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des indices, des soupçons que la maladie est contagieuse; ce sont ces indices, ces soupçons qui font naître l'obligation que la loi impose au propriétaire des animaux, et qui par conséquent sont la base du délit.

Cette obligation est double: le détenteur ou gardien doit avertir sur-le-champ le maire de la commune, et il doit tenir les animaux renfermés, avant même que le maire ait répondu à l'avertissement; la loi exige l'exécution simultanée de ces deux mesures.

L'infraction est double aussi; elle se compose de l'inexécution de l'une et de l'autre obligation ainsi le seul défaut d'avertissement n'est pas un élément suffisant du délit, il faut encore que les animaux soupçonnés d'infection n'aient pas été immédiatement renfermés; c'est la réunion de ces deux circonstances que l'art. 459 punit.

L'art. 460 prévoit une autre contravention c'est la désobéissance aux ordres de l'administration. Cet article porte : « Seront également punis d'un emprisonnement de deux mois à six mois, et d'une amende de cent francs à cinq cents francs, ceux qui, au mépris des défenses de l'administration, auront laissé leurs animaux ou bestiaux infectés communiquer avec d'autres. » Dans l'hypothèse de cet article, les bestiaux sont infectés, et des mesures ont été ordonnées par le maire pour prévenir la communication de ces bestiaux; c'est l'infraction de ces mesures qui constitue le délit : ainsi deux éléments de ce délit, la défense faite par l'administration de laisser communiquer, et la communication faite au mépris de cette défense. Si la communication a eu lieu avant la défense, l'art. 460 n'est plus applicable; mais si cette communication provient de ce que les animaux n'ont pas été enfermés, elle rentre dans les termes de l'art. 459. Du reste, le délit prévu par l'art. 460 est plus grave que le premier; l'infraction peut avoir de plus funestes conséquences; les peines sont plus fortes.

L'art. 461 prévoit une circonstance aggravante de cette infraction: « Si de la communication mentionnée au précédent article il est résulté une contagion parmi les autres animaux, ceux qui auront contrevenu aux défenses de l'autorité administrative seront punis d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans, et d'une

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amende de cent francs à mille francs; le tout sans préjudice de l'exécution des lois et règlements relatifs aux maladies épizootiques, et de l'application des peines y portées. »

Le délit est le même, il ne change point de nature; l'aggravation se puise tout entière dans un fait postérieur à la communication, dans le fait de la contagion; le prévenu porte la peine du mal qui est résulté de sa faute. Cette faute s'aggrave par ses conséquences; mais il est nécessaire, pour l'application de cet article, qu'il soit constaté que la contagion a été le résultat de la communication avec les animaux infectés, en contravention aux défenses de l'autorité administrative.

Telles sont les infractions sur lesquelles s'est arrêtée la prévoyance du Code. A l'égard des autres infractions, pour la plupart moins graves à la vérité, mais importantes encore, auxquelles cette matière peut donner lieu, c'est aux lois et règlements relatifs aux maladies épizootiques qu'il faut recourir : nous avons indiqué plus haut ces règlements.

Mais il est un cas qui n'a été prévu ni par ces règlements ni par le Code; l'art. 23 du titre 2 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1794 est ainsi conçu : « Un troupeau atteint de maladie contagieuse, qui sera rencontré au pâturage sur les terres du parcours ou de la vaine pâture, autres que celles qui auront été désignées pour lui seul, pourra être saisi par les gardes champêtres et même par toutes personnes; il sera ensuite mené au lieu du dépôt qui sera indiqué à cet effet par la municipalité. Le maître de ce troupeau sera condamné à une amende de la valeur d'une journée de travail par tête de bête à

laine, et à une amende triple par tête d'autre bétail. Il pourra en outre, suivant la gravité des circonstances, être responsable du dommage que son troupeau aurait occasionné, sans que cette responsabilité puisse s'étendre au delà des limites de la municipalité. »

Il n'a été dérogé par aucune disposition à cet article; il a donc continué d'être en vigueur et doit encore être appliqué. Ainsi, le fait de laisser aller un troupeau atteint de maladie contagieuse, hors des terres de parcours qui lui ont été désignées, est puni de l'amende fixée par cet article.

