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oublier. Qui vise au plus haut doit attendre au plus haut. Dans le sens de l'infaillibilité de l'Eglise catholique papale romaine, un francmaçon ne peut absolument pas être chrétien. Cette Eglise est un défi jeté non senlement à la société franc-maçonnique, mais encore à toute société civilisée. Voulons-nous, comme de dignes maçons, progresser dans l'esprit de notre association, nous devons alors dire résolument avec Strauss: Nous ne sommes plus des chrétiens, mais seulement des francs-maçons, ni plus ni moins! En voilà assez! Nous devons concentrer notre force sur cela qui réellement est utile à l'homme, l'association humanitaire. Le dillettantisme maçonnique n'apporte que peu d'avantages à l'humanité et peu de considération à notre association. Ou tout l'un ou tout l'autre (1)! »

Les principaux efforts de la Maçonnerie se sont donc tournés contre les pays catholiques depuis un siècle et demi, et c'est ce qui explique les bouleversements politiques constants dont ils ont été le théâtre. Là mème, sa tactique a varié selon certaines circonstances de temps et de milieu qu'il faut exposer.

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TACTIQUE SPÉCIALE DE LA MAÇONNERIE DANS

CERTAINS PAYS CATHOLIQUES.

Ne comprenant pas l'assistance surnaturelle dont l'Eglise de Jésus-Christ est l'objet, les habiles directeurs de la Frauc-maçonnerie ont cru pendant longtemps qu'ils pourraient parvenir à la séduire, au moins dans certains pays, qu'ils pourraient propager avec la connivence des gouvernements légitimes et d'un clergé aux mœurs corrompues leurs pratiques et leurs principes antichrétiens. C'était l'ancien procédé des Gnostiques, des Manichéens, des Albigeois, des Templiers. Weishaupt en a, à son tour, tracé l'esquisse, et l'on connaît le plan complet arrêté en 1818 par la Haute-Vente romaine, pour faire asseoir un affidé sur le siège de Pierre lui-même!

De pareils desseins nous paraissent à nous absolument insensés. Cependant, à la rigueur, leur réalisation partielle serait possible dans certaines églises particulières, si la Providence divine et

(1) Reproduit par Pachtler, Stille Krieg gegen Thron und Altar, 2e édit. p. 58.

la vigilance du Siège apostolique n'intervenaient pas. Dans les pays où la Maçonnerie a adopté cette tactique, elle n'attaque ni la propriété ecclésiastique ni la position privilégiée du clergé; les pompes extérieures de la religion sont maintenues comme une sorte de police pour le peuple. Il lui suffirait que le clergé de ces pays devint expressément ou au moins de fait schismatique et s'enfonçât ainsi dans ces abimes dont un ancien a dit optimi corruptio pessima.

Cette tactique des loges n'a-t-elle pas, à la fin du XVIII° siècle, reçu une certaine exécution dans une partie de l'Allemagne, dans le nord de l'Italie et la Toscane, au commencement de celui-ci en Portugal? On trouvera dans ce volume quelques indications sur l'action maçonnique dans ce dernier pays, qui confirment cette appréciation. Ce qui est certain, c'est que tel était le plan des loges dans le Brésil, nation si profondément catholique, que jamais la secte n'eût pu du premier coup y attaquer ouvertement la Religion. Il a été heureusement déjoué par la vigilance de Pie IX, qui a jeté dans ce pays les germes de la régénération en y envoyant des évèques dont la science et l'énergie ont rompu ces trames si perfidement conçues.

Quand la Maçonnerie en est à cette période d'action, elle professe extérieurement un grand respect pour la Religion et se défend de lui ètre hostile. Mais elle cherche à séparer le clergé du foyer d'unité, elle pousse le pouvoir civil à étendre les limites de ses attributions dans les matières mixtes et mème à empiéter sur les attributions essentiellement spirituelles, sous prétexte qu'il est l'évêque du dehors. Le gallicanisme et le fébronianisme ont été. en leur temps de très utiles auxiliaires de la Maçonnerie, quoique la plupart de leurs fauteurs en fussent probablement inconscients. Aussi la secte ne craint pas, à l'occasion, dans certains pays, de réveiller ces souvenirs surannés inscrits dans la législation civile, quelque grotesque que soit dans sa bouche l'évocation de principes aussi contradictoires avec ses théories d'une société purement humaine.

Les ordres religieux, qui ont précisément pour mission de réchauffer le zèle dans l'Eglise, sont particulièrement odieux à la Maçonnerie, et elle a toujours cherché à séparer leur cause de celle du clergé séculier. Quand les nécessités de sa tactique l'obligent à ne pas attaquer tous les ordres religieux à la fois, elle a oin de distinguer parmi eux ceux dont la direction est à Rome

mème et qui contribuent ainsi davantage à resserrer l'unité catholique. C'est là le secret de ses attaques contre la Compagnie de Jésus. Toujours elle essaie d'abord ses forces contre elle et, quand elle parvient à diviser les honnètes gens à son sujet, elle a gagné un grand point. La guerre au Jésuitisme, en 1760 et sous la Restauration, était son mot d'ordre, comme aujourd'hui le cri fameux : le Cléricalisme, voilà l'ennemi.

§. 4. LA MAÇONNERIE ET LES GOUVERNEMENTS LÉGITIMES.

La conduite des sectes vis-à-vis des gouvernements légitimes a toujours été subordonnée au but suprème qu'elles pour

suivent.

Là où les chefs des dynasties nationales ont consenti à se mettre à la tête de la guerre à l'Eglise, comme en Prusse et en Piémont, elles les ont acclamés: elles leur ont donné, au moins pour un temps, ces royaumes du monde, dont elles semblent pouvoir disposer.

