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Nous allons, pour donner plus de clarté à notre travail, examiner ces cinq espèces distinctes dans autant de paragraphes. Nous en ajouterons deux autres pour l'examen des destructions causées par une mine et des menaces d'incendie.

cendie mis à une maison habitée, même sans intention de tuer, et avec la seule volonté de causer un préjudice matériel, est puni comme un assassinat, quels que soient ses résultats. Il n'est donc pas nécessaire qu'il y ait une relation directe de cause à effet entre la volonté et le résultat de l'incendie; il suffit que l'agent ait mis

§ I. De l'incendie des lieux habités ou servant le feu avec connaissance de son action, et pour

à l'habitation.

Le § 1er de l'art. 434 est ainsi conçu : « Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers, quand ils sont habités ou servant à l'habitation, et généralement aux lieux habités ou servant à l'habitation, qu'ils appartiennent ou n'appartiennent pas à l'auteur du crime, sera puni de

mort. >>>

C'est l'incendie qui fait courir des risques à la vie des hommes, que ce paragraphe a eu pour but de punir; le feu est considéré comme une arme, comme un moyen d'assassinat : « C'est ici, disait le rapporteur à la chambre des pairs, la vie de l'homme que la loi protége, et non l'attentat à la propriété qu'elle punit [1]. » C'est cette pensée qui a motivé l'application de la peine de mort; elle va d'ailleurs ressortir de tous les termes de cette disposition.

Deux éléments concourent pour l'existence du crime, la volonté et le fait matériel de l'incendie. Il n'y a point de crime sans volonté; mais quelle est ici la signification de ce mot? L'incendie peut avoir plusieurs résultats différents. Estil nécessaire que la volonté soit en rapport avec le résultat obtenu? Le Code de 1791 voulait, en général, que l'incendie eût été commis par malice ou vengeance et à dessein de nuire à autrui; tel est aussi le sens du mot volontairement dans le 1 § de l'art. 434. La loi n'exige pas que celui qui a mis le feu à une maison habitée ait eu l'intention de donner la mort aux habitants de cette maison; elle exige seulement qu'il l'ait mis volontairement, c'est-à-dire avec l'intention d'incendier et, par conséquent, avec le dessein de nuire : elle suppose dans cette intention la prévision des résultats possibles de l'incendie; elle en fait peser la responsabilité sur l'agent. Ainsi l'action de mettre le feu, même avec l'intention de tuer, à un lieu qui n'est pas réputé lieu habité par la loi, n'est punie que comme un attentat à la propriété, si l'incendie n'a occasionné la mort de personne. Ainsi l'in

satisfaire en général sa vengeance ou sa cupidité, sans même qu'il en ait prévu les résultats.

Mais faut-il que l'intention de nuire ait pour objet le dommage causé par la communication directe du feu? Tout autre dommage, dont l'incendie serait le prétexte et non l'instrument, ne pourrait-il constituer l'intention qui forme l'élément du crime? Ainsi, lorsque l'agent met le feu avec l'intention de dénoncer un tiers comme auteur de ce crime, est-ce là l'intention de nuire exigée par la loi? La cour de cassation a décidé dans cette hypothèse : « que le fait reconnu que le feu avait été mis dans l'intention d'accuser une autre personne d'être l'auteur de l'incendie, ne constitue pas ce que la loi a entendu par le dessein de nuire à autrui; qu'il ne pouvait en résulter qu'un délit d'une nature tout à fait différente, et ne pouvant donner lieu qu'à une action distincte, soit que l'accusation eût été calomnieusement intentée, soit qu'à raison de cette accusation il eût été porté de faux témoignages [2]. » Cette solution peut être contestée. L'action qui faisait l'objet de cette espèce était complexe et renfermait deux faits distincts, l'incendie et la dénonciation calomnieuse; l'incendie consiste dans le seul fait d'avoir mis le feu volontairement; l'imputation de ce fait à un tiers est un acte postérieur, indépendant du crime, et qui ne s'accomplit que par la dénonciation du faux témoignage. Ces deux actes ne peuvent donc être considérés comme un seul et même crime. Et puis, de ce que l'incendie a été commis avec l'intention de l'imputer à un tiers, il ne suit pas qu'il n'ait pas été commis volontairement, avec la prévision de ses conséquences matérielles; l'agent doit donc encourir une double responsabilité à raison du fait de l'incendie et du fait de la calomnie.

