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en aucune manière aux opérations des spécula- | à poursuivre des gains immodérés et suspects, teurs honnêtes et délicats, les rendra moins pé- et substitue un trafic illicite aux négociations rilleuses en les délivrant du concours de ceux permises. » qui n'ayant rien à perdre osent tout risquer. >> Le but de la loi est donc de frapper les spéculateurs insolvables et les agioteurs, d'interdire les jeux de bourse quand ils opèrent sur des valeurs fictives et tendent à exagérer ou décrier le cours des effets publics. Mais ce but a-t-il été atteint? Les spéculateurs insolvables, l'agiotage, ont-ils été réprimés? Les paris sur la hausse ou sur la baisse des effets publics ont-ils cessé d'exister?

Jetons, en premier lieu, un coup d'œil sur les spéculations des bourses. Les effets publics donnent lieu à deux spéculations principales: les marchés au comptant et les marchés à terme. Les marchés au comptant ont lieu quand la livraison de l'inscription est immédiatement suivie du payement: la liquidation se fait aussitôt après le délai nécessaire pour régulariser le transfert. Cette opération ne peut soulever aucune difficulté. Les marchés à terme sont ceux par les quels les vendeurs s'engagent à livrer les effets publics dans un certain délai, et les acquéreurs à payer à la même époque. Ces sortes de marchés se divisent en deux classes: les marchés à terme et les marchés à prime. Les premiers sont obligatoires pour les parties, quelle que soit la hausse ou la baisse survenue à l'époque du terme sur la valeur de l'effet. Les autres emportent la faculté de renoncer au marché en abandonnant une faible partie du prix qui forme la prime.

Les marchés à terme ont été proscrits par la législation. L'article 7 de l'arrêt du conseil du 7 août 1785 déclare nuls « les marchés et compromis d'effets royaux et autres quelconques qui s'y feraient à terme et sans livraison desdits ellets, et sans dépôt récl d'iceux, constaté par acte dûment contrôlé au moment même de la signature de l'engagement. » Cette mesure est motivée, dans le préambule de cet arrêt, sur ce que les marchés non précédés du dépôt « sont des engagements qui, dépourvus de cause et de réalité, n'ont suivant la loi aucune valeur, occasionnent une infinité de manoeuvres insidieuses tendant à dénaturer momentanément le cours des effets publics, à donner aux uns une valeur exagérée, à faire des autres un emploi capable de les décrier; qu'il en résulte un agiotage désordonné, qui met au hasard la fortune de ceux qui ont l'imprudence de s'y livrer, excite la cupidité

Cependant le législateur avait été forcé de transiger avec les conventions qu'il proscrivait. Un nouvel arrêt du conseil du 22 septembre 1786, tout en renouvelant les précédentes défenses, permet de faire à l'avenir des marchés pour étre livrés à un délai n'excédant pas deux mois de leur date; ceux qui seraient à un plus long terme sont seuls déclarés nuls. La faculté de passer des marchés à deux mois de terme fut donc acquise, et elle est restée en usage dans le commerce.

Ces lois sont-elles encore en vigueur [1]? Aucun acte ne les a abrogées. La loi du 13 fructidor an 4 a confirmé leur principe. Cette loi déclare agioteur et punit comme tel «< tout homme qui sera convaincu d'avoir vendu des marchandises et effets dont au moment de la vente il ne serait pas propriétaire. » L'art. 4 du chap. 2 de la loi du 28 vendémiaire an 4 déclare nulles les négociations à terme ou à prime contractées avant sa promulgation, « attendu que les marchés à terme ou à prime ont déjà été interdits par de précédentes lois. » Enfin l'ordonnance du 12 novembre 1823, en permettant de coter le cours des effets publics étrangers, déclare que « l'arrêt du conseil du 7 août 1785 est rapporté en ce qu'il renferme de contraire à la présente. »> D'où il suit que cet arrêt du conseil est obligatoire, et qu'il doit être exécuté dans toutes ses dispositions qui n'ont pas été rapportées.

