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des grains et des fourrages; mais couper signifie évidemment moissonner ou faucher. Il ne s'agit donc pas de la coupe de quelques épis ou de quelques herbes, il s'agit de la coupe d'une partie des récoltes; et ce qui décèle d'ailleurs, à cet égard, l'intention de la loi, ce sont les expressions de grains et de fourrages. La deuxième condition du délit est la connais

cable à la destruction d'un seul arbre ou d'une seule greffe; cet article est ainsi conçu: « Le minimum de la peine sera de vingt jours dans les cas prévus par les art. 445 et 446, et de dix jours dans le cas prévu par l'art. 447, si les arbres étaient plantés sur les places, routes, chemins, rues ou voies publiques, vicinales ou de traverse. » Le législateur a pensé que, dans ces différents lieux, les arbres étaient plus spéciale-sance que l'agent doit avoir que ces grains et ces ment placés sous la garantie de la foi publique, et que leur mutilation ou leur destruction devait, par suite, être une cause d'aggravation de la peine.

Cette limite infranchissable d'un minimum de la peine exclut-elle l'application de l'art. 463 du Code? Nullement; car cet article s'étend à tous les cas où la peine de l'emprisonnement et celle de l'amende sont prononcées par le Code pénal; car les circonstances atténuantes, qui peuvent motiver un abaissement de la peine, sont puisées dans un ordre de faits souvent extrinsèques au délit et distincts des faits dans lesquels le juge puiserait l'aggravation de la pénalité, s'il se renfermait dans le cercle des art. 445, 446 et 447. S'il n'existe point de circonstances atténuantes, l'art. 448 doit être exactement observé, et le minimum qu'il a déterminé ne peut être dépassé; mais, si ces circonstances sont constatées, le minimum, qui ne circonscrit que les dispositions de ces articles, ne fait aucun obstacle l'application de l'art. 463.

Le troisième des délits que nous avons renfermés dans ce paragraphe, est la coupe de grains et de fourrages appartenant à autrui.

L'art. 449 est ainsi conçu : « Quiconque aura coupé des grains ou des fourrages qu'il savait appartenir à autrui, sera puni d'un emprisonnement qui ne sera pas au-dessous de six jours ni au-dessus de deux mois. »

L'art. 388 prévoit le vol de récoltes non encore détachées du sol, avec des paniers ou des sacs, ou avec certaines circonstances aggravantes. L'art. 471, n° 9, punit le simple maraudage qui consiste à cueillir ou manger, sur les lieux mêmes, les fruits appartenant à autrui. Enfin l'art. 444 punit la dévastation des récoltes sur pied. Le délit qui fait l'objet de l'art. 449 n'est donc ni un vol, ni un maraudage, ni une dévastation; ce n'est point un vol, car il n'est pas nécessaire, pour l'existence du délit, que l'agent ait emporté et soustrait les grains qu'il a coupés; ce n'est point un maraudage, car il ne les a pas coupés pour les consommer ou les recueillir; enfin, ce n'est point une dévastation, car il se borne à couper les grains ou les fourrages sans les détruire.

Le délit consiste donc dans le fait de couper

fourrages appartenaient à autrui; c'est cette connaissance qui prouve l'intention de nuire, le dessein de porter préjudice; elle constitue la criminalité de l'action. La loi n'a point exigé le dessein de s'approprier les grains et les fourrages; il n'est donc point nécessaire de rechercher cette intention, qui n'ajoute rien à la gravité des faits, sauf le cas où elle pourrait en modifier la qualification.

Le délit devient plus grave dans le cas de coupe des grains, lorsque ces grains sont coupés en vert; la peine est doublée. L'art. 450 porte en effet, dans son premier paragraphe : « L'emprisonnement sera de vingt jours au moins et de quatre mois au plus, s'il a été coupé du grain en vert, » La raison de cette aggravation est que la coupe des grains avant leur maturité ajoute une perte publique à un dommage privé; les grains coupés sont perdus, non-seulement pour leur propriétaire, mais pour tous.