CHAPITRE LXXXI.

DES PEINES APPLICABLES AUX OFFICIERS DE POLICE QUI ONT COMMIS DES DÉLITS CONTRE LES PROPRIÉTÉS.

CONCILIATION DES ART. 198 ET 462.

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MOTIFS DE CE DERNIER ARTICLE.

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A QUELS CAS IL DOIT ÊTRE apPLIQUÉ. QUELS SONT LES DÉLITS QUI MOTIVENT UNE AGGRAVATION DE PEINE? A QUELLES PERSONNES S'APPLIQUE CETTE AGGRAVATION? CONDITIONS DE SON APPLICATION. EN QUOI CONSISTE L'AGGRAVATION. (COMMENTAIRE DE L'ART. 462, C. PÉN.)

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En expliquant l'art. 198, C. pén., nous avons déjà, par avance, présenté le commentaire de l'art. 462 [1].

Ces deux dispositions ont un but commun c'est de punir les crimes et les délits d'une peine plus grave, lorsqu'ils sont commis par des fonctionnaires qui sont chargés de les surveiller, et qui doivent par conséquent l'exemple aux citoyens. Il n'est pas douteux, en effet, que l'officier de police puise dans sa seule qualité une criminalité plus intense; chargé de constater les délits et de les poursuivre, chaque délit qu'il commet se complique d'un véritable abus de sa fonction, ou du moins d'une faute plus grave; il trahit sa mission en même temps qu'il se rend coupable de ce délit; une aggravation de peine est donc juste et logique.

L'art. 198 n'a prévu qu'un seul cas : celui où l'officier public a participé à des crimes ou délits qu'il était chargé de surveiller ou de réprimer. Nous avons vu qu'il résultait de ces termes de la loi que cet article n'était applicable qu'à une double condition: si le fonctionnaire était compétent pour réprimer ou surveiller le délit auquel il s'est associé; s'il a favorisé l'exécution, par des tiers, de ce même délit [2].

L'art. 462 prévoit une hypothèse toute différente; c'est la perpétration directe et isolée de certains délits par l'officier de police lui-même. La loi, en effet, n'incrimine plus seulement ici ceux qui ont participé au délit, mais ceux qui l'ont commis; ceux qui ont favorisé son exécution, mais ceux qui l'ont exécuté eux-mêmes; elle ne fait plus aucune distinction entre l'officier compétent pour constater le délit, et celui

qui n'est investi d'aucune attribution à cet égard: la qualité seule motive l'aggravation.

L'art. 462 est ainsi conçu: « Si les délits de police correctionnelle dont il est parlé au présent chapitre ont été commis par des gardes champêtres ou forestiers, ou des officiers de police, à quelque titre que ce soit, la peine d'emprisonnement sera d'un mois au moins, et d'un tiers au plus en sus de la peine la plus forte qui serait appliquée à un autre coupable du même délit. » L'exposé des motifs explique cette disposition en ces termes : « Il est beaucoup de délits emportant des peines correctionnelles qui seront prévenus, si les gardes champêtres, les gardes forestiers et autres officiers de police exercent avec une sévère exactitude la surveillance qui leur est confiée. Ils seront donc plus coupables que les autres lorsque eux-mêmes commettront ces délits. Aussi une disposition particulière rend plus forte à leur égard la peine de police correctionnelle. >>

Les délits dont il est parlé au présent chapitre sont les délits contre les propriétés; en effet, le chapitre 2 du livre 3 du Code, qui commence à l'art. 379 et finit à l'art. 463, comprend tous les attentats contre la propriété. L'art. 462 ne s'applique donc qu'aux officiers de police coupables de délits de cette nature, et il ne s'applique qu'aux délits correctionnels. A l'égard des faits qualifiés crimes, l'officier de police qui les commet n'encourt aucune aggravation; la peine s'élève alors assez haut pour suffire à la répression.