Telle est, au reste, l'opinion que la cour de cassation a consacrée, en déclarant : « que l'on n'est pas fondé à soutenir que ces lois ont été abrogées, soit par l'art. 90, C. comm., soit par l'art. 422, C. pén.; que l'objet de l'art. 90 a été de donner au gouvernement le droit de faire des règlements d'administration publique sur la négociation des effets publics, et nullement de révoquer ou d'annuler les lois et règlements qui existaient alors à ce sujet; que, quant à l'art. 422, C. pén., il est certain que les arrêts du conseil de 1785 et 1786 n'ont pas été explicitement rapportés par cet article, que cela est évident et non contesté; que l'on ne pourrait en induire une abrogation implicite qu'autant que sa disposition serait inconciliable avec celle des arrêts du conseil, en telle sorte que l'une et l'autre ne pussent être simultanément exécutées; mais qu'il en est autrement, puisque, d'une part, rien ne s'oppose à ce que, conformément aux arrêts du

[1] Ces arrêtés n'ont jamais été obligatoires en Belgique (Brux., 13 août 1659; J. de Brux., 1840, p. 115.) La législation sur les marchés à terme des effets publics se

borne des seules dispositions des art. 421 et 422, C. pén. | (Brux., 50 mars 1826; J. de Brux., 1826, 2, 82. F. la 2e note page suivante.)*

conseil, les marchés à terme d'effets publics | soient annulés lorsqu'ils n'ont pas été précédés du dépôt prescrit, et, d'autre part, à ce que, conformément au Code pénal, il y ait lieu à l'application de la peine qu'il inflige, lorsque le vendeur n'a pas à sa disposition au moment du contrat les effets qu'il vend, ou qu'il ne doit pas les avoir au temps de la livraison; qu'ainsi les arrêts du conseil ne prononcent que dans un intérêt civil sur l'acte passé entre les parties, et que le Code pénal, qui n'avait à s'occuper ni de cet acte ni de cet intérêt, ne prononce dans le cas qu'il prévoit que sur la personne des contractants: d'où résultent deux dispositions différentes mais non contraires, et dont, par conséquent, l'une n'a pas pour effet nécessaire de révoquer l'autre [1]. »

Les marchés à terme peuvent donc être nuls aux yeux de la loi civile, sans que de cette nullité on puisse induire que ces marchés constituent un délit aux yeux de la loi pénale. Autre chose est la nullité de la convention, autre chose le délit que cette convention peut renfermer.

Nous allons rechercher maintenant quels sont les faits constitutifs de ce délit.

L'art. 421 prévoit et punit tous les paris qui auront été faits sur la hausse ou sur la baisse des effets publics. Cette disposition doit-elle être entendue dans un sens absolu? Comprend-elle toutes les conventions aléatoires qui se rattachent au cours des effets publics? Est-elle, au contraire, limitée par l'art. 422 aux conventions de vendre des effets publics que le vendeur n'a pas à sa disposition?

Si l'on ne s'attache qu'au texte de ces deux articles, les termes du premier paraissent sans limites; en effet, ils comprennent en général tous les paris; et l'art. 422, en ajoutant: « sera réputée pari de ce genre toute convention, etc., »> semble avoir eu pour but d'assimiler aux paris une convention spéciale, plutôt que de limiter, en les définissant, les paris sur les effets publics.

Cependant il nous semble douteux que tel soit

[1] Cass., 11 août 1824.

[2] Les arrêts du conseil de 1785, 1786 et 1787 ne défendent pas d'une manière absolue tout marché à terme d'effets publics; ils n'ont pour objet que d'atteindre et frapper de nullité les conventions déguisécs qui, sous l'apparence d'une vente réelle, ne cachent qu'un jeu de bourse ou pari sur la hausse ou la baisse des fonds publics. Ces arrêts, qui n'ont trait qu'aux marchés non encore consommés, ne peuvent recevoir d'application à ceux qui | ont été volontairement exécutés par les parties. (Brux., cass., 4 juin 1840; Bull., 1841, 366. V. la note pénultième.

l'esprit de la loi. L'exposé des motifs déclare clairement que le législateur n'a voulu atteindre que les spéculateurs insolvables, c'est-à-dire ceux qui, dans les cas prévus par l'art. 422, jouent sur les effets publics sans posséder ni ceux qu'ils vendent, ni les fonds nécessaires pour les acheter. Ce n'est pas le pari lui-même qui lui paraît punissable, mais le pari fait par un homme incapable de le tenir. Il faut remarquer ensuite que la plupart des opérations de bourse se résolvent en paris sur la hausse ou la baisse; or le crédit public exige que ces opérations n'éprouvent aucune entrave. Ce n'est pas la convention aléatoire qui blesse les intérêts publics ou privés, c'est la fraude qui peut l'accompagner, et cette fraude ne se manifeste que par l'insolvabilité du spéculateur. Il nous paraît donc que, si l'art. 421 punit en général les paris sur les effets publics, l'art. 422 limite cette disposition en définissant ce qu'il faut entendre par un pari de ce genre, et en ne réputant paris que les ventes ou achats d'effets que le vendeur ou l'acheteur n'avaient pas à leur disposition [2].

