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toujours intervenir dans la forme d'une ordon- | principe du droit commun. L'esprit du Code nance royale, il ne s'ensuit pas que les travaux n'avait point été d'étendre aux possesseurs légipréparatoires et d'étude doivent être autorisés times les dispositions de l'art. 438; car, lorsque avec la même solennité; que le contraire même cet article fut proposé à l'examen du conseil résulte de la différence qui existe entre les ré- d'État, Treilhard objecta : « qu'il fallait prensultats de ces travaux et ceux de la déclaration dre garde de ne pas faire tomber la disposition d'utilité publique; qu'en effet, la déclaration sur celui qui ne s'oppose à des travaux que parce d'utilité publique entraîne nécessairement l'ex- qu'il prétend qu'ils sont faits sur sa propriété. » propriation des terrains auxquels elle s'appli- Ainsi, dans la pensée du législateur, la disposique, tandis que les travaux dont il s'agit ne tion ne devait point atteindre le propriétaire, et portent aucune atteinte aux droits de propriété; l'opposition n'était considérée comme un acte de qu'il s'ensuit de là que les agents de la direction rébellion que lorsqu'elle émanait d'un tiers. générale des ponts et chaussées sont suffisamment autorisés à s'y livrer lorsqu'ils sont inunis des ordres de leurs supérieurs et de l'autorité administrative compétente, sauf la réparation et l'indemnité des torts et dommages que ces travaux pourraient causer, et à la charge par lesdits agents de justifier de leur qualité et de leur mission aux propriétaires des terrains sur lesquels ils s'exécutent; que toute opposition par voies de fait à des opérations de cette nature, entreprises par des ingénieurs des ponts et chaussées dùment autorisés par le préfet du département, serait passible des peines déterminées par l'art. 438 [1]. »

Les études de terrains, les levés des plans se pratiquent habituellement sur des terrains qui ne sont pas encore expropriés, et c'est là un dommage temporaire que doit souffrir tout propriétaire; s'y opposer serait se rendre coupable du fait prévu par l'article 438. Il en serait de même dans tous les cas où tout dommage temporaire serait occasionné par des travaux en cours d'exécution, car la connaissance de ces dommages appartient à l'autorité administralive.

A côté de la question relative aux travaux préparatoires s'élève une autre question. Si l'opposition par voies de fait à des travaux définitifs est l'œuvre non d'un tiers, mais du propriétaire même du terrain, sa qualité de propriétaire est elle un obstacle à la poursuite? Un propriétaire peut-il commettre un délit, quand il ne fait que s'opposer à des actes tendant à le dépouiller de sa propriété? Aux termes de l'art. 8 de la Charte, toutes les propriétés sont inviolables. La loi du 3 mai 1841 règle les formes de l'expropriation pour cause d'utilité publique, et détermine les garanties destinées à protéger les droits des propriétaires. Toutes les fois que ces formes n'ont pas été appliquées, le propriétaire peut repousser, même par voies de fait, la spoliation de sa propriété. L'art. 438 n'a pu déroger à ce

[1] Cass., 4 mars 1825. (Bull., no 40.)

La peine du délit est un emprisonnement de trois mois à deux ans, et une amende qui ne peut excéder le quart des dommages-intérêts, ni être au-dessous de seize francs. Il suit de là que l'amende est véritablement indéterminée; car en cette matière les dommages-intérêts peuvent s'élever à des sommes considérables. Ces deux peines sont nécessairement portées au maximum à l'égard des moteurs; cette disposition est une exception à la règle qui veut que les complices soient punis de la même peine que les auteurs principaux.

§ III. Du pillage et dégât des marchandises.

Les art. 434, 435, 437 et 438, que nous venons d'examiner successivement, s'appliquent principalement aux destructions par l'incendie, par les mines, ou par toute autre cause, des objets immobiliers. Le Code s'occupe maintenant de la destruction des propriétés mobilières.

