Images de page
PDF
ePub

trouvant qu'il y a une différence entre celui qui | ces objets appartiennent à autrui, n'est plus que brûle sa maison même assurée, et celui qui brûle celle de la reclusion quand ils appartiennent à la maison d'autrui, ne prononçât des acquitte-l'auteur même de l'incendie; ce cas est le seul ments en faveur d'hommes véritablement coupa- où la peine proposée par la chambre des députés bles [1]. » Ces sages observations ne furent point a été maintenue. La commission de la chambre accueillies, et la proposition de la commission des pairs avait d'abord confondu cette hypothèse fut maintenue. avec la précédente, et proposé dans ces deux cas la peine des travaux forcés à temps; mais l'article lui ayant été renvoyé après une première discussion, elle adopta la distinction qui se trouve énoncée dans les paragraphes quatre et six.

Nous ferons remarquer que le crime d'incendie existe, quoique en réalité le résultat de la condamnation puisse enlever tout préjudice, puisque les compagnies d'assurance ne sont tenues d'aucun payement à l'égard des assurés qui mettent le feu à leurs propriétés; mais l'action civile n'est là que la conséquence de l'action criminelle; c'est ainsi que la personne volée reprend sa chose après la condamnation, ou que l'héritier fait lacérer le faux testament.

La deuxième distinction introduite par la chambre des pairs concerne l'incendie des édifices, navires, bateaux, magasins et chantiers, lorsqu'ils ne sont ni habités ni servant à l'habitation, ou des forêts, bois taillis ou récoltes sur pied. L'incendie de ces divers objets, qui est puni des travaux forcés à perpétuité, lorsqu'ils appartiennent à autrui, n'est puni que des travaux forcés à temps lorsqu'ils appartiennent à l'agent lui-même. La chambre des députés n'avait proposé dans cette espèce que la peine de la reclusion. La commission de la chambre des pairs trouva que cette peine était trop faible: « Le vol, disait le rapporteur, se punit dans le Code pénal de la reclusion, des travaux forcés à temps, et des travaux forcés à perpétuité, suivant les circonstances qui l'accompagnent. Certainement il est impossible de placer dans le cas des vols les plus simples, les plus graciables, un vol commis à l'aide du feu. Si l'aubergiste qui vole une pièce de monnaie est puni de la prison, un homme qui met le feu à une maison, à une grange qu'il avait assurée, qui frustre ainsi la compagnie d'assurance d'une somme plus ou moins considérable, doit être puni d'une peine plus forte que celle de la reclusion; nous lui avons substitué celle des travaux forcés à temps; nous avions même cru devoir adopter celle des travaux forcés à perpétuité. Cependant nous avons considéré qu'il pourrait se faire que l'objet détruit ne fût pas d'une grande valeur; nous avons cru que les travaux forcés à perpétuité étaient une peine trop forte, et qu'il était juste de s'arrêter à la peine des travaux forcés à temps [2]. »

La troisième distinction est relative à l'incendie des bois ou des récoltes abattus; la peine, qui est celle des travaux forcés à temps quand

[1] C. pen. progressif, p. 328.

Le crime d'incendie, lorsqu'il est commis par le propriétaire même de l'objet incendié, se compose de plusieurs éléments que nous devons examiner.

En premier lieu, et indépendamment du fait matériel qui est la base de tous les crimes d'incendie, la nature de l'objet incendié doit être considérée comme le premier élément du crime. En effet, la peine des travaux forcés ou celle de la reclusion n'est applicable qu'autant que le feu a été mis à l'un des objets énumérés dans les paragraphes trois et cinq de l'article: les paragraphes quatre et six ne s'appliquent qu'à l'incendie de ces objets; en dehors de ce cercle tracé par la loi ils n'ont plus aucune force. Ainsi celui qui aurait brûlé dans un champ son mobilier, celui qui aurait mis le feu à ses propres effets, lorsqu'ils étaient le gage de ses créanciers, ne seraient passibles d'aucune peine, car les paragraphes quatre et six n'ont préyu et puni que l'incendie des édifices, navires, magasins, chantiers, forêts, bois et récoltes.

