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du contractant. Cette distinction suffit pour discerner quand une convention entachée de dol et de fraude peut donner lieu à une poursuite en escroquerie ou à une simple action en nullité.

Nous arrivons au troisième élément de l'escroquerie. L'art. 405 exige en effet, outre l'emploi des manœuvres frauduleuses et la délivrance des valeurs, que le prévenu ait, par ces moyens, escroqué ou tenté d'escroquer la totalité ou partie de la fortune d'autrui.

Les manœuvres ne sont qu'un acte préparatoire du délit, et la délivrance n'est qu'un acte de son exécution. Cette délivrance ne le consomme pas; car si l'agent, pour l'obtenir, a forcé ou surpris la confiance, il peut encore ne pas tromper cette confiance, soit en donnant un bon emploi aux valeurs, soit en les restituant. Le délit n'est donc réellement consommé que par l'abus, c'est-à-dire par le détournement ou la dissipation de ces valeurs c'est le détournement au préjudice de leur propriétaire, qui, suivant les termes de la loi, constitue proprement l'escroquerie.

:

Nous avons vu que la cour de cassation avait implicitement reconnu cette doctrine en décidant que la remise ou délivrance de fonds ou de valeurs est une des circonstances constitutives du délit d'escroquerie, et que cette circonstance est nécessaire aussi bien pour la simple tentative que pour le délit consommé. La remise des valeurs est donc autre chose que la consommation du délit, puisque cette remise est une condition de la tentative: elle ne constitue donc qu'un commencement d'exécution; elle suppose donc un acte ultérieur qui consomme le délit, et cet acte est ce que la loi nomme proprement l'escroquerie, c'est-à-dire l'acte qui la consomme, la dissipation ou l'usage des valeurs délivrées à l'aide des manoeuvres frauduleuses.

Il n'est pas même nécessaire que les valeurs soient dissipées ou qu'il en soit fait usage pour que l'escroquerie soit réputée consommée; il suffit que l'agent se les soit appropriées, qu'il ait manifesté l'intention d'en faire son profit, qu'elles soient devenues sa propriété, soit que cette appréciation se révèle par le refus de les restituer ou par l'emploi qu'il en a fait.

Au reste, cette distinction n'est pas aussi grave qu'elle le semble à la première vue, puisque l'art. 405 punit la simple tentative comme le délit consommé, et par conséquent la remise des valeurs déterminée par les manœuvres frauduleuses, lors même que cette remise n'a pas

[1] Rép. de jurisp., vo Escroquerie.

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encore été suivie d'un détournement véritable. L'art. 35 de la loi du 16-22 juillet 1791 ne punissait point la tentative de l'escroquerie. La loi du 22 prairial an 4 ne s'applique qu'aux tentatives de crimes. L'art. 17 de la loi du 25 frimaire an 8 étendit la loi du 22 prairial an 4 aux tentatives des vols simples, des larcins et des filouteries: il omit de mentionner les escroqueries. Le président Barris expliquait les motifs de cette omission: « Les vols, les larcins, les filouteries, se réduisent toujours à des faits simples, matériels, faciles à saisir, et dans lesquels par conséquent la tentative se manifeste aussi d'une manière très-simple et très-facile à déterminer dans la moralité comme dans l'acte. L'escroquerie, au contraire, est un délit dont le caractère est en quelque sorte dans le vague, qui se compose de faits indéterminés, et dont la moralité ne s'apprécie jamais sans difficulté. C'est un délit de ruse et de fourberie; il est subtil, il échappe à l'œil, et le plus souvent ce n'est que par la consommation qu'il peut être déterminé. Le législateur a donc bien pu n'infliger de peine qu'à cette consommation [1]. »

les

Rossi pose formellement en principe que tentatives d'escroquerie ne doivent être l'objet d'aucune incrimination : « D'autres faits, dit ce savant publiciste, échappent à la justice sociale; pour nous, la difficulté d'en faire ressortir le caractère criminel est constante: par exemple, les tentatives d'escroquerie. Il est déjà si difficile, dans un grand nombre de cas, de distinguer l'escroquerie de cette adresse, de cette ruse qui, fort blåmable en elle-même, ne donne pas lieu cependant à une poursuite criminelle! Appeler les hommes à prononcer sur de simples tentatives d'escroquerie, ce serait faire de la justice humaine un jeu, une arène de métaphysique [2]. »