L'art. 440 est ainsi conçu: « Tout pillage, tout dégât de denrées ou marchandises, effets, propriétés mobilières, commis en réunion ou bande, et à force ouverte, sera puni des travaux forcés à temps; chacun des coupables sera de plus condamné à une amende de deux cents francs à cinq mille francs. »

Trois dispositions doivent être remarquées dans cet article: le crime n'existe qu'autant qu'il y a eu pillage ou dégât de propriétés mobilières; que ce pillage ou ce dégât a été commis en réunion ou en bande; enfin, qu'il a été commis à force ouverte.

Le pillage et le dégât sont moins des actes de destruction que de dévastation. Ces deux actes diffèrent essentiellement, bien que la loi les ait placés sur la même ligne, parce que, relativement aux propriétaires des objets pillés ou dévastés, ils produisent le même effet. Le pillage est un véritable vol commis violemment; le dégât est la dévastation, le saccagement, la ruine, lors même que les agents n'en ont retiré aucun profit. « Ce cas, dit l'exposé des motifs, présente deux crimes à la fois : 1° l'action de piller ou

dévaster; 2o une sorte de rébellion qui a été em- | ployée pour en faciliter l'exécution. »

La cour de cassation a jugé que des femmes attroupées dans un marché, qui s'emparent à force ouverte du blé vendu à un particulier, et se le font distribuer au prix qu'elles déterminent elles-mêmes commettent un acte de pillage [1]. Elle a déclaré encore, dans une espèce analogue, que des individus qui avaient contraint par leurs menaces des marchands de blé à leur livrer cette denrée au-dessous du cours, et à un prix arbitrairement fixé, se rendent coupables du même crime [2]. Dans ces deux hypothèses il ne s'agissait point, à proprement parler, d'un fait de pillage; il s'agissait de violences exercées sur les détenteurs d'une marchandise pour les forcer d'en abaisser le prix. Or, ces deux faits ne sont pas parfaitement identiques; le premier est un véritable vol, l'autre n'est qu'un emploi criminel de la force pour se procurer des denrées au-dessous du cours; l'un s'empare violemment de ces denrées et se les approprie; l'autre transige avec le propriétaire, et fixe le prix en forçant son consentement. Assurément ces deux actes n'ont point, aux yeux de la conscience, la même criminalité, et la loi ne devait point les assimiler; mais la jurisprudence a considéré qu'ils avaient le même caractère de violence et les mêmes résultats; que la seule différence était dans la quotité du préjudice; que le propriétaire se trouvait dépouillé là de la totalité des denrées pillées ou dévastées, ici de la différence seulement existant entre le cours réel et le maximum arbitrairement fixé; mais que cette spoliation, bien que partielle, pouvait être considérée comme un acte de pillage; que, dans les deux cas, l'intention est coupable et les faits matériels identiques, sinon en eux-mêmes, du moins dans leurs effets, et que cette analogie des actes, cette identité des résultats justifient l'application de la loi.

Les faits de pillage ou de dégât supposent qu'ils sont commis sur des objets mobiliers. L'art. 440 exprime, en conséquence, positivement que les faits qu'il punit sont le pillage ou le dégât de denrées ou marchandises, effets, propriétés mobilières; mais est-il nécessaire que ces objets soient spécifiés dans la déclaration du jury? La cour de cassation a décidé que cette spécification n'était pas indispensable [3]. A la vérité, dans l'espèce où cette décision a été rendue, les accusés avaient été déclarés coupables

d'avoir pillé dans des maisons habitées, et de cette circonstance résultait implicitement le fait d'avoir pillé des objets mobiliers; mais les faits qui servent de base aux condamnations doivent être constatés explicitement, et non prévus par voie de conséquence. D'après les termes de la loi, la nature des objets pillés ou dévastés est un élément des faits de pillage ou de dégât; il est donc nécessaire que cette circonstance soit formellement établie; et à cet égard il doit exister d'autant moins de doute qu'il est possible qu'une propriété immobilière soit dévastée sans que le dégât ou le pillage porte sur aucun meuble: or, cette dévastation ne serait plus le fait que l'art. 440 a voulu punir.

A plus forte raison cette qualification doit être faite lorsque les objets pillés sont au nombre de ceux qu'énumère l'art. 442. Cet article aggrave la peine, en effet, « si les denrées pillées ou détruites sont des grains, grenailles où farines, substances farineuses, pain, vin ou autre boisson. » La nature de la denrée devient done alors une circonstance aggravante du crime; il est donc indispensable qu'elle soit constatée. La cour de cassation a formellement reconnu ce point [4].

