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appliquée suivant sa teneur et son véritable sens; mais s'agit-il de l'étendre, on étend la loi, soit en lui imprimant un sens qui n'est pas le sien, soit en l'appliquant par analogie à un cas qu'elle n'avait pas prévu. Or, il ne s'agit ni de forcer les termes de l'art. 419, ni de les appliquer à un cas analogue; il s'agit uniquement d'attribuer à l'une de ses expressions qui a, dans la langue du droit, deux significations diverses, l'une de ces deux significations, et dès lors ce n'est point une extension, mais une légitime interprétation de son texte.

Cela posé, est-il vrai que le sens du mot marchandise soit restreint par les termes qui l'entourent? L'art. 419 ne frappe que la coalition entre les principaux détenteurs d'une même marchandise ou denrée. Or, le mot denrée auquel le mot marchandise est joint, comme étant de même espèce, de même nature, et rentrant dans la même catégorie, serait-il un indice qu'il s'agit de ces objets corporels qui s'achètent et se

même; la rubrique de la section où se trouve | placé l'art. 419 est ainsi conçue: Violation des règlements relatifs aux manufactures, au commerce et aux arts. C'est une protection générale accordée aux manufactures, au commerce et aux arts; il n'y a point de restriction; et comment y en aurait-il? Comment le législateur aurait-il voulu restreindre sa protection? Comment aurait-il divisé les coalitions en deux séries, pro. hibant les unes et tolérant les autres, tuteur soigneux de quelques industries, et abandonnant les autres à toutes les fraudes? Et l'industrie qu'il eût ainsi livrée à ses propres excès, ce serait l'industrie des transports, l'instrument et la vie de toutes les industries! Il voulait proscrire les moyens illicites et subtils de causer la hausse et la baisse des marchandises, et il eût permis les coalitions frauduleuses des compagnies messagistes, lorsque le prix des transports est un élément du prix des marchandises, et peut influer sur la hausse ou la baisse de ce prix? Il est impossible de le méconnaître, la pensée du lé-vendent dans le commerce? Le mot détenteur ne gislateur n'a pas dû concevoir de restriction; elle a dû s'étendre à toutes les industries, à toutes les spéculations commerciales: aucun motif ne pourrait être allégué pour justifier une limite, une exception; car il ne peut exister aucun motif de tolérer dans une branche de commerce une fraude qui serait punie dans une autre comme un délit. Mais il ne suffit pas que cette pensée du législateur soit présumée, il faut qu'elle ressorte du texte même de la loi; il ne suffit pas que la raison l'admette et l'approuve, il faut qu'elle soit explicitement consacrée. Nous trouvons bien dans l'art. 419 que le but du législateur a été d'assurer la concurrence naturelle et libre du commerce; d'où l'on doit conclure que la disposition s'étend à tous les genres de commerce: mais n'a-t-il pas restreint cette disposition, lorsqu'il n'a incriminé que les coalitions entre les principaux détenteurs d'une même marchandise, tendant à ne la pas vendre ou à ne la vendre qu'à un certain prix?

Et d'abord, même en admettant que le mot marchandise ait les deux significations que nous lui avons reconnues plus haut, l'une générale, l'autre spéciale, ne pourrait-on pas prétendre que cette dernière devrait être adoptée, parce que la loi pénale doit plutôt être restreinte qu'étendue dans son application? Nous avons souvent, dans notre livre, invoqué le principe tutélaire qui dénie le droit d'étendre la loi pénale, et nous ne le méconnaîtrons pas ici. La loi ne doit être étendue ni restreinte, elle doit être

[1] Cours de droit comm., t. 1er, no 8.

