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Florence et à Gênes. Cette institution n'eut qu'une durée momentanée; mais elle fut renouvelée plusieurs fois, nonobstant l'opposition constante des parlements.

d'aucuns billets de loteries étrangères ou autres qui n'auraient pas été autorisées par Sa Majesté, à peine de restitution des sommes reçues pour les billets distribués, de trois mille livres d'amende, et de plus grande peine, si le cas y échoit. » Enfin un arrêt du conseil du 31 décembre 1776 régularise le monopole de la loterie royale et assure la distribution et le colportage de ses billets.

Ainsi, sous cette législation, le principe de la matière était qu'aucune loterie ne pouvait exister qu'avec la permission du roi; et ce principe frappait également les loteries particulières et les loteries étrangères. Toute infraction à cette défense constituait une contravention.

Cet état de choses fut d'abord maintenu par la Convention. Un décret du 28 vendémiaire an2 conserve la loterie de France et ajoute que « les bureaux de loteries particulières, sous quelque dénomination qu'elles soient établies, sont supprimés; et ceux qui contreviendront au présent décret seront poursuivis par-devant les tribunaux de police municipale, condamnés à la restitution des sommes reçues pour les billets distribués en trois mille livres d'amende et traités comme gens suspects. » Un mois plus tard, un député demanda l'abolition de la loterie : « C'était, disait-il, un fléau inventé par le despotisme pour faire taire le peuple sur sa misère, en le

Louis XIV, par une ordonnance du 14 mars 1687, défend de faire aucune loterie sous quelque prétexte que ce soit. Mais un arrêt du conseil du 11 mai 1700, qui prouve l'inexécution de l'ordonnance, déclare que « le roi, ayant remarqué l'inclination naturelle de la plupart de ses sujets à mettre de l'argent aux loteries particulières, à celles que quelques communautés ont eu la permission de faire pour l'entretien et le soulagement des pauvres, même à celles qui se font dans les pays étrangers, et désirant leur procurer un moyen commode et agréable de se faire un revenu sûr et considérable pour le reste de leur vie, en donnant au hasard des sommes si légères qu'elles ne puissent leur causer aucune incommodité, il est ouvert une loterie royale composée de quatre cent mille billets de deux louis d'or chacun. » Cet établissement fut insuffisant. Un arrêt du conseil du 30 juin 1776 porte création d'une nouvelle loterie, en s'appuyant « sur ce que les différentes loteries établies jusqu'à présent dans le royaume n'auraient pu empêcher les Français de porter leurs fonds dans les pays étrangers, pour y courir les hasards et tenter fortune dans le jeu des loteries qui existent; que la loterie que Sa Majesté avait concé-leurrant d'une espérance qui aggravait sa caladée, quoique présentant au public un jeu semblable à celles de Rome, Gênes, Venise, Milan, Naples et Vienne, n'avait pas arrêté ce versement de l'argent du royaume dans d'autres loteries étrangères, duquel il résulte un préjudice sensible pour l'État, et qui mérite d'autant plus l'attention de Sa Majesté que le montant, d'après des informations certaines, forme un objet considérable, et qu'il ne pourrait qu'augmenter à l'avenir par les différentes chances que les États voisins cherchent à mettre dans ces sortes de jeux; elle aurait jugé que, la prohibition ne pouvant être employée contre les inconvénients de cette nature, il ne pouvait y avoir d'autre remède que de procurer à ses sujets une nouvelle loterie dont les différents jeux, en leur présentant les hasards qu'ils veulent chercher, soient capables de satisfaire et de fixer leur goût. »

Un arrêt du conseil du 20 septembre 1776 ordonnait en même temps « qu'il ne pourra être publié et affiché aucune loterie dans le royaume, de quelque nature qu'elle soit, ni distribué aueuns billets, sans que lesdites loteries soient autorisées par Sa Majesté; fait défense à tous négociants, marchands, banquiers, et à toutes personnes, de quelque qualité et conditions qu'elles soient, de se charger de la distribution

mité. » Un décret du 25 brumaire an 2 accueillit ce vou, et déclara : « Les loteries, de quelque nature qu'elles soient, et sous quelque dénomination qu'elles existent, sont supprimées. »