L'art. 422 exige plusieurs conditions pour son application. Cet article suppose, en premier lieu, l'existence d'une convention de vendre ou de livrer des effets publics.

Cette convention est la forme sous laquelle le pari est atteint par la loi; elle doit avoir pour objet de vendre ou de livrer des effets publics. Ainsi se trouvent écartés les paris sur le cours des denrées et des marchandises; ces conventions, quels que soient leurs effets aux yeux de la loi civile, n'entraînent aucune responsabilité pénale [3].

On comprend, en général, daus la classe des effets publics : 1° les inscriptions de rentes viagères; 2° les inscriptions de rentes perpétuelles, dites 3, 4, 4 1/2, et 5 pour 100 consolidés; 3° les bons royaux ou effets de la caisse de service du trésor; 4° les actions sur certains canaux. On range encore dans cette classe les effets des villes, des établissements publics, et même des compagnies anonymes qui sont autorisées par le

[3] Les ventes de marchandises à terme, en vertu desquelles l'acheteur peut, à défaut de livraison, demander, à titre de dommages-intérêts, une somme égale à la différence du prix courant à l'époque fixée pour cette livraison, avec le prix stipulé lors de la vente ne doivent pas, si le contraire n'est point établi, être considérées comme une opération de jeu ou de hasard, prohibée par l'article 1965, C. civ.; et les art. 421 et 422, C. pén., ne sont pas applicables aux opérations de cette nature. (Brux., 7 avril 1827; J. de Brux., 1827, 1, 432; Dalloz, 1812, 432.)

gouvernement, tels, par exemple, que les actions | loi et comme un usage l'arrêt du conseil du

de la banque de France. Les effets des gouvernements étrangers doivent-ils être considérés comme des effets publics? Il faut répondre affirmativement [1]. L'ordonnance du 22 novembre 1823 porte que les effets publics des emprunts des gouvernements étrangers seront cotés sur le cours authentique de la bourse de Paris; or le but des articles 421 et 422, ce n'est pas de protéger les effets eux-mêmes, mais bien le commerce de ces effets, c'est d'écarter de ce commerce l'agiotage et la fraude dans l'intérêt des spéculateurs eux-mêmes. Il suffit donc que les effets étrangers soient cotés authentiquement à la bourse, qu'ils soient offerts aux citoyens, qu'ils soient livrés aux spéculations avec l'approbation du gouvernement, pour que la même protection doive s'étendre sur ces spéculations. Telle est aussi l'interprétation que le gouvernement lui-même a donnée aux art. 421 et 422; en effet l'ordonnance du 22 novembre 1823 s'appuie, dans ses motifs, sur ce « qu'il ne peut qu'être utile de donner un caractère légal et authentique aux opérations nombreuses qui se font déjà sur les emprunts des gouvernements étrangers, les lois actuelles suffisant pour prévenir la fraude et l'insertion de conditions illicites ou illégales dans leurs négociations. »

La condition constitutive du délit est que les effets publics ne soient pas prouvés par le vendeur avoir existé à sa disposition au temps de la convention, ou avoir dû s'y trouver au temps de la livraison [2].

Cette condition est tellement vague, que la disposition répressive est complétement inefficace. Comment, en effet, concevoir comme élément constitutif d'un délit l'injonction de prouver qu'un effet a dû se trouver au pouvoir du prévenu en un certain temps? Comment faire dépendre l'application de la peine, non pas d'un fait, mais de la possibilité de l'existence de ce fait? Il n'y a donc pas lieu de s'étonner si les art. 421 et 422 ont été considérés dès leur promulgation comme une arme rouillée et inoffensive, et si jamais le ministère public n'a tenté de s'en servir. Leur disposition était purement comminatoire, car les éléments du délit ne pouvaient jamais être constatés.