Le deuxième élément du crime consiste dans la propriété de l'objet incendié. Cette circonstance modifie la criminalité de l'agent et l'atténue propriétaire de la chose détruite, il puise une sorte d'excuse dans le droit de propriété qui lui permettait de disposer de cette chose; et puis, s'il a été animé par une pensée de lucre et de fraude, il n'a du moins agi ni par haine ni par vengeance. Mais il faut que cette propriété soit entière; un propriété partielle et indivise ne serait point un élément suffisant de l'atténuation du crime d'incendie; car, en détruisant la part qui lui appartient, il détruit la part d'autrui, et il ne peut plus invoquer aucune excuse.

Le propriétaire perd-il le bénéfice de cette disposition quand il avait baillé l'édifice incendié à ferme ou à loyer? Cette question fut soulevée dans la discussion de la chambre des pairs, et un membre demanda que le propriétaire qui avait loué la maison qu'il brûlait, fût dans le même cas que si la maison ne lui appartenait pas;

[2] C. pén, progressif, p. 528.

mais cette proposition, bien qu'appuyée par le garde des sceaux, ne fut point accueillie [1]. La loi ne fait aucune distinction. Dès que l'agent est propriétaire de la chose incendiée, il jouit de l'atténuation de la peine, quelle que soit la destination qu'il ait donnée à cette chose, et quoiqu'elle soit entre les mains d'un locataire ou d'un fermier : le bail n'aliène aucune partie de la propriété; l'excuse n'est point détruite. Mais ni l'usufruitier ni le nu propriétaire ne pourraient en général invoquer le bénéfice de cette disposition, car ni l'un ni l'autre ne peuvent disposer librement de la propriété, l'incendie nuirait à l'un et à l'autre, et par conséquent l'un ou l'autre truirait nécessairement la chose d'autrui.

suivant qu'elle est comprise dans les objets énumérés dans les paragraphes trois et cinq du même article.

Une dernière question se présente en cette matière: si le propriétaire, au lieu de mettre lui-même le feu à sa maison, le fait mettre par un tiers, peut-il réclamer encore le bénéfice des paragraphes quatre et six? On peut dire, pour la négative, que le tiers qui a mis le feu est l'auteur principal; que le propriétaire provocateur de l'incendie n'en est que le complice; que les complices, aux termes de l'article 59 du Code sont punis des mêmes peines que les auteurs princidé-paux; d'où il suit que le propriétaire perdrait, dans ce cas, le privilége attaché à sa qualité ;que Le troisième élément consiste à causer volon- d'ailleurs les paragraphes quatre et six n'ont prévu tairement un préjudice quelconque à autrui; que le cas où le propriétaire lui-même a mis le ainsi, toutes les fois que le propriétaire brûle sa feu, et que la loi ne doit point être étendue au propre chose sans qu'il en résulte aucun préju-delà de ses termes. Mais est-ce bien là l'esprit, dice pour autrui, cet incendie, comme nous l'avons déjà dit, ne constitue ni crime ni délit; la criminalité se puise dans l'intention de nuire, et par conséquent dans le dommage causé.

la volonté de la loi? Le crime change-t-il de nature parce que le propriétaire, au lieu de mettre lui-même le feu, l'a fait mettre par son domestique, par son agent, qui n'aura été que son inLe préjudice peut résulter soit de ce que le strument, et pour ainsi dire que son bras? Gette bâtiment incendié était grevé d'hypothèques, soit espèce d'incendie qui, dans la pensée du légisde ce qu'il était loué, soit de toute autre cause; lateur, n'est qu'une escroquerie, un vol accomcar la loi, loin d'être limitative, se borne à exi- pagné de circonstances aggravantes, deviendrager un préjudice quelconque. Ainsi il faudrait-il tout à coup la destruction violente de la chose décider, comme la cour de cassation l'a fait sous le Code de 1810, que l'agent qui a mis le feu à sa maison pour priver son vendeur de son privilége, ou pour brûler la récolte d'autrui renfermée dans cette maison, est compris dans les termes de la loi [2].

