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que, et dans quels cas il se trouve en état de légitime défense. Nous avons done seulement à examiner ici dans quels cas le vol acquiert un caractère plus grave par sa perpétration pendant la nuit, et ce qu'il faut entendre, dans le système du Code, par vol commis de nuit.

La circonstance de la nuit, isolée de toute autre circonstance, n'est point aggravante du vol le vol simple ne change point de caractère par cela seul qu'il a été commis la nuit. Le législateur a pensé que cette circonstance ne devait être un élément d'aggravation que lorsqu'elle apportait une cause de péril ou un moyen plus facile d'exécution; or, elle n'a ce double caractère que lorsqu'elle concourt avec d'autres faits également destinés à assurer la consommation du crime [1].

Ainsi, le vol commis pendant la nuit est pas sible de cinq ans d'emprisonnement, s'il s'agit d'un vol de récolte commis dans les champs (art. 388); il est passible de la peine de la reclusion, s'il a été commis dans une maison habitée (art. 386); il est passible des travaux forcés à temps, s'il est accompagné de violences, de port d'armes, et commis par plusieurs personnes (article 385); enfin, il est passible des travaux forcés à perpétuité, s'il est commis, en outre de ces trois circonstances, avec effraction ou escalade dans une maison habitée (art. 381).

Mais qu'est-ce que la loi a entendu par vol commis pendant la nuit? La définition de cette circonstance a donné lieu à plusieurs systèmes. La cour de cassation a pensé que la loi pénale avait entendu par nuit tout l'intervalle de temps compris entre le coucher et le lever du soleil [2]. Ainsi, elle a cassé un arrêt qui avait refusé de reconnaître la circonstance de la nuit dans un vol commis après le coucher du soleil, mais dans un lieu où régnait tout le mouvement et l'activité du jour, par les motifs : « qu'en désignant la nuit comme circonstance aggravante du vol, la loi n'en a fait dépendre l'existence d'aucune autre circonstance accidentelle; que, conséquemment, elle a entendu par nuit, d'après la signification vulgaire et naturelle de ce mot, tout l'intervalle de temps entre le coucher et le lever du soleil [3]. Cette opinion s'appuie encore sur la loi du 15 germinal an 6, et sur l'art. 781, C. proc. civ., qui défendent d'exercer la contrainte par corps avant le lever et après le coucher du soleil.

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tation. Suivant cet auteur, il faut se reporter, pour fixer le temps de la nuit, aux termes de l'art. 1037, C. proc. civ., relatif au temps pendant lequel on ne peut faire aucune signification. Le décret du 4 août 1806 porte que le temps de nuit pendant lequel la gendarmerie ne peut entrer dans aucune maison particulière est réglé par les dispositions de cet article; et par conséquent cette prohibition existe, depuis le 1 octobre jusqu'au 31 mars, avant six heures du matin et après six heures du soir; et depuis le 1er avril jusqu'au 30 septembre, avant quatre heures du matin et après neuf heures du soir. Or, Bourguignon pense que les règles relatives à la contrainte par corps, et qui ont eu pour but de prolonger les heures de liberté, ne peuvent être appliquées lorsqu'il s'agit de fixer l'heure où le vol devient plus dangereux par l'isolement qui l'entoure; et qu'il est plus naturel d'adopter la définition donnée par la loi pour déterminer le temps pendant lequel il n'est pas permis de s'introduire dans le domicile d'un citoyen [4].

Carnot repousse ces deux opinions, en faisant remarquer que les art. 781 et 1037, C. proc. civ., ne sont applicables qu'aux matières civiles; que ces articles n'ont point donné une définition générale de ce qu'on doit entendre par nuit, ét qu'ils ont seulement réglé le temps pendant lequel les significations ou exécutions pourraient être faites ou étaient interdites. Cet auteur ajoute ensuite: « Le législateur n'ayant pas déterminé dans le Code pénal ce qui devait être considéré comme nuit, la conséquence naturelle à en tirer, c'est que, dans son opinion, la nuit ne commence réellement, dans chaque localité, qu'à l'heure où les habitants du lieu sont dans l'usage de rentrer dans leur habitation pour s'y livrer au repos [8]. »

Enfin, un quatrième système fait commencer la nuit immédiatement après le crépuscule du soir, et la fait finir immédiatement avant le crépuscule du matin. Ce système, établi par un arrêt de la cour de Nîmes, s'appuie principalement sur ce que : « Quoiqu'un vol ait été commis après le coucher et avant le lever du soleil, il n'est pas pour cela vrai de dire que tout vol commis après le coucher et avant le lever du soleil ait été nécessairement commis la nuit ; qu'en effet, entre le coucher du soleil et la nuit, il existe le crépuscule du soir, comme entre le

Bourguignon présente une seconde interpré-point du jour et le lever du soleil il existe le

[1] Cass., 2 déc. 1824.