L'art. 450 ajoute deux dispositions qu'il applique, en les généralisant, aux différents délits que nous avons examinés dans ce paragraphe : ces deux dispositions produisent deux circonstances aggravantes de ces délits.

La première est ainsi conçue : « Dans les cas prévus par le présent article et les six précédents, si le fait a été commis en haine d'un fonctionnaire public et à raison de ses fonctions, le coupable sera puni du maximum de la peine établie par l'article auquel le cas se réfère. »> C'est à raison de la qualité de la personne lésée par le délit, et c'est pour protéger ses fonctions, que la peine s'aggrave. Ainsi il ne suffit pas que cette personne soit un fonctionnaire public; si ses fonctions n'ont point été une cause déterminante du délit, il faut que le délit ait été commis en haine du fonctionnaire et à raison de ses fonctions. Il est nécessaire de constater cette double condition de l'aggravation.

La deuxième circonstance aggravante est énoncée dans le 3 alinéa de l'art. 450 : « Il en sera de même, porte cet article en se référant à l'alinéa précédent, si le fait a été commis pendant la nuit. » Il est certain, en effet, que la dévastation de récoltes, les coupes et mutilations d'arbres, la coupe des grains et des fourrages, acquièrent un plus haut degré de gravité lorsqu'elles

sont commises pendant la nuit. Au reste, bien que l'art. 450 prononce, dans ces deux cas, le maximum de la peine applicable au délit, il n'est pas douteux que ce maximum ne puisse être abaissé, en vertu de l'art. 463, même à un emprisonnement de six jours, s'il existe des circonstances atténuantes; car l'application de ce dernier article n'a nullement été exclue par l'art. 450.

Le dernier des délits qui appartiennent à cette section est la destruction des instruments d'agriculture. L'art. 451 porte: « Toute rupture, toute destruction d'instruments d'agriculture, de parcs de bestiaux, de cabanes de gardiens, sera punie d'un emprisonnement d'un mois au moins, d'un an au plus. » L'art. 31 du titre 2 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791 portait également : « Toute rupture ou destruction d'instruments servant à l'exploitation des terres, qui aura été commise dans les champs ouverts, sera punie d'une amende égale à la somme du dédommagement dù au cultivateur, d'une détention qui ne sera jamais de moins d'un mois, et qui pourra être prolongée jusqu'à six mois, suivant la gravité des circonstances. » Ces deux dispositions diffèrent en deux points. Le Code a ajouté dans l'incrimination les parcs de bestiaux et les cabanes de gardiens; il a supprimé la condition exigée par la loi précédente, que le délit ait été commis dans les champs; le lieu de la perpétration n'exerce plus aucune influence sur l'action; le délit est le même, soit |

que les instruments aient été exposés ou non à la foi publique.

Le fait matériel du délit c'est la rupture ou la destruction des instruments d'agriculture, des parcs de bestiaux, des cabanes de gardiens. La loi n'a point défini les moyens de destruction; tous, même l'incendie, rentrent dans ses termes. Si la rupture avait été faite pour favoriser le vol des instruments, les peines du vol portées par 3 § de l'art. 388 seraient alors seules applicables.

Mais il s'agit d'un délit, et par conséquent d'un fait commis avec une intention criminelle; car il n'y a point de délit sans une intention coupable. L'intention qui amène ici l'agent doit être la méchanceté, l'envie, la volonté de nuire; car il ne peut être poussé ni par la cupidité, ni par aucun intérêt personnel : c'est une espèce de dévastation; il détruit pour détruire; il ne peut avoir d'autre mobile que la malice ou la vengeance.

Ainsi, destruction partielle ou entière des instruments d'agriculture, volonté de nuire par cette destruction, tels sont les deux éléments du délit. Le jugement doit les constater l'un et l'autre, pour que la peine ait une base légale.

