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prévu par l'art. 423, à la tromperie sur la quantité des choses vendues par l'emploi de faux poids ou de fausses mesures.

Cette infraction a été diversement appréciée par la législation, mais elle a toujours été punie, car la sûreté du commerce dépend de l'exactitude des poids et mesures. La loi romaine punissait comme faussaires ceux qui fabriquaient de faux poids ou de fausses mesures, ou qui s'en servaient pour tromper [1], et notre ancienne jurisprudence avait conservé cette qualification [2]. Cependant plusieurs coutumes ne punissaient que d'une amende arbitraire la vente à faux poids et à fausses mesures [5].

Notre législation moderne a de nombreuses dispositions sur cette matière. Les art. 22 et 23 du titre premier de la loi du 19-22 juillet 1791 portaient : « En cas d'infidélité des poids et me

Il suffit, dans le premier cas, que l'acheteur ait été trompé sur le titre des matières d'or ou d'argent, pour que l'art. 423 soit applicable. Les titres légaux des ouvrages d'or ou d'argent sont fixés par l'art. 4 de la loi du 19 brumaire an 6. Les art. 65, 79 et 88 de la même loi portent des peines pécuniaires contre les marchands et fabricants qui fourrent d'une matière étrangère les ouvrages d'or et d'argent, qui vendent pour fins des ouvrages en or ou en argent faux, ou qui ne désignent pas le titre de l'ou-sures, dans la vente des denrées et autres objets vrage qu'ils vendent. Ces peines n'ont pas cessé d'être applicables dans les cas spéciaux pour lesquels elles ont été établies; mais toutes les fois que la contravention ou la fraude prend les caractères d'une tromperie envers l'acheteur, et qu'elle porte sur le titre même de l'ouvrage d'or ou d'argent objet de la vente, le Code pénal, ayant dérogé sur ce point à la loi du 19 brumaire an 6, doit seul être appliqué, sauf l'interdiction du commerce d'or et d'argent portée par les art. 79 et 80 de cette loi contre les fabricants et les marchands contrevenants, interdiction prononcée à raison de leur qualité, et qui peut se cumuler, dès que la contravention est constatée, avec les peines portées par le Code.

Il suffit, dans le second cas, que l'acheteur ait été trompé sur la qualité d'une pierre fausse vendue pour fine, pour motiver l'application de l'art. 429. Mais ces expressions empruntées à l'art. 39 de la loi du 19-22 juillet 1791 ne sont point exactes; car, si la pierre vendue pour fine est fausse, ce n'est pas seulement sur la qualité | que l'acheteur a été trompé, c'est sur sa nature même. Si la pierre, sans être fausse, n'est pas de la qualité convenue, l'art. 423 n'est plus applicable; si, sans être fausse, elle est d'une autre nature, ce fait reprend le caractère du délit, mais en faisant application, non point de la disposition spéciale relative aux pierres fines, mais de la disposition relative aux marchandises en général.

Nous passons maintenant au deuxième délit

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qui se débitent à la mesure, au poids ou à l'aune, les faux poids ou fausses mesures sont confisqués et brisés, et l'amende sera, pour la première fois, de 100 livres au moins et de la quotité du droit de patente du vendeur; si ce droit est de plus de 100 livres, les délinquants seront en outre condamnés à la détention de la police municipale; et, en cas de récidive, les prévenus seront renvoyés à la police correctionnelle. >> L'art. 40 du titre 2 de la même loi ajoutait : « Ceux qui, condamnés une fois par la police municipale, pour infidélité sur les poids et mesures, commettraient de nouveau le même délit, seront condamnés par la police correctionnelle à la confiscation des marchandises fausses, ainsi que des faux poids et fausses mesures, lesquels seront brisés; à une amende qui ne pourra excéder 1,000 livres, et à un emprisonnement qui ne pourra excéder une année. » Enfin l'art. 46 du Code du 25 septembre - 6 octobre 1791 complétait ces mesures : « Quiconque sera convaincu d'avoir sciemment et à dessein vendu à faux poids ou à fausses mesures, après avoir été puni précédemment deux fois, par voie de police, à raison d'un délit semblable, subira la peine de quatre années de fers. »>

On doit remarquer que ces diverses dispositions, si différentes par la gravité des peines qu'elles portent, punissent cependant le même fait, l'emploi fait sciemment de faux poids et de fausses mesures dans la vente des denrées et des marchandises si la peine grandit et s'aggrave

:

1829; et 6 janv. 1838; J. de Brux., 1829, t. 1, p. 124 et 1839, p. 517.)

