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et qu'on ne peut méconnaître qu'un hôtelier qui commet un vol envers un voyageur qui est reçu dans son hôtellerie est également coupable, soit qu'il y habite, soit qu'il n'y habite pas [1]. »

La même règle s'applique encore, soit que la personne volée ait été reçue dans l'auberge pour y loger, soit qu'elle n'y soit entrée que pour y prendre du repos ou pour s'y reposer momentanément. Dans le droit romain, l'aubergiste ne répondait du vol commis dans son auberge que lorsqu'il était le fait des personnes qui y logeaient: Caupo præstat factum eorum qui in eá cauponâ ejus caupona mercendæ causâ ibi sunt; item eorum qui habitandi causâ ibi sunt; viatorum autem factum non præstat; namque viatorem sibi eligere caupo vel stabularius non videtur, nec repellere potest inter agentes. Inhabitores vero perpetuos ipse quodammodo elegit qui non rejecit [2]. On ne peut appliquer la même distinction à l'hypothèse, d'ailleurs différente, dont il s'agit. Le voyageur, quel que soit le temps qu'il passe dans l'auberge, et même celui qui ne fait que s'y arrêter quelques instants, qui hospitio repentino recipitur, veluti viator, doit accorder la même confiance et jouir de la même sûreté : la loi ne fait à cet égard aucune distinction; et la cour de cassation a consacré cette décision en déclarant : « que les mots hôtellerie, auberge, employés dans l'art. 386, sont des expressions générales qui comprennent, selon leur acception commune et reconnue, les hôtels, maisons et cabarets où l'on est reçu, moyennant un prix ou une rétribution, pour y prendre le logement ou la nourriture;... que la disposition du Code est fondée sur la sûreté dont le voyageur doit jouir dans une auberge, soit que les personnes qui y sont reçues comme lui y soient entrées pour y loger, soit qu'elles n'y soient entrées que pour y prendre un repas [5]. » Cet arrêt décide en même temps une autre question c'est que les cabaretiers doivent être assimilés aux aubergistes et hôteliers et soumis à la même responsabilité. Cette décision a reçu des motifs plus développés dans un autre arrêt portant: « que les mots hôtellerie et auberge, employés dans l'art. 386, sont des expressions générales qui comprennent, selon leur acception commune et reconnue, les hôtels et maisons où l'on est reçu, moyennant un prix ou une rétribution, pour y prendre repos, logement, nour

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riture; que les cabarets sont du nombre de ces maisons; que la même confiance est nécessairement accordée dans tous les cas, soit par les aubergistes et cabaretiers aux personnes qu'ils reçoivent, soit par celles-ci aux aubergistes et cabaretiers; qu'il ne résulte d'aucune expression de la loi, et qu'il n'est pas permis de supposer que le législateur ait voulu donner une garantie plus spéciale aux voyageurs et autres, dans une auberge où ils prennent à la fois logement, repos et nourriture, que dans une auberge ou un cabaret où ils sont reçus pour y prendre seulement repos et nourriture [4]. » Par suite de la même interprétation, les traiteurs et les maîtres de cafés [5] ont été également assimilés aux aubergistes et soumis à la même aggravation [6].

Ces trois décisions, uniquement fondées sur l'analogie des professions, nous semblent susceptibles de quelques objections. En premier lieu, il faut remarquer que ni les cabaretiers, ni les traiteurs, ni les cafetiers, ne sont nommément compris dans l'art. 386; ce n'est donc qu'en interprétant la loi, en étendant ses termes, qu'on parvient à appliquer à ces trois classes d'individus l'aggravation pénale qu'elle n'a prononcée que pour les aubergistes et les hôteliers; or, est-il permis d'aggraver une peine par la seule puissance d'une induction? Ensuite, lorsqu'il s'est agi d'étendre la disposition de l'article 386 aux loueurs de maisons garnies, quels ont été les motifs de cette interprétation? C'est que les loueurs de maisons garnies recevaient des personnes à loger, comme les aubergistes et les hôteliers; c'est surtout que les art. 73, 154 et 475, du Code, liés par un rapport de matières avec l'art. 386, avaient placé les loueurs à côté des hôteliers et des aubergistes. Or, ce dernier motif ne saurait plus être invoqué en ce qui concerne les cabaretiers, les traiteurs et les cafetiers les art. 73, 154 et 475 ne s'occupent que des personnes qui fournissent le logement; leurs dispositions sont expressément limitées aux aubergistes, hôteliers et loueurs de maisons garnies; comment donc l'interprétation qui s'appuyait sur ces articles pour étendre les termes de l'art. 386, qui trouvait dans ces quatre articles un sens parfaitement identique des mots aubergistes et hôteliers, peut-elle maintenant donner à ces mêmes mots, dans l'art. 586, une

:

[1] Cass., 1er oct. 1812.