La loi ne punit les faits de pillage ou de dégât que lorsqu'ils ont été commis en réunion ou bande. Sans cette circonstance, le pillage ne serait qu'un vol commis avec violence; ce qui le caractérise, c'est l'espèce de rébellion qui a été employée pour en faciliter l'exécution.

Les mots réunion ou bande présentent deux idées distinctes, deux circonstances différentes, soit à raison des conditions du rassemblement, soit à raison du nombre des individus qui le composent; il suffit que l'une ou l'autre de ces circonstances soit constatée pour l'existence du crime : la loi, en les assimilant complétement, n'exige que la présence d'une seule [s].

On doit entendre ici par réunion, comme dans les cas prévus par les art. 211, 212 et 214, des rassemblements fortuits et purement accidentels, formés sous l'impulsion d'une cause instantanée, avec le seul but de piller une propriété mobilière. La commission du corps législatif avait proposé de mettre dans l'art. 440 le mot attroupement à la place de réunion. Le conseil d'État repoussa cet amendement [6]; il pensa sans doute que l'attroupement supposait un nombre d'individus rassemblés en troupe ou en masse trop considérable, et que cette con

[1] Cass., 17 janv. 1812. [2] Cass., 24 juin 1830. [5] Cass., 12 avril 1833.

[4] Cass., 28 août 1812. (Pasicrisie.)

[5] Même arrêt.

[6] Locré, t. 31, p. 134.

dition serait une entrave pour la répression. | sont, ainsi qu'on la vu plus haut, entièrement Mais quel est le nombre d'individus néces- distincts. Le système de la cour de cassation saire pour composer une réunion? L'art. 440 est peut être également critiqué. Les art. 210, 211 muet sur ce point. « Par son silence, dit Carnot, et 212, auxquels elle recourt, n'ont prévu que il a laissé les choses dans les dispositions du les faits d'attaque ou de résistance avec violence droit commun; et en France on n'a jamais con- envers les agents de la force publique; les règles sidéré comme bande ou réunion séditieuse que établies par ces articles sont donc spéciales pour l'agglomération au moins de cinq personnes; ju- la matière dont ils s'occupent, et doivent être risprudence fondée sur la loi 4, paragraphe trois, renfermés dans leurs termes. Ensuite ils ont Dig. de vi turb. rapt., dont voici les termes: Tur- gradué la peine, qui est l'emprisonnement, la bam autem ex quo numero admittimus? Si duo reclusion et les travaux forcés, suivant que la rixam commiserint, utique non accipiemus in rébellion est commise par une ou deux personturba id factum : quià duo turba non propriè nes, par trois jusqu'à vingt, par plus de vingt. dicentur. Enim vero si plures fuerunt, decem Or quelle est celle de ces réunions que prévoit aut quindecim homines, turba dicetur. Quid | l'art. 440? Pourquoi prendre l'une plutôt que ergo si tres aut quatuor? turba utique non erit. l'autre? Si la gravité de la peine doit servir de Il faut donc au moins qu'il y ait un rassemble- point de comparaison, ne faudrait-il pas déciment de cinq individus pour constituer la réu- der, comme l'a fait l'art. 212, que les réunions de nion séditieuse, c'est-à-dire, qu'un nombre plus de vingt personnes sont seules passibles de égal d'individus ait pris part au pillage ou dé- la peine des travaux forcés; que, par conségåt [1]. » quent, l'art. 440 n'a voulu parler que de ces réunions? Néanmoins, et malgré ces objections, nous croyons que c'est à cette dernière opinion qu'il faut se ranger. La loi est complétement muette, et cependant il faut une règle; cette règle doit donc être empruntée aux dispositions du Code qui ont le plus d'analogie avec l'hypothèse prévue par l'art. 440. Or, s'il s'agit dans les art. 211 et 212 d'une rébellion faite par une réunion d'individus contre les agents de la force publique, l'art. 440 prévoit aussi une sorte de rébellion employée par une réunion d'individus pour faciliter l'exécution d'un crime. Il existe donc entre ces deux cas une assez grande analogie, sinon dans le but que se proposent les agents, du moins dans les moyens qu'ils emploient pour l'atteindre; il est donc naturel de les soumettre aux mêmes règles. Or, les réunions nécessaires pour constituer un acte de rébellion sont de trois sortes de moins de trois personnes, de trois jusqu'à vingt, et de plus de vingt. Les réunions de plus de vingt personnes sont, d'après les paroles mêmes du législateur, des attroupements plutôt que des réunions; celles de moins de trois personnes seraient trop peu graves pour motiver la peine des travaux forcés à temps. Il faut donc prendre comme base des réunions la règle fixée par l'art. 211, le nombre de trois personnes au moins. On objecte la peine portée par l'art. 210, lequel ne s'applique qu'aux réunions de plus de vingt personnes; mais il faut prendre garde que le crime prévu par l'art. 440 n'est pas une simple rébellion, comme dans l'art. 211,

