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réponse du jury il ne résulte pas suffisamment la | excluait cette confiance, et une raison particupreuve que le vol ait été commis par le deman- lière pour l'entrepreneur de redoubler de surdeur dans la maison de son maître; qu'un do-veillance à son égard. On ne peut pas établir maine se composant non-seulement des bâti- parité de peine là où il n'y a pas parité d'espèce ments, mais encore des terres qui en dépendent, et de position. » Nous ajouterons que l'entrele jury, en déclarant que le vol dont il s'agit preneur des travaux de la prison n'est point un avait eu lieu dans le domaine du maître, n'a maître dans le sens de la loi : il n'en exerce ni point déclaré d'une manière claire et précise que l'autorité ni le patronage; il n'existe aucune esc'était dans la maison ou ses dépendances que pèce de contrat ni de quasi-contrat entre lui et ce même vol avait été consommé [1]. » les détenus; ceux-ci ne sont donc soumis vis-àvis de lui à aucune obligation spéciale de nature à aggraver le vol qu'ils commettent à son préjudice.

Ainsi, enfin, l'ouvrier qui commet le vol hors de l'atelier où il travaille, mais dans la maison qui est annexée à cet atelier, ne commet pas un vol domestique. Telle est la conséquence rigoureuse de la règle que nous avons posée. La cour de cassation a été, dans cette espèce, infidèle à cette règle, en déclarant : « qu'il suit des termes de l'art. 386, no 3, que la peine qu'il prononce n'est pas bornée aux vols commis par les ouvriers, compagnons ou apprentis, dans les ateliers où ils travaillent, mais qu'elle s'étend encore aux vols commis par ces mêmes individus dans la maison de leurs maîtres [2]. » Cet arrêt est évidemment contraire aux précédentes décisions de la cour. Nous avons vu en effet, et la cour de cassation a confirmé cette règle, que la circonstance du lieu de la perpétration du vol n'était aggravante qu'autant que ce lieu était celui où l'agent travaillait habituellement, soit que ce fût la maison, le magasin ou l'atelier, suivant les termes mêmes de l'article. Si l'ouvrier travaille habituellement dans un atelier distinct de la maison, c'est donc seulement aux vols commis dans cet atelier que s'applique l'article. Hors de cet atelier, en effet, sa qualité ne lui donne plus le droit de s'introduire, ou s'il pénètre dans la maison, c'est par la tolérance du maître et non plus par la nécessité de son travail; la confiance qui l'entoure est purement volontaire, elle n'est plus nécessaire.

La question s'est élevée de savoir si le vol commis par un détenu dans l'atelier d'une pri- son peut être assimilé au vol commis par un ouvrier dans l'atelier de son maître. La négative est évidente; et c'est aussi dans ce sens que cette question a été résolue par la cour de Paris [3] « L'art. 386, a dit cette cour, s'applique au cas général où il s'agit d'un vol commis par un ouvrier qui est libre de sa volonté comme de sa personne, et où il se forme dès lors de la part du maître une confiance naturelle dont le législateur a voulu réprimer l'abus. La position de l'accusé et ses antécédents étaient un motif qui

[1] Cass., 24 mai 1852. [2] Cass., 29 avril 1850.

Nous terminerons ce qui concerne les vols commis par les ouvriers dans leurs ateliers, en faisant remarquer que la loi n'a point exigé, comme elle l'a fait pour les domestiques, que la chose volée soit la propriété du maître : il suffit que cette chose ait été soustraite dans la maison, le magasin ou l'atelier où l'ouvrier travaillait habituellement; la confiance dont il jouit dans ce lieu de travail doit protéger tous les objets qui s'y trouvent, qu'ils soient au maître ou aux compagnons de ses travaux. Mais cette responsabilité ne s'étend qu'à ce seul lieu : le vol commis par l'ouvrier en tout autre endroit, et, par exemple, dans une maison particulière où il aurait accompagné son maître pour y confectionner momentanément des travaux, ne serait pas un vol domestique; car il ne faut pas confondre tout endroit où il exécute ses travaux avec la maison, l'atelier ou le magasin du maître; ce n'est que dans l'un de ces lieux que le vol prend une criminalité plus grave. Il faut décider, le même motif, que l'individu qui reçoit des matières premières pour les travailler à son domicile et y être payé, non à la journée, au mois ou à l'année, mais suivant la quantité des matières qu'il a façonnées, et qui dérobe tout ou partie de ces matières, ne commet point le vol prévu par l'art. 386: en effet, ainsi que l'a remarqué la cour de cassation, «< cet individu ne peut être qualifié ni domestique, ni homme de service à gages, ni ouvrier, ni compagnon, ni apprenti de celui auquel il loue non pas son temps, mais seulement l'emploi libre de son industrie pour l'exercer dans son propre domi. cile [4]. Il faut ajouter que c'est surtout parce qu'il l'exerce dans son domicile, c'est-à-dire, hors de l'atelier ou de la maison de celui qui lui fournit du travail, que l'aggravation résultant de la qualité d'ouvrier ne lui est pas applicable. Indépendamment de ces deux motifs, le détour