Le Directoire fut amené, par la pénurie des finances, à rétablir cette institution. L'art. 90 de la loi du 9 vendémiaire an 6 porte que « la cidevant loterie nationale de France est rétablie sur les bases et combinaisons qu'elle avait à l'époque de sa suppression. » L'art. 91 ajoute que «tout établissement de loterie particulière ou étrangère est prohibé; » et l'art. 92 déclare que les individus qui se permettront de recevoir pour des loteries étrangères seront condamnés, pour la première fois, en une amende de trois mille francs, et la seconde, outre l'amende, en six mois de détention. » La loi du 3 frimaire an 6 étendit la prohibition aux agences établies pour faire des ventes par forme de loterie; elle dispose que « toutes agences établies pour vendre par forme de loterie, soit avec mélange ou sans mélange de lots ou primes en argent, des effets mobiliers ou immobiliers, de quelque nature qu'ils puissent être, sont dans le cas de la prohibition prononcée par l'article 91 de la loi du 9 vendémiaire. » Enfin, l'art. 4 de la loi du 9 germinal an 6 est ainsi conçu : « Quicon

que sera convaincu d'avoir reçu ou tenu la banque pour les loteries étrangères ou particulières, prêté ou loué un local pour le tirage desdites loteries, sera condamné en un emprisonnement qui ne pourra excéder six mois, et en six mille francs d'amende pour la première fois; et en cas de récidive, il sera condamné en deux années d'emprisonnement, et l'amende sera doublée; le tout indépendamment de la saisie des billets, registres et fonds qui se trouveront soit chez le receveur, soit chez le banquier. »

La force obligatoire des lois des 9 vendémiaire, 3 frimaire et 9 germinal an 6, ne semblait pas douteuse, même depuis la promulgation de l'art. 410, au moins dans les dispositions que cet article n'a pas reproduites. En effet, un avis du conseil d'Etat, approuvé le 8 février 1812, porte « qu'on ne peut pas regarder comme réglées par le Code pénal de 1810, dans le sens attaché à ce mot, les matières relativement auxquelles le Code ne renferme que quelques dispositions éparses, détachées, et ne contenant pas un système complet de législation; et que c'est par cette raison que subsistent encore, quoique non renouvelées par le Code pénal de 1810, toutes celles des dispositions des lois et règlements antérieurs à ce Code qui sont relatives à la police rurale et forestière, aux maisons de jeux, aux loteries non autorisées par la loi. » Ensuite, la loi du 23 juillet 1820 a disposé spécialement que « la loi du 9 germinal an 6, sur la loterie, continuera d'être exécutée selon sa forme et teneur. >>

Telles étaient les dispositions de la matière à l'époque de la promulgation du Code pénal. L'art. 410, sans reprendre ces dispositions, s'est borné à déclarer que « tous ceux qui auront établi ou tenu des loteries non autorisées par la loi, tous administrateurs, préposés ou agents de ces établissements, seront punis d'un emprisonnement de deux mois au moins et de six mois au plus, et d'une amende de cent francs à six mille francs. » Les paragraphes 2 et 3 du même article prononcent, ainsi que nous l'avons déjà vu à l'égard des maisons de jeux, l'interdiction fa- Mais, bien que ces lois, réunies et combinées cultative des droits civiques du prévenu, et la avec l'art. 410, formassent un corps de législaconfiscation des ustensiles, appareils et meu- tion à peu près complet, leurs dispositions ont bles des loteries. L'art. 2 du décret du 25 sep- paru insuffisantes aux tribunaux, et par suite tembre 1813 a ajouté, en reproduisant l'arti-au législateur. Une loi nouvelle, la loi du 21 cle 10 de la loi du 9 germinal an 6: « Tout jugement qui sera rendu en exécution de l'article 410 du Code pénal, concernant les loteries clandestines, sera affiché aux frais des auteurs du délit. »

mai 1856, est intervenue avec le but d'expliquer, de fortifier et d'étendre l'art. 410. Nous allons parcourir les différents articles de cette loi, en les coordonnant avec le Code et les lois antérieures.

Cet article, de même que la législation anté- L'art. 1, qui consacre le principe de la loi, rieure, ne punit que les loteries non autorisées est ainsi conçu : « Les loteries de toute espèce par la loi. Cette distinction n'existe plus. La loi sont prohibées. » Jusque-là, et dans l'art. 410 du 22 février 1829 avait fait un premier pas lui-même, la prohibition des loteries n'était que vers l'extinction de la loterie royale, en suppri- relative; la loterie était admise comme un fait mant les bureaux dans 28 départements et en licite; l'État l'exploitait à son profit, et la proélevant le taux des mises; l'art. 48 de la loi du hibition ne portait que sur les loteries particu21 avril 1832 a achevé cette suppression, en dé-lières : elle n'avait qu'un but, celui de protéger clarant que la loterie cesserait d'exister le 1er janvier 1856.