[1] L. 32, Dig. ad leg. Corn, de falsis; 1. 52, Dig, de furtis; 1. 18, Dig. de dolo,

[2] Damhouderius, cap. 123, p. 389; Farinacius, quæst. 150, no 75; Jousse, t. 3, p. 371.

[3] Coutumes du Maine, tit. 10, art. 192; de la Marche, ch. 27, art. 340 et 542.

nants, porte cet article, seront punis de la confiscation des mesures fausses, et, s'ils sont prévenus de mauvaise foi, ils seront traduits devant le tribunal correctionnel, qui prononcera une amende dont la valeur pourra s'élever jusqu'à celle de la patente du délinquant. »

depuis une simple amende de 100 livres jusqu'à | trace de cette distinction : « Les contrevequatre années de fers, c'est à raison de la persistance de l'agent, du nombre des récidives, mais le délit conserve son caractère et ses mêmes éléments. Il est aisé, du reste, de retrouver dans l'art, 46 du Code de 1791, article placé parmi les dispositions répressives du faux, les traces de l'influence de la loi romaine qui avait, ainsi que nous l'avons vu, qualifié faux l'usage des fausses mesures et des faux poids.

Une distinction ne tarda pas à être introduite dans la législation. L'uniformité des poids et mesures, objet des infructueux efforts des anciennes ordonnances, fut l'une des premières dispositions décrétées par l'assemblée constituante. Les lois des 8 mai et 8 déc. 1790 préparèrent cette mesure; le décret du 26 mars 1791 en posa la base; celui du 1er août 1793 exposa le nouveau système métrique décimal; les lois des 18 germ. an 3 et 1 vend. an 4, les arrêtés des 23 pluv. an 6, 19 germ. an 7, 19 frim. an 8 et 13 brum, an 9, enfin le décret du 12 fév. 1812, eurent successivement pour objet de faciliter l'application de ce nouveau système, et d'en répandre de plus en plus la connaissance et l'usage. L'ordonnance du 18 déc. 1825 résuma toutes les dispositions éparses dans ces lois, qui avaient pour but de soumettre les poids et les mesures à une incessante vérification [1]. Enfin la loi du 4 juillet 1837, mettant un terme à toutes les transactions et à tous les délais successivement consentis par le législateur, a déclaré interdits tous poids et mesures autres que ceux qui constituent le système décimal métrique [2].

Le Code pénal a consacré la même distinction; on lit dans l'exposé des motifs : « Le Code contient des dispositions non-seulement contre ceux qui font usage de faux poids ou de fausses mesures, mais encore contre ceux qui se servent d'autres poids ou d'autres mesures que ceux qui ont été établis par les lois de l'État. Ces deux actes n'étant pas susceptibles d'une assimilation parfaite, il a dû être établi quelque différence dans les peines. Un mot suffira pour en faire sentir la nécessité, En effet, l'usage des faux poids et des fausses mesures comprend nécessairement une fraude, Il n'en est pas de même de l'usage des poids ou mesures anciennes; celui-ci peut n'être pas accompagné de fraude, et si la fraude n'existe pas, ce n'est point un délit, c'est une contravention [3]. »

Cette double incrimination est prévue par les art. 423, 424, 479 n° 5 et 6, 480 n° 2, et 481 n° 1. L'art. 423 dans sa 2 disposition est ainsi conçu : « Quiconque, par usage de faux poids du de fausses mesures, aura trompé sur la quantité des choses vendues, sera puni de l'emprisonnement pendant trois mois au moins, un an au plus, et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et dommages-intérêts, ni être au-dessous de cinquante francs. Les objets du délit, ou leur valeur, s'ils appartienL'une des premières dispositions de cette nou-nent encore au vendeur, seront confisqués. Les velle législation a été la prévision d'une infraction nouvelle. Le simple usage, la simple possession des poids et mesures anciens, et qui par là même sont réputés faux, ont été incriminés. Jusque-là la loi n'avait puni que l'usagé fait sciemment des faux poids et mesures; elle commença alors à punir la seule détention des poids et mesures supprimés. Cette infraction fut qualifiée simple contravention, et ce n'est qu'en cas de fraude et de mauvaise foi que l'emploi des mesures illégales fut qualifié délit. L'art. 11 de la loi du 1 vendémiaire an 4 offre la première