La cour de cassation n'a point adopté cette interprétation; elle a déclaré: « que l'art. 440 n'a point déterminé le nombre d'individus dont le rassemblement doit avoir été composé pour constituer la réunion ou bande dont il parle; mais que, ce crime rentrant par sa nature et son objet dans la classe de ceux qui compromettent la sûreté publique, il faut entendre et interpréter cet article suivant les principes établis dans les art. 211 et 212; que, d'après la combinaison de ces derniers, la rébellion est qualifiée ainsi, lorsqu'elle a été commise par une réunion armée de trois personnes au plus; qu'il suffit donc que le pillage ou dégât ait été commis à force ouverte, par une réunion ou bande composée de trois personnes, pour que les accusés qui en sont déclarés coupables soient passibles des peines prononcées par ledit art. 440 [2]. »

Ni l'une ni l'autre de ces deux interprétations n'est complétement satisfaisante. Il est d'abord évident que la règle proposée par Carnot est purement arbitraire; elle ne s'appuie sur aucun texte de notre législation, sur aucune analogie; et il est même douteux que la loi romaine qu'il cite puisse être invoquée dans notre hypothèse: car le mot turba, que cette loi définit, signifie plutôt un attroupement qu'une simple réunion; et il ne s'agit point ici d'un attroupement qui suppose au moins quinze personnes, suivant la loi du 3 août 1791, ou vingt, suivant les rédacteurs du Code pénal []; il s'agit d'une réunion, et les caractères de ces deux rassemblements

[1] Cass., 5 avril 1852.
[2] V. notre t. 2, p. 243.

[5] Comment. du C. pén., t. 2, p. 474.

mais une rébellion servant de moyen d'exécu- | tion à un autre crime; le législateur a donc pu porter dans ce dernier cas une peine plus grave. En résumé, l'analogie que fournit l'art. 211 n'est point parfaite; mais, de toutes les dispositions du Code, cet article offre le plus de rapport avec l'espèce de l'art. 440. Il semble donc, puisqu'une règle est nécessaire, qu'il convient de lui emprunter la disposition qui fixe à trois le minimum du nombre des individus essentiel pour constituer une réunion.

La même difficulté se présente en ce qui concerne les bandes, mais elle n'a peut-être pas la même importance. Il faut d'abord écarter ici l'application par analogie des articles 210, 211 et 212. L'hypothèse en effet n'est plus la même; il ne s'agit dans ces articles que de réunions soudaines et éphémères qui se forment tout à coup sans concert préalable, et se dissolvent aussitôt. Or ces réunions ne peuvent être assimilées à des bandes; le signe distinctif de la bande c'est l'organisation : elle suppose un chef qui la dirige, une certaine discipline, un concert, un but. Les réunions et les bandes diffèrent en ce point, que les premières prennent leur gravité dans le nombre des individus qui les composent, et les autres dans le lien qui réunit ces individus. Le nombre des membres d'une bande est donc moins important à constater que celui des membres d'une réunion; le caractère de la réunion dépend de ce nombre, le caractère de la bande dépend de son organisation. C'est par ce motif que nous avons décidé précédemment, en nous occupant d'abord des bandes séditieuses [1], ensuite des bandes de malfaiteurs [2], qu'aucune règle positive ne doit être posée, même par voie d'analogie, sur le nombre d'individus dont une bande doit être composée, parce que ce nombre rentre dans la question de l'organisation même des bandes; nous n'avons aucune raison de modifier ici ce principe. La bande dont s'occupe l'art. 440 suppose plusieurs individus, et assurément au moins trois; mais il est impossible d'assigner le nombre dont ce minimum doit se composer. Nous avons dit que le caractère particulier d'une bande c'est l'organisation. Il ne s'agit pas toutefois dans l'art. 440 d'une organisation régulière, ni même d'une véritable association des membres entre eux. Cette association, qui est l'un des éléments du crime dans les hypothèses prévues par les art. 96, 97 et 265, n'est plus nécessaire dans celle que prévoit l'art. 440.