Là où les circonstances locales ont permis d'élever des difficultés sur l'ordre de succession au trône, elles n'ont pas attaqué en lui-même le principe de la légitimité, dont les bons effets sont incontestables, mème au point de vue de la prospérité purement matérielle. Elles se sont bornées à choisir, parmi les branches se prévalant d'un droit d'accession légitime au trône, celles dont les chefs leur ont promis leur concours (1).

Cette conduite a été particulièrement marquée en Portugal et en Espagne. La régente Marie-Christine, parvenue au pouvoir en invoquant à tort ou à raison les principes du droit public espagnol, a inauguré en ce pays le cours de la Révolution. Au sein de cette nation unanimement catholique, des droits constitutionnels ont été spontanément reconnus à l'hérésie et à l'erreur, qui ont ainsi acquis toute facilité de propagande; le clergé a été dépouillé de ses biens, les ordres religieux ont été proscrits. La reine Isabelle, ayant refusé de continuer cette politique, a été chassée. Au

(1) V. dans ce volume le chapitre VI intitulé: Les Sociétés secrètes en Espagne depuis le XVIII° siècle jusqu'en 1832, et particulièrement le % 4.

bout de peu d'années, son fils a été élevé sur le trône par ceux mèmes qui avaient expulsé la mère, pour éviter avant tout le triomphe de don Carlos. Le jeune Alphonse XII est aujourd'hui

inconsciemment probablement l'exemple de ce que peut ètre un roi légitime de la Révolution. Les tentatives faites depuis son règne pour enlever l'enseignement de la jeunesse à la direction du clergé par le ministère Canovas del Castillo, l'étrange proposition d'établissement faite aux juifs de Russie par le ministère Sagasta, montrent bien que là aussi la secte poursuit le plan arrêté dans son centre directeur, indépendamment et pardessus toute question politique purement nationale (1).

Quand la Franc-maçonnerie s'est trouvée en face de dynasties, qui, malgré les défaillances individuelles de leurs membres, sont, par une disposition providentielle et une glorieuse tradition, les serviteurs de l'Eglise, les défenseurs de la vérité, elle dirige contre elles tout son effort.

Tel a été le sort des Bourbons. Lilia pedibus destrue est depuis le XVIII° siècle lè mot d'ordre des sectes. L'histoire contemporaine est là tout entière pour attester avec quelle persévérance il a été exécuté.

Sans parler du devoir propre, qui oblige les citoyens de chaque pays à faire respecter le droit public national, garantie de tous les droits privés, la tactique des sectes indique assez l'intérét majeur qu'ont les catholiques à vouloir le contraire de ce que veulent si obstinément les adversaires de l'Eglise. Cet intérèt existe avant tout pour les catholiques français. Il ne peut leur ètre indifférent que tous les moyens d'action qu'a l'Etat, dans un pays comme le nôtre, soient livrés à un dictateur choisi par les sectes, ou appartiennent au prince, qui fait hautement profession de vouloir faire régner Dieu en maître. Qu'on ne dise pas que les mœurs font les lois et que de persévérants efforts sur le terrain exclusivement religieux referont à la longue des mœurs chrétiennes dans notre pays: ces efforts et ces œuvres de zèle sont assurément un devoir impérieux, mais il faut faire cela et ne pas omettre le reste. Car cette action ne peut être que fort lente, si mème elle n'est pas complètement paralysée par le torrent des mesures révolutionnaires. Au contraire, l'expérience démontre

(1) V. dans ce volume le chapitre intitulé: La Maçonnerie en Espagne sous Alphonse XII.

l'influence puissante et beaucoup plus immédiate que les lois et l'impulsion donnée par la puissance souveraine ont sur les mœurs publiques la majorité des hommes est déterminée dans sa conduite principalement par les impressions qu'elle reçoit du dehors. Or, les chances de salut sont beaucoup plus multipliées pour les individus, si le milieu où ils vivent est chrétien. Voilà pourquoi l'Église a toujours condamné sous toutes ses formes la dangereuse théorie de la séparation de l'Église et de l'État; voilà pourquoi la Maçonnerie cherche au contraire à établir partout ce qu'on peut appeler la sécularisation de la vie sociale.

On est ici en présence d'un intérèt commun aux catholiques du monde entier; nulle part ils ne sauraient être indifférents à la restauration en France d'un pouvoir vraiment chrétien.

La situation particulière de beaucoup de pays, le mélange des races et des croyances y rendent impossible, probablement pour toujours, l'établissement de l'Etat chrétien, c'est-à-dire la réalisation pratique des doctrines que le Saint-Siège n'a cessé depuis un siècle d'enseigner et qui ont été résumées dans le Syllabus. L'établissement d'un pouvoir pleinement chrétien en France, tout en respectant scrupuleusement les droits civils acquis aux confessions religieuses séparées, est rendu possible à la fois par la tradition nationale, par la logique de l'esprit français et enfin par la violence mème de la lutte engagée à cette heure par la Révolution.

Or, la réalisation pratique de l'idée chrétienne dans un pays rayonnant comme la France, doit exercer une influence très heureuse sur l'opinion publique dans les autres régions du monde et sur le maintien de la conscience chrétienne dans son intégrité.

Le défaut complet d'application pratique des enseignements donnés dans notre siècle par le magistère suprême du Pontife Romain serait, autant qu'on peut juger humainement des vues de la Providence, un sujet de scandale pour les esprits faibles, surtout dans les pays où le catholicisme commence à s'établir au milieu des hérétiques. Ce qui n'est que l'hypothèse commandée par les circonstances de temps et de lieux, risquerait de prendre peu à peu dans les esprits la place supérieure qui appartient, uniquement à ce qui doit toujours rester la thèse pour des fils soumis à l'enseignement de l'Église.

A défaut du raisonnement, le spectacle de la fureur des loges

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