Les marchés à terme eux-mêmes échappent dans la plupart des cas à l'incrimination légale. En effet, les spéculateurs invoquent comme une

22 septembre 1786, qui tolère et même autorise les marchés pour être livré, dont le terme n'excède pas deux mois; et rarement les marchés à terme dépassent ce délai sur la place de Paris. Ensuite le vendeur s'oblige, en général, à livrer les effets vendus au moment où il en sera requis par l'acheteur; et cette obligation, bien qu'elle soit rarement exécutée, ôte au marché son caractère fictif, puisqu'il peut être converti par l'acheteur en marché au comptant.

Mais, indépendamment de ces deux fins de non-recevoir, qui peuvent être opposées à l'application de la loi, le marché à terme ne pourrait être incriminé que dans le cas où le vendeur ne prouverait pas avoir eu à sa disposition au temps de la convention, ou avoir dû avoir au temps de la livraison, les effets vendus. Ainsi ce n'est pas le marché lui-même qui serait poursuivi par la loi, mais la fiction qui se trouverait au fond de ce marché, l'insolvabilité de la partie. Ainsi cette convention ne serait incriminée que dans un seul cas, celui où les valeurs vendues n'ont jamais dû exister entre les mains du vendeur. On conçoit combien, resserrée dans ces termes, la disposition de la loi devient impuissante contre les excès qui affligent chaque jour la bourse.

C'est au prévenu à rapporter la preuve qu'il avait à sa disposition au temps de la convention les effets publics qu'il a vendus, ou du moins que les effets devaient être en sa possession au moment où il aurait dû en faire la remise. C'est là le moyen de justification que lui donne la loi. Mais s'il ne produit pas cette preuve, s'il est reconnu coupable du délit, l'acheteur doit-il être puni comme son complice? Carnot répond affirmativement, en admettant que l'acheteur savait que son vendeur n'avait pas réellement en sa puissance et ne pourrait se procurer en temps opportun les effets vendus, pour en faire la remise; puisque, dans ce cas, il aurait nécessairement coopéré au délit en facilitant au vendeur les moyens de le commettre [3]. Cette opinion ne nous semble pas fondée. La loi ne punit que le fait de vendre des effets publics qui n'existent pas dans les mains du vendeur, et ne doivent même pas s'y trouver: or, comment l'acheteur serait-il complice de cette vente? Il est partie contractante; il n'est pas complice du vendeur, il ne serait que sa dupe; dans le cas même où il aurait

[1] La prohibition de l'art. 421 s'applique aux effets publics étrangers. (Brux., 30 mars 1826; Legraverend, t. 3, p. 360, no 295. V. contrà, Brux., 16 avril 1816; Pasicrisie, à cette date.)

[2] Brux., 13 août 1839; J. de Brux., 1840, p. 115. [3] Comment, du C. pén., t. 2, p. 425.

reconnu l'insolvabilité de son vendeur, il aurait | volontairement couru un risque; mais on ne peut dire qu'en achetant il ait eu pour but de faciliter la vente; le délit était consommé au moment où il donnait son consentement; son but était de

faire une autre spéculation que celle du vendeur, Les deux actions étaient distinctes; l'acte de l'acheteur pouvait être incriminé principalement, mais il ne peut l'être à titre de complicité du vendeur.

CHAPITRE LXX.

DE LA TROMPERIE [1] SUR LA NATURE DES CHOSES VENDUES, ET DE LA VENTE A FAUX POIDS ET A FAUSSES MESURES.

DERNIERS CAS.

