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unes des autres; l'homme ne fait que vivifier ou appliquer des idées qui lui ont été transmises par les siècles, et qui sont la richesse commune des hommes. Ses pensées ne lui appartiennent pas tout entières; il en a reçu le germe de la société, en les publiant il ne fait que les lui rendre.

autre production, imprimée ou gravée en entier | mence; les idées s'enchaînent et naissent les ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon, et toute contrefaçon est un délit. » Cette disposition indique et constate, quoique avec trop peu de précision, les caractères essentiels du délit de contrefaçon la reproduction entière ou partielle d'une œuvre littéraire, scientifique ou artistique; le préjudice causé à l'auteur de cette œuvre par l'atteinte portée à ses droits, enfin la fraude dont cette reproduction doit être accompagnée, puisque la contrefaçon est un délit.

Nous allons développer successivement chacun de ces trois éléments du délit, et nous résumerons en même temps les principales difficultés que leur application peut soulever.

Le premier est la reproduction de l'œuvre. L'art. 425 ne fait résulter, en effet, la contrefaçon que d'une édition d'écrit, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée au mépris des droits des auteurs. L'art. 1er de la loi du 19 juillet 1793 n'accorde aux auteurs que le droit de vendre, faire vendre ou distribuer leurs ouvrages; l'art. 3 de la même loi n'autorise que la saisie des éditions imprimées ou gravées sans leur permission. Ces expressions sont répétées dans le décret du 5 février 1810.

Ainsi ce n'est pas la reproduction de la pensée que la loi incrimine; c'est la reproduction de l'ouvrage, quand cet ouvrage a revêtu la pensée d'une forme matérielle; c'est cette forme qui est l'objet de la protection légale parce qu'elle est saisissable, et qu'elle peut être l'objet d'une propriété; c'est l'ouvrage, l'édition imprimée ou gravée, parce que cet ouvrage ou cette édition font seuls partie des choses commerciales.

En effet, la pensée dès qu'elle est publiée se dégage du domaine de son auteur pour passer dans le domaine public; elle pénètre dans les esprits, elle s'y attache par la méditation, elle devient leur pensée propre. C'est une sorte de conquête pour la science ou pour l'art auquel elle appartient et dont il dispose librement. Et puis est-il une pensée qui appartienne exclusivement à son auteur? une création dont on ne puisse établir la génération? Suivant une expression souvent répétée, le génie est comme la terre qui ne produit rien sans en avoir reçu la se

Ce qui appartient à l'auteur, ce qu'il peut revendiquer, c'est la forme qu'il donne à sa pensée, c'est l'ouvrage qu'il a écrit, qu'il a peint, qu'il a sculpté pour la manifester. Il ne s'agit plus ici d'une création immatérielle et insaisissable, mais d'une œuvre sensible et corporelle. Elle est sa propriété exclusive, car seul il l'a créée; la loi doit donc lui assurer tous les fruits qu'elle peut produire.

La contrefaçon ne peut donc avoir pour objet que l'ouvrage lui-même, c'est-à-dire le mode d'expression donné à la pensée; le sujet appartient à tous, la manière dont il est traité n'appartient qu'à l'auteur. Chacun est libre d'entreprendre sur la même matière une œuvre semblable; nul ne peut reproduire les formes et la disposition d'une œuvre déjà faite.

La reproduction consiste donc en général dans le fait de fabriquer, en le copiant, une édition nouvelle et frauduleuse d'un ouvrage appartenant à autrui. La loi s'est servie du mot édition parce que son but a été de garantir les droits de l'auteur d'une désastreuse concurrence, parce que cette concurrence ne peut s'élever que d'une édition fabriquée pour être opposée à la sienne. Mais nous verrons plus loin que cette expression est plutôt démonstrative que restrictive, et que, dès que le préjudice est constaté, la condition d'une édition contrefaite n'est pas essentielle à l'existence du délit. Ce que la loi a exigé pour constater ce délit, c'est une reproduction matérielle, identique, préjudiciable et pouvant élever une concurrence à l'œuvre originale [1].

Il faut toutefois prendre garde, d'une part, qu'il n'est pas nécessaire qu'une identité parfaite existe entre l'œuvre originale et l'œuvre contrefaite, et qu'une méprise soit possible entre ces deux œuvres; et, d'une autre part, que la reproduction diffère essentiellement, soit de la simple imitation, soit même du plagiat.