Nous devons faire remarquer, en terminant ce chapitre que l'art. 455 prononce une amende qui ne peut excéder le quart des restitutions et dommages-intérêts, ni être au-dessous de 16 fr., dans les cas prévus par les art. 444, 445, 446, 447, 448, 449, 450 et 451.

CHAPITRE LXXV.

DE LA DESTRUCTION DES TITRES.

INCRIMINATION DES DESTRUCTIONS DE TITRES SOUS LE CODE DE 1791. — DIFFÉREnce entre cettE LÉGISLATION ET LE CODE PÉNAL. RAPPROCHEMENT de l'art. 439 DES ART. 175, 255, 400, 407 ET 408. OBJET SPÉCIAL

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DE L'ART. 459. QUE FAUT-IL ENTENDRE PAR LE MOT DESTRUCTION? - LA LACÉRATION, LE BATONNEMENT DU TITRE SONT-ILS DES ACTES DE DESTRUCTION? SUR QUELS ACtes doit s'exerCER LA DESTRUCTION POUR QU'IL Y AIit délit. DISTINCTION des actes de l'autorité publique, des effets de commerce et DES ACTES PRIVÉS. LES REGISTRES, MINUTES ET ORIGINAUX DES ACTES de l'autorité PUBLIQUE SONT SEULS L'OBJET d'une pénaliTÉ PLUS FORTE. LES EMPREINTES DU MARTEAU de l'état sur des arbres RÉSERVÉS DOIVENT-ELLES ÊTRE RANGÉES parmi les actes originaux de l'autorité publique? CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE CES ACTES. LA DESTRUCTION DES ACTES N'EST UN DÉLIT QU'AUTANT QU'ILS CONTIENNENT OU OPÈRENT OBLIGATION, DISPOSITION OU DÉCHARGE. CONSÉQUENCES de cette règle. LES ACTES QUI NE PRODUISENT QU'UN PRÉJUDICE MORAL NE SONT PAS COMPRIS DANS L'article.

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NÉCESSITÉ DE LA CONSTATER.

LES ACTES

NULS, LES ACTES irréguliers n'y SONT COMPRIS QU'autant que l'IRRÉGULARITÉ OU LA NULLITÉ PEUT ÊTRE
COUVERTE. LA DESTRUCTION D'UN SIMPLE BLANC SEING rentre-t-elle DANS LES TERMES DE LA LOI? -
LE DERNIER ÉLÉMENT DU Délit est que la destruction AIT ÉTÉ FAITE VOLONTAIREMENT. DEFINITION
DE CETTE VOLONTÉ.
RÉSUMÉ DES ÉLÉMENTS DU DÉLIT. LA POUR-
SUITE EST-ELLE ENTRAVÉE PAR LA PROHIBITION DE FAIRE LA PREUVE PAR TÉMOINS DES ACTES DÉTRUITS?
SI LA PIÈCE DÉTRUITE A ÉTÉ CONFIÉE A UN TIERS QUI L'A DÉTRUITE, LA PEINE APPLICABLE EST-ELLE
CELLE DU DÉLIT DE DESTRUCTION OU DU DÉLIT D'ABUS DE CONFIANCE? (COMMENTAIRE DE L'ART 439 DU
CODE PÉNAL.)

Les destructions de titres étaient prévues et définies par le Code du 25 septembre-6 octobre 1791, qui avait imprimé à ce fait la qualification de crime. L'art. 37 de la 2o sect. du tit. 2 était ainsi conçu : « Quiconque, volontairement, par malice ou par vengeance, et à dessein de nuire à autrui, aura brûlé ou détruit, d'une manière quelconque, des titres de propriété, billets, lettres de change, quittances, écrits ou actes opérant obligation ou décharge, sera puni de la peine de quatre années de fers. »