L'association suppose un règlement arrêté à l'avance, soit pour la participation de chacun des associés à l'action, soit pour le partage des produits. Cette convention est inutile dans l'espèce de ce dernier article, puisqu'il ne s'agit pas d'une bande organisée pour commettre des crimes en général, mais dans le but de commettre un seul crime, un seul pillage. Il suffit donc que les individus qui la composent soient réunis même accidentellement pour la perpétration de ce pillage.

Le dernier élément du crime est que le pillage ait été commis à force ouverte. La force ouverte suppose non-seulement la violence, mais l'emploi public et flagrant de cette violence. C'est cette circonstance qui imprime à l'action le caractère du pillage; si elle n'existait pas, il ne resterait qu'un vol commis de complicité.

Il suit de là qu'elle doit être caractérisée dans les termes les plus explicites. Plusieurs individus avaient été renvoyés devant la cour d'assises par la chambre d'accusation, comme accusés d'avoir pillé à main armée, en réunion de malfaiteurs, etc. Le procureur général, en rédigeant l'acte d'accusation, fit porter l'accusation sur le fait d'avoir volontairement pillé des armes et des vivres, en réunion et à force ouverte. Un pourvoi fut fondé sur ce que le procureur général avait substitué une accusation nouvelle à la première. La cour de cassation l'a rejeté : « Attendu que l'arrêt de la chambre d'accusation, en déclarant qu'il y avait lieu d'accuser Guignard d'avoir volé et pillé à main armée, en réunion de malfaiteurs armés, dans des maisons habitées, comprenait évidemment le fait d'avoir pillé des objets mobiliers, en réunion ou bande, et à force ouverte; que le ministère public, en rédigeant l'acte d'accusation dans les termes de l'art. 440, ne s'est point écarté de l'arrêt de renvoi, et n'a point substitué une accusation à une autre [3]. » Il ne faut point inférer de cette décision que, dans l'opinion de la cour, les mots à main armée soient équivalents des mots à force ouverte. Il ne s'agissait point d'un verdict de culpabilité, ni par conséquent de prendre ces termes pour base de la peine; il s'agissait seulement de la position des termes de l'accusation; l'accusation soumise au jury se trouvait implicitement contenue dans la première. Le jury avait formellement déclaré la circonstance de la force ouverte; la cour de cassation a dû déclarer, comme elle l'a fait, que

[1] . notre t. 2, p. 7. [2] . notre t. 3, p. 2.

[3] Cass., 12 avril 1835.

la peine avait une base légale. Mais cette déci- | des coupables est condamné à une amende dont sion n'aurait pas été la même, si la substitution le minimum est de 200 francs, et le maximum des mots à main armée aux mots à force ou- de cinq mille mais ces peines se modifient dans verte avait eu lieu dans la question posée au deux hypothèses; elles subissent, dans la prejury car les auteurs d'un vol peuvent être por-mière, une atténuation, dans la seconde, au teurs d'armes, et n'exercer cependant aucun contraire, une aggravation. acte de force ou de violence; ils peuvent commettre l'action à main armée, sans la commettre à force ouverte cette dernière expression suppose l'emploi de la force; la première ne suppose pas l'usage des armes. Il serait donc impossible de considérer ces expressions comme équivalentes les unes des autres.