Il n'est donc pas exact de dire, comme le fait l'exposé des motifs, dont nous venons de rappeler

[1]. notre t. 2, p. 222.

[2] . notre t. 2, p. 220 et suiv.

les termes, que les officiers de police n'encou- | qualité d'officier de police commande plus de rent d'aggravation que lorsqu'ils commettent les réserve et plus de retenue. délits qu'ils sont chargés de surveiller, car les expressions de l'article sont générales. L'aggravation s'étend à tous les délits contre la propriété, et cependant les officiers de police ne sont pas également compétents pour surveiller tous ces délits; ainsi, un garde champêtre ou forestier n'a aucune compétence pour constater un délit d'abus de confiance ou d'escroquerie, et cependant, s'il se rend coupable d'un de ces délits, il est passible, aux termes de la loi, de l'aggravation pénale.

L'officier de police est passible de l'aggravation, par cela seul qu'il a commis le délit, à quelque titre qu'il l'ait commis; ainsi il importe peu que ce soit dans l'exercice ou hors de l'exercice de ses fonctions; ce n'est pas seulement l'abus de la fonction que la loi punit, c'est la criminalité plus grave d'un prévenu à qui sa

Cette criminalité n'entraîne aucune aggravation de la peine, quand cette peine est une simple amende; mais quand la loi prononce contre le délit la peine d'emprisonnement, cette peine est d'un mois au moins, et d'un tiers au plus en sus de la peine la plus forte qui serait appliquée à tout autre coupable du même délit : ainsi, si le délit est puni d'un emprisonnement de six mois à un an, cet emprisonnement sera de 13 mois à 16 mois à l'égard de l'officier de police; car, par la peine la plus forte applicable au délinquant ordinaire, il faut entendre le maximum de la peine. Il est inutile d'ajouter que cette peine peut toujours être atténuée, même au niveau des peines de police, en vertu de l'art. 463. C'est donc seulement un maximum plus élevé dont la loi a réservé, dans cette circonstance, l'application facultative aux tribunaux correctionnels.

CHAPITRE LXXXII.

DE L'EFFET DES CIRCONSTANCES ATTENUANTES SUR LES PEINES.

SYSTÈME DE L'ANCIENNE LÉGISLATION SUR LA DISTRIBUTION DES PEINES. -DE L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET DE LA LÉGISLATION DE 1791. PRINCIPE DES CIRCONSTANCES ATTÉNUAntes et développement de CE PRINSON BUT A ÉTÉ DE TEMPÉRER LES PEINES ET DE

-

CIPE DANS LA LÉGISLATION. MOTIFS DE CE SYSTÈME.

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TENIR COMPTE de tous les faits d'excuse. - DÉVELOPPEMENT DE CE DOuble but du législateur.
QUE FAUT-IL ENTENDRE PAR CIRCONSTANCES ATTENUANTES? LA DISPOSITION DE L'ART. 463 SE DIVISE EN
DEUX PARTIES, suivant qu'ellES S'APPLIQUENT AUX CRIMES ET AUX DÉLITS. - LA PREMIÈRE S'ÉTEND A
TOUS LES CRimes prévus PAR LA LÉGISLATION. S'ÉTEND-ELLE AUX CRIMES JUGÉS PAR LES CONSEILS DE
GUERRE?
DISTINCTION ENTRE LES CRIMES PUREMENT MILITAIRES ET LES CRIMES COMMUNS. LES COURS
D'ASSISES PEUVENT-ELLES APPLIQuer l'art. 463 aUX CONTUMACES? -EXAMEN DU PARAGRAPHE DEUX DE
L'ARTICLE. POUVOIRS DU JURY a l'égard de la peine de mort. — EXAMEN DES PARAGRAPHES TROIS,