Les dissemblances, quelles qu'elles soient, qui peuvent exister entre les deux ouvrages,

[1] Le seul fait qu'un nouveau dictionnaire contient un grand nombre de mots qui se trouvent dans d'autres dictionnaires précédemment publiés, ne suffit pas pour le faire considérer comme une contrefaçon des précédents, | lorsque d'ailleurs il n'est pas publié comme une nouvelle

et

édition de ceux-ci, que le titre est entièrement différent que loin d'en être une copie servile, il renferme une foule d'additions, de changements et d'observations. Brux., 31 mai 1828; Carnot, no 1.)

n'empêchent pas qu'il puisse y avoir contrefa- | tière, et que, dans l'espèce, l'emprunt à un reçon. Qu'importe, en effet, que le livre contre-cueil de formules de quelques citations pour les fait ne soit pas publié avec le même format que placer dans un traité, ne pourrait constituer une le livre original? Qu'importe que le nom de l'au- reproduction préjudiciable de ce recueil. Mais teur soit dissimulé? que le tableau ou la statue la cour semble appuyer sa décision sur cette soit d'une dimension différente? Il suffit que la règle, que toute méprise était impossible entre reproduction soit une copie plus ou moins exacte les deux ouvrages; or, une telle règle serait déde l'œuvre, qu'elle la représente avec ses formes nuée de fondement, puisque la loi n'en fait nulle principales, qu'elle ait pour effet de porter pré- part une condition de son application, et que judice à l'auteur. On conçoit d'ailleurs que les des dissemblances même graves n'empêchent pas dispositions de la loi seraient complétement il- que la reproduction ne soit complète. lusoires, si quelques dissemblances suffisaient pour affranchir le contrefacteur des peines légales; la contrefaçon ne manquerait pas d'affecter ces dissemblances, et toute répression deviendrait impossible.

Cependant la cour de cassation paraît s'être écartée de cette doctrine dans une espèce où l'auteur d'un Traité de pharmacie était prévenu d'avoir emprunté un certain nombre de formules au Codex medicamentarius. La cour de Paris avait décidé que, ces citations ne formant pas un corps de formules semblables à celles du Codex, toute méprise était impossible entre ces deux ouvrages, et qu'il n'existait d'ailleurs aucune ressemblance sous le rapport du plan, du style, de la distribution des matières et de l'objet de l'ouvrage. Cet arrêt a été attaqué par un pourvoi fondé sur ce que les différences qui existaient entre les deux livres n'étaient pas un obstacle à la contrefaçon. Mais la cour de cassation : « attendu qu'il a été reconnu par l'arrêt attaqué que l'ouvrage argué de contrefaçon était différent par son titre, son format, sa composition et son objet du Codex medicamentarius; que l'édition de cet ouvrage, quoique postérieure à la publication du codex, est semblable, par son plan et ses divisions, à la première qui avait été publiée antérieurement; qu'il a été déclaré dans cet arrêt que si on trouve dans cette seconde édition les formules indiquées comme faisant partie du Codex medicamentarius, ces citations sont isolées et perdues dans l'ouvrage, qu'elles ne forment pas un corps de formules semblables à celles du Codex, et qu'ainsi toute méprise est impossible entre les deux ouvrages; que la cour de Paris, en refusant, dans l'état des faits ainsi reconnus, de faire l'application des peines relatives au délit de contrefaçon, n'a pas violé ces lois [1]. »

Il est évident qu'au fond cet arrêt consacre une juste application des principes de la ma

[1] Cass., 25 fév. 1820. (Sirey, t. 20, p. 259.) [2] Paris, 3 déc. 1851. (Sirey, 1832, 2, 280.) [3] Arrêt rendu sur la plaidoirie de Lépidor, Barreau

Nous avons dit, en second lieu, que la reproduction diffère essentiellement de l'imitation et du plagiat.