[2] Cass., 4 juill, 1823.

[5] Cass., 12 fév. 1813; 23 juill, 1813; 11 mars 1850.

[4] Jur. des C. crim., t. 1, p. 146.
[5] Comment, du C. pen., t. 2, p. 265.

crépuscule du matin; qu'il faudrait effacer du dictionnaire de la langue française les mots de crépuscule, d'aube, d'aurore, et de point du jour, ou il doit rester certain que l'intervalle qui sépare le coucher et le lever du soleil n'est pas tout rempli par la nuit, puisque, outre la nuit, on compte encore dans cet intervalle le crépuscule du soir et le crépuscule du matin; qu'un vol | commis durant l'un ou l'autre de ces crépuscules n'est donc pas commis la nuit, quoiqu'il soit commis après le coucher et avant le lever du soleil [1]

ble que là c'est la faveur de la liberté, ici la possibilité d'accomplir utilement certaines formes de procédure, qui a dû créer des règles et établir une nuit légale, une nuit que les agents de la force publique doivent connaitre et respecter? Il est évident que la loi eût pu tout aussi bien en fixer les limites plus tôt ou plus tard: une seule chose était nécessaire, c'était de fixer des limites. Mais, en matière pénale, quand il s'agit d'apprécier l'influence d'un fait physique sur la valeur morale d'une action, il n'est pas permis de substituer légèrement à ce fait des fictions de procédure, et de préconiser ces fictions comme des règles de droit. Est-ce qu'une règle tracée dans une matière spéciale peut être arbitrairement transportée dans une autre? Est

Pour apprécier le véritable sens de la loi pénale, il faut se reporter aux motifs qui ont engagé le législateur à punir d'une peine plus grave les vols commis pendant la nuit ; ces motifs sont dans les facilités plus grandes que le voleur noc-ce que l'appréciation d'un fait peut être remplaturne trouve à accomplir son action; les ténè- cée par une règle? Si c'est la nuit qui aggrave bres, la solitude et le silence de la nuit le favo- l'action, ce ne peut être que la nuit vraie et la risent à la fois; le repos auquel se livrent les nuit légale, habitants le protége contre toute surprise, et la Le Code pénal, d'ailleurs, ne s'est pas servi crainte même qu'il inspire, les armes et les com- indifféremment de cette expression. En effet, le plices qu'on peut lui supposer, aident l'exécu- paragraphe 10 de l'art. 471 płace au nombre tion de son dessein. Le législateur a voulu pro- des simples contraventions le glanage avant le téger la sûreté publique en punissant le vol avec moment du lever ou après celui du coucher du plus de sévérité quand les citoyens ont moins soleil. Pourquoi n'a-t-il pas placé cette phrase de moyens de se garantir et de se défendre. Telle dans les art. 381 et suivants? C'est qu'il distinest la véritable raison de l'aggravation. Or, cette gue la nuit proprement dite de l'intervalle qui raison n'existe et ne peut être alléguée que pen- sépare le lever et le coucher du soleil; c'est que, dant l'absence des clartés du jour, pendant la dans les art. 381, 385 et 386, il voulait parler durée des ombres de la nuit. Ce n'est qu'au sein d'autre chose que de cet intervalle; c'est qu'il des ténèbres que le voleur peut rester inconnu, avait en vue la nuit réelle, la nuit qui aggrave que ses pas sont couverts et protégés, qu'il ré- le péril et par suite la moralité du vol. Dans l'arpand une terreur dont il profite. Dès qu'une ticle 471, le législateur n'a tracé qu'une règle lueur brille à l'horizon, tous les secours qu'il de police, règle variable et arbitraire; dans les empruntait à la nuit s'évanouissent; il peut être articles relatifs au vol, il a fait dériver une crivu ou reconnu, les projets se trahissent, le dan-minalité plus grave d'un fait physique nécessaiger n'est plus le même ou disparait. Ainsi, dans rement invariable, et qui doit être accepté avec la pensée du législateur, le vol commis pendant ses caractères propres. la nuit est le vol commis pendant les heures de l'obscurité, au milieu des ombres, après la chute et avant la naissance du jour. Nous disons que telle a été la pensée du législateur, parce que c'est là le fait qu'il a dû vouloir, qu'il a voulu atteindre; parce que c'est dans l'ombre de la nuit que l'agent puise une audace plus grande, que le péril de son action redouble; parce que, si l'on substitue une nuit fictive à la nuit réelle, l'aggravation n'a plus de cause, la peine plus de fondement.

