Images de page
PDF
ePub

n'y a point de détournement punissable. Au sur- | plus, le législateur lui-même a senti que l'interprétation de la cour de cassation avait étendu les termes de la loi au delà de leur sens véritable. | L'art. 28 de la loi du 14 juillet 1837, relative aux gardes nationales de la Seine, est ainsi conçu : « Dans les cas de suspension ou de dissolution prévus par l'art. 5 de la loi du 22 mars 1831, le préfet du département de la Seine pourra ordonner le dépôt des armes dans un lieu déterminé, sous les peines portées par l'art. 3 de la loi du 24 mai 1834. » Ce dernier article punit les détenteurs non autorisés d'armes de guerre, cartouches ou munitions de guerre, d'un emprisonnement d'un mois à deux ans, et d'une amende de 16 à 100 francs. Ainsi, ce n'est point une violation de dépôt, un détournement frauduleux que le législateur a vu dans le fait imputé aux gardes nationaux, c'est un délit de police, une désobéissance à la loi, et en cela il a restitué à ce fait son véritable caractère. Mais cette loi est spéciale pour le département de la Seine; le refus des gardes nationaux de livrer leurs armes constituera-t-il donc dans ce département un délit de police, dans les autres une violation de dépôt? Il ne peut dans aucun cas constituer ce dernier délit, puisqu'il n'en a pas les caractères légaux; il faut donc conclure que ce refus ne constitue un fait punissable que dans le département de la Seine, et qu'il faut atten- | dre, pour le punir dans les autres départements, que l'art. 28 de la loi du 14 juillet 1837 ait été étendu à toute la France.

Le troisième cas de détournement prévu par l'art. 408 est celui qui est commis dans l'exécution du mandat. Nous avons vu qu'avant le Code pénal de 1810, les détournements commis par un mandataire, soit gratuit, soit salarié, ne con

stituaient aucun délit [1]. Ce Code ayant ajouté aux mots à titre de dépôt, qui se trouvaient dans la loi de 1791, ceux-ci : ou pour un travail salarie, la jurisprudence appliqua ces dernières expressions au mandataire dont le salaire avait été convenu [2]; mais l'abus commis par un mandataire gratuit resta hors du domaine de la juridiction répressive. C'est pour faire disparaître cette lacune que la loi du 28 avril 1832 ne s'est pas contentée d'écrire le mot mandat dans l'article 408, et qu'elle a ajouté: pour un travail salarié ou non salarié. Ainsi, les distinctions tracées avec tant de soin par la jurisprudence entre le mandataire salarié et à titre gratuit n'ont plus d'objet; dans l'un et l'autre cas, le délit a le même caractère et la peine est identique. Le salaire du mandataire a cessé d'être une circonstance aggravante de son infidélité. Il ne faut pas perdre de vue, du reste, ainsi que nous l'avons établi plus haut, que le détournement commis par le mandataire ne peut être incriminé que lorsque ce mandataire a été mis en demeure de restituer et qu'il n'a pas effectué cette restitution, soit parce qu'il s'est mis dans l'impossibilité de le faire, soit parce qu'il a nié qu'il eût dans les mains les objets réclamés.

Le quatrième cas du détournement prévu par l'art. 408 est celui des effets remis pour un travail salarié ou non salarié, à la charge de les rendre ou représenter, ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé. La loi du 28 avril 1832 n'a apporté aucun changement à l'égard des abus commis dans cette espèce de convention. Les expressions de la loi s'appliquent principalement au détournement des marchandises ou toutes autres choses susceptibles d'être ouvragées ou perfectionnées par celui auquel elles ont été remises; tel serait le détournement commis par un

[1] Cass., 14 flor. an 13, 12 et 20 mai 1814. (De Ville- faisant croire à son mandant que cette partie a été emneuve, Pasicrisie.)

[2] Cass., 18 nov. 1815. L'huissier qui s'est approprié la somme reçue à la suite d'un commandement, et ne l'a restituée qu'après plusieurs sommations infructueuses et un interrogatoire subi devant le juge d'instruction et son renvoi devant le tribunal correctionnel, est coupable d'abus de confiance. (Liége, 22 mars 1839. V. en ce sens Brux., cass., 21 juin 1827; Dalloz, 1, 67; Merlin, Rép., 36, 451, et France, cass., 6 janv. 1857.) La cour de Liége avait jugé le contraire par trois arrêts des 22 avril, 6 déc. 1823 et 16 mars 1827. (V. Dalloz, 14, 218; Revue des revues, t. 1er, p. 81.)