[5] V., dans ce sens, Liége, 15 nov. 1827; Legraverend,

[2] L. un., Dig. furti adv. nautas, caupones, 1.6, §5, t. 3, p. 131. Dig. nautæ, caupones.

[5] Cass., 14 fév. 1812.

[4] Cass., 1er et 16 avril 1813.

[6] Cass., 19 avril 1815 et 28 mai 1813; Rép. de jurisp., 1er vol., sect. 2, S3, nos 7 et 8.

signification particulière et plus étendue encore? | porte dans l'auberge l'hôte qui y est reçu?

:

Aux termes de l'art. 1952, C. civ., les aubergistes ou hôteliers sont responsables comme dépositaires des effets apportés par le voyageur qui loge chez eux le dépôt de ces sortes d'effets est assimilé au dépôt nécessaire qui a lieu en cas d'accident, tel qu'un incendie, une ruine, un pillage ou autre événement imprévu. Il résulte de cet article que, par cela seul que des effets ont été apportés par un voyageur dans l'hôtellerie où il est reçu, l'hôtelier devient de plein droit dépositaire de ces effets, encore bien qu'ils ne lui aient point été déclarés. Telle était aussi la disposition de la loi romaine: Et puto omnium eum recipere custodiam quæ in navem illatæ sunt: et factum non solum præstare debere sed et vectorum [1]; et la loi suivante ajoute: Sicut et caupo viatorum [2]. Il est donc évident que si l'aubergiste vole à son hôte un objet même non apparent que celui-ci a apporté dans l'auberge, le vol de cet objet doit être considéré comme vol de choses confiées à l'aubergiste en sa qualité, puisqu'il en serait respon

Il est évident que l'argument sur lequel repose l'avis du conseil d'Etat du 10 octobre 1811 s'évanouit complétement, ou que les mots hôteliers et aubergistes doivent signifier dans l'art. 386 la même chose que dans les art. 73, 154 et 475. Enfin, on comprend les motifs qui ont fait assimiler aux hôteliers les loueurs de maisons garnies ils sont placés dans une situation complétement identique; ils fournissent le logement, ils reçoivent par conséquent les effets de leurs locataires; ceux-ci sont donc forcés de se fier à leur foi, leur confiance est nécessaire. Les cafés, les cabarets, les maisons des traiteurs, sont des établissements entièrement différents les personnes qui les fréquentent n'y séjournent que momentanément, elles ne portent ordinairement avec elles aucun effet; elles n'ont donc pas besoin de la même protection, elles ne donnent pas la même confiance. On a objecté que l'auberge recevait aussi des personnes qui n'y logeaient pas, et qu'alors elle n'était en quelque sorte qu'un cabaret; mais, dans ce cas même, l'auberge ne reçoit habituellement que des voya-sable. Ainsi les mots confiés à ce titre signifient geurs, pour la plupart chargés d'effets, et qui par conséquent ont besoin, même en ne prenant pas le logement, d'une sûreté plus efficace; d'ailleurs, dès que les aubergistes étaient soumis à une peine plus grave, il était difficile de diviser leur responsabilité, et de les soumettre. pour le même fait à deux peines distinctes. Au reste, s'il a fallu toute la puissance d'une interprétation légale pour assujettir à cette aggravation les loueurs de maisons garnies, une telle interprétation serait, à plus forte raison, nécessaire pour l'étendre aux cabaretiers, aux cafetiers et aux traiteurs, puisque l'analogie même de la profession n'existe pas. Il nous semble donc que, dans le silence de l'art. 386, la jurisprudence ne peut que s'abstenir d'appliquer cet article à ces trois classes d'individus : le vol qu'ils commettent à l'égard des personnes qui fréquentent leurs cabarets, leurs cafés, leurs restaurants, n'est qu'un vol simple.