[3] Paris, 12 mai 1855. [4] Cass., 16 mars 1857.

par

nement dont il s'agit ne constituerait pas un vol, puisqu'il n'y a pas de soustraction frauduleuse; on ne pourrait donc le considérer que comme un simple abus de confiance.

La troisième espèce de vol domestique consiste dans les soustractions qui sont commises par un individu travaillant habituellement dans T'habitation où il aura volé.

Les deux conditions nécessaires pour rendre applicable l'aggravation de la peine aux vols commis par les ouvriers s'étendent également à ceux-ci; en conséquence, il faut que le vol soit commis par un individu travaillant habituellement dans une maison, et qu'il soit commis dans l'habitation même où il travaille.

L'art. 13 de la sect. 2 du tit. 2 du Code de 1791 élevait à huit années de fers la peine du vol commis, dans l'intérieur d'une maison, par une personne étant habitante ou commensale de ladite maison, ou reçue habituellement pour y faire un service ou un travail salarié, ou qui y était admise à titre d'hospitalité.

Notre Code n'a point conservé la partie de cette incrimination relative aux habitants ou commensaux de la maison, et à ceux qui y sont admis à titre d'hospitalité. Ainsi celui qui commet un vol dans une maison dont il est un des locataires ou dans laquelle il prend habituellement ses repas, ou dont on lui a accordé même gratuitement l'habitation, n'est point compris dans les termes de la loi; ils ne s'appliquent qu'à ceux qui travaillent habituellement dans la maison. Mais quel est le sens de ces expressions?

L'objet de la loi est, dans ce 3° § du n° 3 de 't. 386, de même que dans les deux premiers, punir plus sévèrement le vol à raison de la confiance que la personne volée a été forcée d'accorder au voleur. Or, cette confiance est purement volontaire à l'égard du locataire, de l'hôte qu'on reçoit habituellement, de l'individu auquel on accorde l'hospitalité. La position de ces personnes changerait-elle par cela seul qu'au lieu de vivre oisives dans la partie de la maison qui leur a été louée ou prêtée, des personnes y travailleraient habituellement pour leur propre compte? Il est évident que la confiance dont elles jouissent ne change pas de nature, qu'elle conserve la même base et les mêmes conditions, qu'elle reste libre et volontaire. Les termes de l'article doivent donc être restreints à l'homme qui, appelé dans une maison pour y travailler habituellement, pour le compte du maître de la

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maison, y commettrait un vol. La confiance est forcée dans ce cas; car, pour exécuter les travaux qui lui sont nécessaires, il faut bien que le maître de la maison prenne les individus que leur profession rend propres à ces travaux. Il a donc besoin d'une garantie plus forte, et ceux qu'il reçoit doivent être soumis à une responsabilité plus grave.

Il faut qu'il y ait travail habituel : un travail momentané n'exige aucune précaution extraordinaire en faveur de celui qui le fait faire; il peut prendre des mesures de surveillance; ce n'est que l'habitude qui, en rendant ces mesures impossibles, crée des obligations réciproques, et fait peser sur l'agent une responsabilité plus efficace lorsqu'il abuse avec plus de perfidie de la confiance qui lui est donnée. Les signes d'un travail habituel sont néanmoins difficiles à constater.