L'art. 439, C. pén., n'a fait que reproduire cet article, en le modifiant sous deux rapports. Il a étendu l'incrimination à la destruction des actes de l'autorité publique, et il a maintenu dans ce cas la qualification criminelle; mais il a rangé dans la classe des délits correctionnels la destruction des actes autres que les actes publics ou de commerce. Cet article est ainsi conçu : « Quiconque aura volontairement brûlé ou détruit, d'une manière quelconque, des registres, minutes ou actes originaux de l'autorité publique, des titres, billets, lettres de change, effets de commerce ou de banque, contenant ou opérant obli

CHAUVEAU. T. IV. ED. FRANG. T. VIII.

gation, disposition ou décharge, sera puni ainsi qu'il suit si les pièces détruites sont des actes de l'autorité publique ou des effets de commerce ou de banque, la peine sera la reclusion; s'il s'agit de toute autre pièce, le coupable sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans, et d'une amende de cent à trois cents francs. »>

Il importe d'abord, pour bien fixer le sens et l'objet de cet article, de marquer les différences qui séparent l'infraction qu'il prévoit, de plusieurs autres infractions qui ont avec elle une assez grande analogie.

Ainsi l'art. 173 punit les fonctionnaires publics qui ont détruit ou supprimé les actes et titres dont ils sont dépositaires; l'art. 439 punit la même destruction, mais commise par toute personne et sans que le dépôt de la pièce soit une condition du délit. L'art. 255 punit la destruction des productions criminelles, pièces, actes, registres et papiers contenus dans les archives, greffes et dépôts publics; l'art. 439 prévoit également la destruction des registres et actes de l'autorité publique, mais hors des greffes et dépôts publics. L'art. 400 s'applique à l'extor

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sion par violence des actes, titres ou pièces quelconques opérant obligation ou décharge; l'article 439 ne s'étend pas aux violences qui ont placé le titre entre les mains de l'agent, il ne s'applique pas aux moyens, quels qu'ils soient, qui le lui ont procuré. Enfin les art. 405 et 408 prévoient soit les manœuvres frauduleuses à l'aide desquelles une personne obtient la remise d'un titre, soit le détournement qu'elle fait d'un titre qui lui aurait été confié; l'art. 439 s'éloigne encore de ces deux hypothèses; il ne punit ni la remise frauduleuse, ni le détournement du titre, il ne punit que sa destruction.

L'objet de cet article, le fait matériel qu'il incrimine, c'est la destruction d'une manière quelconque, même par l'incendie, et par toute personne autre que le dépositaire public, dans tous lieux autres que les dépôts publics, des titres et actes qui s'y trouvent énumérés. Ainsi restreinte, cette disposition ne fait double emploi avec aucune autre disposition du Code.

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créancier; que cette lacération était une preuve du payement, et que les fragments du billet ne servaient plus au créancier que de commencement de preuve par écrit, pour être admis à prouver que le titre n'avait été mis en cet état que par la violence ou la mauvaise foi du débiteur, et que l'obligation continuait à subsister; que sous ce premier rapport le jugement a méconnu le véritable sens de l'art. 439; qu'il ne l'a pas moins violé sous le rapport de la destruction matérielle du billet, parce qu'il n'est pas permis de méconnaître qu'un titre est matériellement détruit par le fait de la lacération [2]. » Cette dernière interprétation nous semble plus conforme à l'esprit de la loi. En premier lieu, il est évident que la destruction par le feu est purement démonstrative dans l'art. 439, et que cet article ne cite ce mode de destruction que comme exemple; ensuite, un titre ne doit-il pas être réputé détruit quand l'état où il a été mis lui ôte sa force obligatoire? Ne serait-il pas puéril de Que faut-il entendre par le mot destruction? distinguer entre la destruction de l'acte matéest-ce une destruction purement matérielle qui riel et celle de l'obligation qu'il renferme ? Quel anéantit le titre et le fait disparaître? faut-il l'é- est le fait que la loi a voulu atteindre? n'est-ce tendre encore à cette espèce de destruction qui, pas le préjudice causé par la destruction de l'osans faire disparaître le titre, lui enlève sa force bligation? Si la destruction par le feu est punie, et sa puissance? Il semble résulter de ces mots n'est-ce pas parce qu'elle entraîne celle de l'obrûlé et détruit, que l'art. 439 emploie, la né-bligation? Comment donc supposer dans la loi cessité d'une véritable destruction matérielle; l'article n'indique en effet qu'un mode de destruction, l'incendie; et ce mode suppose une destruction entière. La cour de cassation avait aussi jugé, sous l'empire du Code de 1791 qui se servait des mêmes expressions, que le fait de bâtonner les acceptations dont des lettres de change étaient revêtues, ne constituait pas le crime de destruction de titres, parce que cette radiation, bien qu'elle anéantit l'obligation, n'avait pas détruit les lettres de change qui étaient restées matériellement existantes [1].