[!], les arrêtés belges des 30 mars et 8 avril 1827, et 2 avril 1829. V. aussi la note suivante.

faux poids et les fausses mesures seront confisqués, et de plus seront brisés. » L'art. 424 établit avec précision la distinction que nous avons posée ; « Si le vendeur et l'acheteur se sont servis, dans leurs marchés, d'autres poids ou d'autres mesures que ceux qui ont été établis par les lois de l'État, l'acheteur sera privé de toute action contre le vendeur qui l'aura trompé par l'usage des poids ou mesures prohibés, sans préjudice de l'action publique pour la punition tant de cette fraude que de l'emploi même des poids et des mesures prohibés. La peine en cas de

celte existence ne peut être considérée comme prévue par les lois et règlements antérieurs. Cette existence a été

[2] . la loi belge du 21 août 1816, qui établit le sys- défendue par l'arrêté du 18 déc. 1822, et dans une matème uniforme des poids et mesures.

[5] Le législateur établit une distinction entre les poids et mesures faux et les poids et mesures simplement prohibés. La seule existence des poids et mesures prohibés, dans les boutiques, n'a point été prévue par le Code pénal, et

tière régie par des mesures antérieures. Les contraventions à cet arrêté doivent donc être punies conformément à l'arrêté du 6 mars 1818. (Liége, 24 nov. 1826; Rec., t. 10, p. 516.)

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fraude sera celle portée par l'article précédent. La peine pour l'emploi des mesures et poids prohibés sera déterminée par le livre 4 du présent Code, contenant les peines de simple police. L'art. 479 contient les dispositions suivantes: «Seront punis d'une amende de 11 à 15 francs, ceux qui auront de faux poids ou de fausses mesures dans leurs magasins, boutiques, ateliers ou maisons de commerce, ou dans les halles, foires ou marchés, sans préjudice des peines qui seront prononcées par les tribunaux de police correctionnelle contre ceux qui auraient fait usage de ces faux poids ou de ces fausses mesures; ceux qui emploieront des poids ou des mesures différents de ceux qui sont établis par les lois en vigueur. » L'art. 480 ajoute « Pourra, selon les circonstances, être prononcée la peine d'emprisonnement pendant cinq jours au plus...; 2° contre les possesseurs de faux poids et de fausses mesures; 3° contre ceux qui emploient des poids ou des mesures différents de ceux que la loi en vigueur a établis. » L'article 481 prononce de plus la peine de la confiscation. «Seront saisis et confisqués les faux poids, les fausses mesures, ainsi que les poids et mesures différents de ceux que la loi a établis. » Enfin, l'art. 4 de la loi du 4 juillet 1837 | est ainsi conçu : « Ceux qui auront des poids et mesures autres que les poids et mesures ci-dessus reconnus, dans leurs magasins, boutiques, ateliers ou maisons de commerce, ou dans les halles, foires et marchés, seront punis comme ceux qui les emploieront, conformément à l'article 479 du Code pénal. »

Ces différents textes assignent aux deux infractions leurs caractères particuliers et distincts. Nous ne séparerons point l'examen de deux incriminations qui se trouvent si intimement liées l'une à l'autre, et nous allons successivement en développer les éléments.

La première, prévue par l'art. 423, n'existe que par le concours de trois conditions: il est nécessaire que le vendeur ait eu l'intention de tromper, que la tromperie ait porté sur la quantité des choses vendues, que le moyen employé pour la consommer ait été les faux poids ou les fausses mesures.

La loi exige formellement l'intention de tromper; elle ne punit que celui qui a trompé l'acheteur. L'art. 424 déclare même surabondamment que l'art. 423 n'est applicable qu'en cas de fraude, que cet article a pour objet la punition de la fraude. Ce n'est donc point d'une simple infraction matérielle qu'il s'agit ici, mais d'un délit moral; il ne suffit pas que la vente ait été faite avec usage de faux poids ou de fausses mesures, il faut que le vendeur ait agi sciemment,

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qu'il ait connu la fausseté ou l'inexactitude des poids ou des mesures qu'il employait, qu'il ait voulu tromper.