Il ne peut échapper à l'application de cet article en soutenant que les deniers détournés ne lui ont pas été confiés par le mandant ou propriétaire lui-même.

Celui qui est chargé moyennant salaire de lever de l'argent pour un tiers, et qui, s'étant procuré cet argent à l'intérêt légal, en retient une partie par devers lui, en

ployée à payer des intérêts usuraires, se rend coupable d'abus de confiance. (Brux., 26 mars 1825; Jur, de Bruz..., 1825, 1, 277.)

Le commissionnaire salarié d'un mont-de-piété, qui détourne à son profit les fonds remis entre ses mains pour le service de cet établissement, peut être poursuivi pour abus de confiance. (Brux., 22 nov. 1834; J. de Belgique, 1834, p. 1; Dalloz, t. 1er, p. 73, et t. 9, p. 95, nos 4 et 5.)

Le détournement fait par un régisseur salarié, qui a reçu en cette qualité des bons du syndicat dont il a été ultérieurement autorisé à disposer pour traiter sur le terme échu du prix d'une acquisition effectuée par son commettant et pour en acquitter ou consigner le montant, ne peut être qualifié de vol commis par un homme de service à gages aux termes de l'art. 586, C. pén. Ce fait tombe sous l'application de l'art. 408. (Liége, 26 juin 1853; J. de Brux., 1835, p. 262.)

boulanger qui ne remettrait pas la quantité de pain fournie par la farine qui lui aurait été remise, ou par un meunier qui ne rendrait pas toute la quantité de farine produite par le blé qu'on lui a donné à moudre. La cour de cassation a décidé, en effet, dans cette espèce: « que le meunier, recevant des blés et s'obligeant à rendre des farines moyennant une somme qu'il recevra pour son droit de mouture, est évidemment un individu à qui des marchandises sont remises pour faire un travail salarié, puisqu'il recevra un payement, et à qui des marchandises sont remises à la charge de les rendre ou représenter, puisque la chose qu'il rendra sera le blé même qui lui a été confié et que l'action de son moulin aura converti en farine; que le meunier qui sciemment ne rend pas à la personne qui lui a confié des blés pour les moudre toute la farine que ces blés ont dû produire, commet nécessairement un délit de confiance, puisqu'il détourne ou dissipe, au préjudice du propriétaire, une partie de la denrée qui lui a été remise pour un travail salarié, à la charge de la rendre ou représenter [1]. >>

Cependant la disposition de la loi n'est point restrictive; et si elle semble avoir eu surtout en vue le détournement des marchandises livrées pour être travaillées, elle s'applique néanmoins aux travaux de toute espèce, lorsque ces travaux ont motivé la remise d'un objet et ont été l'occasion de son détournement. La cour de cassation l'a ainsi jugé, sous l'empire du Code pénal de 1810, en se fondant sur ce que : « dans la désignation des objets qui auraient été remis, soit pour un travail salarié, soit à titre de dépôt, les deniers s'y trouvent, comme les marchandises et autres effets, formellement compris [2]. » D'où l'on concluait qu'une gestion d'affaires et le travail qui avait pour objet un recouvrement de deniers rentraient dans les termes de l'art. 408. Cette interprétation n'a plus la même importance depuis que les détournements commis par les mandataires ont été expressément compris dans cet article. Ainsi, le notaire qui a dissipé les sommes qui lui ont été remises pour acquitter les droits d'enregistrement d'un acte, ne serait plus poursuivi pour détournement de deniers confiés pour faire un travail salarié [5], mais bien pour détournement de deniers confiés à titre de mandat et à la charge d'en faire un emploi déterminé.

Résumons maintenant les règles que nous venous de développer. La loi pénale, il est néces

[1] Cass., 11 avril 1817. [2] Cass., 18 nov. 1813.