Après avoir expliqué la signification des mots aubergistes et hoteliers, il faut examiner ces autres expressions du même article qui ne punit le vol que des choses qui leur étaient confiées à ce titre.

Quel est le sens de ces derniers termes? Signifient-ils que l'art. 386 ne s'applique qu'au vol d'effets expressément déposés entre les mains de l'hôtelier? ou doit-on considérer comme confié à un aubergiste, en sa qualité, tout ce qu'ap

[1] L. 1, § 8, Dig. nautæ, caupones, etc. [2] L. 2, Dig. eod. tit.

que les objets ont été apportés dans l'auberge, non pas à titre de voisinage, de parenté ou de confiance particulière, mais parce que c'était une auberge et à raison de cette nature même du lieu.

Telle est aussi la doctrine de la cour de cassation. Cette cour a décidé, en effet : « que si, en matière civile, le maintien de l'ordre public a exigé que les aubergistes ou hôteliers fussent assujettis à la rigueur des règles établies relativement aux dépôts nécessaires pour les effets apportés par le voyageur reçu chez eux, et qu'ils en fussent déclarés responsables, comme leur ayant été confiés de droit et sans qu'il fût besoin d'aucune convention particulière, par cela seul que les voyageurs les avaient apportés chez eux, la même règle doit avoir lieu pour l'application de l'art. 386, relatif aux vols commis par les aubergistes ou hôteliers, des choses apportées chez eux par les voyageurs ou personnes qui ont été reçues; ces expressions, qui leur étaient confiées à ce titre, insérées dans cet artiele, ayant eu pour objet, non d'apporter aucun changement à la corrélation de cet article avec ce qui avait été établi pour la responsabilité civile par l'article 1952, C. civ., mais d'en prévenir l'applica tion au cas où les mêmes rapports ne se rencontreraient pas entre l'aubergiste ou hôtelier auteur du vol, et les personnes au préjudice desquelles aurait eu lieu la soustraction frauduleuse [3]. »

[3] Cass., 28 oct. 1813.

ne lui a pas été déclaré, ou détourné, si cet objet lui a été remis.

Si l'aubergiste n'a fait que s'approprier un stances: il est nécessaire, en premier lieu, que objet oublié dans sa maison, cette circonstance l'agent ait la qualité d'aubergiste, d'hôtelier ou change-t-elle le caractère du vol? « Il en est du de maître de maison garnie; il faut, en second. contrat de dépôt nécessaire entre l'hôte et l'hô-lieu, que l'objet volé ou détourné ait été apporté telier, a dit Merlin, comme de tout autre con- dans l'auberge ou la maison garnie, à raison du trat: il ne peut cesser que par des moyens lé- caractère de ce lieu, et soit qu'il ait été ou non gaux, et ces moyens ne peuvent être que la déclaré au maître de cette maison; il faut, enfin, novation ou le retrait des effets qui ont été l'ob-que l'aubergiste ou l'hôtelier l'ait soustrait, s'il jet du dépôt nécessaire. Or, point de novation sans volonté réciproque de détruire le contrat subsistant, et il n'y a point de volonté là où il y a simplement oubli. Le contrat n'aurait pu cesser que par le retrait de tous les effets apportés [1]. » Ainsi l'objet apporté chez l'aubergiste en sa qualité d'aubergiste, reste confié à ce titre tant que son propriétaire n'a pas manifesté la volonté d'en faire l'abandon; l'aubergiste, en se l'appropriant, à quelque époque que ce soit, viole donc ses obligations de dépositaire, et se rend passible de l'aggravation [2].

§ III. Vols des voituriers et bateliers. Les voituriers, les bateliers et leurs préposés sont passibles, dans deux cas, d'une aggravation de peine pour les vols dont ils se rendent coupables.