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QUATRE ET CINQ. EXAMEN DU PARAGRAPHE SIX. QUESTION RELATIVE AU MINIMUM DES TRAVAUX
FORCÉS. EXAMEN DU PARAGRAPHE SEPT. APPLICATION DE CE PARAGRAPHe, quand l'accusé est en
ÉTAT DE Récidive. GRADATION DU MAXIMUM ET DU MINIMUM DES PEINES. DEUXIÈME PARTIE de l'ar-
TICLE RELATIVE AUX DÉLITS CORRECTIONNELS. CETTE DISPOSITION NE S'APPLIQUE qu'aux délits PRÉVUS
ELLE NE S'APPLIQUE PAS AUX DÉLITS PRÉVUS PAR LES LOIS SPÉCIALES.
Effets de l'AD-
MISSION DES CIRCONSTANCES ATTÉNUANTES SUR LA SURVEILLANCE, SUR LA CONFISCATION SPÉCIALE, SUR
L'AMENDE. (COMMentaire de l'art. 463, C. PÉN.) [1].

PAR LE CODE.

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Notre ancienne législation avait laissé, en gé- | néral, la distribution des peines à l'arbitraire du

[1] Cet article a été modifié. (V. l'appendice à la fin du t. 2.)

juge, qui, suivant les circonstances et l'exigence des cas, appliquait les châtiments qu'il jugeait en rapport avec la gravité des faits. Les abus d'un tel système, qui substitue la volonté du juge

aux règles générales de la loi, frappèrent l'as- | semblée constituante; et, par une sorte de réaction, au lieu de donner de sages limites à un pouvoir excessif, elle le renferma dans un cercle de fer. Aux peines arbitraires succédèrent les peines fixes. Les tribunaux perdirent la faculté non-seulement de choisir les châtiments, mais même de les modifier et de les graduer; les peines n'eurent plus ni minimum ni maximum; elles s'appliquèrent, uniformes et invariables, à tous les faits compris dans la même incrimination; tous les degrés qui séparent les actions, toutes les nuances qui les distinguent étaient effacées. Tel était le principe qui formait la base du Code de 1791.

Ce principe était fécond en inconvénients. Les faits qui constituent des crimes sont susceptibles de modifications infinies, et cette égalité des peines produisait les plus odieuses inégalités. Il fallait que le juge appliquât à des faits qui n'avaient ni la même valeur morale, ni les mêmes résultats matériels, une peine inflexible dans son uniformité, ou que cette rigueur, par son injustice même, enfantât l'impunité. Le besoin d'une nouvelle réforme de la législation se fit donc promptement sentir.

On trouve l'expression de cet esprit nouveau dans l'art. 646, C. du 3 brumaire an 4, dans la loi du 25 frimaire an 8 et dans celle du 7 pluviôse an 9. Enfin les rédacteurs du Code de 1810 attribuèrent aux juges une certaine latitude dans la fixation des peines. En déterminant un maximum et un minimum, ils permirent de graduer le châtiment entre ces deux limites; l'art. 465 autorisa même les tribunaux correctionnels, en matière de simple délit, si le préjudice n'excédait pas 25 francs et si les circonstances paraissaient atténuantes, à réduire l'emprisonnement et l'amende au niveau des peines de simple police.