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DOUBLE INCRIMINATION DE L'ART. 423. DE LA TROMPERIE SUR LA NATURE DES CHOSES VENDUES. AN-
CIENNE LÉGISLATION. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE CE DÉLIT. · ÉLÉMENTS PARticuliers de l'INCRIMINA¬
TION. CE QU'IL FAUT ENTENDRE PAR TROMPERIĘ. IL EST NÉCESSAIre qu'elle porte sur la natuRE
DE LA CHOSE. EXPLICATION DE CETTE EXPRESSION. EXCEPTIONS RELATIVES AUX MATIÈRES D'OR ET
d'argent, et aUX PIERRES PRÉCieuses. CARACTÈRES PARTICULIERS DE LA TROMPERIE DANS CES DEUX
DE L'EMPLOI, Dans les ventes, de faux poids et de fausses mesures. COUP D'OEIL
SUR L'ANCIENNE LÉGISLATION, INCRIMINATION de ce délit sous L'EMPIRE DES LOIS DE 1791. DISTINC-
TION INTRODUITE DANS LA RÉPRESSION ENTRE L'EMPLOI ET LA SIMPLE DÉTENTION DE POIDS ET MESURES
FAUX. CETTE DISTINCTION A ÉTÉ RECUEILLIE PAR LE CODE PÉNAL,- -DE L'USAGE DES POIDS ET mesures
FAUX. ÉLÉMENTS De ce délit. IL SUPPOSE LA FRAUDE, LA TROMPERIE;
QUE L'ACHETEUR AIT ÉTÉ
TROMPÉ SUR LA QUANTITÉ DES CHOSES VENDUES; ENFIN, PAR L'EMPLOI DES FAUX POIDS ET DES FAUSSES
MESURES. QUE FAUT-IL ENTENDRE PAR POIDS ET MESures différeNTS DE CEUX ÉTABLIS PAR LA LOI?
A l'emploi de quels poids et mesures s'applique l'art, 423? EXTENSION DONNÉE A CET ARTICLE PAR
L'ART. 424.
OBJET DE CE DERNIER ARTICLE. QUESTIONS RELATIVES A L'EMPLOI DES FAUSSES BALANCES
OU DE BALANCES INEXACTES, ET A LA VENTE DES DENRÉES QUI N'ONT PAS LE POIDS DÉTERMINÉ PAR LES
RÈGLEMENTS, DE LA CONTRAVENTION RÉSULTANT DE LA SIMPLE DÉTENTION DE POIDS ou mesures FAUX
OU IRRÉGULIERS. ÉLÉMENTS DES DEUX INFRACTIONS PRÉVUES PAR LES No 5 ET 6 DE L'ART. 479.
qu'on doit entENDRE PAR FAUX poids et fausses mesures dans cet article, LES POIDS ET MESURES
NON POINÇONNÉS DOIVENT-ILS ÊTRE CONSIDÉRÉS COMME FAUX? - ATTRIBUTIONS DE L'AUTORITÉ MUNICIPALE
ET DES PRÉFETS EN MATIÈRE DE POIDS ET MESURES.
A LEURS RÈGLEMENTS? CONFISCATION. (COMMENTAIRE DES ART. 423, 424, 479 No 5 ET 6, 480 No 2, ET
481 N® 4, C. PÉN.

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DE QUELLES PEINES SONT PASSIBLES LES INFRACTIONS

L'art. 423 réunit dans son incrimination deux faits distincts: la tromperie sur la nature des choses vendues, et la tromperie, par usage de faux poids et de fausses mesures, sur la quantité des mêmes choses. Nous allons examiner successivement les caractères de ces deux délits [2].

Notre ancienne jurisprudence rangeait dans la classe des faux les fraudes commises dans les

ventes des marchandises. C'est ainsi qu'elle qualifiait faussaires ceux qui vendaient des choses mixtionnées pour des choses pures, et qui falsifiaient toute espèce de marchandises [3]. La loi du 16-22 juillet 1791 classa ces diverses fraudes parmi les délits contre les propriétés; l'art. 38 du titre 2 de cette loi punit d'une amende qui ne peut excéder 1,000 livres, et d'un emprison

[1] Sans nous dissimuler combien cette expression est peu usuelle, nous avons cru devoir l'employer comme plus expressive et la seule juridique.

[2] Nous avons dit, t. 3, p. 253 et suiv., que l'art. 423

était applicable aux contrefaçons des marques particulières.

[3] Damhouderius, cap. 119, no 1, p. 383, et cap. 123, p. 389 Menochius, de arbitrio jud., lib. 2, caşu 382, no 2; Farinacius, quæst, 150, no 57.

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nement qui ne peut excéder une année, toute | Dans le cas de l'art. 423, il ne suffit pas que le personne convaincue d'avoir vendu des boissons vendeur ait connu le véritable état de la chose falsifiées par des mixtions nuisibles. Et l'art. 39 qu'il vendait, il faut qu'il ait cherché à tromper ajoutait « Les marchands ou tous autres ven- l'acheteur. Il ne suffit pas que cette tromperie deurs convaincus d'avoir trompé, soit sur le titre ait eu pour objet les vices de la chose, il faut des matières d'or ou d'argent, soit sur la qualité qu'elle ait porté sur la nature même de cette d'une pierre fausse vendue pour fine, seront, chose. Ainsi, une fraude, et une fraude portant outre la confiscation des marchandises en délit sur la nature de la chose, voilà les deux éléments et la restitution envers l'acheteur, condamnés à du délit. une amende de 1,000 à 3,000 livres et à un emprisonnement qui ne pourra excéder deux an

nées. »