Ces deux cas se présentent, 1° lorsqu'ils ont volé tout ou partie des choses qui leur étaient confiées à ce titre; 2° lorsqu'ils ont altéré les marchandises dont le transport leur était confié. Le premier de ces crimes était également prévu par notre ancien droit : « Quand les effets, dit Jousse, ont été volés par le messager lui-même, ou par quelqu'un de ses commis ou préposés, l'action peut être poursuivie criminellement contre l'auteur du vol ou ses complices, et ils doivent être punis, non de la peine du vol simple, mais d'une autre peine plus grave, comme des galères à temps [3], »

Une dernière observation doit être faite sur le n° 4 de l'art. 386. Cet article prévoit le vol de tout ou partie des choses confiées à l'aubergiste ou à l'hôtelier; comment concilier cette sorte de vol avec les principes élémentaires de ce délit? comment concevoir une soustraction opérée par un dépositaire? Nous venons d'expliquer le sens des mots choses confiées; ces mots signifient toutes les choses apportées dans l'auberge, à raison de la nature même de ce lieu. De là la conséquence que cette sorte de dépôt n'est point exclusive de la soustraction, puisque les choses ne sont point remises entre les mains de l'aubergiste, et même ordinairement ne lui sont pas déclarées. Cependant, dans quelques circonstances, les effets peuvent être réellement remis non fermés à l'aubergiste, et confiés à sa surveillance; s'il les dérobe, se rend-il coupable de vol ou d'abus de confiance? Mais le vol suppose une soustraction; et comment pourraitil soustraire une chose qui est dans ses mains? Il est donc certain qu'en qualifiant de vol un fait qui n'a pas le caractère essentiel de ce délit, le Code a créé une exception aux règles généra- Le § 4 de l'art. 386 soumet cette aggravation les de cette matière; et il suit de là qu'il ne faut de la peine infligée au vol des voituriers, aux pas chercher dans le vol commis par les auber-mêmes conditions et aux mêmes règles qu'en ce gistes et les hôteliers les caractères du vol ordi- qui concerne les aubergistes. naire, et que le délit est le même, soit qu'il constitue un véritable vol, soit un abus de confiance.

Si l'on résume maintenant les caractères du délit qui fait l'objet de ce paragraphe, on voit qu'il se forme par le concours de trois circon

[1] Rép. de jur., vo Vol, sect. 2, § 3. [2] Cass., 28 oct. 1813.

Les voituriers et les bateliers sont placés dans la même position que les hôteliers et les aubergistes, L'art. 1732, C. civ., porte: « Les voituriers par terre et par eau sont assujettis, pour la garde et la conservation des choses qui leur sont confiées, aux mêmes obligations que les aubergistes. » Ainsi ils sont responsables, aux termes des art. 1783, C. civ., et 103, C. comm., des objets qu'ils transportent. De là la conséquence que lorsqu'ils dérobent l'un de ces objets, leur vol s'aggrave, comme celui des aubergistes, à raison de la confiance même que commandait leur profession, et des obligations qu'ils ont trahies.

Ainsi, d'abord, le premier élément de l'aggravation est la qualité même de voiturier ou de messager; cette qualité qui imposait à l'agent des obligations plus étroites, c'est sa profession qui plaçait en lui la confiance nécessaire dont il a abusé.

[3] Traité de justice crim., t. 4, p. 190.

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Cette règle a soulevé quelque difficulté dans l'espèce suivante. Un cultivateur avait fait marché avec un propriétaire pour le transport de mille fagots une partie de ces fagots sont détournés par lui. Était-il passible de la peine de la reclusion? La chambre du conseil avait décidé : « que le prévenu n'était point un voiturier dans le sens de l'art. 386, qui, dans sa nomenclature, a évidemment entendu parler des professions habituelles. » Mais le tribunal correctionnel auquel l'affaire avait été envoyée se déclara incompétent, par le motif « qu'il résul- | tait de l'instruction et de l'interrogatoire des prévenus, que ce dernier exerçait habituellement la profession de voiturier; que c'est d'ailleurs à ce titre de voiturier que lui avaient été confiés les fagots qu'il avait été chargé de transporter moyennant salaire, pour le compte du propriétaire. » Il résultait de ces deux décisions un conflit négatif sur lequel la cour de cassation a statué par forme de règlement de juges, mais sans résoudre la question [1].