La deuxième condition du délit est que l'acheteur ait été trompé sur la quantité des choses vendues: c'est là le préjudice matériel. Si ce préjudice n'existait pas, les éléments du délit s'effaceraient; car il ne resterait, d'une part, qu'une intention frauduleuse non suivie d'effet, et d'une autre part, qu'un emploi de poids ou de mesures fausses sans tromperie. Il est donc nécessaire que l'acheteur ait été trompé, que la fraude ait été consommée.

Le troisième élément consiste dans le moyen employé pour effectuer la tromperie; il faut qu'elle ait été commise par usage de faux poids ou de fausses mesures. Que faut-il entendre par faux poids et fausses. mesures? On distingue les poids et mesures faux, et les poids et mesures différents de ceux qui sont établis par les lois. Les premiers sont ceux qui n'ont pas la pesanteur ou la forme voulue par la loi. Peu importe que ces poids et mesures soient revêtus du poinçon de vérification. Cette marque n'établit qu'une présomption de la conformité des poids et mesures avec les étalons, présomption qui disparaît nécessairement devant la preuve contraire. S'il en était autrement, si l'on ne pouvait considérer comme faux des poids et mesures revêtus de la marque destinée à en constater la légalité, il s'ensuivrait que tout marchand pourrait, après avoir soumis ses poids et ses mesures à la vérification, les altérer impunément sous la garantie du signe destiné à prévenir cette altération, de sorte que la précaution de la loi contre la fraude tournerait tout entière au profit de la fraude même [1].

Les poids et mesures différents de ceux établis par les lois, sont les mesures et les poids anciens, ou ceux qui, justes et décimaux, ne sont pas marqués du poinçon de l'État et du poinçon de vérification. Nous verrons plus loin, en expliquant le § 5 de l'art. 479, si ces poids et mesures irréguliers peuvent, dans quelques cas, être assimilés aux poids et mesures faux.

L'art. 423 n'a prévu que l'emploi des faux poids et des fausses mesures; le seul usage des poids et mesures irréguliers ne suffirait donc pas, d'après son texte, pour constituer, lors même qu'il serait accompagné de fraude, le délit qu'il punit. Mais ses termes ont été étendus par l'article 424 à ce dernier cas. Cet article prévoit l'hypothèse où le vendeur et l'acheteur se sont servis, dans leurs marchés, d'autres poids ou

[1] Cass., 26 fév. 1836.

d'autres mesures que ceux qui ont été établis par les lois, et il prononce une double peine d'une part, il prive l'acheteur de toute action contre le vendeur; de l'autre, il punit le vendeur, en cas de fraude, des peines portées par l'art. 423, et, s'il a agi sans fraude, des peines portées par

l'art. 479.

l'emploi des poids; que les poids, fussent-ils exacts et légaux en eux-mêmes, deviendraient de faux poids par l'emploi de fausses balances; que, de cette corrélation indivisible entre les poids et les balances, il résulte que les fausses balances et les faux poids doivent nécessairement être considérés comme une seule et même chose [2]. » On peut ajouter à l'appui de cette décision que

due en vertu, et pour l'exécution de la loi du 4 juillet 1837, déclare formellement que les balances, romaines et autres instruments de pesage, sont soumis à la vérification. Ces instruments sont donc classés dans la catégorie des poids et soumis aux mêmes règles. La vente avec des balances fausses doit être considérée comme une vente à faux poids.