Il n'est pas même nécessaire que le préjudice soit actuel et immédiat; il suffit qu'il soit la conséquence directe de l'incendie. Ainsi, dans une accusation d'incendie imputé au propriétaire d'une maison assurée, la cour de cassation a pu juger qu'il était inutile de demander aux jurés si l'accusé avait eu l'intention de se faire payer le prix de l'assurance, puisqu'il ne pouvait ignorer que la conséquence immédiate de son action était de faire peser cette obligation sur les assureurs [3].

Tels sont donc les caractères constitutifs du crime prévu par les §§ 4 et 6 de l'art. 434 il faut que le feu ait été mis par le propriétaire mème de la chose incendiée, qu'il ait agi volontairement, et que par l'incendie un préjudice quelconque ait été causé à autrui. La peine est celle des travaux forcés à temps ou de la reclusion, suivant la nature de la chose incendiée, et

d'autrui, par cela seul que le propriétaire a employé la main d'un tiers au lieu de sa propre main pour y mettre le feu? Dans l'ordre logique, le propriétaire est ici l'auteur principal, et son agent n'est que son complice. Dans l'ordre légal,' il n'en est point ainsi : si le tiers a agi sans contrainte et volontairement, s'il était animé d'une pensée de nuire, les termes de la loi sont trop formels pour qualifier son action autrement qu'un incendie de la chose d'autrui. Mais le propriétaire, bien qu'il ne puisse être considéré que comme complice, ne peut-il faire valoir comme une exception personnelle sa qualité de propriétaire? Cette qualité est une circonstance extrinsèque au fait, personnelle au propriétaire, et qui modifie, en ce qui le concerne seulement, la nature de l'action. Cette circonstance doit donc lui profiter, soit qu'il ait agi comme auteur ou comme complice, parce qu'elle le suit dans les deux cas, et qu'il est impossible d'en faire abstraction pour apprécier la criminalité de son action. Cette solution, au surplus, n'est que la conséquence des règles que nous avons posées dans notre chapitre de la complicité [4].

[1] C. pen. progressif', p. 535.

[2] Cass., 7 jauv. 1826. (Bull., no 5.)

[3] Cass., 23 avril 1829. (Bull., no 83.)
[4] V. notre t. 1, p. 178, et 179.

SIV. De l'incendie de matières combustibles placées de manière à communiquer le feu.

Deux dispositions générales complètent le système de répression consacré par l'art. 434.

L'une a pour objet de punir l'incendie des objets déjà énumérés par la loi, lorsque le feu est mis non point directement, mais par suite d'une communication avec des matières combustibles qui ont été incendiées.

L'autre punit de mort l'auteur de tout incendie qui a occasionné la mort d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans les lieux incendiés, au moment où le feu a éclaté.

Nous examinerons, dans cette section, la première de ces dispositions. Le § 7 de l'article 434 est ainsi conçu : « Celui qui aura communiqué l'incendie à l'un des objets énumérés dans les précédents paragraphes, en mettant volontairement le feu à des objets quelconques, appartenant soit à lui soit à autrui, et placés de manière à communiquer ledit incendie, sera puni de la même peine que s'il avait directement mis le feu à l'un de ces objets. >>

Cette disposition existait déjà dans le Code pénal de 1810. L'ancien art. 454 appliquait la peine de mort, non-seulement à l'incendie des édifices, navires, etc., mais encore à l'incendie des matières combustibles placées de manière à communiquer le feu à ces choses ou à l'une d'elles [1]. La loi du 28 avril 1832 a modifié cette incrimination sous un double rapport: la peine a été dans certains cas atténuée, suivant la nature de l'objet incendié et le droit de l'agent sur cet objet; ensuite une condition nouvelle a été établie : il est nécessaire que le feu ait été effectivement communiqué, tandis qu'il suffisait, dans le Code de 1810, qu'il y eût possibilité d'une communication.

Trois caractères sont donc exigés maintenant pour que le paragraphe sept puisse recevoir son application il faut 1° que le feu ait été mis volontairement à des matières quelconques; 2° que ces matières aient été placées de manière à communiquer l'incendie à l'un des objets énumérés dans les premiers paragraphes de l'article; 3° que l'incendie ait été effectivement communiqué.

Le feu doit, en premier lieu, avoir été mis volontairement. Quel est le sens de ce mot? Suffit-il que l'agent ait eu l'intention d'incendier

les objets auxquels il mettait le feu? Est-il nécessaire qu'il ait voulu communiquer l'incendie aux autres objets?