Le deuxième élément du crime consiste dans l'action matérielle de mettre le feu à des édifices [3], navires, bateaux, magasins, chantiers, quand ils sont habités ou servent à l'habitation, et généralement aux lieux habités ou servant à l'habitation, qu'ils appartiennent

[1] C. pén. progressif, p. 326.

[2] Cass., 2 flor. an 2. (Pasicrisie.)

par édifices, une cour d'assises a pu considérer comme tel un four couvert en paille. (Brux., cass., 14 sept. 1841;

[3] L'art. 434 n'ayant pas défini ce qu'il faut entendre | Bull., 41, 458.)

ou n'appartiennent pas à l'auteur du crime. Le crime est légalement consommé dès que l'agent met le feu à l'un des objets énumérés par la loi; il n'est pas nécessaire que cet objet ait été détruit, que l'incendie même ait éclaté, le fait seul de mettre le feu volontairement suffit pour consommer le crime, quel que soit le résultat; ce sont les termes mêmes de la loi.

Il n'est d'aucune importance de rechercher ici les objets qui doivent être compris dans les termes d'édifices, navires, magasins et chantiers; ces termes ne sont indiqués dans le paragraphe que par forme d'exemple, puisque la loi ajoute: généralement tous les lieux habités ou servant à l'habitation. Ce qu'il faut rechercher, c'est le sens de ces dernières expressions, c'est leur signification légale.

Cette question n'existait point sous le Code de 1810; ce Code punissait en effet de la même peine l'incendie des édifices habités ou inhabités et destinés ou non à l'habitation. Cette distinction fut introduite par la loi du 28 avril 1832. On doit même remarquer que, dans la discussion qui précède cette loi, le garde des sceaux essaya de restreindre sous un rapport les termes du 1 § de l'art. 434 à l'incendie des maisons actuellement habitées et à l'incendie des maisons servant à l'habitation [1]. Cette distinction ne fut point acceptée. Le législateur confondit ces expressions différentes dans la même formule et ne les définit point.

cr

De là sont nées plusieurs difficultés. Dans son sens propre, une maison habitée est celle dans laquelle se trouvent actuellement des habitants; une maison servant à l'habitation est celle qui est actuellement employée à cet usage, lors même que ses habitants ne s'y trouveraient pas. Est-ce là le sens véritable de l'expression légale? Fautil restreindre dans ce cercle sa portée et son application? Faut-il, au contraire, comprendre dans la maison habitée, non-seulement les bâtiments employés à l'habitation, mais les dépendances de cette maison? Faut-il, enfin, comprendre dans le même terme les bâtiments qui, sans servir encore à l'habitation, sont seulement destinés à cet usage?

La cour de cassation a résolu affirmativement ces deux dernières questions, et l'unique motif de ses décisions est puisé dans le texte de l'article 390, C. pén. Le premier de ces arrêts qui confond les dépendances de la maison habitée dans cette maison même, porte: « Que lorsque la loi fixe elle-même la signification des termes