Le Code pénal, tout en reproduisant, à peu près dans les mêmes termes, ces deux dispositions, les a classées différemment, suivant le but de leur auteur et les effets qu'elles peuvent produire. Lorsqu'il s'agit de boissons falsifiées qui peuvent être nuisibles à la santé, le débit de ces boissons est considéré comme un délit contre les personnes et puni comme les coups et blessures (art. 318). Lorsque la fraude n'a pour but que de tromper l'acheteur sur la valeur de la chose vendue, cette fraude n'est plus considérée que comme une espèce d'escroquerie, moins grave cependant et passible d'une peine moins forte que l'escroquerie prévue par l'art. 405, attendu qu'elle n'est pas accompagnée des mêmes manœuvres et qu'il est plus facile de s'en défendre.

L'art. 423 porte : « Quiconque aura trompé l'acheteur sur les titres des matières d'or et d'argent, sur la qualité d'une pierre fausse vendue pour fine, sur la nature de toutes marchandises, sera puni de l'emprisonnement pendant trois mois au moins, un an au plus, et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et dommages-intérêts, ni être au-dessous de cinquante francs. Les objets du délit ou leur valeur, s'ils appartiennent encore au vendeur, seront confisqués. »

La principale disposition de cet article est la tromperie sur la nature de toutes marchandises vendues. Cette disposition n'existait pas dans la loi du 16-22 juillet 1791, qui ne s'étendait qu'à la vente des matières d'or ou d'argent et des pierres précieuses; l'art 423 comprend toutes les marchandises.

L'art. 1645 C. civ. prévoit le cas où le vendeur connaissait les vices cachés de la chose cette connaissance suppose une espèce de dol qui le rend passible, outre la restitution du prix, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur.

La tromperie est plus qu'un dol, plus qu'un mensonge, elle suppose l'emploi de ruses et d'artifices; mais il ne faut pas confondre ces artifices avec les manœuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie; ils se manifestent par des paroles plutôt que par des faits, par des mensonges plutôt que par des actes : l'escroquerie au contraire s'opère à l'aide de faits qui ont pour but d'appuyer le mensonge et de lui donner les apparences de la vérité. Il suit de là que la tromperie, lors même qu'elle n'aurait d'autre but que d'égarer l'acheteur sur la nature de la marchandise, revêtirait les caractères d'une escroquerie, si elle était accompagnée des manœuvres frauduleuses qui constituent le délit [1].

La tromperie doit ensuite porter sur la nature même de la chose. La commission du corps législatif avait proposé de restreindre ces expressions. On lit dans ses observations : « Si cette disposition s'étend sur la tromperie relative à la quotité ou valeur de toute marchandise, la mauvaise foi, la chicane peuvent s'en emparer et créer à chaque instant une multitude de procédures et de dénonciations. Il semble que si cette mesure ne s'appliquait qu'au défaut d'identité entre la marchandise vendue et la marchandise livrée, les inconvénients dont on vient de parler n'existeraient pas. Ainsi, si un individu a acheté un cheval et qu'on ne lui livre pas le même, si on lui a vendu du drap de Louviers et qu'on lui remette du drap d'Elbeuf, le vendeur sera coupable de la tromperie qu'on a eue en vue dans cet article. Si cette idée paraît conforme à l'esprit de l'article, on pourrait ajouter ces mots : sur la nature, ou l'origine, ou l'espèce de toutes marchandises. » Cet amendement ne fut pas adopté par le conseil d'État [2]. Il suit de là que ce n'est pas seulement le défaut d'identité que la loi a voulu atteindre, ce sont aussi les différences qui changent la nature de la marchandise: mais il faut que l'acheteur ait été trompé sur cette nature même [3]; s'il ne l'avait été que

[1] Cass., 20 août 1825.

[2] Procès-verbaux du conseil d'État, séance du 18 janv. 1810.

[5] C'est tromper l'acheteur sur la nature de la mar

chandise, dans le sens de l'art. 234, que de lui vendre pour du beurre pur, et de lui faire payer comme tel, du beurre dans l'intérieur duquel on a frauduleusement pratiqué un creux qu'on a rempli d'eau. (Arrêt de Brux., du 5 mars

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