Cette question est grave, et nous chercherons d'abord les éléments de sa solution dans la discussion qui a précédé la nouvelle rédaction de l'art. 434. Le rapporteur de la chambre des députés a dit, pour motiver cette disposition: << Par une présomption légale que votre commission a jugée indispensable, la possibilité de la communication d'incendie, suivie d'une communication effective, est considérée comme une preuve de l'intention. » La commission de la chambre des pairs ne changea rien à ce paragraphe, et son rapporteur déclara seulement : « que l'incendie d'objets placés volontairement de manière à communiquer le feu à l'un des objets compris dans les catégories de la loi, serait puni comme si l'on avait mis le feu à ces mêmes objets [2]. »

Dans la discussion, une seule observation fut émise dans la chambre des pairs : « D'après cette disposition, dit Cuvier, c'est uniquement des vents que dépendra la gravité de la peine: celui qui aura mis le feu par un temps calme encourra une peine moindre, pour la même action, que celui qui l'aura commise par un temps moins favorable. » Le garde des sceaux répondit à cette objection : « Il est vrai que malgré toutes les précautions, quoique l'incendiaire n'ait voulu atteindre que sa propre maison, il peut arriver que le vent communique l'incendie; il en subira la responsabilité; il y a déjà une peine très-grave si l'incendie s'arrête à la propriété. Si un accident porte le ravage un peu plus loin, quoique sa volonté n'ait pas concouru à cette communication, comme déjà il y avait crime, perversité dans sa volonté, il supportera la responsabilité nouvelle des dommages qu'il pourra avoir occasionnés [3]. »

Il résulte clairement de ces paroles que le crime subsiste par le seul fait de la communication de l'incendie, lorsque les objets incendies étaient placés de manière à l'opérer. Le législateur a vu dans la possibilité de cette communication, suivie d'une communication effective, une présomption d'intention criminelle. L'agent devait, dans ce système, prévoir toutes les conséquences de son action, non-sculement ses conséquences immédiates, mais ses conséquences médiates et possibles; si cette prévision ne l'a pas arrêté, c'est qu'il a assumé la responsabilité

[1] L'incendie volontaire de sa propre maison constitue | (Brux., cass., 14 déc. 1841; J. de Brux., 1842, p. 56.)

le crime prévu par l'art. 454, si cette maison était placée

de manière à communiquer le feu aux propriétés d'autrui.

[2] C. pén. progressif', p. 353. [5] Ibid.

de tous les résultats, soit nécessaires, soit éventuels de l'incendie; il voulait brûler un objet, même au risque de brûler d'autres objets; de là une espèce de dol éventuel qui suffit pour caractériser le crime. L'agent ayant pu prévoir la communication et ne l'ayant pas empêchée, est réputé l'avoir voulue.

Mais ce n'est là qu'une présomption, ainsi que l'a déclaré le rapporteur de la chambre des députés; et toute présomption, en matière criminelle, doit céder à la vérité. Ainsi, lorsqu'il est constaté que l'agent n'avait d'autre intention que de brûler, par exemple, sa propre maison, pour toucher le prix de l'assurance; que cette maison n'attenait point immédiatement à la maison voisine; que le temps était calme, et qu'il a pris toutes les précautions pour concentrer le feu et en prévenir la communication, mais qu'un accident imprévu, le vent qui s'est élevé tout à coup, a porté le feu jusqu'au toit voisin, il est évident que la présomption d'intention disparaît devant la réalité, et qu'un événement réellement imprévu ne peut entraîner une responsabilité pénale qui ne doit peser que sur le crime. L'action renferme, dans ce cas, deux faits distincts: l'incendie volontaire d'une maison assurée, et l'incendie involontaire de la maison voisine. Le premier de ces faits forme, ainsi que nous l'avons vu, un crime particulier, passible d'une peine moins grave que l'incendie de la maison d'autrui; le second n'a le caractère d'aucun crime ni délit, si ce n'est le délit d'homicide ou de blessures par imprudence, dans le cas où un homicide ou des blessures en ont été le résultat. L'agent est responsable civilement du dommage qu'il a causé; mais il n'est passible d'aucune peine, car la présomption que la loi avait attachée à son action a été détruite par les faits. Les paroles du garde des sceaux à la chambre des pairs supposent évidemment que l'agent a pu prévoir toutes les suites de l'incendie, et qu'il n'a pas cherché à les prévenir; c'est cette double négligence qui a été considérée comme un indice suffisant et peut-être même comme l'équivalent d'une volonté criminelle: mais il est nécessaire, du moins, qu'elle dérive des faits; car, s'il est établi que l'agent n'a pu prévoir la communication, et qu'il a pris des précautions pour en prévenir les effets, la base hypothétique de l'incrimination s'écroule immédiatement.