Ces considérations seraient fondées, si la tentative punissable existait par le seul fait des manœuvres frauduleuses, et indépendamment de la remise des valeurs que ces manœuvres ont dû déterminer; il ne serait point, en effet, d'incrimination plus vague et plus arbitraire que celle de ces manœuvres isolées du fait matériel, qui seul leur imprime un caractère certain et rend leur criminalité saisissable. Mais la tentative de l'escroquerie, restreinte au cas où les manœuvres ont déjà opéré la délivrance des fonds, a pour base un fait déterminé, et peut être facilement appréciée. Elle ne diffère en effet du délit consommé qu'en ce que les valeurs déjà délivrées à l'agent n'ont pu être détournées par celui-ci, et que par suite le préjudice n'a pas été causé. Les

[2] Traité de droit pénal, t. 2, p. 336.

critiques que nous venons de rappeler s'éva- | nouissent donc devant cette règle, qui a été établie plus haut, que la tentative n'est punissable qu'autant que les moyens employés ont amené la remise ou la délivrance des valeurs.

Au surplus, la tentative de l'escroquerie ne peut être punie qu'autant qu'elle est accompagnée de toutes les circonstances mentionnées dans l'art. 2, C. pén. Nous avons développé cette deuxième règle dans notre chapitre de la tentative [1].

Nous avons achevé d'exposer les trois caractères constitutifs du délit d'escroquerie. Ces caractères sont: 1° les moyens employés, et qui consistent soit dans l'usage de faux noms ou de fausses qualités, soit dans l'emploi des manoeuvres frauduleuses spécifiées par la loi; 2° la remise ou la délivrance des fonds ou des titres obtenus à l'aide de l'un de ces moyens; 3° le détournement des fonds ou l'usage des titres au préjudice du propriétaire. Ce n'est que par la réunion de ces trois éléments que le fait frauduleux prend le caractère légal d'une escroquerie et présente une base régulière à l'application de la peine.

Et il n'est pas inutile de faire remarquer ici que la cour de cassation a inexactement analysé les éléments du délit, lorsqu'elle a déclaré par quelques arrêts: « que les trois caractères constitutifs de l'escroquerie sont le moyen à l'aide duquel ce délit a été perpétré, le but que s'est proposé le coupable, le résultat qu'il a obtenu; que le moyen consiste dans les manoeuvres frauduleuses employées; le but, dans les fausses entreprises et les espérances illusoires que ces manœuvres ont pour objet de persuader ou d'inspirer; le résultat, dans la délivrance des valeurs ou des titres [2]. » Il est impossible, en premier lieu, de séparer les manœuvres du but qu'elles se proposent; le but n'est autre chose qu'une restriction apportée à ces manœuvres mêmes, leur définition. La loi n'inculpe pas toutes les manœuvres, mais seulement celles qui se proposent et atteignent tel but: ces deux circonstances ne forment donc qu'une seule circonstance, un même élément. Ensuite, le but que se propose l'agent n'est pas de persuader de fausses entreprises ou d'inspirer des craintes ou des espérances; ces mensonges ne sont qu'un moyen; son véritable but est la consommation de l'escroque

rie. Enfin la cour de cassation confond ici la délivrance des valeurs avec la consommation du délit : cette délivrance n'est qu'un commencement d'exécution, ainsi qu'elle l'a reconnu ellemême par un autre arrêt [3]. Si ce commencement d'exécution n'est pas suivi du détournement des valeurs qui consomment le délit, ce délit n'existe pas encore; de sorte que les trois caractères énumérés par l'arrêt que nous avons cité ne suffisent pas pour constituer l'escroquerie. La doctrine proposée par cet arrêt est donc visiblement inexacte.

La précision des caractères de l'escroquerie est d'autant plus nécessaire, que les tribunaux correctionnels ont l'obligation expresse de les constater dans leurs jugements. La jurisprudence de la cour de cassation a plusieurs fois varié sur l'étendue de cette obligation, ainsi que sur la nature des attributions des juges correctionnels en cette matière.