Le législateur avait même songé, dès cette époque, à étendre la disposition de l'art. 463 aux faits qualifiés crimes par la loi; on lit, en effet, dans l'exposé des motifs du Code présenté au corps législatif par Faure : « Une disposition qui termine la partie du Code dont nous nous occupons en ce moment, porte que, si le préjudice n'excède pas 25 francs, et que les circonstances paraissent atténuantes, les juges sont autorisés à réduire l'emprisonnement et l'amende même jusqu' 'au minimum des peines de police; au moyen de cette précaution, la conscience du juge sera rassurée, et la peine sera proportionnée au délit. Il n'était pas possible d'établir une règle semblable à l'égard des crimes. Tout crime emporte peine afflictive ou infamante, mais tout crime n'emporte pas la même espèce de peine; tandis

qu'en matière correctionnelle, la peine est toujours soit l'emprisonnement, soit l'amende, soit l'un et l'autre ensemble. Cela posé, la réduction des peines de police correctionnelle ne frappe que sur la quotité de l'amende et sur la durée de l'emprisonnement; au contraire, les peines établies pour les crimes étant de différentes espèces, il faudrait, lorsqu'un crime serait atténué par quelque circonstance qui porterait le juge à considérer la peine comme trop rigoureuse quant à son espèce, il faudrait que le juge fût autorisé à changer l'espèce de peine et à descendre du degré fixé par la loi à un degré inférieur; par exemple, à prononcer la reclusion au lieu des travaux forcés à temps, ou bien à substituer le carcan à la reclusion; ce changement, cette substitution ne serait pas une réduction de peine proprement dite, elle serait une véritable commutation de peine. Or, le droit de commutation de peine est placé par la constitution dans les attributions du souverain; il fait partie du droit de faire grâce. C'est au souverain seul qu'il appartient de décider, en matière de crime, si telle circonstance vérifiée au procès est assez atténuante pour justifier une commutation. La seule exception laissée au pouvoir judiciaire est dans le cas d'excuse; encore faut-il que le fait allégué pour excuse soit admis comme tel par la loi, avant qu'on puisse descendre, en cas de preuves, à une peine inférieure. Il résulte de ces observations, qu'en fait de peine afflictive ou infamante le juge doit se renfermer dans les limites que la loi lui a tracées, qu'il ne peut dire que la faute est excusable que lorsque la loi a prévu formellement les circonstances sur lesquelles l'excuse est fondée, et que toute application d'une peine inférieure à celle tracée par la loi est un acte de clémence qui ne peut émaner que du prince, unique source de toutes les grâces [1]. »

Ainsi il est certain que le législateur, au moment même de la rédaction du Code, avait pensé à étendre aux matières criminelles la faculté d'atténuation qu'il appliquait aux matières correctionnelles; et, en effet, les mêmes motifs sollicitaient dans les deux cas la même application; dès qu'on reconnaissait que les faits qualifiés délits pouvaient être accompagnés de circonstances atténuantes, il était évident que les mêmes atténuations devaient exister à l'égard des crimes; il était donc contradictoire d'en tenir compte en matière correctionnelle, et d'en faire abstraction en matière criminelle; c'était déclarer qu'en ce qui concerne les délits, la peine serait proportionnée à la faute, et qu'en ce qui concerne

[1] Locré, t. 31, p. 164 et 165,

Deux voies s'offraient pour opérer cette atténuation. La première était de reprendre chaque incrimination du Code, d'en diviser les degrés et les nuances, de multiplier les classifications des délits et d'abaisser en même temps le minimum de chaque peine, afin de laisser aux juges une plus grande latitude dans leur application. Cette voie d'amélioration, plus laborieuse sans doute, était assurément la plus sûre, celle qui devait conduire à la plus saine application des principes du droit pénal, à la distribution la plus exacte de la justice.