Aucune disposition de la loi ne repousse cette pensée logique qui seule explique la peine. Comment a-t-on pu invoquer ici, soit l'art. 781, soit l'art. 1037, C. proc. civ.? N'est-il pas visi

[1] Nimes, 7 mars 1829.

Le système de la cour de cassation s'éloigne donc entièrement, à notre avis, de l'esprit du Code. Il en est de même de celui de Bourguignon. Ces deux interprétations ont méconnu les exigences de la loi pénale, les caractères et les conditions de la pénalité elles ont pris dans une autre partie du droit des dispositions toutes faites, et les ont appliquées sans examiner si la règle était en harmonie avec cette nouvelle matière, ou si elle en contrariait les éléments. Le système de Carnot se rapproche-t-il davantage des dispositions de la loi pénale? Il est évident qu'il méconnait moins son esprit, mais il blesse profondément son texte. Comment admettre, quand la loi parle en général de la nuit, que cette nuit ne commencera dans chaque localité qu'à l'heure où les habitants vont se livrer au repos? Ne serait-ce pas substituer une fiction à

une autre fiction? Est-ce que le jour est prolongé | périence prouva que cette peine était trop sépar la veille des habitants? Est-ce que la nuit n'est pas un phénomène physique que les lumières artificielles et les travaux des hommes ne peuvent détruire? Comment supposer une autre nuit que la nuit réelle, quand la loi s'est bornée à énoncer ce mot? Nous répéterons ici avec la cour de cassation elle-même : « qu'en désignant la nuit comme circonstance aggravante du vol, la loi n'en a fait dépendre l'existence d'aucune circonstance accidentelle [1]. »

En général, la circonstance de la nuit est une circonstance de fait que les juges et les jurés doivent apprécier d'après les témoignages et les preuves du procès. C'est la véritable règle de la matière. Fait d'aggravation, il appartient aux juges du fait d'apprécier son existence réelle et son influence sur la moralité du délit. Que s'il est nécessaire ensuite de poser une règle précise pour guider l'instruction, on ne peut en prendre d'autre que celle qui résulte de l'ordre physique lui-même la nuit commence quand le crépuscule expire, elle expire quand il commence à renaître. Cette définition, conforme au fait naturel, s'accorde en même temps avec la raison de la loi. Elle constitue donc la règle qui domine, en général, les art. 381, 385, 386 et 388, C. pén.

SECTION III.

Vols qualifiés à raison du lieu.

§ I. Vols dans les champs.

Les vols prévus par l'art. 388, C. pén., différents par l'objet auquel ils s'appliquent, sont liés par un caractère commun : leur perpétration au milieu des campagnes.

Dans notre ancien droit, les vols d'objets placés sous la garantie de la foi publique étaient des vols qualifiés, et la peine était celle des galères [2]. Le Code de 1791, maintenant cette règle, prononça contre tous ces vols indistinctement une peine afflictive. L'art. 27 de la sect. 2 du tit. 2 de ce Code portait : « Tout vol de charrues, instruments aratoires, chevaux et autres bêtes de somme, bétail, ruches d'abeilles, marchandises ou effets sur la voie publique, soit dans la campagne, soit sur les chemins, ventes de bois, foires, marchés et autres lieux publics, sera puni de quatre années de détention. » L'ex