Il faut conclure, de ces observations que le mot volontairement, dans le paragraphe sept de l'art. 434, ne s'applique qu'à l'incendie des objets quelconques qui ont communiqué le feu la loi n'exige explicitement le concours de la volonté qu'en ce qui concerne ce premier incen

[ocr errors]

die; elle se borne à la présumer dans le second; elle l'attache à certains faits qui semblent la révéler, mais elle ne repousse pas la preuve contraire. Cette interprétation est d'ailleurs complétement conforme au texte de la loi, qui ne punit pas celui qui aura volontairement communiqué l'incendie, mais celui qui aura communiqué l'incendie en mettant volontairement le feu à des objets quelconques. Ainsi la communication, base matérielle du crime, est le résultat indirect d'un acte de la volonté; mais la loi, en présumant qu'elle est elle-même un acte direct de cette volonté, n'exige point que cette circonstance soit expressément constatée, elle fait dériver cette seconde volonté des faits eux-mêmes.

Il suffit que le feu ait été mis volontairement à des objets quelconques. L'ancien article s'était servi de l'expression de matières combustibles; il a paru que cette expression pouvait faire naitre quelques difficultés; on l'a remplacée par un terme plus général encore; toute distinction est désormais impossible: peu importe que les objets incendiés se trouvent ou ne se trouvent pas compris parmi les objets énumérés dans l'article 434; peu importe, dès lors, que ce premier incendie ait ou non les caractères d'un crime, que les matières soient plus ou moins combustibles, plus ou moins propres à communiquer le feu; il suffit que ces objets, quels qu'ils soient, aient été volontairement incendiés : leur nature et leur propriété n'exercent aucune influence sur le crime.

La loi exige, comme une deuxième condition de l'incrimination, que les objets incendiés soient placés de manière à communiquer l'incendie. C'est dans cette circonstance matérielle que réside toute la moralité de l'action. En effet, c'est parce que les objets sont placés de manière à communiquer l'incendie que l'agent est coupable en y mettant le feu; c'est leur situation qui révèle ou qui du moins fait présumer son intention; on suppose qu'il a voulu incendier les maisons, les magasins, les récoltes placées près de ces objets. Cette volonté ressort de la possibilité de la communication. La communication est une conséquence si directe de l'action, que la loi la confond avec cette action ellemême. La volonté de mettre le feu aux objets intermédiaires est considérée comme la volonté de mettre le feu aux maisons, magasins ou récoltes.

Il suit de là qu'il est nécessaire de constater avec un soin extrême la position des objets incendiés, leurs rapports prochains ou éloignés avec les bâtiments, les magasins ou les récoltes auxquels l'incendie a été communiqué, et les

-causes réelles ou probables de cette communication. Chacune de ces circonstances peut devenir un élément de la culpabilité. Si la communication est due à un événement imprévu, par exemple, au vent qui se serait subitement élevé, la présomption de la loi s'affaiblit; car l'agent n'a pu prévoir cet accident, il n'a donc pas prévu la communication. Si, au contraire, le feu s'est communiqué naturellement et par suite du seul embrasement de la matière incendiée, la culpabilité est avec raison présumée, car l'agent avait dû prévoir ce résultat nécessaire de son action; on doit donc présumer qu'il l'a voulu.

Mais le crime n'existe qu'autant que l'incendie a été communiqué à l'un des objets énumérés dans le précédent paragraphe. Le paragraphe sept, en effet, ne fait que compléter le système de l'article; et, d'après ce système, l'incendie des objets énumérés par la loi constitue seul un crime. En dehors de cette énumération, l'incendie n'est plus un fait punissable, sauf à l'égard de certains effets mobiliers, ainsi que nous le verrons plus loin.

