrent dans le trou de sonde.

Lorsque ce premier coffre, qui est armé inférieurement d'un sabot d'acier bien tranchant, est enfoncé de quelques pieds dans le trou de sonde, on en ajoute un second à sa partie supérieure; on fait agir la sonde, afin de faire du vide au-dessous, et l'on continue ainsi à enfoncer tout à travers le sable mouvant, jusqu'à ce que l'on atteigne au point où la chute du mouton cesse de l'enfoncer, ce qui arrive ordinairement à 8 ou 10 mètres au-dessous du fond de l'excavation pyramidale; mais comme ce premier coffre a des dimensions telles qu'on peut en introduire jusqu'à quatre dans son intérieur, on en passe un second, qui est par conséquent plus petit que le premier de toute l'épaisseur des planches et du jeu nécessaire à son intro

duction.

La manœuvre est la même, tant avec la tarière qu'avec le mouton, et l'on parvient ainsi à passer les terrains les plus mouvans et les plus meubles, sans que leur pression et leur espèce de fluidité apportent le moindre empêchement à la continuation du travail qui reste à faire.

Parvenu au terrain argileux, on fait agir la tarière comme nous l'avons dit en parlant de la recherche des minerais, avec cette seule différence, que l'on donne généralement plus de

largeur au trou, 7 pouces et 1/2 et plus, parce que l'on doit y introduire des tuyaux ronds que l'on nomme buses et qui doivent former le vide intérieur de la fontaine jaillissante. Ces buses sont des tuyaux de bois forés avec soin, qui ont 10 pieds de long, 7 pouces de diamètre extérieur, 2 pouces d'épaisseur et par conséquent 3 pouces de canal; ils s'assemblent bout à bout comme les tuyaux de pompe ou les chenaux de conduite. Il faut que ces buses traversent les argiles, qui ne contiennent que des eaux non potables, et qu'elles pénètrent un peu dans le calcaire, afin que les eaux salubres que l'on trouve ordinairement dans ces roches, ne se mêlent point avec celles des glaises, qui sont hydro-sulfureuses, et qui ne conviennent même pas toujours à l'irrigation des prairies ou à l'arrosage des jardins. On continue le sondage à travers les bancs calcaires, jusqu'à ce que l'on ait rencontré un volume d'eau assez puissant et qui monte du fond de manière à s'approcher de la surface et souvent à jaillir de plusieurs pieds au-dessus.

Tout ce qui précède a rapport à la recherche des eaux dans les terrains crayeux de l'ancienne province d'Artois, qui présentent pour difficulté essentielle le passage des sables mouvans, l'enfoncement des coffres, des buses et l'isolement des bonnes eaux d'avec les mauvaises, et c'est dans l'ouvrage de M. Garnier qu'il faut aller chercher les figures et les détails d'exécution, qui sont infinis et qui contribuent puissamment au succès de l'établissement de ces précieuses fontaines.

Exemples de fontaines jaillissantes exécutées avec succès dans différens terrains.

Il nous reste à rapporter les exemples qui prouvent que l'on peut ramener à la surface de la terre des sources montant du fond en sondant des terrains tout différens de ceux qui constituent le sol des environs de Paris et celui du département du Pas-de-Calais, où les puits artésiens ont pris naissance.

Je trouve dans le Recueil industriel de M. de Moléon un excellent mémoire anonyme sur les fontaines souterraines ou puits artésiens, dont j'extrais quelques passages (1).

« Le premier exemple de ces fontaines fut donné en France, » où elles portent le nom de puits artésiens; elles y sont en-» core peu nombreuses, tandis qu'en Angleterre elles y sont >> innombrables: elles ne sont introduites aux États-Unis que

(1) Recueil industriel, tom. IV, pag. 335.

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depuis 1824, et déjà elles s'y multiplient de toutes parts, >> même pour le service public et pour celui des campagnes ou » des établissemens industriels.

» En Angleterre ce ne sont pas les gens de luxe qui font les » frais de ces fontaines, ce sont les petits bourgeois, les arti» sans, les paysans et les plus petits villages pour le service

» commun.

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>> Plus de moitié de ces fontaines jaillissent plus ou moins haut; mais celles qui ne jaillissent pas ne sont guère moins » utiles; car la pompe la plus active ne peut les épuiser, et >> l'excellence de leurs eaux est très-remarquable.

>> La température de ces eaux s'élève en raison de la profon>> deur à laquelle on a été chercher la source (10 à 16d).