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vère, et surtout qu'elle s'appliquait avec trop d'inflexibilité à des délits d'une gravité différente il en résultait, dans beaucoup de cas, une complète impunité. La loi du 25 frimaire an 8 voulut remédier à cet inconvénient, en attribuant la connaissance de tous ces délits aux tribunaux correctionnels. L'art. 11 de cette loi portait : « Tout vol de charrues, instruments. aratoires, chevaux et autres bêtes de somme, bétail, vaches, abeilles, marchandises ou effets exposés sur la voie publique, soit dans les campagnes, soit sur les chemins, ventes de bois, foires, marchés et autres lieux publics, sera puni d'une peine qui ne pourra être moindre de trois mois, ni excéder une année d'emprisonnement, s'il a été commis le jour, ou qui ne pourra être moindre de six mois ni excéder deux années, s'il a été commis la nuit. >>

<«< Alors, dit le tribun Faure, dans l'exposé des motifs du Code, un nouvel inconvénient se fit apercevoir. La peine était insuffisante en plusieurs cas, et l'insuffisance de la peine produisit le même effet que l'impunité. Dès lors ces sortes de délits se renouvelèrent fréquemment, et les tribunaux ont élevé de justes plaintes à cet égard. La distinction que le nouveau Code établit apportera un remède efficace au vol. Ou le vol aura été commis à l'égard des objets qu'on ne pouvait se dispenser de confier à la foi publique, tels que les vols de bestiaux, d'instruments d'agriculture, de récoltes ou de parties de récoltes qui se trouvaient dans les champs, un mot, de choses qu'il est impossible de surveiller soi-même ou de faire surveiller; en ce cas, les coupables seront punis d'une peine afflictive: ou les objets volés pouvaient être gardés, de sorte que c'est volontairement qu'on les aura confiés à la foi publique; dans ce dernier cas, ce n'est plus qu'un vol simple, qui dès lors sera puni de peines de police correctionnelle. >>

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Les mêmes objections qui s'étaient élevées contre la disposition trop absolue du Code de 1791 s'élevèrent de nouveau contre l'art. 388, C. pén. : les jurés ne trouvaient pas la peine proportionnée au délit, et prononçaient l'acquittement des prévenus. La loi du 25 juin 1824 fut une seconde édition de la loi du 25 frimaire an 8. L'art. 2 de cette loi portait que : « Les vols et tentatives de vols spécifiés dans l'art. 388 seront jugés correctionnellement et punis des peines déterminées par l'art. 401 [3]. » L'art. 10

[1] Arrêt déjà cité du 12 fév. 1813.

[2] Jousse, t. 4, p. 228; Muyart de Vouglans, p. 312.
[3] Cette disposition de l'art, 2 de la loi française est

textuellement reproduite par une loi belge du 29 février 1832, apportant des modifications au Code pénal. La peine ne peut être réduite qu'en vertu de l'arrêté du 9 septem

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rationnel de l'ancien art. 388 : il n'importe plus que l'objet volé ait été exposé nécessairement ou volontairement à la foi publique; qu'il ait été abandonné dans les champs par l'effet d'une nécessité absolue ou par la négligence de son propriétaire : dans les deux cas, la peine est la

exceptait de cette disposition ceux de ces vols qui avaient été commis par deux ou plusieurs personnes, ou qui étaient accompagnés de circonstances aggravantes. L'art. 13 ajoutait: «Lorsque les vols ou tentatives de vols de récoltes et autres productions utiles de la terre, qui, avant d'avoir été soustraites, n'étaient pas encore dé-même. Cette distinction, qui reproduisait une tachées du sol, auront été commis soit avec des paniers ou des sacs, soit à l'aide de voitures et d'animaux de charge, soit de nuit par plusieurs personnes, les individus qui en auront été déclarés coupables seront punis conformément à l'art. 401. >>