La dernière condition de l'incrimination réside dans le fait d'une communication effective de l'incendie; c'est là le fait matériel du crime, car c'est cette communication, et non l'incendie des premiers objets, que la loi punit ici. Il ne suffit donc pas qu'un édifice ait été menacé par un incendie voisin, qu'il ait couru des risques et qu'il ait failli être incendié lui-même; il faut que le feu lui ait été réellement communiqué. Il est indifférent, ensuite, que ce second incendie ait occasionné des ravages; tout le crime est dans la communication du feu.

Telles sont les règles qui dominent cette espèce particulière d'incendie. Il nous reste à faire deux observations. Le paragraphe sept porte que le coupable sera puni de la même peine que s'il avait diversement mis le feu à l'un des objets auxquels l'incendie a été communiqué. Il suit de là que le crime est le même dans ces deux hypothèses, le moyen d'exécution seul est changé: le feu, au lieu d'être mis directement, arrive indirectement par la communication d'un autre incendie; mais le fait en lui-même conserve son caractère propre d'après la nature de l'objet incendié; les règles applicables à l'incendie direct de cet objet s'appliquent donc également à ces incendies communiqués. Le paragraphe sept, en se référant aux paragraphes précédents, suppose d'ailleurs cette application. Ainsi, les paragraphes deux et cinq ne peuvent être étendus à cette sorte d'incendie qu'autant que les édifices auxquels le feu a été communiqué n'appartiennent pas à l'agent. Ainsi, lorsque le feu a été communiqué à

[ocr errors]

une maison assurée et appartenant à l'auteur de l'incendie, le crime est subordonné à la constatation du préjudice causé à autrui. Il en est de même des autres dispositions de l'article.

Une deuxième observation est que cette espèce d'incendie peut constituer, dans quelques cas, deux crimes distincts l'un de l'autre l'incendie des objets par lesquels le feu a été communiqué, et l'incendie des objets qui ont subi cette communication. Supposons, par exemple, que le feu ait été mis à des récoltes en tas pour atteindre un forêt, à un bâtiment non habité pour le porter à un édifice habité, à la propre maison assurée de l'agent pour embraser une maison voisine; dans ces trois hypothèses il y a deux incendies différents, deux peines inégales. La poursuite pourra donc comprendre séparément ces faits; seulement la peine la plus forte sera seule appliquée.

§ V. De l'incendie qui a occasionné la mort accidentelle d'une ou de plusieurs personnes.

Le 8 et dernier de l'article 434 est ainsi conçu : « Dans tous les cas, si l'incendie a occasionné la mort d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans les lieux incendiés au moment où il a éclaté, la peine sera la mort. »

Il importe d'établir d'abord la relation de ce paragraphe avec les paragraphes précédents, c'est-à-dire, de rechercher à quels cas il se réfère.

L'art. 434 prévoit, dans ses deux premiers paragraphes, l'incendie des lieux habités ou servant à l'habitation, et des édifices servant à des réunions de citoyens; dans ces deux cas, la mort d'une ou de plusieurs personnes dans l'incendie n'apporte aucune aggravation au crime, qui est puni de la peine capitale indépendamment de cette circonstance. Il est donc évident que ce n'est point à ces deux premières dispositions que se réfère le paragraphe huit.

Mais les paragraphes trois, quatre, cinq et six prévoient différents attentats à la propriété occasionnés par l'incendie; le paragraphe sept prévoit les mêmes attentats, également causés par le feu, lorsqu'il est le résultat de la communication d'un premier incendie : or, le législateur n'a frappé ces attentats à la propriété que des peines de la reclusion et des travaux forcés à temps ou à perpétuité, parce qu'il ne prévoyait, en les punissant, aucun péril pour les personnes. Mais sa sollicitude a dû se porter sur les conséquences, non pas probables, mais possibles, de ces incendies: le feu, lors même que, dans la pensée de l'agent, il ne devait que dévaster et détruire, a pu occasionner la mort d'une ou de plusieurs personnes.

« PrécédentContinuer »