[ocr errors]

cet

saire de le rappeler d'abord, n'a point voulu incriminer et punir tous les abus de confiance; au milieu des fraudes nombreuses qui entachent les conventions et corrompent leur exécution, elle n'a saisi que les plus graves, celles qui peuvent être plus facilement constatées, celles qui se manifestent plutôt par un fait étranger à la convention que par la seule inexécution de cette convention. La première règle de la matière est donc que l'abus de confiance n'est punissable que dans les cas que la loi a expressément prévus et sous les conditions qu'elle a prescrites. Ces conditions sont formulées par l'art. 408 article exige, comme premier élément du délit, qu'un détournement frauduleux ait été consommé; il veut, en deuxième lieu, que ce détournement ait été commis au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs; il ne l'incrimine ensuite, et c'est le troisième élément, qu'autant qu'il porte soit sur des effets, deniers ou marchandises, soit sur des billets, quittances ou autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge; enfin, il limite son incrimination aux seuls cas où les effets ont été remis à titre de louage, de dépôt, de mandat, ou pour un travail salarié ou non salarié, à la charge de les rendre ou représenter, ou d'en faire un usage ou un emploi déterminant. C'est de la réunion de ces quatre éléments distincts que se forme le délit : il faut donc que le jugement qui porte condamnation, les énonce et les constate successivement; car, à défaut de cette énonciation, la pénalité n'aurait plus de base; le juge punirait peut-être un acte frauduleux, mais rien ne prouverait que cet acte est le délit que la loi a prévu et voulu punir.

Ces éléments réunis, le délit existe; mais en cette matière l'action répressive n'est pas toujours ouverte la poursuite demeure subordonnée à l'existence d'une condition que nous devons indiquer, pour compléter cette matière. La jurisprudence a admis en principe que, lorsque le délit prend sa source dans un contrat ou dans l'exécution d'un contrat, la juridiction criminelle est compétente pour déclarer l'existence de ce contrat et en apprécier les conditions. Ainsi la cour de cassation a jugé que la juridiction correctionnelle, compétente pour connaître de la violation d'un dépôt, peut prononcer sur la préexistence de ce dépôt; car la preuve du délit de la violation du dépôt ne pouvant être séparée de celle de l'acte du dépôt, la compétence sur le délit qui forme l'action principale entraine

[3] Cass., 31 juill. 1817.

nécessairement la compétence sur le contrat, | dont la dénégation n'est qu'une exception contre cette action [1]. Dans d'autres espèces, la même cour a décidé, par les mêmes motifs, que les tribunaux correctionnels compétents pour statuer sur le détournement d'une contre-lettre confiée à titre de dépôt, l'étaient également pour prononcer sur l'existence de cette contre-lettre [2]; que la même juridiction, saisie d'une plainte en détournement de billets, a le droit de décider si ces billets sont sincères ou fictifs [3]. Ainsi, lorsque le contrat civil et le délit forment des actes distincts, et que le délit suppose nécessairement l'existence du contrat, la question préjudicielle que fait naître cette existence demeure dans le domaine du juge criminel [4].

Mais ce juge reste soumis, pour la recherche et l'admission de la preuve de la convention, aux règles qui sont prescrites par la loi civile. Ce principe, édifié par la cour de cassation, et que cette cour n'a pas cessé d'appliquer [8], est fondé sur ce que les formes établies pour le jugement des questions civiles sont les mêmes, devant quelque juridiction qu'elles soient agitées; que ces règles dérivent de la nature des conventions, et non du caractère de la juridiction civile; que si elles n'étaient pas observées par la juridiction criminelle, il dépendrait des parties lésées d'éluder la disposition de la loi, en prenant la voie de la plainte au lieu de la voie civile, et en substituant à la preuve qu'elle a prescrite celle que l'instruction criminelle admet en général.

Or, la procédure civile n'admet que des preuves d'un certain ordre; elle rejette la preuve par témoins, pour établir l'existence d'une convention dont l'objet excède la valeur de cent cinquante francs, et lorsqu'il n'existe aucun commencement de preuve par écrit, et qu'aucun cas de nécessité ou de force majeure n'est allégué. (Art. 1341, 1347 et 1348 du C. civ.) Les parties sont astreintes à se procurer la preuve littérale des obligations qu'elles concernent, et ce n'est que dans ce cas que la loi civile leur permet de recourir à la preuve testimoniale.

Il suit de là que, toutes les fois qu'il s'agit d'un délit qui prend sa source dans un contrat, tel que la violation d'un dépôt [6], l'abus d'un

[1] Cass., 2 déc. 1813 et 11 fév. 1832. (Brux., 3 nov. 1831; J. de Brux., 1831, 2, 103; Dalloz, t. 9, p. 95.) [2] Cass., 25 mai 1816. (Dall. Alph., t. 3, p.. ,477.) [3] Cass., 7 therm, an 13. (Dalloz, ib., p. 475.)