Cette abolition a fait naître une foule de loteries particulières et d'entreprises qui, avec des combinaisons diverses, offraient les caractères et les inconvénients des loteries, et avaient pour but de spéculer sur la crédulité et l'avidité du public, et de perpétuer d'immorales habitudes que le législateur avait voulu tarir. L'art. 410, restreint dans ses termes et dans ses prévisions, était évidemment insuffisant pour réprimer ces dangereuses spéculations. Alors deux questions se sont présentées: la première, de savoir si la législation antérieure au Code pénal était encore en vigueur; la seconde, si cette législation, même en la supposant applicable, pouvait suffire à protéger la société.

le monopole de l'État; dès lors les infractions à ces prohibitions n'étaient considérées que comme des contraventions matérielles; la loterie illicite était une fraude envers le fisc. Ce caractère se modifie d'après la loi nouvelle : la prohibition est absolue et s'applique à toutes les loteries. La loi a considéré les désastreuses conséquences que ce jeu entraîne, la corruption qu'il produit, les moyens immenses qu'il offre à l'escroquerie de faire des dupes, et elle l'a supprimé, non plus comme un instrument de fraude envers l'État, mais comme un instrument d'immoralité pour la société. La loterie est condamnée extrinsèquement et en elle-même: telle est la différence qui sépare cette loi de la législation qui l'a précédée. Mais les éléments de l'infraction sont restés exclusivement matériels; ce que la loi a

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ciales que la loi a prohibé, et non plus seulement les chances de perte; c'est l'emploi du moyen, abstraction faite de son résultat.

voulu interdire, c'est l'instrument même de la loterie, indépendamment de l'abus qu'on peut en faire. Ainsi elle punit la seule existence d'une loterie, ou d'une vente effectuée par la voie du En second lieu, la loi du 9 vendémiaire an 6 sort, encore bien que cette vente ou cette loterie ne supprimait, par son art. 91, que les établisn'ait donné lieu à aucune fraude, à aucune trom-sements de loterie particulière et étrangère; la perie. C'est le moyen même qui est incriminé, parce que l'emploi de ce moyen peut jeter un immense péril dans les transactions sociales; l'opération elle-même peut ensuite être poursuivie à titre de vol ou d'escroquerie.

L'art. 2 définit les loteries: « Sont réputées loteries et interdites comme telles les ventes d'immeubles, de meubles, ou de marchandises, effectuées par la voie du sort, et auxquelles auraient été réunies des primes ou autres bénéfices dus au hasard, et généralement toutes opérations offertes au public pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait acquis par la voie du sort. >> On lit dans l'exposé des motifs de la loi : « Les caractères constitutifs des diverses spéculations que cette loi a pour but d'atteindre avaient besoin d'être fixés par des dispositions des anciennes lois. Que ces spéculations soient principales ou accessoires, habituelles ou isolées, sous forme de vente mobilière ou immobilière, ou de souscription; qu'elles présentent un mélange apparent d'opération commerciale et de chances aléatoires, toutes les fois qu'elles choisissent le sort pour instrument, elles rentrent toutes dans les prohibitions de la loi et dans les définitions de son art. 2. »>

Cette disposition modifie la législation antérieure sur plusieurs points essentiels. En premier lieu, sous cette législation qui n'avait point déterminé les éléments constitutifs de la loterie, on n'entendait par cette expression, suivant l'autorité de la lexicologie, que les combinaisons qui présentent des chances de gain ou de perte par la voie du sort. La loi nouvelle n'exige plus qu'il y ait chance de perte; chaque mise donnerait droit à une valeur égale, que la loterie ne serait pas moins prohibée il suffit qu'il y ait une vente effectuée par la voie du sort, une vente avec mélange de primes dues au hasard, une opération quelconque offrant l'espérance d'un gain acquis par la voie du sort [1].-C'est l'emploi de cette voie hasardeuse dans les transactions so

[1] La loi défend d'une manière générale les loteries, et sa prohibition ne cesserait pas dans le cas même où, indépendamment du billet de chance, il serait remis en sus un objet égal ou à peu près égal en valeur à la mise déposée par le joueur. (Brux., 4 janv. 1858; J. de Brux., 208.)