C'est dans cet état de choses que la loi modificative du Code pénal intervint. Le projet de loi proposait d'appliquer à tous les vols spécifiés par l'art. 588 les peines portées par l'art. 401. La commission de la chambre des députés voulut faire une exception à l'égard des vols de chevaux et bêtes de charge : « Nous avons appris, dit l'un de ses membres, que les vols, commis dans les champs, de chevaux et bestiaux, étaient d'autant plus fréquents, qu'il y avait eu atténuation de peine d'après la loi du 25 juin 1824. Dans cette position, et pour réprimer d'une manière efficace des vols qui devenaient trop communs, nous avons pensé qu'il fallait revenir, pour cette partie seulement, à la disposition de l'art. 388, C. pén., et pour les autres parties, nous nous sommes référés à la loi du 25 juin 1824. » Cette restriction ne fut point adoptée : le vol de chevaux, de bestiaux ou d'instruments d'agriculture, demeura au nombre des délits correctionnels. Quant au vol de récoltes, qui ne forme plus également dans tous les cas qu'un simple délit, la loi a distingué, pour graduer la peine, si ces récoltes étaient ou non détachées du sol; dans le second cas, comme il s'agit d'un simple maraudage, la loi ne le punit de peines correctionnelles qu'autant qu'il est commis avec certaines circonstances qui l'aggravent [1]; dans le premier cas, au contraire, le simple enlèvement d'une partie de récolte est puni des peines correctionnelles; mais ces peines deviennent plus fortes quand le vol est commis soit de nuit [2], soit de complicité, soit à l'aide de voitures ou d'animaux de charge.

Ainsi se trouve détruit le système simple et

règle déjà plusieurs fois appliquée par le Code, a été effacée. Elle peut encore servir à la distribution que fait le juge de la peine; mais la loi, dès qu'elle ne prononçait dans tous les cas que des peines correctionnelles, n'a plus dû l'énoncer. Le principe qui semble actuellement servir de base à la gradation des peines dans l'art. 388, est la valeur des effets soustraits : « L'atténuation de la peine, a dit le garde des sceaux dans la discussio de la loi du 28 avril 1832, est motivée par la modicité du prix des objets qui se trouvent enlevés dans les campagnes. » C'est à raison de la valeur présumée des objets enlevés, que la peine d'emprisonnement s'élève tantôt à deux et tantôt à cinq ans.

Nous allons maintenant parcourir successivement les quatre séries de vols prévus par l'article. 388.

Le premier paragraphe de cet article porte: « Quiconque aura volé ou tenté de voler dans les champs des chevaux ou bêtes de charge, de voiture ou de monture, gros ou menus bestiaux, ou des instruments d'agriculture, sera puni d'un emprisonnement d'un an au moins et de cinq ans au plus. »

Le vol de bestiaux faisait dans le droit romain, sous le nom d'abigeat, l'objet d'une incrimination particulière. Le crime d'abigeat était le vol des chevaux, du bétail, commis soit dans les pâturages, soit dans les étables. Abigei propriè hi habentur, qui pecora ex pascuis, vel ex armentis subtrahunt, et quodam modo depredantur, et abigendi studium quasi artem exercent, equos de gregibus, vel boves de armentis abducentes [3]. Mais le crime était plus ou moins grave, suivant la valeur de l'animal enlevé : Qui porcum vel capram vel vervecem abduxit, non tam graviter quàm qui majora animalia abigunt, plecti debet [4]. L'enlèvement d'un seul boeuf, d'un seul cheval, suffisait pour l'existence du crime; il fallait que quatre porcs au moins

bre 1814.-Le vol d'une vache dans une prairie, sans autre circonstance, est compris dans la disposition de l'art. 2 de la loi du 29 fév. 1832, et doit être jugé correctionnellement. (Brux., cass., 26 avril 1833; Bull. de cass., 1833, p. 186.) [1]. les notes à la p. [2] L'art. 586 du C. pén. de 1810, qui qualifie crime le vol commis de nuit par plusieurs personnes, ne peut être

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ou dix brebis eussent été enlevés pour constituer | prudence, le vol de bestiaux commis dans les pâturages et dans les étables: ce dernier vol prend, à raison du lieu où il est commis, un caractère distinct; il est étranger aux dispositions de l'art. 388.

le même crime [1]. Si l'enlèvement ne réunissait pas ces conditions de lieu et de nombre, ce n'était plus qu'un simple vol; non est abigeus, sed fur potiùs. La peine était la relégation pour les coupables de condition honnête, et la condamnation aux mines pour les personnes de condi tion vile; si le vol avait été commis avec armes, cette peine était celle de mort [2]..