[4]. Carnot, Comment. du C. pén., t. 2, p. 387; Toullier, Droit civil, t. 9, p. 244; Legraverend, t. 1er, p. 39; Mangin, Traité de l'act. publique, t. 1er, no 171; Dalloz, t. 9, p. 93.

mandat, le détournement d'objets remis pour en faire un usage ou un emploi déterminé, la partie lésée ou le ministère public ne peuvent être admis à invoquer la preuve par témoins pour établir l'existence de la convention, si l'objet de cette convention excède la valeur de cent cinquante francs. Le juge criminel doit alors, si le prévenu dénie la convention, et s'il n'en existe ni preuve ni commencement de preuve par écrit, déclarer la plainte non recevable, quant à présent. C'est, en effet, une fin de non-recevoir qui peut cesser avec la cause qui l'a produite, puisque la découverte ultérieure d'une preuve ou d'un commencement de preuve par écrit rendrait à l'action son libre cours [7] Il faut ajouter que cette fin de non-recevoir cesserait d'exister, si la convention était intervenue en matière commerciale, puisque la preuve testimoniale, aux termes de l'art. 109 du Code de commerce, est admissible en cette matière.

La loi du 28 avril 1832 a introduit dans l'article 408 un deuxième paragraphe qui est ainsi conçu : « Si l'abus de confiance, prévu et puni par le précédent paragraphe, a été commis par un domestique, homme de service à gages, élève, commis, ouvrier, compagnon ou apprenti, au préjudice de son maître, la peine sera celle de la reclusion. »

Nous avons déjà eu l'occasion d'examiner cette disposition, en nous occupant des vols domestiques [8].

Cette aggravation de la peine est fondée sur ce que les abus de confiance commis par des ouvriers sont plus graves que ceux qui sont commis par de simples mandataires. En effet, la confiance volontaire et limitée, accordée à ces derniers par le mandant pour une opération déterminée, est différente de la confiance nécessaire et générale que le maître est obligé d'accorder à ses domestiques, à ses ouvriers, à ses commis. Cette confiance nécessaire l'expose à de plus graves périls, et elle produit entre ceux qu'il emploie et lui des rapports et des devoirs différents et plus étroits. Le délit peut donc, dans ce dernier cas, être considéré comme plus immoral et comme passible d'une peine plus élevée. Nous avons déjà fait remarquer que le législateur avait, par cette disposition nouvelle, d'une part, improuvé

[5] Cass., 2 déc. 1813, 10 avril 1819 et 26 sept. 1823. (V. Brux., 16 nov. 1857; J. de Brux., 1858, p. 199.) [6] Brux., 3 nov. 1831; J. de Brux., 1831, 2, 103. [7] Cass., 2 déc. 1815; Merlin, Rép. de jurisprudence, vo Dépôt, § 1er, no 6; Mangin, Traité de l'act. publique, no 175.

[8] V. suprà, p. 8.

l'interprétation de la cour de cassation qui appliquait à l'abus de confiance commis par les domestiques, les commis et les ouvriers, l'article 586, no 3, du C. pén., et, d'un autre côté, adopté la pénalité qui résultait de cette interprétation.

Le deuxième paragraphe de l'art. 408 ne fait qu'ajouter une circonstance aggravante à l'abus de confiance prévu et puni par le précédent paragraphe. Il résulte de cette première disposition que les règles que nous avons posées s'appliquent aux deux paragraphes; qu'ils ont pour objet le même fait, et que dès lors, dans les deux cas, l'abus de confiance doit présenter les mêmes caractères. La circonstance aggravante se puise uniquement dans la qualité de domestique, d'homme de service à gages, élève, clerc, commis, ouvrier, compagnon ou apprenti. Il est donc nécessaire que cette qualité soit reconnue au prévenu par le jury. Mais cette circonstance même n'est aggravante que dans un seul cas, lorsque l'abus de confiance a été commis au préjudice du maître. Ainsi le délit puise son aggravation, non dans la qualité elle-même, mais dans la violation du devoir que cette qualité fait naître visà-vis du maître seulement. Les distinctions établies par le n° 3 de l'art. 386 ne peuvent donc être invoquées par analogie, car la loi a restreint l'aggravation, et ses termes ne peuvent être étendus.