La simple imitation suppose qu'il ne s'agit point d'une reproduction exacte; elle s'attache soit à employer les mêmes procédés en traitant un autre objet, soit à traiter les mêmes sujets par des procédés différents; l'imitation est l'étude et la vie des beaux-arts; la littérature elle-même tend sans cesse à reproduire les formes des œuvres qu'elle proclame ses modèles; proscrire l'imitation ce serait proscrire l'étude et la perfection de l'art. C'est d'après cette distinction que la cour de Paris a décidé : « que le droit des auteurs ne peut être étendu à la reproduction de leurs ouvrages au moyen d'un art essentiellement distinct dans ses procédés comme dans ses résultats; qu'ainsi l'imitation d'un tableau ou d'une gravure, en tout ou en partie, par l'art de la sculpture, de la moulure, de la ciselure, ne constitue pas le délit de contrefaçon [2]. » Déjà la même cour avait jugé, dans une autre espèce, sur la plaidoirie de Lépidor : « que l'imitation du sujet d'une gravure par d'autres procédés ne constitue pas le délit de contrefaçon; que les droits de celui qui imite par d'autres procédés que ceux employés par l'inventeur, tiennent à l'art, au talent, au droit naturel, et sont de l'essence universelle du commerce; que l'invention dans le mode d'exécution, incompatible avec la fraude, détruit toute idée de contrefaçon [3]. »

Le plagiat a plus d'affinité encore que l'imitation avec la contrefaçon il consiste dans l'action de publier sous son nom et comme si on en était l'auteur, des ouvrages ou des portions d'ouvrages qui ont été composés par un autre. Il peut, dans certains cas, s'identifier avec la contrefaçon, il en diffère dans beaucoup de circonstances. En général, il n'affecte pas la fidélité d'une reproduction, il se cache, il revêt des

français, t. 4, p. 214. V. cependant les art. 1 et 4 de la loi belge du 25 janvier 1817.

formes différentes; il ne reproduit pas l'œuvre, il ne fait que copier servilement des passages qu'il s'attribue; il pille non avec l'intention de porter préjudice, mais pour vivre en butinant çà et là un miel qu'il est dans l'impuissance de composer. Le plagiat fait, en général, peu de tort à la propriété; il ne lui suscite aucune concurrence, il n'élève point ouvrage contre ouvrage, il n'est justiciable que de la critique littéraire qui le dévoile et le flétrit. Cependant cette décision peut avoir des exceptions. Si le plagiat avait usurpé une partie notable et importante de l'ouvrage, s'il avait par là même élevé une concurrence et apporté un préjudice au débit de l'ouvrage original, il aurait violé les droits de l'auteur et prendrait le caractère d'une véritable contrefaçon.

c'est évidemment, sauf les questions de propriété et de bonne foi, constater le délit. Ainsi il n'y a point lieu de distinguer si le contrefacteur at accompagné l'écrit qu'il reproduit de notes ou de commentaires, car ces additions n'altèrent nullement l'identité du texte [3]. Il est également indifférent que l'écrit original ait été contrefait isolément ou ait été réimprimé avec d'autres écrits non contrefaits, car cette circonstance ne change rien au caractère et aux effets de la reproduction. Ainsi la cour de cassation a jugé que le contrefacteur qui renferme dans son édition un ouvrage appartenant à autrui avec un autre plus considérable qu'il avait le droit de réimprimer, commet le délit de contrefaçon [4].

La reproduction partielle donne lieu à plus de difficultés; car il est impossible de poser avec précision la limite où les citations et les emprunts peuvent prendre le caractère d'une reproduction, et où cette reproduction acquiert assez d'importance pour porter préjudice à l'auteur [5].

Cette distinction a été posée par Daniels dans des conclusions prises devant la cour de cassation: « Toutes les fois que le plagiat ne fait aucun tort à la propriété de l'auteur, que le second ouvrage ne peut, sous ce rapport, faire aucun préjudice au débit du premier, la question du Les citations ne constituent point en général simple plagiat n'est plus du ressort des tribu- une reproduction punissable. Il est nécessaire, naux. Mais lorsqu'on a pillé l'ouvrage d'un au- en effet, que l'écrivain d'un sujet quelconque teur et que cette entreprise fait réellement tort cite les auteurs qui ont écrit sur la même maà sa propriété, c'est à raison de ce préjudice que tière, soit pour réfuter leurs opinions, soit pour le plagiat prend le caractère de la contrefaçon appuyer les siennes. Il serait impossible de dédéfendue par la loi [1]. » La cour de cassation velopper une discussion, ou de constater la marn'a fait que confirmer cette distinction par un che et les progrès d'une science, si ce droit était arrêt rendu sur ces conclusions, et portant « que contesté. Les citations d'ailleurs attestent la s'il a été déclaré en fait, par la cour de Paris, bonne foi de celui qui les fait le contrefacteur que des fragments de quelques articles du Dic- pille et ne cite pas. Il faudrait toutefois excepter tionnaire universel avaient été copiés par aucuns le cas où la citation, par son étendue, serait une des rédacteurs de la Biographie universelle, il véritable reproduction déguisée. Ainsi le critique ne suit pas de cette déclaration qu'il y ait eu qui, en annonçant qu'il veut examiner un livre, édition d'un ouvrage imprimé, en entier ou en commencerait par le reproduire et le ferait suipartie, au mépris des lois et des règlements re-vre de ses observations, ne ferait pas une simple latifs à la propriété des auteurs; que dès lors, en jugeant qu'il n'y avait pas contrefaçon et en renvoyant les prévenus de la plainte, cette cour n'a pas violé la loi du 19 juillet 1793, ni l'article 425, C. pén [2]. »