Cette affaire fait naître cette difficulté, que nous dégageons d'ailleurs des faits qui étaient douteux dans l'espèce Suffit-il que des objets aient été confiés à un individu pour effectuer le transport, pour qu'il doive être considéré comme voiturier relativement à ce transport, et soumis aux obligations pénales du voiturier? La négative ne nous paraît pas douteuse. En effet, ce n'est plus, dans cette hypothèse, à sa qualité de voiturier, à sa profession, que la confiance est accordée, c'est à la personne elle-même que le propriétaire a choisie pour faire son transport; cette confiance n'est donc pas nécessaire, elle est purement volontaire, et si elle est trahie, le propriétaire doit s'imputer sa négligence et sa crédulité; ce vol ne peut constituer qu'un vol simple. La deuxième condition du crime est que l'objet de ce vol ait été confié à l'agent en sa qualité de voiturier. A la différence de ce qui concerne les aubergistes, il s'agit ici d'une sorte de dépôt : tous les objets placés dans la voiture ou le bureau sont déclarés et sont inscrits sur une lettre de voiture; le voiturier les connaît, il peut les surveiller, et, s'il en est responsable, ils sont placés immédiatement sous sa garde. Toutefois, lors même que ces objets ne seraient ni déclarés ni inscrits, le voiturier n'a pas moins l'obligation de veiller à leur conservation dès qu'ils sont

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placés sur sa voiture, et la soustraction qu'il commettrait serait, comme dans le premier cas, l'abus d'une confiance nécessaire qui motiverait l'application de l'art. 386 [2].

Mais cette application ne peut être faite qu'à l'agent qui a été spécialement préposé à la surveillance des objets transportés. Ainsi la cour de Nîmes a pu juger que, bien qu'un postillon de la diligence puisse être considéré comme le préposé du voiturier de cette diligence, le vol qu'il aurait fait d'une chose placée sur cette voiture ne rentrerait pas dans les termes de l'article 386, parce que cette chose ne lui avait pas été confiée à ce titre [3]. Ce vol peut ouvrir une action en responsabilité civile contre son maître, mais il ne donne lieu contre lui qu'aux peines du vol simple.

Au reste, cette espèce de vol, comme le vol domestique, ne subit aucune aggravation par le concours de plusieurs circonstances aggravantes que sa perpétration suppose nécessairement, et qui ne modifient nullement sa criminalité intrinsèque. Ainsi le fait que le voiturier aurait commis la soustraction sur une grande route et même avec effraction, ne change point son caractère. La cour de cassation a formellement reconnu cette règle en ce qui concerne l'effraction. Elle a, en effet, décidé, dans une espèce où des voituriers étaient prévenus d'avoir volé des effets renfermés dans une malle qui leur était confiée « qu'aucune des circonstances énoncées dans l'art. 396 ne se trouve dans le fait dont les prévenus se sont rendus coupables, puisque l'effraction dont il s'agit n'a pas été par eux faite dans l'intérieur d'une maison, cour ou enclos, ni sur des caisses ou sur des meubles qui en eussent été enlevés, mais seulement sur une malle qui leur aurait été confiée pour la transporter à sa destination, et que ce fait rentre dans la classe des crimes prévus par l'art. 386, n° 4, qui ne porte que la peine de la reclusion [4]. »

Ces règles s'appliquent, non-seulement aux voituriers et aux bateliers, mais encore aux capitaines, patrons et gens de l'équipage de tout bâtiment de mer. L'art. 15 de la loi du 10 avril 1825 est ainsi conçu : « L'art. 386, § 4, C. pén., est applicable aux vols commis à bord de tout bâtiment de mer, par les capitaines, patrons, subrécargues, gens de l'équipage et passagers. » Le motif qui a fait étendre ainsi cette disposition

[1] Cass. 19 fév. 1829.

[2] L'art. 386, no 4, ne s'applique pas seulement aux bateliers, qui, comme les aubergistes et hôteliers dans leurs maisons, reçoivent des personnes à bord avec leurs effets; mais encore à ceux qui auraient soustrait des mar

chandises, à eux confiées pour en effectuer le transport. (Brux., cass., 26 nov. 1821; J. de Brux., 1821, 2, p. 83.) [3] Nîmes, 7 janv. 1829. [4] Cass., 2 fév. 1815.

c'est qu'à bord d'un navire une confiance forcée | domine tous les rapports des personnes qui s'y trouvent, et que par conséquent une protection plus efficace est due à la propriété.

Le deuxième cas où les voituriers, bateliers et leurs préposés sont passibles d'une aggravation de peine, est prévu par l'art. 387, qui est ainsi conçu : « Les voituriers, bateliers ou leurs préposés, qui auront altéré des vins, ou toute autre espèce de liquides ou de marchandises dont le transport leur avait été confié, et qui auront commis cette altération par le mélange de substances malfaisantes, seront punis de la peine portée au précédent article; s'il n'y a pas eu mélange de substances malfaisantes, la peine sera un emprisonnement d'un mois à un an, et une amende de 16 fr. à 100 fr. »

propriété plutôt que celle des personnes : si le mélange avait été fait avec l'intention de nuire à quelqu'un, il faudrait appliquer les dispositions de la 2e partie de l'art. 317.