Est-il nécessaire, pour reconnaître au travail ce caractère, que la personne s'y livre tous les jours? Est-il nécessaire qu'elle ait travaillé le jour même où le vol a été commis? La cour de cassation a résolu négativement ces deux questions, en déclarant : « que cette distinction est contraire à l'art. 386, qui place au rang des crimes le vol commis par un individu travaillant habituellement dans la maison où il aura volé, sans exiger ni qu'il y fit un travail continuel et sans interruption, ni qu'il y eût fait le vol le jour même où il était admis à travailler dans ladite maison [1]. » Cette double solution nous semble conforme à la loi, qui n'exige ni la perpétration un jour de travail, ni le travail tous les jours de la semaine : la seule condition légale est l'habitude du travail; or cette habitude admet des jours interruptifs.

Mais s'il n'est pas nécessaire que le travail soit quotidien, il ne faut pas non plus qu'il soit séparé par des intervalles trop éloignés; car il ne pourrait plus être considéré comme habituel. Ainsi la cour de cassation a jugé avec raison que des services rares et menus, quoique périodiques et salariés, n'impriment pas au vol commis par la personne qui les rend le caractère qui fait la base de l'aggravation [2]. La cour de Colmar a décidé également que des services rares, menus et périodiques ne constituaient pas le travail habituel, ni par conséquent ne commandaient la confiance et la fidélité que ce travail suppose [3].

Toutefois, il ne faut pas croire que ces termes, travaillant habituellement, ne s'appliquent qu'à des manoeuvres, à des ouvriers, à des gens de

[3] Colmar, 18 mai 1836.

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service la loi ne les a point restreints à une | parce que leurs obligations sont de tous les in

seule espèce de travaux ; ils les embrassent donc tous. Ainsi la cour de cassation a pu les appliquer au commis d'une maison, en déclarant « que cette expression, travaillant habituellement, exclut toute exception de qualifications accessoires qui pourraient être données à l'individu coupable de vol, dans la maison où ce même individu faisait un travail habituel [1]. » Doit-on, néanmoins, les appliquer même aux commis et préposés des administrations publiques et aux agents de l'autorité publique? La cour de cassation a jugé l'affirmative dans l'affaire suivante : Un préposé supérieur de l'administration des postes était prévenu d'avoir sous trait frauduleusement plusieurs lettres contenant des valeurs, dont il était dépositaire à raison de ses fonctions. Il fut traduit devant la cour d'assises, et condamné comme coupable de vol domestique. Il s'est pourvu en cassation, et son pourvoi a été rejeté : « Attendu que, d'après les faits déclarés constants par le jury, il a été fait une juste application de l'article 386, n° 3, du Gode pénal [2]. »

Dans cet arrêt, dont on doit regretter l'absence de motifs, la cour n'a pas voulu sans doute assimiler les employés d'une administration centrale, départementale ou communale, aux domestiques, hommes de service à gages ou ouvriers; mais elle a pensé que les expressions travaillant habituellement devaient s'étendre à tous les citoyens qui sont employés à un travail habituel, sans distinguer la nature de ce travail [3].

Ramenée à ces termes, la décision de la cour de cassation s'appuie sur la généralité des expressions travaillant habituellement, dont s'est servi l'art. 386, no 3; et on peut même ajouter que l'abus de la fonction dont se rend coupable l'employé est une raison d'appliquer la peine aggravante prévue par cet article à un délit qui, sans cette interprétation, ne pourrait être considéré que comme rentrant dans les termes soit de l'art. 401, soit de l'art. 408, C. pén...

Nous avons terminé l'examen des trois sortes de vols que la loi réunit sous la qualification de vols domestiques. Leurs éléments de criminalité, leurs conditions de répression diffèrent ces conditions sont plus rigoureuses et plus étroites en ce qui concerne les gens de service,

stants et leurs travaux de tous les genres; elles sont plus circonscrites et moins sévères à l'égard des ouvriers et des hommes chargés d'un travail habituel, parce que leurs obligations sont limitées et leur travail spécial; mais un caractère identique, un lien commun réunit ces trois sortes de vol dans une même classe. C'est que, dans cette triple hypothèse, la soustraction est commise par l'abus d'une confiance nécessaire, et en violant la foi donnée au maître.