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qu'elle emploie, il n'est pas permis au juge de restreindre ni d'étendre cette signification, que l'art. 390, C. pén., détermine d'une manière générale, sans limitation aux seuls cas de vol, le sens et l'étendue de l'expression maison habitée employée dans ce Code; que, d'après cet article, on doit réputer maison habitée, non-seulement tout bâtiment, logement, etc., qui est destiné à l'habitation, mais aussi tout ce qui en dépend, comme cours, basses-cours, granges, écuries, édifices qui y sont internés, quel qu'en soit l'usage; que le législateur, en employant dans le § 1 de l'art. 434, lors de la révision du Code de 1832, les expressions lieux habités, ou servant à l'habitation, ne leur a pas attribué un sens moins étendu qu'à celles de maison habitée, dont la définition se trouvait, dès 1810, dans l'art. 390, C. pén., qui fait partie du même chapitre que l'art. 434; que les expressions lieux habités ou servant à l'habitation sont même plus générales en ce qu'elles désignent à la fois les bâtiments habités et ceux qui, même sans être habités, sont consacrés aux besoins de l'habitation, ce qui embrasse nécessairement les bâtiments accessoires qui dépendent de l'habitation [2]. » Le deuxième arrêt assimile à la maison habitée les lieux qui sont seulement destinés à l'habitation. Il déclare également : « que l'article 390 a défini d'une manière générale ce qu'il faut entendre par maison habitée; qu'il n'a pas limité aux seuls cas de vol le sens et l'étendue de sa définition; que le § 1 de l'art. 434, en se servant des expressions lieux habités ou servant à l'habitation, ne leur a pas attribué un sens moins étendu qu'à celles de maison habitée définies dans l'art. 390; que, d'après ces principes, l'arrêt attaqué, en imputant à l'accusé d'avoir volontairement mis le feu à des bâtiments dépendant d'une maison habitée, et d'avoir par ce moyen communiqué le feu à ladite maison, laquelle, quoique non habitée au moment du crime, était destinée à l'habitation, crime prévu par les art. 434, § 1o, et 310, C. pén., n'a point fait une fausse application de ces articles [3]. »

Cette double interprétation nous paraît susceptible de sérieuses objections.

Elle est uniquement fondée sur l'application. au crime d'incendie de l'art. 390, C. pén. Cet article ne définit ni la maison habitée, ni la maison servant à l'habitation; il a laissé à ces deux expressions leur sens propre et naturel; mais, par une fiction légale, il assimile à la maison habitée les bâtiments qui, sans être ha

[1] C. pén. progressif', p. 528. [2] Cass., 14 août 1839.

[3] Cass., 15 fév. 1810.

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conque, quelque isolé qu'il fût, serait-il puni comme l'incendie d'une maison habitée, par cela seul que cet édifice serait compris dans le même enclos que cette maison?

Le principe qui domine l'incrimination de l'incendie est entièrement distinct. Lorsque le feu n'est pas mis à la maison habitée elle-même, le crime ne peut puiser une intensité identique que dans la facilité de sa communication à cette

bités, sont destinés à l'habitation, et les dépendances des maisons habitées. Or cette fiction, introduite dans la loi pénale pour l'incrimination spéciale du vol, doit-elle être étendue par voie d'interprétation à la répression de l'incendie? Il faut remarquer, en premier lieu, que le législateur, au moment où il rédigeait l'art. 390, n'avait en vue, et ne pouvait avoir en vue, que le vol seul, puisque l'art. 434, dans l'édition de 1810, ne faisait aucune distinction entre l'in-maison. L'objet incendié est-il placé de manière cendie des lieux habités et l'incendie des lieux inhabités, et portait dans tous les cas contre ce crime une peine uniforme; la fiction établie par l'art, 390 ne devait donc nécessairement s'appliquer qu'au vol, Ainsi la question est uniquement de savoir si le législateur de 1832, en introduisant dans l'incrimination de l'incendie la distinction des lieux habités ou inhabités, a entendu se référer aux dispositions répressives du vol, et étendre à l'incendie une fiction légale qui n'avait été faite que pour le vol.

Aucun terme de la loi, aucune parole de la discussion n'indique cette pensée. L'examen des textes conduit même à une conclusion contraire. Si le rédacteur de l'art. 434 avait en l'art. 390 sous les yeux, il se fût servi des expressions et des formules de cet article; or l'expression de lieux habités ou servant à l'habitation n'est point celle adoptée par l'art. 390; l'art. 434 ne s'y référait donc pas. Ensuite, pourquoi le législateur, aux lieux habités ou servant à l'habitation, n'eût-il pas ajouté leurs dépendances? Cette addition se trouve dans l'art. 276 du Code; elle se trouve dans les art. 381 et 384; est-elle donc un pléonasme dans ces articles? Aucun terme de la loi n'est inutile. Il faut donc conclure, puisque la loi a énoncé, dans ces articles, les dépendances à côté de la maison habitée, que ces dépendances ne sont pas nécessairement comprises dans la maison habitée, et que l'omission de leur énonciation doit les en exclure.