serait-il pas une seconde preuve de cette nature mobilière des marchandises, puisqu'on ne peut détenir que des choses corporelles? Ces deux objections ne sont point sans réponse. En premier lieu, on entend en général par denrées les objets qui servent à la nourriture et à l'entretien des hommes et des animaux, et qui sont de nature à être consommés ou entièrement dénaturés au premier usage [1]. Or, quelle que soit la généralité du mot marchandise, il est douteux qu'on eût pu y comprendre ces objets; il suit de là que l'adjonction du mot denrée au mot marchandise a pour but d'étendre la loi loin de la restreindre. D'ailleurs, et suivant une autre interprétation, le mot denrée signifie dans certains cas toutes les choses qui s'échangent contre l'argent, c'est-à-dire, toute espèce quelconque de mar chandises [2]. Dès lors il serait impossible d'attribuer à ce mot aucune influence restrictive. Cette influence est-elle attachée du moins au mot détenteurs? Le mot détention, a-t-on dit, suppose la transmissibilité de la chose détenue. On détient un meuble, un immeuble, on détient même une hérédité, on ne détient pas un fait. Or, le transport, c'est un fait actif de la part de l'entrepreneur qui transporte le voyageur, c'est un fait passif de la part du voyageur qui est transporté d'un lieu à un autre. On peut répondre, en premier lieu, que le mot détenir a plusieurs acceptions, qu'il s'applique soit aux choses corporelles, soit aux choses incorporelles; que l'art. 408 prévoit le détournement des effets,

[2] Cass., 30 juill, 1818.

billets, quittances, au préjudice des possesseurs | générique, qui comprend toutes les choses com

ou détenteurs; que cette expression s'entend donc, non d'une possession réelle, mais aussi d'une sorte de possession fictive, indépendante de la possession matérielle. Il faut ajouter ensuite que ce n'est point du fait du transport que les entrepreneurs sont détenteurs, mais bien des moyens qui servent à effectuer ce transport.

Une autre objection est tirée de ce que la loi ne punit la coalition que lorsqu'elle a pour objet de ne pas vendre une marchandise ou une denrée, où de ne la vendre qu'à un certain prix. On conclut de ces termes qu'il ne s'agit que des choses qui sont l'objet d'un contrat de vente, des choses mobilières, et non des ouvrages ou des faits qui sont susceptibles de louage et non de vente. On a répondu à cette objection que le mot vente ne se trouve que dans l'indication du mode du délit, et non dans la spécification des objets qu'il doit affecter; que d'ailleurs les contrats de vente et de louage offrent entre eux les plus grands rapports d'analogie; qu'ainsi Pothier enseigne « que le contrat de louage renferme en quelque façon, non la vente de la chose même qui est louée, mais la vente de la jouissance et de l'usage de cette chose [1]. » Mais la véritable réponse est, ainsi que l'a fait remarquer M. le conseiller Rives dans son rapport: «que si le Code punit en particulier la coalition ayant pour but et pour effet la hausse ou la baisse résultant de la vente ou de l'abstention de la vente, il frappe aussi, en général, de la même peine les coalitions qui parviennent à ce résultat par des voies ou moyens frauduleux quelconques; que la question se réduit dès lors à savoir bien moins s'il y a vente ou louage, que si la coalition tend à faire cesser la concurrence en la rendant impossible; qu'il est donc indifférent que la place ne soit que louée, si la coalition réussit de cette manière aussi pleinement que par la vente à s'assurer le monopole du transport. »>

Nous venons de rappeler les principaux motifs qui doivent fixer le sens du mot marchandise. Nous ne pousserons pas plus avant la discussion d'une question très-importante sans doute à raison des intérêts immenses qu'elle touche, mais qui tient autant à la science économique qu'au droit pénal. Il nous a suffi d'établir: 1° que la raison de la loi suppose nécessairement une disposition générale, puisqu'on ne peut admettre que le législateur ait voulu protéger certaines branches du commerce, et refuser toute protection aux autres; 2° que l'expression marchandise admet deux acceptions différentes, l'une

merciales, l'autre restreinte, qui ne s'applique qu'à celles qui se mesurent, se pèsent, on se comptent; 3° que les différents termes de l'article, d'accord avec l'esprit qui le domine, et loin de limiter son interprétation, tendent à en généraliser le sens.

Nous continuons maintenant l'examen des autres dispositions du même article.