Il faut ajouter deux observations qui sont communes à toutes ces espèces de vol: la première, c'est que le vol commis par un domestique, par un ouvrier, par un chargé d'un travail habituel, suppose nécessairement sa perpétration dans une maison habitée. Cette circonstance ne peut donc devenir, dans aucun cas, aggravante du vol domestique. Elle est inhérente à sa nature; elle forme l'un de ses éléments. La deuxième observation a déjà été présentée dans notre chapitre de la complicité [4]. La domesticité n'est une circonstance aggravante du vol qu'à l'égard de celui qui l'a commis ou qui y a participé : l'article 386, n° 3, suppose une coopération effective. Il suit de là que le domestique qui n'a participé à aucun acte du vol, et qui n'a fait que recéler les objets volés à son maître, n'est pas passible de l'aggravation car si le vol n'était pas un vol domestique au moment de son exécution, il n'a pu le devenir par une circonstance postérieure à cette perpétration; et si le serviteur ne s'est pas rendu complice par recélé d'un vol domestique, il ne peut, à raison de sa seule qualité, être considéré comme coupable d'un vol de cette nature, puisque le vol était consommé au moment où il en a recélé les fruits. Nous ne faisons ici, du reste, que rappeler cette décision, que la cour de cassation a consacrée dans les termes les plus explicites [5].

§2. Vols des aubergistes et des hôteliers.

Aux termes de l'art. 1952, C. civ., les aubergistes et les hôteliers sont responsables comme dépositaires des effets apportés par le voyageur qui loge chez eux. Telle était aussi la disposition de la loi romaine [6] et de notre ancien droit [7]. La raison de cette règle est que le dépôt qui se

[1] Cass., 16 mars 1816. [2] Cass., 24 juill. 1829.

[5] Le chef de division d'un gouvernement provincial, qui soustrait ou détourne des pièces ou des deniers de la division qui lui est confiée, se rend coupable, non pas d'un simple abus de confiance, mais d'un vol par abus

d'une confiance forcée prévu par l'art. 386, no 3, C. pén. (Brux., cass., 25 mai 1840; Bull., 1840, p. 439.) [4] . notre t. 1, p. 184. [5] Cass., 16 avril 1818.

[6] L. 1, Dig. nautæ, caupones, stabularii.

[7] Farinacius, in fragmentis criminalibus, littera C.;

fait dans ces lieux est considéré comme un dépôt nécessaire: Necesse est plerumque eorum fidem sequi et res custodia eorum committere [1]. De là il suit que les aubergistes sont tenus etiam de levissima culpâ.

Les vols commis par le maître ou la maîtresse
d'une auberge envers ceux qu'ils logent conti-
nueront d'être punis des peines portées au Code
pénal. »
S

Le Code pénal de 1810 prononce, dans le § 4 Une conséquence de la même règle est que les de l'art. 386, la peine de la reclusion: « Si le aubergistes et les hôteliers qui se rendent eux-vol a été commis par un aubergiste, un hôtemêmes coupables de vol sur les personnes qui logent dans leurs maisons, doivent être punis d'une peine plus forte que les autres personnes; car au délit ordinaire ils ajoutent l'abus de la confiance nécessaire qu'ont dû avoir en eux les personnes volées. Telle était la disposition de notre ancienne jurisprudence: « Lorsque les effets, dit Jousse, ont été volés par l'aubergiste lui-même ou par quelqu'un de ses valets, serviteurs ou servantes, de son ordre, il peut être poursuivi criminellement, et il doit être puni d'une peine grave, comme étant une espèce de vol domestique [2]. » Muyart de Vouglans enseigne la même doctrine: «En ce cas, dit-il, où le vol se trouve accompagné d'abus de confiance et de violation des droits de l'hospitalité, on ne peut douter qu'il n'y ait lieu à la poursuite extraordinaire contre ces hôteliers, et que, s'ils en sont convaincus, ils doivent être punis plus rigoureusement que les voleurs ordinaires. L'usage est, en pareil cas, de porter la peine jusqu'en celle des galères [3]. »