Il y a contravention à l'art. 410, dans le fait de celui qui met un ouvrage en souscription avec une certaine somme à répartir à titre de primes entre ceux des 500 pre

loi du 3 frimaire an 6 ne punissait que les agences établies pour vendre par forme de loterie, soit avec mélange, soit sans mélange de lots, des effets mobiliers ou immobiliers; enfin l'art. 410 n'incriminait que ceux qui avaient établi ou tenu des loteries. Ces dispositions pouvaient faire croire qu'un fait isolé de mise en loterie n'était pas punissable, qu'il fallait un établissement, une agence, une suite d'opérations. Le législateur a cru devoir proscrire cette interprétation, bien qu'elle eût été déjà repoussée par la cour de cassation. La loi décide qu'une seule vente par la voie du sort, ou une seule opération offerte au public pour faire naître l'espérance d'un gain acquis par la même voie, motive l'application des peines légales.

Enfin, les ventes d'immeubles par forme de loterie avaient donné lieu à quelques difficultés. L'édit de mai 1539 permettait la mise en loterie des immeubles. Depuis cette époque, et lorsque l'État se fut réservé l'exploitation des loteries, les loteries des immeubles se trouvèrent nécessairement prohibées. Ainsi on voit dans les recueils d'arrêts qu'un propriétaire voulant, en 1768, se défaire d'un domaine très-vaste, conçut le dessein de le mettre en loterie, et présenta requête au conseil souverain d'Alsace; mais, par arrêt du 17 mai 1768, cette cour ordonna qu'il serait mis au néant sur sa requête, par la raison qu'il n'avait point obtenu la permission du roi [2]. La loi du 3 frimaire an 6 avait prévu les ventes par forme de loterie des effets mobiliers ou immobiliers, mais elle ne punissait que les agences établies pour faire les ventes. L'art. 410 punissait, au contraire, tous ceux qui avaient établi et tenu des loteries, sans spécifier la nature des objets mis en loterie. C'est sur les termes de cet article que la question s'était élevée; et bien que la cour de Paris eût décidé que la mise en vente d'un seul immeuble par forme de loterie était passible des peines de la loi [3], cette décision n'avait point fait cesser tous les doutes qu'un texte

miers souscripteurs dont les numéros de souscription seront désignés par la voie du sort. La confiscation des objets dont parle l'art. 410 ne peut être prononcée que pour autant que ces objets aient été saisis et puissent être ainsi confisqués en nature. (Brux., 4 nov. 1856; Paris, 17 nov. 1852; J. de Brux., 1857, p. 55.)

[2] Recueil des ord. d'Alsace, t. 2, p. 806. [3] Paris, 17 nov. 1832.

obscur avait soulevés [1]. L'art. 2 de la loi nouvelle met un terme à cette controverse ce n'est plus l'objet de la vente, mais sa forme qu'il faut examiner; que cet objet soit un meuble ou un immeuble, la question est la même; si la vente est effectuée par la voie du sort, elle tombe sous la prohibition.

L'art. 3 de la loi établit les peines de la contravention : « La contravention à ces prohibitions sera punie des peines portées à l'art. 410, C. pén. S'il s'agit de loteries d'immeubles, la confiscation prononcée par ledit article sera remplacée, à l'égard du propriétaire de l'immeuble mis en loterie, par une amende qui pourra s'élever jusqu'à la valeur estimative de cet immeuble. En cas de seconde ou ultérieure condamnation, l'emprisonnement et l'amende portés en l'art. 410 pourront être élevés au double du maximum. Il pourra dans tous les cas être fait application de l'art. 463, C. pén. » L'amende que cet article substitue à la confiscation spéciale, lorsqu'il s'agit des loteries d'immeubles, peut être considérée elle-même, à raison du taux où elle peut être élevée, comme une véritable confiscation; mais nous avons vu, en traitant de ❘ la confiscation spéciale [2], que la confiscation des objets qui ont été l'instrument ou la matière des délits ou des crimes, est formellement autorisée par la loi. Ce n'est donc pas sous ce rapport que cette disposition pourrait être critiquée; mais peut-être pourrait-elle l'être parce qu'elle abandonne presque sans limite à l'arbitraire des tribunaux la fixation d'une amende qui peut atteindre le chiffre le plus élevé, ou parce qu'elle n'établit aucunes règles pour la distribution de cette peine, enfin parce qu'elle lui donne pour base la valeur estimative de l'immeuble, en laissant cette estimation au pouvoir discrétionnaire des juges. Le législateur a pensé qu'il fallait en cette matière laisser aux juges une espèce de pouvoir en quelque sorte discrétionnaire.