Et puis il est évident que l'art, 390 ne peut avoir qu'un seul objet, la répression du vol; il trace un cercle immense autour du domicile; il enferme dans cette enceinte, pour ainsi dire, non-seulement les bâtiments destinés à l'habitation, mais encore tout ce qui en dépend, les cours, les basses-cours, les granges, les écuries, les jardins, les enclos; sa surveillance est égale à l'égard de tous ces objets, parce que les voleurs une fois introduits dans l'enclos peuvent s'avancer de l'un à l'autre, parce que la sûreté des propriétaires est menacée par le seul effet de cette introduction. Mais comment le législateur eût-il prévu l'incendie d'une cour, d'une basse-cour, d'un jardin, d'un enclos? Comment le feu mis à une grange, à une écurie, à un édifice quel

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à favoriser cette communication, il est évident que l'incendie doit être puni comme s'il avait été mis à la maison même. Est-il au contraire hors de portée, il faut examiner la nature particulière de cet objet, pour apprécier le caractère et le degré de gravité de l'action. Il est tout à fait indifférent que le bâtiment incendié soit ou ne soit pas une dépendance de la maison habitée; qu'importe en effet, pour l'aggravation de l'incendie, qu'il soit situé dans le même enclos, dans une cour attenant à la maison, dans un jardin compris dans la même enceinte? Il n'en est pas ici comme des auteurs d'un vol qui, une fois introduits dans l'enceinte, menacent la sûreté des habitants mêmes de la maison; l'incendie ne peut se communiquer de la dépendance à la maison principale que lorsque les deux bâtiments attiennent, ou du moins approchent l'un de l'autre; c'est ce voisinage, c'est ce lien matériel de communication qui devient la base de l'aggravation, ce n'est plus la dépendance. Ainsi il serait étrange de punir, comme mis à une maison habitée, le feu mis à un pavillon inhabité et isolé au milieu d'un parc, par cela seul que ce pare dépendait de la maison; et il serait également absurde de ne pas appliquer l'aggravation lorsque l'incendie a été allumé de manière à communiquer, parce que l'objet incendié ne serait pas une dépendance de cette maison. En matière de vol, c'est donc la dépendance; en matière d'incendie, c'est la possibilité de la communication qui fait l'aggravation. Ces deux matières ne peuvent donc être soumises à la même règle, et ce n'est qu'en méconnaissant ce caractère distinct des deux crimes qu'on a pu tenter d'étendre l'article 390 au crime d'incendie.

Enfin il ne faut pas perdre de vue qu'en matière de vol, la circonstance que la maison est habitée ou sert à l'habitation n'est point, par elle-même, une circonstance aggravante; elle contient seulement un principe d'aggravation qui se développe et modifie le caractère du délit, lorsqu'elle se réunit à l'effraction, à l'escalade, aux circonstances de la nuit ou de la complicité; et, dans ce cas même, la peine ne s'élève que d'un seul degré. En matière d'incendie, au contraire, la circonstance de la maison habitée

change radicalement le caractère du crime : si la maison n'est pas habitée, l'incendie n'est qu'un attentat contre la propriété; si elle est habitée, il constitue un attentat contre les personnes; dans la première, la peine est celle des travaux forcés, dans la seconde c'est la peine de mort. En effet l'incendie, lorsqu'il attaque une maison habitée, attaque la vie de ceux qui l'habitent; la loi ne le punit plus comme une dévastation, mais comme un assassinat. « Il est nécessaire, disait le rapporteur de la loi du 28 avril 1832 à la chambre des députés, il est nécessaire que la peine de mort protége la vie de l'homme, lorsque l'incendie peut la mettre en danger; mais si la vie de l'homme n'a pas même été menacée, l'incendie n'est autre chose qu'une dévastation, avec circonstances aggravantes; et n'y a-t-il pas une suffisante aggravation de peine à punir des travaux forcés à temps et même des travaux forcés à perpétuité une simple dévasta- | tion?» Le rapporteur de la chambre des pairs déclarait également : « L'incendie des lieux habités ou servant à l'habitation, qu'ils appartiennent ou n'appartiennent pas à l'auteur du crime, sera puni de mort; c'est ici la vie de l'homme que la loi protége, et non l'attentat à la propriété qu'elle punit [1]. »