Il résulte de ce qui précède que le pillage ou le dégât de marchandises ne peut constituer un crime qu'autant qu'au fait de pillage ou de dégât se joignent les circonstances de réunion ou de bande et de force ouverte; il est donc nécessaire que ces circonstances soient formellement constatées par le jury. Aussi la cour de cassation a annulé des condamnations qui s'appuyaient sur des déclarations dans lesquelles l'une ou l'autre de ces circonstances avait été omise : « Attendu que le pillage ou le dégât de denrées ou marchandises auxquels l'art. 440 attache le caractère de crime, sont ceux qui se commettent en réunion ou bande, et à force ouverte; que les circonstances de la réunion ou bande et de la force ouverte doivent nécessairement avoir accompagné le pillage pour qu'il ait le caractère de crime [1]. >>

Si ces circonstances n'étaient pas constatées, le fait ne constituerait plus qu'un simple vol, s'il s'agit d'une accusation de pillage; et qu'un dommage volontaire causé aux propriétés mobilières d'autrui, s'il s'agit d'une accusation de dégât. La cour de cassation a reconnu ce dernier point, dans une espèce où trois individus étaient prévenus de s'être introduits dans une briqueterie, et d'avoir dégradé et mis en morceaux une certaine quantité de tuiles; elle a déclaré que ces faits rentraient dans les termes de l'art. 479, n° 1. Code pénal: « Attendu qu'il faut, pour que l'art. 440 soit applicable, que le pillage ou le dégât de denrées, marchandises, effets, propriétés mobilières, soit commis en réunion ou bande, et à force ouverte; qu'aucune de ces circonstances aggravantes ne résulte du procèsverbal des débats; qu'il y a donc lieu seulement, dans l'espèce, à l'application de l'art. 479, pour avoir causé volontairement du dommage aux propriétés mobilières d'autrui [2]. »

La peine du crime ainsi caractérisé est celle des travaux forcés à temps. En outre, chacun

[1] Cass., 27 oct. 1815 et 8 mars 1816.

Le premier de ces cas est prévu par l'art. 441, qui est ainsi conçu : « Néanmoins ceux qui prouveront avoir été entraînés par des provocations ou sollicitations à prendre part à ces violences, pourront n'être punis que de la peine de la reclusion. » Il est à remarquer, d'abord, que le Code n'a point étendu aux pillages commis en réunion la disposition des art. 100 et 213, qui exemptent de toute peine les individus et les rebelles qui se sont retirés au premier avertissement de l'autorité publique. La raison de cette différence est que, dans les cas de rébellion, les individus qui ont composé les bandes, sans prendre une part active à leurs actes, ne sont coupables que momentanément, tandis que, dans les cas de pillage, ceux mêmes qui n'ont obéi qu'à un entraînement ont participé à un crime, et n'ont pu en méconnaître la gravité. En droit commun, et d'après les art. 59 et 60 du Code, les complices sont passibles des mêmes peines que les auteurs principaux. L'art. 441 est une exception à cette règle; le législateur a pensé que, dans une action à laquelle un grand nombre de personnes prend part, les instigateurs et les provocateurs sont les plus coupables, et qu'un degré assez marqué sépare de ces premiers agents ceux qui n'ont fait que suivre leur impulsion, bien qu'ils aient également participé à l'exécution. A côté des provocations le Code a placé les sollicitations, pour comprendre toutes les suggestions, lors même qu'elles n'auraient pas le véritable caractère d'une provocation. Mais il ne faudrait pas ranger dans cette catégorie les dons et promesses agréés par l'accusé; en effet, ces dons et promesses ne feraient qu'attester la volonté et la liberté de l'agent.

L'art. 441 ne modifie aucun des éléments du crime; il faut donc que, dans tous les cas, les faits de pillage et les circonstances de la bande ou de la réunion et de la force ouverte soient d'abord établis. Lorsque ces faits sont constatés, l'accusé peut demander à prouver qu'il a été entraîné par des provocations; c'est là une véritable excuse légale qu'il doit proposer lui-même, dont il doit être admis à faire preuve, et qui doit être posée au jury: si le jury déclare l'existence de cette excuse, les juges peuvent atténuer la peine; mais la loi leur donne à cet égard une

[2] Cass., 1er mars 1832.

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