La même cour a jugé depuis, contrairement à cet arrêt, et dans une espèce où le débiteur avait lacéré le billet qui lui était présenté : « que la destruction dont parle l'art. 439 ne doit pas s'entendre d'une destruction purement matérielle qui anéantit le titre et le fait disparaître, qu'elle doit s'entendre également de toute action qui consiste à mettre un titre dans un état tel qu'il ne puisse plus conserver les effets qu'il était destiné à produire; que tel était, sous ce rapport, le résultat de la voie de fait commise par le prévenu, puisque le billet dont il s'agit, étant lacéré, ne formait plus un titre entre les mains du

[1] Cass., 7 therm. an 13. (Pasicrisie.) [2] Cass., 3 nov. 1827.

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une distinction que repousse la raison même de l'incrimination? Et puis, si la radiation, si la lacération d'un titre n'est pas considérée comme sa destruction, dans quels cas sera-t-il donc réputé détruit? Faudra-t-il que les derniers fragments en aient disparu? La représentation de ses débris aura-t-elle l'effet d'effacer le délit? On sent dans quelles inextricables difficultés conduirait cette interprétation. Il faut donc s'arrêter à cette règle, que toute voie de fait commise sur l'acte et qui a pour effet d'altérer le lien de droit qu'il consacre, est un acte de destruction. Au surplus, les juges ne sont point tenus de déclarer le mode de destruction de l'acte supprimé, puisque, hors le cas de suppression par le feu, qui, ainsi que nous l'avons fait remarquer, est purement démonstratif, l'article emploie, pour imprimer cette destruction, les expressions les plus générales, et qu'il suffit, pour constituer le délit, que la destruction d'une manière quelconque soit constatée [3].

L'acte de destruction ne rentre dans les termes de l'art. 439 que lorsqu'il est exercé sur des registres, minutes ou actes originaux de l'autorité publique, des titres, billets, lettres de

[3] Cass., 23 déc. 1825.

change, effets de commerce ou de banque. Ces actes sont divisés en deux classes: la première comprend les actes de l'autorité publique, les effets de commerce ou de banque; la seconde embrasse tous les actes qui n'ont pas ce double caractère public ou commercial.

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troisième paragraphe de l'art. 439. Il suit de là que la destruction des actes de l'autorité publique elle-même ne constitue qu'un simple délit, toutes les fois que ces actes ne sont point des registres, des minutes ou des originaux. Il suit encore de là qu'il ne suffit pas qu'un acte ait un caractère commercial pour que la destruction soit qualifiée crime, il faut qu'il constitue par lui-même un effet de commerce.