La reproduction est entière ou partielle. La reproduction entière consiste dans la réimpression identique d'un écrit, dans la copie pure et simple d'un ouvrage quelconque. Cette reproduction était la seule qui eût le caractère d'une contrefaçon sous notre ancienne législation, au moins jusqu'à l'arrêt du conseil du 30 août 1777. Il ne peut, dans ce cas, s'élever que peu de difficultés constater une reproduction identique,

:

citation, mais bien une reproduction préjudiciable [6]. Ainsi l'auteur qui publierait mensuellement sur les questions les plus importantes du droit des fragments de divers ouvrages, en annonçant que sa publication devra tenir lieu un jour donné des ouvrages copiés furtivement, commettrait le délit de contrefaçon.

Les emprunts emportent avec eux une présomption moins favorable. La citation, en effet, est publiquement avouée et est exempte de tout déguisement; l'emprunt n'indique pas la source où il puise, et cherche même à se déguiser. S'il est de peu d'importance, relativement à l'ouvrage où il a été pris, on ne doit pas le consi

[1] Merlin, Rép. de jurisp., vo Plagiat, no 2.
[2] Cass., 5 juill. 1812. (Rép., vo Plagiat, no 2.)
[3] Merlin, Quest, de droit, vo Contrefaçon, § 4.

[4] Cass., 4 sept. 1812.
[5] . la note p. 175.
[6] Paris, 15 juill, 1830.

dérer comme une reproduction partielle de cet ouvrage, puisqu'il n'entraîne aucun préjudice appréciable. Ainsi l'emprunt fait à un recueil de poésies d'une seule pièce ne serait point une reproduction partielle de ce recueil. Mais dès que les extraits prennent assez d'étendue pour produire quelque préjudice au débit de l'ouvrage, ils peuvent devenir la base d'une action en contrefaçon. Il en doit être ainsi surtout s'ils sont multipliés, s'ils ont servi de canevas à un ouvrage du même genre, et si le contrefacteur a cherché à les celer en les déguisant [1].

traire à la loi; elle aurait, en effet, pour première conséquence que les ouvrages de sculpture seraient dépourvus de toute garantie légale, car ces ouvrages sont principalement contrefaits par le contre-moulage et la copie; et ces moyens de reproduction sont en dehors des termes de la loi: or, comment supposer que la loi ait voulu faire une pareille exception, quand elle étend sa protection non-seulement aux écrits, aux œuvres musicales, au dessin, à la peinture, mais à toute autre production, et quand ces derniers termes sont expliqués par l'art. 7 de la loi du 19 juillet 1793, qui ajoute : « Toute autre production de l'esprit ou du génie qui appartient aux beaux-arts. » Les ouvrages de sculpture sont donc compris dans la disposition de l'article 425, bien qu'il ne mentionne que les ouvrages imprimés ou gravés; on en trouve d'ailleurs une preuve évidente dans l'art. 427, qui s'est nécessairement référé aux ouvrages de sculpture lorsqu'il a ordonné la confiscation des moules [3]. La même lacune atteindrait les ouvrages de peinture. La copie à la main d'un tableau pour la répandre dans le commerce est assurément une contrefaçon; et il en est de même de la reproduction soit d'une gravure, soit d'un tableau, par les procédés de la lithographie ou de la lithochromie. En effet, l'art. 1er de la loi du 19 juillet 1793 accorde aux auteurs un droit exclusif sur leurs ouvrages, et l'art. 425 punit toute reproduction au préjudice de ce droit, d'une peinture ou d'un dessin. Cependant, si l'on se renfermait rigoureusement dans les termes de ce dernier article, il faudrait déclarer que dans ces deux hypothèses le délit n'existe pas; car la lithographie, la lithochromie et la copie à la main ne peuvent être considérées ni comme des impressions, ni comme des gravures.