» Les savans d'Amérique sont aujourd'hui d'accord sur le » fait suivant, que l'expérience a constaté partout en Angle>> terre, savoir que l'on peut se procurer des fontaines sur » tous les points, quel que soit le niveau du terrain; mais ils » n'ont pas encore généralement adopté le principe émis par plusieurs, qui est déjà appuyé par une multitude de faits: » que l'eau empruntée aux sources souterraines peut jaillir au» dessus de la surface indépendamment de toute pression gra» vitante. »>

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L'auteur anonyme de cet article pense que les eaux qui jaillissent d'une profondeur de 4 à 5 cents pieds (comme il y en a des exemples en Angleterre), ne sont point le produit des infiltrations supérieures qui alimentent les puits et les petites fontaines; mais que ces jets admirables et inépuisables sont lancés par de grandes artères souterraines, sur lesquelles agissent de grands réservoirs d'air que la terre recèle: il cite à l'appui de cette opinion un réservoir d'hydrogène trouvé en sondant, et qui fit baisser, dès qu'il fut ouvert, le jet de la fontaine de 4 pieds (à Albany, dans la brasserie de Boyd et Cullock).

Les tableaux qui accompagnent cet excellent mémoire, et qui ont rapport aux fontaines souterraines découvertes dans les États-Unis d'Amérique et dans diverses contrées d'Angleterre, prouvent :

1°. Que l'on trouve ces fontaines tout aussi bien dans les terrains primordiaux que dans les terrains secondaires, puisqu'il en cite six dans le granit;

2o. Que l'argile précède souvent la rencontre de l'eau ; mais que ce n'est pas une circonstance essentielle, puisque sur vingt

trois exemples cités aux États-Unis, douze seulement ont traversé l'argile avant d'avoir trouvé l'eau;

3o. Qu'on les rencontre tout aussi bien dans les pays de plaine que dans les pays de montagnes;

40. Qu'on en trouve partout (c'est l'auteur qui parle) avant d'atteindre à 500 pieds; sur les vingt-trois exemples cités pour les États-Unis, un seul a été à 450 pieds, deux ont dépassé 350, deux ont approché de 300, un a été à 210, deux ont dépassé 150, un a été à 104, deux ont approché de 100, et tous les autres ont trouvé l'eau avant d'arriver à cette profondeur; 5°. Que l'on peut modifier et augmenter la hauteur des jets jusqu'à un certain point, par l'insertion d'un tuyau qui les resserre et les soutient, etc.

En Angleterre les fontaines qui jaillissent sont assez communes; sur 180 exemples cités, on en indique 95 qui jaillissent à une hauteur qui varie de 4 à 42 pieds, et dont le produit moyen est de 200 à 250 pintes par minute. Celles qui ne jaillissent pas, ne sont ni moins bonnes, ni moins inépuisables que les autres, et parmi ces dernières celles dont le niveau est le plus bas, ne sont qu'à 18 pieds de la surface.

A Londres on n'en cite point qui jaillissent, tandis qu'elles sont presque toutes jaillissantes dans les comtés d'Essex, de Cambridge, de Stratfortd et de Surrey.

A Hammersmith, dans le Northamptonshire, un M. Brook ayant percé la terre dans son jardin à 360 pieds de profondeur et sur un diamètre de 4 pouces et 1/2 environ, l'eau jaillit avec une telle abondance que dans quelques heures le terrain d'alentour se trouva totalement inondé, que toutes les cuisines furent noyées dans un rayon de plus de 50 toises, et que l'on craignit que les maisons ne s'enfonçassent dans le sol ou ne fussent démolies en dessous. Deux ou trois hommes essayèrent de chasser des bondes de bois et de fer; elles furent rejetées, ainsi que ceux qui s'efforcèrent de les enfoncer. On ne parvint à diminuer le volume de ce jet qu'en insérant une suite de tuyaux de plus en plus étroits (1).

L'auteur termine en annonçant au public qu'il a perfec

(1) Tout nouvellement encore, M. Héricart de Thury nous a fait connaître le résultat obtenu à Épinay, près Paris, d'un sondage qui a ramené à la surface une fontaine trouvée à 201 pieds de profondeur, et dont le produit est de trentesix mille litres par vingt-quatre heures. Un fait très-remarquable, c'est que l'on peut établir plusieurs de ces fontaines les unes à côté des autres, sans que le volume de la première en soit diminué sensiblement.

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