L'art. 4 renferme deux dispositions distinctes. La première est ainsi conçue : « Ces peines se

[1] L'art. 410, qui prohibe tout établissement de loterie non autorisé, est encore en vigueur nonobstant la suppression de l'impôt des loteries.

La mise en vente d'un immeuble par séries d'actions, dont les numéros gagnants doivent être déterminés par un tirage, constitue le délit d'établissement de loterie non autorisé. (Brux., 6 août 1835; Paris, 17 nov. 1832; J. de Brux., 1835, p. 380.)

[2] . notre t. 1er, p. 80. - Édit. de 1843, p. 118. [3] L'éditeur d'un journal qui se borne à insérer dans sa feuille des avis rédigés et signés par des banquiers étrangers, annonçant les ventes par actions de domaines situés en pays étranger, le prix des actions, les noms et domi

ront encourues par les auteurs, entrepreneurs ou agents des loteries françaises ou étrangères, ou des opérations qui leur sont assimilées. » De cette disposition découlent deux corollaires. L'art. 410 ne punissait que les entrepreneurs, c'est-à-dire ceux qui ont établi ou tenu des loteries, et les agents, c'est-à-dire les administrateurs préposés de ces loteries; la loi nouvelle fait remonter l'incrimination jusqu'aux auteurs, c'est-à-dire à ceux qui ont préparé et formé l'entreprise, lors même qu'ils ne l'exploitaient pas par eux-mêmes. En second lieu, ces auteurs, entrepreneurs et agents sont punis des mêmes peines, soit que les loteries qu'ils ont formées, établies ou tenues, soient françaises ou étrangères. Il ne suffisait pas en effet de proscrire toute espèce de loterie, il fallait prohiber en même temps l'exploitation en France d'une loterie établie en pays étranger. C'est contre ce jeu des loteries étrangères que nos anciennes ordonnances et les arrêts du parlement portaient les peines les plus sévères. Les lois des 9 vendémiaire et 9 germinal an 6 prohibaient tout établissement d'une loterie étrangère, et le fait d'avoir tenu la banque pour une loterie de cette nature. Les termes vagues de l'art. 410 faisaient douter de sa portée. Toute incertitude cesse aujourd'hui sur ce point.

Le 2 § du même art. 4 est ainsi conçu : « Ceux qui auront colporté ou distribué les billets, ceux qui, par des avis, annonces, affiches, ou par tout autre moyen de publication, auront fait connaître l'existence des loteries ou facilité l'émission des billets, seront punis des peines portées en l'art. 411, C. pén.; il sera fait application, s'il y a lieu, des deux dernières dispositions de l'article précédent. » Cette disposition a rempli une lacune de la législation [3]. L'arrêt du conseil du 20 septembre 1776 était le seul texte qui eût prévu la publication et l'affiche des loteries étrangères dans le royaume, et la cour de cassation avait cru devoir, pour prévenir cette publication, recourir aux dispositions de cet ar

ciles des individus chez lesquels on pouvait se les procurer, et à promettre d'adresser, sans frais, les listes officielles des numéros gagnauts et de les déposer au bureau du journal, n'est pas passible des peines comminées par l'article 410, comme agent de loterics non autorisées, ni des peines comminées par l'arrêté du 3 mars 1824 combiné avec la loi du 6 mars 1818. (Brux., cass., 17 juill. 1836; J. de Brux., 1836, p. 216.)

La simple impression et la distribution d'annonces ou prospectus d'une loterie étrangère ne sont pas prohibées en Belgique sous les peines portées à l'art. 410; elles le sout par l'arrêté du 3 mars 1824. (Brux., 4 oct. 1834 et 18 mai 1855; J. de Brux., 1855, 157 et 245.)

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faisance ou à l'encouragement des arts, lorsqu'elles auront été autorisées dans les formes qui seront déterminées par des règlements d'administration publique. »

Les loteries d'objets mobiliers peuvent donc encore avoir lieu dans deux cas : 1° lorsqu'elles sont destinées à des actes de bienfaisance; 2° à l'encouragement des arts.