L'art. 15 de la loi du 10 avril 1825 a déclaré les dispositions de l'art. 387 applicables aux altérations de vivres et marchandises, commises à bord de tout navire ou bâtiment de mer, par les capitaines, patrons, subrécargues, gens de l'équipage et passagers. Ici, comme dans l'art. 387, ce n'est pas seulement le vol que la loi a voulu atteindre, c'est la violation d'une confiance forcée, c'est l'abus de la fonction, ou de la position.

SECTION II.

commis.

Cette disposition a été empruntée à l'ancienne Vols qualifiés à raison du temps où ils sont jurisprudence. Jousse rapporte plusieurs arrêts qui avaient décidé que les voituriers qui boivent ou gåtent le vin qu'ils étaient chargés de voiturer, doivent être punis du fouet ou du carcan [1]. Muyart de Vouglans considère ce délit comme une espèce de faux: «Relativement au faux qui se commet dans le vin, dit cet auteur, il y en a une espèce particulière contre laquelle les arrêts ont toujours sévi avec le plus de rigueur : c'est celle qui se commet par les charretiers qui fraudent et gåtent le vin qu'ils sont chargés de conduire [2]. » Un édit de février 1696 portait peine de mort contre les voituriers qui volaient le sel qu'ils étaient chargés de conduire pour la fourniture des gabelles.

L'art. 387 exige le concours de trois circonstances pour constituer le délit : il faut, d'abord, que le prévenu ait la qualité de voiturier, de batelier ou de préposé de ceux-ci, car c'est cette qualité qui commande la confiance et aggrave l'infidélité; il faut ensuite que des liquides ou des marchandises quelconques lui aient été confiés pour les transporter; enfin, qu'il les ait altérés.

Le temps de la perpétration de certains délits peut être une cause soit d'aggravation soit d'atténuation de la peine qui leur est applicable; car cette perpétration ne présente pas le même trouble, ne produit pas le même péril à toutes les heures du jour. Ainsi la loi romaine voulait que cette circonstance fût prise en considération dans la distribution des peines: Sacrilegii pœnam debebit proconsul pro qualitate persona, proque rei conditione et temporis, et ætatis, sexûs, vel severiùs, vel clementiùs statuere [3].

C'est surtout en matière de vol que le moment de l'exécution peut modifier le délit et ajouter à sa gravité. Le vol prend un caractère différent, suivant qu'il est commis le jour ou la nuit. La nuit prête des facilités plus grandes à son exécution, et elle enlève à celui qui en est la victime la plupart des moyens qu'il peut employer pour s'en garantir. Elle ne permet plus d'acquérir les preuves du fait, et elle laisse présumer dans l'agent une audace plus grande, une préméditation plus certaine. Enfin, l'exécution d'un vol Cette altération est de deux natures : elle a pendant la nuit peut faire craindre que le volieu par le mélange de substances malfaisantes leur n'emploie les moyens les plus criminels, et et de substances non malfaisantes. Dans le pre-même les violences et l'homicide, pour parvenir mier cas, l'infidélité n'est qu'un simple délit à sa consommation. De là cette maxime: Inter punissable d'un emprisonnement d'un mois à un circumstantias prædictas maximè attenditur an, et d'une amende de 16 à 100 fr. Dans le tempus commissi furti; fur enim diurnus minùs deuxième cas, elle prend le caractère d'un crime, punitur quàm nocturnus [4]. et elle est punie de la peine de la reclusion. Il est à remarquer, toutefois, que la loi a eu en vue, par cette disposition, la protection de la

Nous avons exposé, dans un autre chapitre [5], les mesures que le citoyen menacé pendant la nuit par des voleurs peut opposer à leur atta

[1] Traité de justice crim., t. 4, p. 190.
[2] Lois crim., p. 277 et 299.
[3] L. 6, Dig. ad leg. Juliam peculatús.

[4] Farinacius, quæst. 165, no 15; Muyart de Vouglans, Lois crim., p. 30.

[5] T. 5, p. 30 et suiv.

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