L'art. 408 porte un dernier paragraphe ainsi conçu : « Le tout sans préjudice de ce qui est dit aux art. 254, 255 et 256, relativement aux soustractions et enlèvements de deniers, effets ou pièces, commis dans les dépôts publics. » Le but de cette disposition est de restreindre les dispositions de l'art. 408 à la violation des dépôts privés. La violation des dépôts publics a été considérée, par la loi, comme un attentat contre la foi publique, et elle a dù ètre classée dès lors dans une autre catégorie de délits. Cette infraction a fait l'objet de la deuxième section de notre chapitre 34 [1].

§ 4. De la soustraction des pièces produites

dans une contestation judiciaire.

[ocr errors]

bonne foi dans les litiges. Les pièces produites dans les procès deviennent communes à toutes les parties qui sont en instance. C'est donc un acte de mauvaise foi, c'est une fraude coupable que de soustraire une de ces pièces. Mais est-ce là un abus de confiance? le doute peut naître à cet égard. La loi ne prévoit point le détournement, mais la soustraction de la pièce, et même elle ajoute de quelque manière que ce soit. Il est évident, d'ailleurs, que la loi n'a point voulu faire une condition du délit, que la soustraction soit opérée par le fait du dépositaire; ainsi, ce n'est point un abus de confiance, une violation d'un dépôt qu'elle a puni, c'est une soustraction frauduleuse, quels que soient les moyens employés pour la commettre, d'une pièce momentanément commune entre plusieurs parties.

Il est vrai que l'art. 409 ne s'applique qu'à la partie qui a produit la pièce, et tel est sans doute le motif qui a fait classer cette fraude parmi les abus de confiance; mais après la production faite, il n'en est plus dépositaire; elle entre, au contraire, dans un dépôt public; son propriétaire aliène, momentanément et pendant son existence, ses droits sur cette pièce; elle appartient au procès. Son enlèvement, par ce propriétaire, est donc plutôt une soustraction, suivant les termes mêmes de la loi, qu'un abus de confiance.

Il suit de là que l'art. 409 doit être considéré comme une disposition spéciale qu'il faut renfermer dans son texte. Ainsi, lorsque la soustraction a été commise, non point par la partie qui a produit la pièce, mais par l'autre partie, cet article cesse d'être applicable, car il caractérise, non pas la soustraction de la pièce en général, mais la soustraction de cette pièce commise par son producteur. A l'égard des autres parties, cette soustraction perd donc ces caractères, et devient passible des peines du vol.

La loi exige: 1° que la pièce ait été produite dans une contestation judiciaire: cette circonstance est un élément du délit et doit être constatée; si la production avait été faite dans une contestation administrative, contentieuse, l'article serait applicable, parce qu'évidemment, aux yeux des parties, les débats contentieux, devant L'art. 409 est ainsi conçu : « Quiconque, après un tribunal administratif, ont le caractère de avoir produit, dans une contestation judiciaire, contestation judiciaire; 2° que la soustraction quelque titre, pièce ou mémoire, l'aura soustrait ait pour objet quelque titre, pièce ou mémoire. de quelque manière que ce soit, sera puni d'une Quels que soient le titre, la pièce ou le mémoire, amende de 25 à 300 francs; cette peine sera le délit existe; personne ne peut apprécier l'imprononcée par le tribunal saisì de la contesta-portance qu'une partie pourra plus tard attacher tion. >> au plus petit morceau de papier produit par son Le but de cet article a été de maintenir la adversaire seulement; les juges seront plus ou

[1] V. notre t. 2, p. 293.

moins sévères, selon que le préjudice leur paraîtra plus ou moins grave.

L'article ajoute que la peine sera prononcée | commis à l'audience, que les art. 504 et 505 du par le tribunal saisi de la contestation. Ainsi ce Code d'instruction criminelle déclarent justiciadélit se trouve rangé dans la classe des délits bles du juge devant lequel ils ont été commis.

CHAPITRE LXIV.

CONTRAVENTIONS AUX RÈGLEMENTS SUR LES MAISONS DE JEU, LES LOTERIES ET LES MAISONS DE PRET SUR GAGES.