L'Assemblée constituante consacra purement et simplement cette jurisprudence. L'art. 15 de la sect. 2 du tit. 2 du Code de 1791 appliquait la disposition relative aux vols domestiques aux vols commis dans les hôtels garnis, auberges, cabarets, maisons de traiteurs-logeurs, cafés et bains publics; et le § 2 de cet article ajoutait : Tout vol qui y sera commis par les maîtres desdites maisons ou par leurs domestiques envers ceux qu'ils y reçoivent, ou par ceux-ci envers les maîtres desdites maisons ou toute autre personne qui y est reçue, sera puni de huit années de fers. L'art. 2 de la loi du 25 frimaire an 8 introduisit une distinction, en ce qui concerne les vols commis dans les auberges, entre les aubergistes et toutes autres personnes : « La même peine (d'un an à quatre ans d'emprisonnement), porte cet article, s'appliquera aux vols qui seront commis dans les hôtels garnis, auberges, cabarets, maisons de traiteurs-logeurs, cafés et bains publics, par quelque personne que ce soit.

lier, un voiturier, un batelier ou un de leurs préposés, lorsqu'ils auront volé tout ou partie des choses qui leur étaient confiées à ce titre; ou enfin si le coupable a commis le vol dans l'auberge ou l'hôtellerie dans laquelle il était reçu.» L'art. 3 de la loi du 25 juin 1824 reprit la distinction introduite par la loi du 25 frimaire an 8, et laissant subsister la peine de la reclusion contre les aubergistes et les hôteliers, elle ne prononça qu'une peine correctionnelle à l'égard des personnes qui commettraient des vols dans l'auberge ou l'hôtellerie où elles étaient reçues. L'art. 12 de cette loi excluait cependant du bénéfice de cette disposition les mendiants, les vagabonds et les individus en récidive. Enfin, la loi du 28 avril 1832 adopta la décision de la loi du 25 juin 1824, en faisant disparaître l'exception qui la restreignait les vols commis dans les auberges par toutes autres personnes que les aubergistes et leurs préposés ne sont plus que des vols simples passibles des peines correctionnelles de l'art. 401 [4].

L'art. 586, no 4, n'a donc conservé la qualification de crime qu'aux vols commis par un aubergiste ou un hôtelier ou un de leurs préposés, lorsqu'ils auront volé tout ou partie des choses qui leur étaient confiées à ce titre.

Cette disposition exige plusieurs explications. En premier lieu, que faut-il entendre par ces mots : les aubergistes ou hôteliers? Ces expressions sont-elles indicatives seulement, ou bien restrictives? Doit-on y comprendre, par exemple, les maîtres de maisons garnies? Cette question fut la première que souleva l'application du Code pénal de 1810.

La chambre d'accusation de la cour de Paris avait déclaré que les loueurs ou logeurs en maisons garnies ne sont point nommément compris dans le § 4 de l'art. 386, et qu'on ne pourrait les assimiler aux aubergistes et hôteliers qu'en interprétant la loi et lui donnant de l'extension; que la confiance forcée qui existe entre les aubergistes et hôteliers et ceux qu'ils reçoivent,

Julius, S furtum in addit.; Menochius, de arbit., quæst. casu 208; Jousse, t. 4, p. 180; Muyart de Vouglans, p. 297.

[1] L. 1, § 1, Dig. nautæ, caupones, etc. [2] T. 4, p. 185.

[3] Lois crim., p. 297:

[4] Seront jugés correctionnellement, et punis des peines déterminées par l'art. 401, les vols ou tentatives de vols commis dans l'auberge ou l'hôtellerie dans laquelle le coupable était reçu. (Loi belge du 22 fév. 1832.)

n'existe pas au même degré entre les loueurs ou logeurs en maisons garn ies et leurs locataires, ceux-ci pouvant prendre des renseignements et des précautions que les autres ne sont pas toujours en état de se procurer; que l'art. 154, C. pén., mentionne les logeurs à côté des aubergistes; que l'art. 475 examine les aubergistes, hoteliers, logeurs ou loueurs de maisons garnies; qu'il faut donc conclure du silence de l'article 386 à l'égard de ces derniers, qu'il n'a voulu comprendre dans sa disposition que les aubergistes et les hôteliers. Ce système, condamné par un premier arrêt de la cour de cassation [1], fut adopté par la chambre d'accusation de la cour d'Orléans, à laquelle la question fut renvoyée.

d'un simple emprisonnement, tandis que l'aubergiste, dans le même cas, doit subir une peine afflictive et infamante [2]. »