Nous avons vu que le législateur s'est préoc cupé d'abord de trois modes principaux, qui se manifestent plus fréquemment, et qu'il peut plus facilement saisir la publication de faits faux, les suroffres faites à des ventes, enfin les coalitions entre les détenteurs d'une marchandise. Le voici maintenant, comme s'il reconnaissait l'impossibilité de prévoir toutes les fraudes, qui les comprend toutes dans une même formule. L'art. 419 ajoute aux trois exemples qu'il a donnés les voies ou moyens frauduleux quelconques.

Le projet du Code incriminait l'annonce dans le public ou dans les rassemblements commerciaux de la cherté ou de la disette de certaines denrées ou marchandises, ou quelque espèce de fraude que ce soit. Lors de la discussion de l'article, Begouen fit remarquer qu'il était impossible d'empêcher des négociants réunis à la bourse de s'entretenir du cours des choses dont ils trafiquent; qu'il fallait se borner à empêcher les manoeuvres destinées à opérer un renchérissement: il proposa d'effacer cette quatrième forme sous laquelle le délit pouvait se produire, et d'incriminer en général tous les moyens frauduleux. Treilhard dit que, les manœuvres s'opérant de la manière supposée dans l'article, la section avait cru devoir donner une indication aux juges; qu'on pouvait adopter une rédaction plus vague, mais qu'il était à craindre qu'elle n'allàt contre le but qu'on se proposait. L'amendement fut néanmoins adopté [2].

On peut se demander comment, par l'effet du même amendement, les trois premières dispositions de l'article n'ont pas été également effacées, puisque ces trois modes de perpétration viennent nécessairement se confondre parmi les moyens frauduleux quelconques qui peuvent servir de base à l'incrimination. C'est que le législateur a voulu donner des indications de l'espèce de fraude qu'il punissait, c'est qu'il a voulu en préciser les exemples les plus importants pour servir de guide aux juges; mais il suit de là que les termes qui définissent ces exemples ne sont point restrictifs, et que si les faits de

[1] Traité du contrat de louage, part. 1re, nos 2, 5, 4.

[2] Lecré, t. 15, p. 5)3.

fraude, bien qu'analogues aux faits prévenus, en different sous quelque rapport, ils tombent dans la disposition générale qui termine cette énumération. La seule condition exigée par la loi est que les manœuvres employées aient été frauduleuses. C'est dans cette fraude, élément nécessaire des différents modes de perpétration, que réside toute la criminalité du délit.

Nous arrivons maintenant au deuxième élément du délit, au fait matériel qui le constitue. Ce fait consiste dans la hausse ou la baisse du prix des denrées ou marchandises, ou des papiers et effets publics, au-dessus ou au-dessous des prix qu'aurait déterminés la concurrence naturelle et libre du commerce.

Il faut que la hausse ou la baisse ait été opérée. C'est ce résultat que le législateur a voulu punir; seul il peut donner la mesure de la gravité des manœuvres employées pour l'obtenir. Si les manœuvres n'ont produit aucun effet, il y a lieu de présumer ou qu'elles n'étaient pas frauduleuses, ou que la fraude était trop légère pour qu'on pût l'atteindre; d'ailleurs ces manœuvres ne pourraient constituer qu'une tentative du délit, et l'art. 419 n'a point assimilé la tentative du délit qu'il prévoit au délit consommé; cette interprétation a été consacrée par de nombreux arrêts. La cour de cassation a formellement déclaré : « que l'art. 419 ne prononce de pénalité contre les coalitions qu'autant qu'elles ont, en effet, opéré la hausse ou la baisse du prix des denrées et marchandises; qu'aux termes de l'article 3, C. pén., les tentatives de délit ne sont considérées comme délit que dans les cas déterminés par une disposition spéciale de la loi, et que l'art. 419 n'en renferme aucune qui assimile le fait d'avoir tenté d'opérer la hausse ou la baisse des denrées ou marchandises, au délit d'avoir effectivement opéré cette hausse ou cette baisse [1]. »

Nous avons expliqué plus haut la signification des mots denrées et marchandises. Par denrées, on entend les objets, recueillis ou fabriqués, particulièrement destinés à la nourriture ou à l'entretien des hommes et des animaux, et de nature à être consommés ou entièrement dénaturés au premier usage [2]. Par marchandise on entend, dans une première acception, toutes choses mobilières qui subsistent après le premier usage ou ne se consomment que lentement; on entend