Sous l'empire de la loi du 16-22 juillet 1791, la cour de cassation avait posé en principe que les jugements correctionnels devaient, à peine d'annulation, constater les faits élémentaires du délit, afin que la cour de cassation pût elle-même examiner la qualification légale donnée à ces faits. Cette décision était motivée sur ce que « la cour, investie du droit de juger si les lois pénales ont été bien appliquées, ne peut en apprécier l'application que d'après les faits sur lesquels elle a été prononcée; que les arrêts des cours de justice criminelle doivent donc contenir la fixation précise des faits dont l'instruction a produit la conviction; que ces faits seuls peuvent servir de règle à la délibération de la cour, qui, ne pouvant juger de l'application de la loi sur une déclaration vague de circonstances et de présomptions indéterminées, ne doit y avoir aucun égard; que ce principe s'applique au délit complexe et moral d'escroquerie, comme aux délits qui se forment par des faits simples et matériels; que la loi ayant fixé les faits moraux qui peuvent constituer l'escroquerie, les faits simples qui peuvent être les éléments de ces faits moraux doivent être articulés dans les arrêts, et que la cour a caractère pour juger de la conséquence qui en a été déduite, puisque cette conséquence, qui n'est que la qualification des faits, est la base de l'application de la loi pénale et le lien qui la rattache aux faits simples, dont la déclaration

[1] . notre vol. 1, p. 155, édit. de 1843, p. 197. Pour constituer le délit de tentative d'escroquerie, il ne suffit pas qu'il y ait eu emploi de manœuvres et autres moyen frauduleux propres à consommer le délit ; il faut encore qu'il y ait eu effectivement remise ou délivrance

de valeurs. (Cass., 29 nov. 1828; rejet, 28 juin 1834;
cass., 6 sept. 1859; Bordeaux, 13 nov. 1839; Liége, 5 fév.
1842; Moriu, Dict. de droit crim., vo Escroquerie.)
[2] Cass., 23 mars 1838.
[3] Cass., 6 sept. 1839.

plus ou moins exacte est seulement hors des attributions de la cour [1]. »

Cette jurisprudence se maintint pendant quelque temps sous l'empire du Code pénal [2]. Cependant elle parut fléchir dans quelques espèces où la cour de cassation rejeta les pourvois formés contre quelques jugements qui n'avaient pas constaté tous les faits élémentaires du délit; mais, dans ces espèces, le caractère de ce délit semblait incontestable [3]. Ce changement se manifesta complétement à l'occasion d'un jugement qui avait contesté en principe l'obligation de constater les éléments de l'escroquerie; la cour de cassation posa cette règle nouvelle « que la loi, en déterminant ce qui constituait l'escroquerie, n'ayant point fixé les faits constitutifs de ces éléments, en avait par cela même abandonné l'appréciation aux juges du fait [4]. » Cette doctrine, qui investissait les tribunaux correctionnels d'une autorité souveraine dans l'appréciation des faits d'escroquerie, a été confirmée par de nombreux arrêts [5]. Mais la cour de cassation, la rejetant plus tard, est revenue à sa première jurisprudence: elle s'est attribué de nouveau le pouvoir d'examiner si les faits inculpés présentent les caractères du délit d'escroquerie; et dès lors les jugements correctionnels doivent énoncer, comme sous l'empire de la loi de 1791, toutes les circonstances qu'ils considèrent comme constitutives de ce délit [6].

Tel est l'état actuel de la jurisprudence; et, sans entrer ici dans l'examen des attributions de la cour de cassation, nous pensons que ce dernier système offre à la justice de précieuses garanties. La matière de l'escroquerie, par la variété de ses formes et de ses actes, peut donner lieu aux appréciations les plus arbitraires; et les termes vagues et flexibles de la loi permettent de les étendre à des faits qui n'ont pas les véritables caractères du délit. Il importe donc que ces appréciations diverses puissent être soumises au contrôle d'une juridiction qui, éloignée des faits

et isolée de leur influence, peut y vérifier les éléments de l'incrimination légale. L'appréciation souveraine de ces faits abandonnée aux tribunaux, qu'elle fût ou non plus conforme aux règles de la compétence, avait le grave inconvénient de laisser planer une fàcheuse incertitude sur les caractères constitutifs de l'escroquerie, et d'envelopper dans l'incrimination des fraudes distinctes de ce délit. L'examen de la cour de cassation contribuera à restituer aux faits de fraude leur véritable caractère.