Est-ce reproduire partiellement un livre que d'en publier l'abrégé? Il peut exister deux sortes d'abrégés l'un qui reproduit l'ouvrage original en conservant son plan, ses idées, même son style, et en éloignant seulement des détails inutiles; l'autre qui résume seulement la substance du livre sans conserver ni le plan ni le style. Dans le premier cas la contrefaçon est évidente: l'abréviateur s'empare des travaux de l'auteur pour lui susciter une concurrence redoutable, car son abrégé, plus court et à un moindre prix, peut remplacer dans le commerce l'œuvre originale et en paralyser la vente [2]. Mais la question est plus difficile si l'abrégé n'a fait que prendre la substance du livre, s'il constitue lui-même un ouvrage consciencieux, un travail original, s'il a mêlé aux idées de l'auteur quelques idées qui les altèrent ou les modifient, s'il a revêtu un autre plan, une autre forme, un autre titre. Néanmoins nous serions portés à admettre en ce cas une action en contrefaçon, parce qu'il serait trop difficile d'apprécier si l'abrégé n'est qu'un extrait fidèle de l'ouvrage original, ou s'il n'a fait qu'y puiser sans le calquer servilement; s'il s'est emparé de toute sa substance et de toute sa vie, ou s'il n'a fait que résumer les matières qu'il traite sans prétendre prendre sa Enfin l'impression lithographique, l'autograplace et supprimer ses développements; enfin phie et l'écriture peuvent suppléer l'impression; s'il a pu causer un préjudice à la vente de l'ou-elles peuvent opérer la même reproduction, et vrage, ou bien s'il a servi, au contraire, à le faire connaître et à le répandre.

Après avoir signalé les caractères de la reproduction, il faut indiquer les moyens par lesquels elle s'opère. L'art. 2 de la loi du 19 juillet 1793 et l'art. 425, C. pén., semblent ne qualifier contrefaçons que les reproductions faites par l'impression et la gravure. Faut-il induire de ces termes que ces deux modes de reproduction puissent seuls constituer une contrefaçon, et que tout autre mode soit licite?

Cette interprétation serait évidemment con

[1] Cass., 23 flor. an 12. (Pasicrisie.)

[2] Renouard, Traité des droits d'auteurs, t. 2, p. 30.

dans certains cas porter le même préjudice. L'emploi de ces procédés placera-t-il cependant la contrefaçon à l'abri de toute répression, parce que la loi ne les a pas énumérés? S'ils ont été les instruments d'un dommage réel, protégeront-ils l'auteur de ce dommage?

Nous ne pouvons admettre que le délit dépende de la nature de l'instrument employé pour le commettre; cet instrument n'est point un élément du délit; la culpabilité du contrefacteur n'est pas plus grande parce qu'il a fait choix de tel ou tel procédé. Le principe de cette

[3] V. les art. 1 et 2 de la loi belge du 25 janv. 1817.

culpabilité est dans le fait même de la reproduction les moyens employés pour y parvenir sont indifférents. Cette reproduction, qui est le seul objet de l'incrimination, le seul élément du délit, il importe peu qu'elle ait été faite de telle ou telle manière, il suffit qu'elle ait été faite et qu'elle ait pu causer quelque préjudice à l'auteur. Il nous paraît donc certain que l'énumération des moyens de reproduction énoncés dans l'art. 425 est plutôt démonstrative que limitative [1].

n'existant pas, les préparatifs ne constituent tout au plus qu'une simple tentative qui échapperait à toute répression, puisque la tentative d'un délit n'est punissable qu'autant qu'elle a été expressément prévue par la loi.

Nous avons analysé les principaux caractères de la reproduction: ce n'est là que l'un des éléments du délit de contrefaçon. Le deuxième élément de ce délit est le préjudice réel ou possible produit par cette reproduction.

Ce préjudice prend sa source dans la violation des droits de l'auteur.