Il suit de cette différence, d'une part, que les expressions maison habitée ou servant à l'habitation doivent être d'autant plus restreintes, dans l'art. 434, qu'elles sont la base d'une aggravation plus grande de la peine; et, d'un autre côté, que la maison habitée donnant à l'incendie le caractère d'un attentat contre les personnes, d'un véritable assassinat, toute fiction qui assimilerait à la maison habitée un bâtiment qui ne l'est réellement pas, doit être rejetée, car, si cette fiction est admissible quand il s'agit de protéger la propriété, elle ne l'est plus quand il s'agit de protéger la vie de l'homme : cette vie est menacée, ou elle ne l'est pas; dans ce dernier cas, comment punir un assassinat, quand il n'existe qu'une dévastation? Comment punir un attentat contre les personnes, quand la sûreté d'aucune personne n'a été compromise? La fiction ne peut plus ici remplacer la réalité : il faut que le fait corresponde au titre du crime, et, quand la loi a entendu punir un homicide, l'interprétation même la plus habile ne saurait 'étendre ses termes à un simple dévastation.

Il nous paraît donc que les mots lieux habités ou servant à l'habitation ne doivent s'entendre que des maisons ou bâtiments quelconques qui sont actuellement habités, soit que

[1] C. pén, progressif, p. 323.

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leurs habitants s'y trouvent au moment de l'incendie, soit qu'ils ne s'y trouvent pas. Dans le premier cas le lieu est réellement habité; dans le second cas il est employé à l'habitation, et l'agent à pu ignorer l'absence des habitants. Ce u'est que dans ces deux hypothèses que l'incendie emporte la présomption d'un attentat contre les personnes; hors de là il ne s'attache qu'à la propriété, et s'il en résulte la mort accidentelle d'une ou de plusieurs personnes, le dernier § de l'art. 434 a prévu ce nouveau cas de responsabilité.

Quand les lieux sont habités, la loi ne distingue point s'ils sont la propriété d'autrui ou celle de l'auteur même de l'incendie; la peine est la même, qu'ils appartiennent ou n'appartiennent pas à l'auteur du crime. La raison de cette disposition est claire : ce n'est pas la destruction de la propriété par le feu qu'on veut punir, c'est la vie des hommes qu'on veut protéger; or, quand la maison est habitée, le péril, et par conséquent le crime, est aussi grand, soit que la maison appartienne ou n'appartienne pas à l'incendiaire. Cette addition, toutefois, n'existait pas dans le projet soumis à la chambre des députés et voté par cette chambre. Le rapporteur de la chambre des pairs a dit pour la motiver : « Il est bien clair que la pensée du rédacteur du premier paragraphe a été de punir de mort l'incendiaire d'une maison même qui lui appartient, quand elle est habitée. Pour rendre cette pensée plus claire, et qu'il ne pût y avoir d'équivoque, nous avons ajouté ces mots qu'ils appartiennent ou n'appartiennent pas à l'auteur du crime. Nous n'avons considéré que la vie de l'homme et la protection qu'on lui doit, et dans les deux cas la peine de mort est prononcée [2]. » Cette disposition confirme toutes nos observations précédentes; la loi ne s'occupe nullement du préjudice causé à la propriété, elle n'en fait point un élément de la répression; elle ne voit, elle ne punit que l'attentat contre les personnes.

Tels sont les caractères du crime d'incendie qui fait l'objet du § 1" de l'art. 454. La loi exige, dans l'auteur de l'incendie, la volonté d'incendier; elle exige, ensuite, que les lieux incendiés soient habités ou servent à l'habitation; la réunion de ces deux éléments suffit pour motiver la peine de mort. Il n'est point nécessaire que l'auteur du crime ait eu la volonté spéciale d'attenter à la vie des habitants de la maison qu'il a incendiée; il a mis leur existence en péril volontairement, il est puni comme s'il avait eu le dessein d'y attenter. Il n'est point nécessaire

[2] C. pén. progressif, p. 327.