Il semble qu'à l'égard d'un délit qui revêt des nuances si multipliées et dont les degrés sont si divers, le législateur doit se borner à poser le maximum des peines applicables, en laissant au juge la faculté de les atténuer à l'infini, suivant les circonstances. Tel a été aussi le système du Code pénal; l'art. 405 porte que le coupable << sera puni d'un emprisonnement d'un an au moins et de cinq ans au plus, et d'une amende de cinquante francs au moins et de trois mille francs au plus. » Et l'art. 463 permet, en cas de circonstances atténuantes, de ne prononcer que l'une ou l'autre de ces deux peines, et même de les abaisser jusqu'au taux des peines de simple police.

L'art. 405 ajoute toutefois une peine accessoire « Le coupable pourra être en outre, à compter du jour où il aura subi ses peines, interdit, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Code: le tout sauf les peines plus graves, s'il y a crime de faux. » Nous avons remarqué dans quels cas devait s'appliquer cette réserve des peines de faux. Quant à la peine accessoire de l'interdiction des droits civiques, nous nous bornerons à faire observer que cette privation de droits, étant purement facultative, ne doit être prononcée que dans les cas graves, et qu'elle ne peut l'être lorsque la peine principale est réduite au taux des peines de police.

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ciant les faits de la cause, y a trouvé les caractères de l'escroquerie, quelque erronée qu'elle puisse être, est à l'abri de la cassation.

Il en est de même du jugement ou arrêt qui décide que des faits reconnus constants par lui constituent le délit de complicité. (Brux., cass., 16 fév. 1857; Bull. de cass., 1837, 448.)

[5] Cass., 3 fév. 1827, 22 mars 1828, 9 juillet 1850 et 30 juillet 1831, etc.

[6] Cass., 17 sept. 1836 et 12 oct. 1838.

LES MINEURS.

ABUS.

CHAPITRE LXIII.

DES ABUS DE CONFIANCE.

OBJET DE CETTE INCRIMINATION.

ABUS DES

DIVERSES ESPÈCES D'abus de CONFIANCE. Le code en a prévu quatre caS. § 1o. ABUS COMMIS ENVERS
ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DU DÉLIT.
BESOINS, DES PASSIONS OU DES FAIBLESSES DU MINEUR. APPRECIATION DES FAITS CONSTITUTIFS DE CET
IL EST NÉCESSAIRE qu'il ait poUR RÉSULTAT LA SOUSCRIPTION D'UNE OBLIGATION OU DÉCHARGE.
Cette obligATION DOIT AVOIR ÉTÉ SOUscrite au préjudice du MINEUR. § 11. DE L'ABUS DU BLANG
SEING. · DÉFINITION DU BLANC SEING. CARACTÈRES CONSTITUTIFS de L'abus.
EST QUE LE BLANC SEING AIT ÉTÉ CONFIÉ A LA PERSONNE QUI EN A ABUSÉ.
AUTRE PERSONNE CONSTITUE LE CRIME DE FAUX.

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LA PREMIÈRE RÈGLE L'ABUS COMMIS PAR UNE DANS QUELS CAS IL Y A REMISE DE BLANC SEING. Y A-T-IL ABUS OU FAUX, SI LE MANDATAIRE A FAIT ÉCRIRE LA CONVENTION FAUSSE PAR UN TIERS? - LIMITE DIstinctive du fAUX ET DE L'ABUS DE BLANC SEING. L'ABUS N'EST PUNISSABLE QU'AUTANT QU'IL EST FRAUDULEUX DEUXième règle de LA MATIÈRE. BLANCS REMPLIS SUR DES ACTES IMPRIMÉS. LE DÉLIT RÉSULTE-t-il de la seule INSCRIPTION DE L'ACTE? FAUT-IL QUE LE PRÉVENU EN AIT FAIT USAGE? L'ABUS MÊME FRAUDULEUX D'UN BLANC SEING N'EST PAS PUNISSABLE, S'IL N'EN RÉSULTE LA POSSIBILITÉ D'AUCUN PRÉJUdice. LORSQUE LES TROIS ÉLÉMENTS DU DÉLIT CONCOURENT, LA POURSUITE EST SUSPENDUE, QUAND LA PREUVE TESTIMONIALE N'EST PAS ADMISSIBLE. EXAMEen de cette RÈGLE POSÉE PAR LA JURISPRUDENCE. APPLICATION A LA POURSUITE DE FRAUDES COMMISES DANS LES CONTRATS, § III. DU DÉTOURNEMENT D'OBJETS CONFIÉS A Titre de louage, DE LA RÉPRESSION DE CES DÉtournements DANS LE DROIT ROMAIN ET DANS DISTINCTION DE CE DÉLIT ET DU DÉLIT de vol. ESPRIT DE LA DISPOSITION de l'ar

--

A L'ÉGARD DES ABUS DE BLANC SEING.
DE DÉPÔT OU DE MANDAT.
L'ANCIEN DROIT.