les crimes, la même proportion n'aurait jamais | ainsi un rapport plus exact entre les délits et les lieu. Un seul scrupule a retenu le législateur: peines [3]. il lui a paru que substituer une peine à une autre, que changer la nature des peines c'était les commuer, et que cette commutation ne pouvait appartenir, comme la grâce, qu'au chef de l'État. Cette objection repose sur une méprise évidente. Le juge qui substitue une peine à une autre peine ne fait point un acte de clémence; il apprécie le vrai caractère du fait, et applique une peine qui est en rapport avec ce caractère; il n'empiète point sur les droits du chef de l'État, puisque la grâce ne peut intervenir qu'après le jugement; il ne sort point de sa mission, puisqu'il doit rendre justice, et que la justice, en matière pénale, suppose une peine proportionnée à la nature et aux circonstances du crime. On aurait pu opposer, avec plus de raison peut-être, que la puissance du juge doit se borner, en toute matière, à mesurer la peine déterminée par la loi dans les limites qu'elle a fixées, mais qu'il ne doit pas en changer la nature, parce que le législateur seul est placé assez haut pour assurer la responsabilité du genre de la peine, pour en apprécier la portée et la convenance. Mais cette objection, qui diffère entièrement de celle qu'alléguait l'exposé des motifs, ne fut point alors pré

sentée.

L'application du principe des circonstances atténuantes aux faits qualifiés crimes par la loi, après avoir été écartée en 1810, a été reprise et adoptée en 1832 [1].

Cette disposition a un double but:

De tempérer, par une règle générale, les pénalités trop rigoureuses et quelquefois excessives du Code;

De tenir compte de certaines circonstances du fait, de certaines nuances de la culpabilité que le Code n'a pas prévues, et qui cependant, pour que le châtiment soit juste, doivent entrer dans l'appréciation de la moralité de l'agent.

Il est nécessaire d'insister sur ces deux motifs, qui renferment tout l'esprit de la loi.

Nous avons précédemment constaté, en appréciant le caractère de la réforme opérée en 1832, que cette réforme avait été essentiellement incomplète; que le législateur n'avait voulu à cette époque, suivant ses propres expressions, que pourvoir au plus pressé [2]; que, frappé surtout de l'exagération des peines portées par le Code, son seul but avait été d'en abaisser le minimum, afin d'en assurer l'application, et de rétablir

[1] V., à l'appendice, les lois belges du 9 sept. 1814 et 20 janv. 1815, qui permettent aux cours d'assises de modifier la peine de la reclusion et des travaux forcés temps.

La seconde voie consistait simplement à établir, sans entreprendre la réforme du Code pénal, et par une seule disposition qui devait réagir sur toutes les autres, une faculté générale d'abaisser le maximum de toutes les peines. Ce dernier moyen était le plus facile; c'est celui auquel le législateur s'est arrêté.

Ainsi, après avoir proclamé l'excessive élévation des peines, le législateur ajoutait, dans l'exposé des motifs de la loi du 28 avril 1832 : « Il fallait trouver un moyen d'étendre à toutes les matières la possibilité d'adoucir les rigueurs de la loi, autrement que par une minutieuse révision des moindres détails. Pour atteindre ce but, le projet de loi a introduit dans les affaires de grand criminel la faculté d'atténuation que l'article 463 ouvre pour les matières correctionnelles [4]. »

Il résulte de ces paroles que c'est en vue des rigueurs de la loi, c'est pour les adoucir, que le système des circonstances atténuantes a été établi. Leur application est destinée à corriger des dispositions qui n'ont pu être revisées, à abaisser des peines trop rigoureuses, à remplacer une révision générale et reconnue nécessaire du Code. Cette observation est confirmée par le rapport de la chambre des députés.

On lit en effet dans ce rapport : « Le système des circonstances atténuantes sert à éluder de très-graves difficultés qui se présentent dans la législation criminelle; il résoudra, dans la pratique, les plus fortes objections contre la peine de mort, contre la théorie de la récidive, de la complicité, de la tentative. Qu'importe, en effet, que la peine de mort soit une peine égale pour tous, et qui ne peut par conséquent s'appliquer avec équité à des crimes souvent inégaux, si l'admission des circonstances atténuantes permet

[2] Expression de l'exposé des motifs.
[3] . notre t. 1, p. 8.
[4] C. pen. progressif, p. 13.

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