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dernier paragraphe de l'article. Le garde des sceaux ajouta : « Il y a une très-grande importance à placer les édifices publics sous la sanction de la loi la plus sévère; indépendamment du danger que l'incendie fait courir à la vie des hommes, soit qu'il y ait réunion de citoyens, soit qu'il n'y ait que les gardiens, soit enfin qu'il se trouve accidentellement d'autres individus dans l'édifice, il faut reconnaître que les édifices publics méritent une protection spéciale; que les églises, que les établissements qui décorent une ville, qui ont été élevés à grands frais, méritent d'être placés sous la protection de la loi la plus sévère [3]. » Cette dernière considération, échappée sans doute à la rapidité de la discussion, ne peut avoir aucun poids, car, si elle était fondée, elle renverserait le système de la loi; la peine de mort a été réservée par le législateur au seul attentat contre les personnes, et il résulterait de ces paroles qu'elle pourrait être appliquée à un attentat contre une propriété. Néanmoins la disposition de la loi est absolue; suffit que l'édifice serve effectivement aux réunions de citoyens, pour que la peine capitale soit applicable.

Ce paragraphe fut introduit par amendement dans la discussion de la chambre des députés; son auteur dit à l'appui : « Mon intention est d'assimiler à l'incendie d'une maison habitée l'incendie d'un bâtiment public destiné à des réunions de citoyens. Je suppose que le feu soit mis dans un bâtiment de ce genre au moment où les citoyens y sont assemblés; la maison n'estelle pas réellement habitée? et cependant la loi la considérerait comme inhabitée. Vous voyez que l'incendie alors n'est pas seulement une atteinte à la propriété, mais qu'il devient une at-il teinte à la vie des citoyens [1]. » Un membre proposa, par un sous-amendement, d'ajouter à ces mots, édifices servant à des réunions de citoyens, ceux-ci, pendant le temps de ces réunions « Quand le local n'est pas habité, disait-il, quand il ne s'y trouve personne, quand l'incendie ne fait pas courir de danger à la vie des hommes, c'est le cas du troisième paragraphe, c'est un attentat à la propriété. » Če sousamendement fut écarté sous le prétexte allégué par Parant qu'il eût dérangé le système de la loi [2]. Il fut reproduit à la chambre des pairs; mais le commissaire du gouvernement, Renouard, le combattit encore : « Tout édifice, dit cet orateur, servant à une réunion de citoyens, ne peut être censé abandonné; le principe de la loi est de protéger la vie des hommes, et la vie des hommes serait compromise si l'on ne portait point de peines très-graves contre ceux qui mettraient le feu à un édifice consacré à la réunion des citoyens, et dans lequel un individu peut se trouver soit accidentellement, soit comme gardien. » On peut répondre à ces observations, d'abord, qu'un édifice ne peut être réputé habité par présomption, et qu'une présomption ne peut servir de base à la peine de mort; ensuite, que si l'incendie d'un édifice servant à des réunions, mais commis hors du temps des réunions, cause la mort d'une personne, cette circonstance suffit pour entraîner la peine capitale, d'après le

Que doit-on entendre par édifice servant à des réunions de citoyens? On a cité, dans la discussion, les églises, les palais des chambres, les tribunaux, les bourses de commerce, les théâtres; on aurait pu ajouter les amphithéâtres, les écoles, les corps de garde, etc. Un membre de la chambre des pairs a demandé si une halle devait être considérée comme un édifice public; le garde des sceaux a répondu qu'une halle n'est pas fermée et ne peut être considérée comme un édifice. « On entend par édifice, a-t-il ajouté, un corps de bâtiment qui se trouve avoir des clôtures complètes [4]. » Cette définition ne nous paraît pas exacte. Tous les bâtiments qui servent à des réunions de citoyens peuvent rentrer dans les termes de la loi, pourvu qu'ils soient employés habituellement à cet usage; il n'est pas nécessaire qu'ils soient publics, c'est-à-dire qu'ils appartiennent à l'Etat; mais il faut, tel est, nous le croyons, l'esprit de la loi, que les réunions soient officielles et légales.

§ II. De l'incendie des édifices non habités, forêts, récoltes sur pied appartenant à autrui.

Les §§ 3 et 5 de l'art. 434 sont ainsi conçus : <«< Quiconque aura volontairement mis le feu à

[1] C. pén. progressif, p. 351. [2] Ib., p. 324 et 525.

[5] C. pen. progressif, p. 531.
[4] Ib., p.

331.

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