L'exposé des motifs du Code explique cette disposition en ces termes : « Lorsque les ache-l'art. 22 de l'ordonnance du 17 avril 1839, renteurs consentent à ce qu'on emploie à leur égard des poids et mesures que la loi prohibe, ils se rendent complices d'une contravention: ils ont dû prévoir les risques auxquels ils se sont exposés, et la loi leur refuse tout secours pour en obtenir la réparation. Ainsi, le vendeur et même l'acheteur, quoique trompé, seront punis: le premier, pour avoir commis une faute et une contravention, et on lui appliquera la peine relative à l'usage des faux poids et des fausses mesures; quant au second, c'est-à-dire, à l'acheteur, il sera condamné, , pour sa contravention, à une peine de simple police. »

Ces lignes renferment évidemment une double inexactitude. D'abord, l'acheteur ne peut être puni comme complice d'une contravention, puisque les règles de la complicité ne s'appliquent qu'aux crimes et aux délits [1]. Ensuite, il ne peut être également puni pour avoir fait usage des poids ou mesures prohibés, puisque cet usage est le fait du vendeur et non le sien, et qu'il n'a commis d'autre faute que de consentir à leur emploi. Ce n'est donc que dans le cas où la marchandise aurait été livrée au domicile de l'acheteur, où le pesage ou le mesurage aurait eu lieu à ce domicile, que l'acheteur pourrait être responsable des poids et mesures qu'il aurait employés. Les art. 423 et 424 ont soulevé quelques difficultés. La question s'est élevée de savoir si le marchand qui a trompé sur la quantité des choses vendues, par l'emploi, non de faux poids, mais de fausses balances, doit être passible de l'application de l'art. 423. La raison de douter est que les fausses balances ne sont pas de faux poids; que la loi ne s'applique qu'aux faux poids; qu'il est d'usage dans le commerce de tarer ou ajuster, à chaque pesée, les fléaux et balances, parce que ces instruments sont susceptibles de variations et se maintiennent difficilement dans un juste équilibre, que leur incertitude ne peut les faire considérer comme faux. Mais la cour de cassation a décidé: « que les balances sont des instruments nécessaires et indispensables pour

Mais que faut-il entendre par balances fausses? Nous croyons que cette expression doit s'appli quer à celles qui sont inexactes dans leurs parties essentielles et constitutives, soit qu'elles aient été ou non vérifiées et poinçonnées. Ainsi la cour de cassation a jugé que l'on doit considérer comme une fausse balance: 1° celle qui recèle dans un de ses plateaux un paquet de papier propre à tromper l'acheteur sur le véritable poids de la marchandise [3]; 2° celle à laquelle se trouve fixé un crochet de fer qui fait pencher la balance du côté destiné à recevoir la marchandise [4]. D'après cette jurisprudence, l'inexactitude même accidentelle suffit pour faire considérer la balance comme fausse, lors même que ses parties essentielles sont exactes.

Le marchand qui, en vendant une marchandise au poids, ajoute frauduleusement un poids quelconque au plateau de la balance qui la contient, commet-il le délit prévu par l'art. 423 ? La cour de cassation a résolu cette question par l'affirmative, « parce que ce fait a eu pour but et pour résultat de vendre, au prix du poids placé dans l'autre bassin de la balance, une marchandise qui n'était pas réellement l'équivalent ou la représentation exacte de ce poids [5]. » Qu'il y ait fraude et tromperie dans cette vente, cela ne peut être nié; mais les éléments du délit prévu par l'art. 423 s'y trouvent-ils réunis? L'un de ces éléments, n'est-ce pas l'usage de faux poids ou de fausses mesures? Où sont dans l'espèce ces faux poids? Mais la cour de cassation a pensé que le poids déposé dans le plateau de la marchandise faussait la balance, comme le paquet de papier, comme le crochet de fer, et que cette

[1] . notre t. 1, p. 184. [2] Cass., 29 avril 1831.

[5] Ibid.

[4] Cass., 23 fév. 1839.
[5] Cass., 8 fév. 1839.

altération, même accidentelle, de la vérité du | duleux des faux poids et des fausses mesures; le pesage, devait faire considérer comme faux les instruments de ce pesage.

Au surplus, il ne faut pas confondre la vente des denrées à faux poids et la vente des denrées qui n'ont pas le poids déterminé par les règlements. Ainsi, le boulanger qui vend des pains qui n'ont pas le poids déterminé par les arrêtés de police, n'est nullement passible des peines portées par l'art. 423 [1]. En effet, le délit prévu par cet article consiste dans l'infidélité des poids ou des mesures employés pour peser ou mesurer les marchandises vendues, et, par conséquent, dans l'usage de poids ou de mesures infidèles: or, la vente d'une denrée d'un poids inférieur au poids marqué n'est autre chose que la vente de cette denrée à un prix supérieur à la taxe; cette vente ne suppose donc aucun usage de faux poids ou de fausses mesures; elle ne constitue qu'une infraction à un règlement de police. Le deuxième paragraphe ajouté par la loi du 28 avril 1832 au n° 6 de l'art. 479, C. pén., a prévu et spécialement puni cette contravention.