LES CONTRAVENTIONS AUX RÈGLEMENTS SUR LES MAISONS DE JEU, LES LOTERIES ET LES MAISONS DE PRÊT,
ONT UN LIEN COMMUN QUI Résulte de leUR BUT IDENTique et de lEUR CARACTÈRE. § 1o. CONTRAVEN-
TIONS AUX RÈGLEMENTS SUR LES MAISONS DE JEU. DISTINCTION ENTRE LES DIVERS Jeux.
LA LÉGISLATION ROMAINE ET De l'ancienne lÉGISLATION FRANÇAISE.
CODE PÉNAL.

[ocr errors]

[ocr errors]

APERÇU DE LOIS NOUVELLES ANTÉRIEURES AU CARACTÈRES DE L'INCRIMINATION DU DISTINCTION A L'ÉGARD DES JEUX

PROHIBITION DES JEUX POSTÉRIEURE A CE CODE. CODE; CE QU'IL FAUT ENTENDRE PAR TENIR UNE MAISON DE JEU. TENUS DANS DES LIEUX PUBLICS.. QUELS SONT LES JEUX DITS DE HASARD? CONTRE QUELLES PERSONNES LES POURSUITES PEUVENT ÊTRE DIRIGÉES. DES PEINES ET DE LA CONFISCATION DES FONDS OU EFFETS TROUVÉS EXPOSÉS AU JEU. sur quels objets doit porter ceTTE CONFISCATION? — § II. CONTRAVENTIONS AUX LOIS ET RÈGLEMENTS SUR LES LOTERIES. ORIGINE DE L'INSTITUTION Des loteries.— APERÇU DE L'ANCIENNE LÉGISLATION SUR CETTE MATIÈRE. LOIS INTERMÉDIAIRES. CODE PÉNAL. ABSOLUE DE LA LOTERIE.

[ocr errors]

INCRIMINATION DU

MODIFICATIONS APPORTÉES A SES DISPOSITIONS PAR LA LOI DU 21 MAI 1856. - EXTINCTION OBJET DE LA LOI NOUVELLE. SPÉDÉFINITION Des loteries prohibées. CULATIONS QUE CETTE DÉFINITION ATTEINT. VENTE D'IMMEUBLES PAR FORME DE LOTERIE. PEINES NOUVELLES; AMENDE PROPORTIONNELLE A LA VALEUR DES immeubles des loteries FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES ; APPLICATION AUX COLPORTEURS ET DISTRIBUTEurs de leuRS BILLETS, AUX PUBLICATEURS DES ANNONCES ET PROSPECTUS. EXCEPTIONS EN CE QUI CONCERNE LES LOTERIES DESTINÉES A DES ACTES DE BIENFAISANCE OU A ENCOURAGER LES ARTS. § III. CONTRAVENTIONS AUX RÈGLEMENTS SUR LES MAISONS DE PRÊT SUR GAGES. - APERÇU DE LA LÉGISLATION SUR LA MATIÈRE.

PRÊT.

[blocks in formation]

INTERDICTION DES MAISONS DE CONDITIONS AUXQUELLES CES MAISONS SONT SOUMISES. ÉLÉMENTS DES CONTRAVENTIONS DANS LES deux cas. (COMMENTAIRE DES ART. 410 ET 411, C. PÉN.) [1].

Le Code pénal a réuni dans une même section | les contraventions aux règlements sur les maisons de jeu, les loteries et les maisons de prêt sur gages.

Ces infractions ont, en effet, entre elles une double analogie qui résulte du but qu'elles se proposent et de leur caractère propre.

Les maisons de jeu, de loterie et de prêt sur gages ont un même but: c'est d'acquérir des bénéfices au détriment d'autrui, à l'aide de moyens immoraux et dangereux; c'est d'exploiter, par l'appât de chances hasardeuses ou de faciles

conditions, la crédulité ou les besoins des hommes. Les effets de ces établissements sont également les mêmes: ils détournent du travail, ils exaltent l'imagination, ils favorisent les mauvais penchants, entretiennent l'oisiveté par de honteuses ressources ou de folles espérances, et préparent la ruine de leurs adhérents. La loi a dû prendre, en conséquence, une disposition identique à l'égard de ces différents établissements; elle les frappe d'une commune prohibition.

Les infractions à cette prohibition ont ensuite les mêmes caractères : elles ne constituent que de simples contraventions matérielles. Le légis

[1] Ces articles ont été modifiés par la loi française du lateur a fait abstraction des circonstances mo

21 mai 1836.

rales qui peuvent les entourer. Il n'a vu, il n'a

« PrécédentContinuer »