Mais que faut-il entendre par champs dans cet article? La cour de cassation a répondu : « que, par le mot champs, on doit entendre toute propriété rurale dans laquelle sont exposés à la foi publique les objets mentionnés dans l'article; que conséquemment on doit comprendre sous le mot champs les terres labourables, les bois, les pâturages et autres propriétés de même nature [6]. » Cette définition est conforme à l'esprit de la loi qui a voulu comprendre, en général, dans l'art. 388, ainsi que le déclare l'exposé des motifs, les vols faits dans les campagnes.

Une ordonnance de Henri III, de 1586, portait : « Quiconque dérobera aucun bestial sera pendu et étranglé. » Cependant plusieurs coutumes avaient fait une distinction, et n'appli quaient la peine de mort qu'au vol de chevaux, bœufs ou autres bêtes de service ou labour [3]. Mais, dans la pratique, la peine de mort n'était jamais appliquée à ces sortes de vols lorsqu'ils étaient commis dans les champs. « L'usage ordinaire, dit Jousse, est de condamner aux galères à temps ceux qui volent ainsi des animaux laissés dans les pâturages et abandonnés à la foi publique; et il paraît qu'il en doit être de même lorsque ces animaux sont volés dans les éta-vaux, bêtes de charge, gros et menus bèstiaux. bles [4]. »

Nous avons vu précédemment les incertitudes du législateur dans la répression de cette espèce de vol, qu'il a considéré tantôt comme un crime, tantôt comme un simple délit. Aujourd'hui que la loi lui a reconnu définitivement ce dernier caractère, et que, dès lors, le vol de bestiaux commis dans les champs se confond dans la classe des vols simples prévus et punis par l'article 401, il devient presque superflu d'en indiquer les caractères spéciaux. Toutefois, comme la loi, tout en les soumettant aux mêmes peines que le simple vol, en a fait l'objet d'une disposition particulière, il peut être utile encore de connaître dans quels cas cette disposition doit être appliquée.

Une première règle, applicable d'ailleurs à toutes les parties de l'art. 388, est que le vol ne rentre dans les dispositions de cet article qu'autant qu'il a été commis dans les champs c'est cette circonstance qui distingue cette classe de vols, qui leur imprime un caractère particulier. Si cette condition n'est pas constatée par le jugement, ce n'est plus cet article qu'il faut appliquer [5]. Ainsi on ne doit plus confondre, comme le faisaient la loi romaine et l'ancienne juris

La deuxième condition du délit résulte de la nature même de l'objet volé il faut que cet objet soit l'un de ceux énumérés par l'article. Cet article parle, en général, du vol de che

Ces termes collectifs ont donné lieu de demander. si le vol d'un seul cheval, d'un seul boeuf, d'une seule brebis, rentre dans cette disposition. Carnot a dit à ce sujet : « Il peut se faire sans doute que l'intention du législateur ait été telle; mais on ne voit pas quelle peut être la nécessité de la lui supposer, lorsqu'en prenant le texte de la loi dans son sens littéral, on y trouve éerit précisément le contraire : les juges ne sont pas établis pour scruter les pensées du législateur; c'est le texte précis de la loi qui doit être leur texte invariable [7]. » Cette objection est évidemment insuffisante. Quand le législateur a parlé de chevaux, de bêtes de charge, de bestiaux, il n'a fait que désigner l'espèce des objets dont il prévoyait la soustraction, il n'a point voulu faire dépendre le délit du nombre des objets soustraits, il ne l'a fait dépendre que de l'espèce de ces objets et de la circonstance qu'ils étaient exposés à la foi publique dans les champs. La cour de cassation a donc eu raison de déclarer: « qu'employant les mots chevaux, bêtes de charge, au nombre pluriel, l'art. 388 a compris nécessairement dans sa disposition le cas où le vol n'aurait pour objet qu'un seul cheval ou une seule bête de charge [8]. »

[1] L. 3, Dig. de abigeis. [2] L. 1, $ 3, eod. tit.

[3] Cout. de Bretagne, art. 627; de Lodève, 79, art. 12 et 13; Bouthillier, Somme rurale, 1, 22, tit. 34.

[4] Traité de justice crim., t. 4, p. 226; Muyart de Vouglans, Lois crim., p. 315.

[5] Cass., 26 déc. 1811.
[6] Cass., 2 janv. 1813.

[7] Comment. du C. pên,, t. 2, p. 316.
[8] Cass., 2 janv. 1813 et 12 déc. 1812.

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