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aussi, dans une deuxième acception, toutes les choses en général qui peuvent faire l'objet d'un trafic. Dans cette dernière acception, cette expression comprendra les denrées, et même les effets publics. Mais le législateur a dû néanmoins énoncer ces deux espèces de marchandises, parce que dans l'usage on ne les range pas sous cette qualification. Nous avons exprimé les motifs qui nous ont portés à généraliser ce mot, dans l'interprétation de l'art. 419; nous n'insisterons plus sur ce point.

Que faut-il entendre par une concurrence naturelle et libre? « C'est une lutte féconde, a dit l'un de nos économistes les plus distingués, où l'industrie, excitée sans cesse par l'aiguillon de la rivalité, s'efforce de conquérir la faveur publique au moyen des bas prix et de la bonne qualité des produits. Mais si, au lieu de chercher à faire naître, par l'économie et le travail, une baisse réelle et permanente sur le prix des marchandises, la concurrence se sert uniquement d'une baisse factice et transitoire, destinée à écarter les industries rivales, elle dégénère en une guerre ruineuse pour tous. Elle appauvrit la société, car elle détruit en pure perte des forces vives, des ressources précieuses; elle a pour unique effet de livrer les consommateurs sans défense, sans refuge, aux capricieuses exigences de ceux des producteurs qui survivent et demeurent maîtres absolus du champ de bataille [3]. » La libre concurrence est celle qui s'exerce par le travail et sans fraude; dès qu'elle emploie des manœuvres frauduleuses, ce n'est plus une concurrence, c'est un monopole. L'intérêt de la liberté de l'industrie en exige la répression.

Nous avons précisé les deux éléments du délit: les moyens à l'aide desquels s'opère la hausse ou la baisse des marchandises, et le résultat atteint par ces moyens, l'événement de cette hausse ou de cette baisse. Nous allons maintenaut rapidement résumer les diverses espèces où ces règles ont été appliquées. La cour de cassation a successivement décidé : 1° que les fermiers qui, lors du recensement des grains opéré en vertu du décret du 4 mai 1812, avaient fait une fausse déclaration, dans le but d'en soustraire une certaine quantité à la connaissance des autorités, et de vendre cette quantité au-dessus de la taxe, étaient passibles de l'application de l'art. 449 [4]; 2° que celui qui allègue publiquement avoir

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vendu un sac de grain plus cher qu'il ne l'a substances farineuses, pain, vin, ou toute autre vendu réellement, avec le dessein de faire haus-boisson. La mise en surveillence qui sera proser cette marchandise, rentre dans les mêmes noncée sera de cinq ans au moins et de dix ans termes [1]; 3° que les fabricants de soude qui se au plus. >> sont interdit de vendre leurs produits autrement que par l'intermédiaire d'un consignataire unique et exclusif et à un prix déterminé, se rendent coupables du même délit [2]; 4° que la même décision s'applique aux boulangers d'une ville qui s'engagent respectivement, avec clause pénale, à ne fournir qu'une quantité déterminée de pain par chaque décalitre de blé qui leur est livré [3]; 5° enfin, qu'elle s'applique encore aux bouchers d'une commune qui conviennent entre eux de ne pas continuer l'approvisionnement en viande de boucherie tant que le prix fixé par l'autorité municipale n'aurait pas été élevé [4]. Il est évident, d'ailleurs, que dans ces diverses espèces on doit supposer l'intention de produire, d'une part, la hausse de la marchandise, de l'autre, l'événement de cette hausse au-dessus du cours naturel. Sans cette double condition le délit n'existerait pas, quelles que fussent les conventions dont les prévenus se seraient liés, ou les manœuvres qu'ils auraient employées; ces conventions ou ces manœuvres ne sont qu'un acte préparatoire de ce délit, elles n'en deviennent un élément que lorsqu'elles sont animées d'une pensée frauduleuse.