Dans le premier cas,

Dans le premier cas, il ne suffirait pas qu'une partie des souscriptions fût affectée au soulagement des pauvres la loi exige que le produit de la loterie soit exclusivement destiné à l'acte de bienfaisance, et elle a voulu par cette expression éloigner les combinaisons qui, sous le voile de la bienfaisance, et en consacrant aux pauvres une faible part des mises, auraient essayé de lutter contre la prohibition légale.

ticle. Un arrêt du 5 décembre 1835 porte en effet « que l'arrêt du conseil du 20 septembre 1776 est un acte de la puissance souveraine, et qu'il a été publiquement exécuté dans le royaume; que toutes les lois subséquentes, et notamment celles des 9 vendémiaire et 9 germinal an 6, ont continué de prohiber les loteries étrangères; que les anciennes lois, ordonnances et règlements sur les loteries non autorisées se trouvent maintenus: 1° par l'art. 484, C. pén.; 2° par l'avis du conseil d'État du 8 février 1812; 3° par l'article 1 de la loi du 21 décembre 1814, et les différentes lois sur les finances qui ont été promulguées postérieurement; que le fait reproché au gérant du Figaro, d'avoir annoncé la nouvelle vente par actions du château de Thorisunbad à Vienne, est expressément défendu par ledit arrêt qui, à défaut d'une sanction pénale sur ce La loi, dans la deuxième hypothèse, a eu népoint, emporte l'application des peines que pro- cessairement en vue des encouragements pour noncent l'art. 471, n° 15, et l'art. 474, les artistes. Il s'agit, dans sa pensée, du placeC. pén. [1]. » Il est inutile d'examiner le méritement d'une œuvre d'art dans l'intérêt de son aude cette décision; toute difficulté se trouve effacée par les termes de l'art. 4 de la loi nouvelle. Depuis la promulgation de cet article, plusieurs moyens ont été employés pour en éluder les prohibitions. Les ventes d'immeubles étrangers ont été annoncées, mais sans que l'annonce fit connaître que ces ventes étaient faites par forme de loterie; des billets ont été envoyés par des banquiers étrangers, par la voie de la poste, Au reste, aucun règlement d'administration au domicile même des citoyens; enfin, l'adresse publique n'est encore intervenu pour régler la de ces banquiers a été annoncée dans les jour- forme de l'autorisation qui doit précéder, dans naux, sans ajouter l'objet véritable de cet avis. tous les cas, ces loteries particulières. En atEvidemment, les journaux connaissent très-tendant ce règlement qui aurait dû être fait imbien le but des annonces qui leur sont remises; ils savent qu'on veut éviter l'application de la loi pénale; et ils peuvent être atteints par les dispositions répressives de cette loi, comme ayant facilité l'émission des billets. L'envoi des billets par la voie de la poste doit également donner lieu à la saisie des billets et à l'instruction d'une procédure contre les expéditeurs. Le délit, en effet, est évident, soit qu'on considère cet envoi comme une distribution de billets d'une loterie étrangère, ou comme une annonce de cette loterie; et le seul moyen d'en prévenir les effets est de faire ordonner, par la voie d'une information, la saisie et la destruction des billets ou des prospectus.

L'art. 5 de la loi du 21 mai 1836 termine ces nouvelles dispositions par une exception qui les restreint « Sont exceptées des dispositions des art. 1 et 2 ci-dessus, les loteries d'objets mobiliers exclusivement destinées à des actes de bien

[1] Cass., 5 déc. 1835 (De Villeneuve, 35, 1, 913.)

teur. L'artiste qui n'a pas trouvé d'acquéreur pour un tableau, une gravure, une statue, ou dont l'œuvre est d'un tel prix que les fortunes particulières ne pourraient que difficilement l'acquérir, peut mettre cette œuvre en loterie. Cet article régularise également les loteries annuelles faites de tableaux d'artistes vivants par la société des arts.

médiatement par le pouvoir exécutif, l'autorisation ne peut être accordée que par ordonnance royale; il n'appartiendrait pas à un ministre seul de suppléer au silence du pouvoir exécutif. Sans le règlement, la loi est incomplète, et l'exception n'est plus censée exister.

L'exécution partielle ne peut émaner que du pouvoir à qui la délégation a été faite; il ne suf firait pas que le prévenu prétendit et établit même que la loterie qu'il a tenue a eu pour objet le soulagement d'une infortune, ou l'encouragement des arts; les tribunaux ne seraient point compétents pour apprécier cette excuse. Le seul fait d'une loterie sans autorisation constitue la contravention, quel que soit le but de cette loterie. Les tribunaux n'ont donc à constater qu'un fait matériel, l'établissement d'une loterie sans autorisation; il n'appartient qu'à l'administration d'apprécier le but de la loterie, et de la couvrir, s'il y a lieu, par une autorisation accordée dans des formes légales.

Tel est l'état actuel de la législation sur cette matière. La loi du 21 mai 1856, en élargissant

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