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TICLE 408. CARACTÈRES DES DÉLITS QU'IL PRÉVOIT. LE PREMIER ÉLÉMENT DE CES DÉLITs est le
DÉTOURNEMENT OU LA DISSIPATION DES effets.
PLIQUENT QU'A DES FAITS FRauduleux.
EST PRÉSUMÉE.

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EXPLICATION DE CES EXCEPTIONS. ELLES NE S'APMOYENS DE CONSTATER LA FRAUDE. DANS QUELS CAS ELLE IL N'Y A DÉTOURNEMENT QUE LORSQUE LE DÉPOSITAIRE OU LE MANDATAIRE S'EST MIS DANS L'IMPOSSIbilité de restituer les denieRS CONFIÉS, OU QUAND, MIS EN DEMEURE, IL NE LES A PAS RENDUS. -LE DEUXIÈME ÉLÉMENT DU DÉLIT EST QUE LE DÉTournement AIT ÉTÉ COMMIS AU PRÉJUDICE DES PROPRIÉTAIRES OU DÉTENTEURS. LE TROISIÈME ÉLÉMENT EST Que le détournement ait eu POUR OBJET, SOIT des deniers OU MARCHANDISES, SOIT DES ÉCRITS OPÉRANT OBLIGATION OU DÉCHARGE. QUATRIÈME ÉLÉment est que lES EFFETS AIENT ÉTÉ REMIS A titre de louaGE, DE DÉPÔT, DE MANDAT, OU POUR UN TRAVAIL SALARIÉ OU NON SALARIÉ. EXAMEN DES CARACTÈRES PARTICULIERS DU DÉTOURNEMENT DANS LES CONTRATS DE LOUAGE, DE DÉPÔT, DE MANDAT. LE DÉTOURNEMENT D'une chOSE REMISE

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A TITRE DE PRÊT, A TITRE DE GAGE, N'EST PAS COMPRIS DANS LA LOI.
CAS, DE LA RÈgle qui prohibE, DANS CERTAINES CIRCONSTANCES, LA PREUVE TESTIMONIALE. § IV. SOUS-
TRACTION DES PIÈCES PRODUITES dans une contestATION JUDICIAIRE,

(COMMENTAIRE DES ART. 406, 107, 408 [1] ET 409, C. PÉN.)

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Les abus de confiance revêtent des formes | trompé la confiance qui lui a été témoignée, il aussi variées, des nuances de criminalité aussi multipliées que les escroqueries; moins graves cependant en général, puisque si le coupable a

[1] L'art, 408 a été modifié par le nouveau Code pénal français. (V. à l'appendice du 2e vol.)

n'a point sollicité cette confiance par de criminelles manœuvres ces infractions morales ne sont même considérées, dans un grand nombre de cas, que comme des fraudes civiles qui ne peuvent donner lieu qu'à des dommages-in

térêts.

Le Code pénal a prévu quatre cas d'abus de

confiance; ce sont autant de délits entièrement distincts les uns des autres par les éléments qui les constituent, et qui n'ont de rapport commun que dans le mode de leur perpétration l'abus des besoins d'un mineur, l'abus du blanc seing, le détournement d'objets confiés à un certain titre, enfin la soustraction des pièces produites en justice.

Nous examinerons les caractères de ces délits dans quatre paragraphes successifs.

§ Ier.