La cour d'Amiens, à laquelle l'affaire fut renvoyée, ayant, malgré cet arrêt, embrassé l'opinion des deux premières cours royales, la question fut portée, par suite d'un référé, au conseil d'État; et il intervint alors un avis, approuvé le 10 octobre 1811, et ainsi conçu : « Considérant que les motifs qui ont dicté la peine portée contre les vols commis dans une auberge ou hôtellerie s'appliquent évidemment aux vols commis dans une maison ou hôtel garni; qu'il résulte d'ailleurs des art. 73, 154 et 475, C. pén., que le législateur a employé indistinctement, tantôt les expressions d'aubergistes et hôteliers, comme dans les premiers articles, tantôt celles de logeurs et aubergistes, comme dans le second, tantôt celles d'aubergistes, hôteliers, logeurs ou loueurs de maisons garnies, comme dans le troisième, pour assujettir les personnes désignées sous ces différentes dénominations aux

qu'ainsi, si les mots de maison ou hôtel garni ne se trouvent pas littéralement répétés dans l'article 386, on ne peut douter qu'ils n'y soient implicitement compris sous les expressions génériques d'auberge ou hôtellerie, est d'avis que la peine de la reclusion portée par l'art. 386, C. pén., contre les vols commis dans une auberge ou hôtellerie, est applicable aux vols commis dans une maison ou hôtel garni. »

L'affaire revint alors devant les chambres réunies de la cour de cassation, qui décidèrent « que les mots hôtellerie, auberge, employés dans l'art. 386, sont des expressions générales qui comprennent, selon leur acception commune et reconnue, les hôtels et maisons ou parties d'hôtels ou maisons où l'on est reçu, moyen-mêmes obligations et à la même responsabilité; nant un prix ou une rétribution, pour y prendre le logement et la nourriture; que cet art. 386 et les art. 475, 154 et 73 ont pour objet toutes les personnes que l'on entend ordinairement sous les noms d'aubergistes, hôteliers, logeurs et loueurs de maisons garnies; que ces articles prononcent contre eux les mêmes peines, leur imposent les mêmes obligations, et les soumettent à la même responsabilité civile; que si deux de ces articles emploient seulement les expressions générales aubergistes, hôteliers, l'art. 154 emploie les mots logeurs et aubergistes, et que l'art. 475 emploie cumulativement les mots hoteliers, aubergistes, logeurs et loueurs en maisons garnies; que cet art. 475, après avoir ainsi nommé les hôteliers, aubergistes, logeurs et loueurs en maison garnie, rappelle la responsabilité prescrite par l'art. 73, relativement aux personnes qui logent chez eux: d'où il suit qu'il faut entendre cet art. 73, ainsi que l'art. 386, comme s'ils énuméraient aussi les hôteliers, bergistes, logeurs et loueurs en maison garnie, quoiqu'ils emploient seulement les mots hôteliers et aubergistes; que ces dispositions sont fondées sur la confiance nécessaire que le voyageur doit eccorder, durant son voyage, tantôt à un aubergiste, tantôt à un loueur d'hôtel garni; qu'elles ne lui ont pu refuser dans un lieu la garantie qu'elles lui ont accordée dans un autre; qu'elles n'ont pas voulu que le loueur d'hôtel garni, coupable du vol des effets d'un voyageur, fût puni

[1] Cass., 4 avril 1811.

au

Tels sont les motifs et les termes de la décision qui a fixé sur ce point le sens de l'art. 586. Cette décision qui, aux termes de l'art. 2 de la loi du 16 septembre 1807, consacre l'interprétation légale de la loi, a la même force que la loi elle-même, et dès lors a fermé la discussion sur cette question.

La règle de responsabilité est la même, soit que l'hôtelier auteur du vol habite lui-même l'hôtel, soit que cet hôtel ne soit habité que par ses préposés. Cette solution, qui ne soulève aucun doute, a été consacrée par un arrêt de la cour de cassation, portant: « que l'art. 386, § 4, C. pén., et l'avis du conseil d'État du 10 octobre 1811, n'admettent aucune différence entre les hôtelleries ou maisons garnies qui sont habitées par les hôteliers ou logeurs, et celles qui ne le sont ni par les uns ni par les autres; que la loi n'a pas voulu, dans un cas, donner à ceux-ci une moindre garantie que dans un autre; que cette disposition illimitée est fondée sur la confiance réciproque qui a lieu dans tous les cas,

[2] Cass., 27 juin 1811.

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