Ces droits furent pendant longtemps établis d'une manière assez obscure dans l'ancienne législation. Les défenses d'imprimer aucun livre nouveau sans permission remontent à l'époque où l'imprimerie commença à prendre son essor et à multiplier les livres. Les permissions étaient d'abord indistinctement délivrées par le roi, le parlement et l'université. Une ordonnance du 17 mars 1539 porte : « Voulons que aucuns livres nouveaux ne soient imprimés sans permis

Ces expressions imprimées ou gravées, qui se trouvent dans l'art. 425, donnent lieu à une autre question: faut-il en conclure que le fait de la fabrication suffit à lui seul et indépendamment de toute mise en vente pour constituer la contrefaçon ? La cour de cassation a jugé l'affirmative dans une espèce où les feuilles d'une édition contrefaite avaient été saisies avant que Fimpression eût été terminée. Le pourvoi formé par le prévenu contre le jugement qui l'avait condamné fut rejeté : « attendu qu'il n'y a pas simple tentative dans le fait dont il s'agit, maission de nous ou de justice. » L'ord. de Moulins contrefaçon réelle, puisque des feuilles imprimées et contrefaites ont été saisies [2]. » Cette décision nous semble fondée. D'après les termes de l'art. 425, ce n'est pas la publicité, mais le seul fait de l'impression des écrits ou de la gravure contrefaits qui forme la condition du délit; la loi, en effet, eût été illusoire, si la publicité de l'édition contrefaite eût seule constitué le délit, puisqu'il eût fallu attendre cette publicité pour saisir, et que le contrefacteur aurait toujours pu faire disparaitre les exemplaires contrefaits à la vérité, tant que l'édition n'est pas mise en vente, l'auteur n'a éprouvé aucun préjudice. Mais, ainsi que l'a fait remarquer Renouard, « ce n'est pas seulement sur le préjudice déjà éprouvé, c'est aussi sur le préjudice possible que doit s'étendre la garantie assurée au privilége. Si l'on s'en tenait à la réparation du préjudice déjà causé effectivement, il faudrait donc, quand une édition contrefaite est saisie, n'accorder de réparations qu'eu égard au nombre d'exemplaires qui auraient été réellement vendus; ce serait éluder la loi et presque consacrer l'impunité. Le caractère de contrefaçon s'attache à toute fabrication illicite de manière à porter préjudice à l'exploitation vénale de l'auteur et à troubler cette exploitation par des risques dont la loi a expressément voulu la garantir [3]. » Si les feuilles n'étaient pas encore imprimées ou gravées, le fait d'une reproduction partielle

de février 1566 ajoute aux permissions les lettres de priviléges, et consacre un usage qui s'était peu à peu introduit : « Défendons à toutes personnes d'imprimer ou faire imprimer aucun livre ou traité sans notre congé et permission et lettres de privilége expédiées sous notre grand scel (art. 78). » On doit distinguer dans cette disposition souvent renouvelée les permissions et les priviléges. Les permissions avaient pour but de prévenir les écarts de la presse; elles supposaient la censure, elles proclamaient l'examen, la surveillance, la prohibition. Les priviléges accordaient, sous la forme d'une concession aux auteurs, ou plus souvent aux libraires, la jouissance exclusive des ouvrages qu'ils avaient composés, ou qu'ils voulaient éditer. Ces priviléges étaient les seuls titres de la propriété. Ainsi l'art. 35 du règlement de 1618, l'arrêt du conseil du 20 décembre 1649, l'art. 65 du titre 14 du règlement général de 1686, et l'art. 109 du règlement du 28 février 1723, portent à peu près dans les mêmes termes : « Défendons à tous imprimeurs et libraires de contrefaire les livres pour lesquels il aura été accordé des priviléges ou continuations de priviléges, de vendre ou débiter ceux qui seront contrefaits, sous les peines portées par lesdits priviléges, lesquelles peines ne pourront être diminuées ni modérées par les juges. » Au reste, toutes les permissions n'étaient pas accompagnées de privilége: les livres

[1]., dans ce sens, Renouard, Traité des droits d'auteurs, p. 79; Gastambide, Traité des contrefaçons, p. 204.

[2] Cass., 2 juill. 1807. (Pasicrisie.)
[3] Traité des droits d'auteurs, t. 2, p. 51,

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