·Des abus commis envers les mineurs. L'exposé des motifs du Code explique avec netteté la pensée qui a dicté cette incrimination. « Le Code, a dit Faure, renferme plusieurs dispositions nouvelles sur les abus de confiance. L'une atteint ceux qui auront abusé des besoins, des faiblesses ou des passions d'un mineur, pour lui faire souscrire des actes préjudiciables à ses intérêts. Depuis longtemps on gémissait de voir que cette espèce de corrupteurs de la jeunesse pouvait impunément ruiner les fils de famille. En vain le Code Napoléon déclare que la simple lésion donne lieu à la rescision en faveur du mineur émancipé contre toutes sortes de conventions. Ces hommes sans pudeur se font payer plus cher leurs avances, à raison des risques qu'ils courent; ils prennent toutes les précautions pour éluder l'application de la loi civile. Mais la crainte d'une peine correctionnelle pourra les retenir, et les jeunes gens ne trouveront plus autant de facilité à se procurer des ressources désastreuses pour leur fortune, et quelquefois plus funestes encore sous le rapport des

mœurs. >>

Le but de l'art. 406 se trouve ainsi clairement défini: c'est de protéger la faiblesse et l'inexpérience des mineurs contre les artifices d'hommes cupides qui les ruinent en leur faisant des avances d'argent aux conditions les plus onéreuses. Il s'agit d'atteindre les prêteurs sur gages, les usuriers, et enfin tous ceux qui abusent de la facilité et des passions des mineurs pour leur faire souscrire des obligations préjudiciables. L'article 406 établit, en ces termes, les conditions de l'incrimination : « Quiconque aura abusé des besoins, des faiblesses ou des passions d'un mineur, pour lui faire souscrire à son préjudice des obligations, quittances ou décharges, pour prêt d'argent ou de choses mobilières, ou d'effets de commerce, ou de tous autres effets obligatoires, sous quelque forme que cette négociation ait été faite ou déguisée, sera puni d'un emprisonnement de deux mois au moins, de deux ans au plus, et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et des dommages-intérêts, ni être moindre de vingt-cinq francs. >>

Trois éléments sont exigés par ce texte pour l'existence du délit. Il faut : 1° que le coupable ait abusé des besoins, des faiblesses ou des passions d'un mineur; 2° que cet abus ait eu pour effet de lui faire souscrire des obligations, quittances ou décharges pour prêt d'argent, de choses mobilières ou d'effets de commerce; 3° que les obligations ou quittances ainsi souscrites soient de nature à porter préjudice au mineur.

C'est dans l'abus des besoins, des faiblesses ou des passions du mineur, que consiste la moralité du délit. La criminalité de l'agent consiste à favoriser, dans un esprit de lucre et de cupidité, les mauvaises passions de la jeunesse; il les entretient et les échauffe pour en profiter; il trompe en même temps l'inexpérience du mineur, et lui fait souscrire des obligations onéreuses. Ce délit n'est point, à proprement parler, un abus de confiance. Sans doute, dans la plupart des cas, la confiance du mineur aura été trompée; mais, lors même qu'il aurait clairement aperçu les vues du prêteur et la nature de l'obligation qu'il a souscrite, lors même qu'il aurait volontairement consenti au préjudice, le délit n'existerait pas moins; car il ne consiste point à abuser de la confiance, mais bien des besoins, des faiblesses, des passions du mineur.

Les faits qui peuvent constituer cet abus sont nécessairement abandonnés à l'appréciation des juges. Il leur appartient d'examiner si le prêteur a calculé sur l'inexpérience ou le dénûment du mineur, pour réaliser un bénéfice immoral. Seulement il est nécessaire que cette intention soit constatée, puisque seule elle imprime au fait sa criminalité. Il est nécessaire également que l'état de minorité de la victime soit établi; le délit cesserait d'exister, ou il changerait de caractère, si la personne qui en a été lésée n'était plus dans les liens de la minorité. L'art. 406 entend par mineurs ceux qui, aux termes de l'art. 588 du C. civ., n'ont pas encore accompli l'âge de 21 ans. La loi suppose que les jeunes gens, après cet âge, ont assez d'expérience pour se défendre des piéges que l'on tend sous leurs pas. Il faut même faire une exception à l'égard des mineurs émancipés qui exercent le commerce : la loi civile les répute majeurs pour les actes relatifs à ce commerce. Il suit de là qu'en ce qui concerne ces actes, l'art. 406 serait inapplicable.

Le deuxième élément du délit est que l'abus ait eu pour résultat la souscription d'une obligation ou décharge pour prêt de choses mobilières. Ainsi l'abus qui n'a pas eu un tel résultat échappe à toute répression; c'est une tentative que la loi n'a pas prévue. Ainsi les obligations écrites rentrent seules dans les termes de la loi; les conventions verbales ne sont point un élé

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