Les faits prévus par l'art. 419 sont frappés d'une double peine, d'un emprisonnement d'un mois à un an, et d'une amende de 500 à 1,000 fr.; mais l'art. 463 permet d'atténuer l'une ou l'autre de ces peines, et même de n'en prononcer qu'une seule. L'art. 419 ajoute : « Les coupables pourront de plus être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute police, pendant deux ans au moins et cinq ans au plus. » Cette mesure nous semble peu en rapport avec la nature du délit qu'il s'agit de punir, mais elle est purement facultative.

Le délit devient plus grave, et les peines s'élèvent, s'il a eu pour objet les substances alimentaires de première nécessité; car les résultats peuvent devenir funestes, non-seulement pour le commerce, mais pour la tranquillité publique. L'art. 420 porte « La peine sera d'un emprisonnement de deux mois au moins et de deux ans au plus, et d'une amende de mille francs à vingt mille francs, si ces manoeuvres ont été pratiquées sur des grains, grenailles, farines,

[1] Cass., 17 janv. 1818.
[2] Cass., 31 août 1838.
[3] Cass., 29 mai 1840.
[4] Cass., 3 juill, 1841,

Le commerce des grains a toujours préoccupé le législateur [5]. Les nombreuses entraves qui l'environnaient ne furent levées que par lettres patentes du 2 novembre 1774, qui établirent pour la première fois la liberté de ce commerce. La déclaration du 5 février 1776 ajoutait formellement « Pourront, ceux qui auront des grains à vendre, augmenter ainsi que diminuer le prix conformément au cours du commerce. » Ces règles furent maintenues pas l'assemblée constituante [6]. Mais l'assemblée législative s'en écarta: la loi du 16 septembre 1792 ordonna un recensement général des grains, en ajoutant la prescription aux détenteurs de les porter aux marchés. Les lois des 4 mai 1793, 9 et 17 août 1793, 10 septembre 1793 et 23 brumaire an 2, apportèrent de nouvelles restrictions à la circulation. La liberté du commerce ne fut rétablie que par la loi du 21 prairial an 5; mais la crainte ou la réalité des accaparements donna lieu ensuite à quelques mesures. Le décret du 4 mai 1812 défendit à tous les citoyens de faire aucun achat ou approvisionnement de grains ou farines pour les garder en magasin et en faire un objet de spéculation; il les assujettit à la déclaration des quantités qu'ils possédaient, et à l'exposition dans les marchés des mesures nécessaires pour les tenir suffisamment approvisionnés; enfin le décret du 8 mai 1812 fixa, pour chaque localité, ou permit aux préfets de fixer le maximum du prix du blé.

Le Code pénal n'a sanctionné, parmi toutes ces mesures, que deux dispositions : l'art. 176 défend à certains fonctionnaires de faire le commerce des grains, grenailles, farines, substances farineuses, vins ou boissons [7]; et l'art. 420 défend à tous les citoyens d'opérer la hausse ou la baisse des mêmes substances par des manœuvres ou des moyens frauduleux.

L'art. 420 n'est que le corollaire de l'art. 419; il ne reçoit application que dans les mêmes cas, il suppose les mêmes éléments d'incrimination. Les seules différences qui séparent les deux articles consistent dans la qualité des marchandises et dans le taux des peines applicables. Ainsi il est nécessaire, pour l'existence du délit, que les manœuvres soient frauduleuses, qu'elles aient

[5]. Damhouderius, cap. 152, p. 416.

[6] Décrets des 29 août, 18 sept. et 3 oct. 1789, 2 juin et 15 sept. 1790, 26 sept. 1791.

[7] . notre t. 2, p. 181.

pour but d'opérer la hausse ou la baisse, et que cette hausse ou cette baisse aient été opérées. Toutes nos observations précédentes trouvent

donc leur application ici. L'aggravation de la peine n'est attachée qu'à la nature de la marchandise.

CHAPITRE LXIX.

-

DES PARIS SUR LA HAUSSE OU LA BAISSE DES EFFETS PUBLICS.