Voici maintenant la deuxième incrimination formulée par la loi en matière de poids et mesures. Le législateur ne s'attache, dans cette seconde disposition, qu'à un seul fait matériel; il fait abstraction de la bonne foi ou de l'intention frauduleuse du vendeur ; l'infraction consiste tout entière dans la possession et dans l'emploi de tous autres poids et mesures que ceux déterminés par la loi.

Cette infraction, toutefois, est de deux sortes. Le § 5 de l'art. 479 punit le seul fait de fausses mesures par les marchands et fabricants dans leurs magasins, boutiques, ateliers ou maisons de commerce, ou dans les halles, foires et marchés: cette possession est punie indépendamment de tout emploi de ces faux poids ou de ces fausses mesures. Le § 6 du même article prévoit, au contraire, non plus la simple possession, mais l'emploi seulement de poids ou mesures autres que ceux qui sont légalement établis. Mais cette incrimination s'étend d'une manière générale à toutes les ventes; elle n'est plus limitée à celles que font les marchands dans leurs maisons de commerce.

Ces deux paragraphes correspondent aux articles 423 et 424. L'art. 423 punit l'usage frau

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§ 5 de l'art. 479 punit la seule possession, dans les lieux de commerce, des mêmes poids, et mesures. L'art. 424, prévoyant une infraction que les lois antérieures n'avaient pas encore prévue, a voulu que le vendeur et l'acheteur qui se serviraient dans leurs marchés d'autres poids ou d'autres mesures que ceux établis par les lois de l'État, encourussent l'un et l'autre une peine de police: le § 6 de l'art. 479 n'a eu d'autre but que de formuler cette peine. Ainsi ces deux paragraphes s'appliquent, comme les art. 423 et 424, le premier aux poids et mesures faux, l'autre aux poids et mesures différents de ceux qui sont établis par les lois.

De là il suit que les éléments de ces deux infractions sont distincts comme les faits qui les constituent. La première exige deux conditions: 1° que de faux poids ou de fausses mesures aient été trouvés dans la possession du contrevenant; 2° que ces poids et mesures aient été trouvés dans des magasins, boutiques, ateliers ou maisons de commerce, ou dans des halles, foires ou marchés. De graves difficultés se sont élevées sur ces deux points.

La loi n'a point défini ce qu'il faut entendre par faux poids et fausses mesures [2]. Nous avons pensé que ces mêmes termes dans l'art. 423 devaient s'appliquer aux poids et mesures qui n'ont pas la pesanteur ou les dimensions légales, soit qu'ils aient été ou non revêtus de la marque des poinçons de vérification. Si les peines de cet article s'étendent ensuite à l'usage frauduleux des poids et mesures qui, sans être faux, diffèrent seulement de ceux établis par la loi, c'est en vertu de la disposition formelle de l'art. 424, et non point par une interprétation que le texte de l'art. 423 eût repoussée. Or, cette distinction entre les poids et mesures faux, et les poids et mesures différents de ceux qui sont établis parla loi, reproduite dans les §§ 5 et 6 de l'art. 479, doit-elle y prendre un sens divers? faut-il entendre, dans le § 5, par poids et mesures faux, non-seulement ceux qui sont inexacts, mais encore ceux qui, justes dans leur pesanteur ou dans leurs dimensions, ne sont pas toutefois revêtus des formalités prescrites par les lois et les règlements [3]?

Cette question était très-grave avant la loi

C. pén., qui ordonne la saisie et la confiscation des mesures dont s'agit, n'est pas abrogé par la loi du 6 mars 1818, combiné avec l'arrêté du 30 mars 1827; et ainsi, dans le cas prévu par cet arrêté, la confiscation telle que la commine l'article susdit du Code pénal doit être prononcée en concours avec les peines de la loi du 6 mars 1818. (Gand, 28 mars 1833; J. de Brux., 1833, 217.)

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