Parmi les actes de l'autorité publique, la loi ne prévoit que la destruction des registres, minutes ou actes originaux. En effet, ces pièces sont les seules qui ne pourraient que difficile- Nous avons vu que la destruction d'actes ment être remplacées, qui font titres pour ceux n'était puuissable qu'autant que les actes déen faveur de qui elles ont été faites, et dont la truits rentraient dans la catégorie de ceux énuperte causerait un préjudice quelconque la mérés par l'art. 439. Il faut encore que ces actes destruction des expéditions ou des copies certi- contiennent ou opèrent obligation, disposition fiées n'aurait pas le même effet, et ne rentrerait ou décharge. En effet, l'acte détruit ne pourrait pas dans la même catégorie. produire aucun effet, s'il ne pouvait devenir la base d'aucun droit, d'aucune action. L'acte de destruction est peut-être l'œuvre d'une pensée criminelle, mais il échappe à toute répression parce qu'il ne cause aucun préjudice. En incriminant la destruction des actes qui opèrent obligation ou décharge, la loi a fait du préjudice matériel, de la lésion d'autrui, la condition nécessaire du délit : c'est un attentat à la propriété qu'elle a voulu punir; nous avons déjà vu la même règle s'appliquer aux matières de faux [5], d'escroquerie [6], d'extorsion [7].

La jurisprudence a rangé parmi les actes de l'autorité publique, en faisant l'application de l'art. 439, les procès-verbaux constatant des délits ou contraventions [1], les registres et actes originaux des contraventions, et servant à la perception de tous les droits établis par la loi [2].

Elle a également décidé : « que les empreintes du marteau de l'État apposées sur des arbres réservés sont des actes originaux de l'autorité publique, qu'elles opèrent un titre de propriété envers le domaine public, et une obligation à l'adjudicataire de conserver les arbres sur les quels elles sont apposées [3]. » Il nous semble que cette dernière interprétation étend les termes de l'art. 459 au delà de leur sens véritable [4]. En effet, il est difficile de ranger parmi les registres, minutes et actes de l'autorité publique, les marques du marteau de l'État sur les arbres; ce fait nous paraît uniquement rentrer dans l'application de l'art. 34, C. forest. Le Code a prévu, dans son art. 140, la contrefaçon ou la falsification des marteaux de l'État servant aux marques forestières; il n'a pas confondu ces marques avec les actes publics dont il punissait la falsification dans l'art. 147; pourquoi donc confondre, dans l'art. 439, ce que le Code a distingué dans les art. 140 et 147? pourquoi les actes publics seront-ils restreints dans l'art. 147 aux actes écrits, et dans l'art. 439 étendus aux marques forestières?

Tous les actes autres que les registres, minutes et actes originaux de l'autorité publique, et les effets du commerce, rentrent dans la catégorie des simples titres ou pièces qui font l'objet du

Il résulte d'abord de cette règle que les termes de l'art. 439 ne doivent être étendus qu'aux seuls actes qui intéressent la fortune et les biens. Ainsi, lorsqu'un écrit ne se rapporte qu'aux intérêts moraux, à l'homme, à la considération du signataire ou d'un tiers, l'acte de sa destruction ne constituerait point le délit prévu par cet article, car cet acte ne contiendrait ni obligation, ni disposition, ni décharge; ces expressions ne s'appliquent qu'à une seule classe d'écrits; elles ne peuvent être étendues. Et puis, d'ailleurs, comment constater l'utilité d'un acte qui n'intéresserait que la considération de son détenteur? comment vérifier le préjudice moral que la perte de cet acte pourrait lui causer? Les papiers les plus indifférents, les simples lettres, pourraient être considérés comme intéressant à un certain degré la réputation et la probité des personnes; les conditions du délit seraient trop incertaines; il fallait une limite, et la loi a dû la tracer. Elle aurait dû sans doute prévoir le cas de toute destruction d'un papier quelconque appartenant à autrui et le punir d'une peine moindre, mais elle ne l'a pas fait.

[1] Cass., 28 nov. 1833.

[2] Cass., 29 avril 1831.

[3] Cass., 14 août 1812 (Sirey, 13, 1, 77); 4 mai 1822 Sirey, 22, 1, 244).

[4] . notre t. 2, p. 75.
[5]. notre t. 2, p. 98.
[6]. notre t. 4, P. 98,
[7]. notre t. 4, p.

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