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RESTRICTION DE LA

PARIS SUR LA HAUSSE OU LA BAISSE DES MARCHANDISES. PROJET DU CODE PÉNAL.
LOI SUR LES EFFETS PUBLICS. OBJET DE L'INCRIMINATION. CARACTÈRE GÉNÉRAL DES OPÉRATIONS DE
BOURSE. MARCHÉS AU COMPTANT ET A TERME. — MARCHÉS A TERME ET A PRIME. NULLITÉ DE CES
MARCHÉS. RENFERMENT-ILS LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DU DÉLIT? - ÉLÉMENTS Du délit. -CON-
VENTION SPÉCIALE. TOUS LES PARIS SUR LES EFFETS PUBLICS RENTRENT-ILS DANS LES Termes de LA LOI
PÉNALE? DÉFINITION DES EFFETS PUBLICS. LES EFFETS ÉTRANGERS DOIVENT-ILS ÊTRE CONSIDÉRÉS
COMME DES Effets publics? - DE LA CONDITION DE L'EXISTENCE OU DE LA POSSIBILITÉ DE L'EXISTENCE
DES EFFETS PUBLICS DANS LES MAINS DU VENDEUR. CETTE CONDITION REND LA PEINE PUREMENT COMMI-

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NATOIRE. ---
LES MARCHÉS A TERME ÉCHAPPENT A LA DISPOSITION DE LA LOI. LA PREUVE DE RÉALISATION
DES EFFETS EST A LA CHARGE DU VENDEUR. - L'acheteur PEUT-IL ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME COMPLICE DU
VENDEUR ET PUNI COMME TEL? (COMmentaire des art. 421 ET 422, C. PÉN.)

Le législateur, après avoir prévu et puni les diverses fraudes qui peuvent entacher les opérations commerciales, a voulu bannir du commerce les jeux de bourse, quand ceux qui s'y livrent ne présentent aucune garantie, et quand la mauvaise foi peut en égarer les chances.

Le projet du Code avait étendu cette prohibition à tous les paris faits sur la hausse ou la baisse des marchandises. Les art. 421 et 422 étaient, dans ce projet, ainsi conçus : « Tous les paris qui auraient été faits sur la hausse ou la baisse des marchandises, denrées, ou des effets négociables de quelque nature qu'ils soient, sont des délits et seront punis des peines portées par l'art. 419; ils le seront de celles portées par l'article 420, s'ils ont été faits sur la hausse ou la baisse des grenailles, farines, substances farineuses, pain, vin ou toute autre boisson. Sera réputée pari de ce genre toute convention de vendre ou de livrer des denrées ou marchandises, ou des effets négociables, lorsque ces marchandises, ces denrées ou ces effets ne seront pas prouvés par le vendeur avoir existé à sa disposition au temps de la convention, ou avoir dû s'y trouver au temps de la livraison. >>

Lorsque ces deux articles furent soumis à la discussion du conseil d'État, Bégouen trouva ces

expressions de quelque nature qu'ils soient trop générales. Il pensa qu'on ne devait interdire que les paris sur les effets publics, et demanda que l'effet de la loi ne fût pas étendu plus loin. Les deux articles furent adoptés avec cet amende

ment.

Ils se trouvèrent dès lors ainsi conçus : « Article 421. Les paris qui auront été faits sur la hausse ou la baisse des effets publics seront punis des peines portées par l'art. 419. Art. 422. Sera réputée pari de ce genre toute convention de vendre ou de livrer des effets publics qui ne seront pas prouvés avoir existé à sa disposition au temps de la convention, ou avoir dû s'y trouver au temps de la livraison. »

« Il résulte de cette définition, porte l'exposé des motifs, que le but de la loi est de réprimer une foule de spéculateurs qui, sans avoir aucune espèce de solvabilité, se livrent à ces jeux et ne craignent pas de tromper ceux avec lesquels ils traitent. La loi soumet le vendeur seul à la preuve qu'elle exige, parce que c'est lui qui promet de livrer la chose. Mais si la promesse de livrer existe de la part des deux contractants, la preuve est nécessaire pour l'un et pour l'autre, car tous deux sont respectivement vendeurs et acheteurs. Ce moyen de répression, loin de nuire

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