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d'écarter la peine de mort dans les cas les plus favorables? Qu'importe que la récidive ne procède pas toujours d'un progrès d'immoralité, et par conséquent ne mérite pas toujours une aggravation de peine, si, dans les cas privilégiés, l'admission des circonstances atténuantes écarte cette aggravation? Qu'importe que la complicité, si diverse dans ses formes et dans sa criminalité, ne puisse toujours être équitablement assimilée au crime principal, si l'admission des circonstances atténuantes rétablit les différences que l'assimilation générale du complice à l'auteur du crime a négligées? Qu'importe enfin, que la loi égale dans tous les cas la tentative à l'exécution, quoique dans l'opinion publique la gravité d'un crime se mesure en partie aux résultats qu'il a produits, si l'admission des circonstances atténuantes permet au jury de tenir compte à l'accusé du bonheur qu'il a eu de ne pouvoir commettre son crime? Qu'on y pense bien, toutes ces questions si ardues, si controversées, dans l'examen desquelles il serait si difficile, même approximativement, de formuler les différences et de marquer les degrés, peuvent se résoudre avec autant de facilité que de justesse par le système des circonstances atténuantes confié à la droiture du jury [1]. »

la consom

Ainsi, et c'est le législateur qui le déclare, la théorie de la loi sur la tentative, sur la complicité, sur la récidive; cette théorie si critiquée, si controversée, est déférée au jury; le jury est appelé à juger si les peines égales de la complicité sont avouées par la justice, si la tentative doit être frappée du même châtiment que mation, si l'aggravation de la récidive n'est pas une règle trop absolue : la déclaration des circonstances atténuantes doit résoudre tous ces problèmes de la législation, ces questions ardues de droit; cette déclaration doit donc chercher ses éléments en dehors du fait; elle doit donc les chercher dans l'examen du droit lui-même. Il y aura des circonstances atténuantes si le coupable n'a pas consommé son crime, parce que la simple tentative est moins grave que l'exécution entière; il y aura des circonstances atténuantes si les accusés ne sont que des complices, parce que les complices sont coupables à un moindre degré que l'auteur principal; il y aura des circonstances atténuantes si l'accusé se trouve en état de récidive, car cette position le menace d'une aggravation de peine, et cette aggravation est jugée trop rigoureuse. Voilà l'esprit de la loi.

Il suit de là, et tel est le vice du système des circonstances atténuantes que le législateur a [1] C. pen. progressif, p. 20.

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voulu donner comme correctif à un Code défectueux, il suit de là que la loi convie, en quelque sorte, les jurés à méditer sur la proportion des délits et des peines; ils sont nécessairement appelés à vérifier le droit lui-même; ils ne constatent pas seulement les éléments constitutifs du crime, ils en évaluent l'importance, ils examinent si la peine portée par la loi est en proportion avec le crime, et ils se servent des circonstances atténuantes pour la graduer; telle est la première conséquence de ce système, conséquence nécessaire, et, on peut le dire, prévue par le législateur: car, en motivant la faculté qu'il établissait sur la rigueur trop haute des peines, il faisait de cette rigueur une raison légitime de son application; car, en négligeant de déterminer lui-même un plus juste rapport entre les châtiments et les délits, il abandonnait aux juges cette tâche difficile et supérieure peut-être à leurs fonctions.

La deuxième conséquence de cette disposition, conséquence hautement déclarée par le législateur, et qui assure plus que la première une saine distribution de la justice a été de pouvoir tenir compte au prévenu de certaines circonstances du fait, de certains actes personnels qui sont en dehors des excuses légales, et qui modifient essentiellement le caractère de l'imputation.

En effet, la loi pénale résume et incrimine. sous une même dénomination tous les faits qui ont entre eux une ressemblance extérieure et matérielle; ainsi, toute soustraction frauduleuse est un vol, tout homicide volontaire est un meurtre; mais que de classes différentes dans le vol! que de nuances dans l'homicide volontaire! Ces classes multipliées, ces nuances infinies, la loi les néglige; elle saisit les caractères généraux, elle ne descend pas aux caractères particuliers de chaque action. Ensuite elle peut sans doute classer et qualifier les actes, mais elle ne peut classer et qualifier les agents; or, la position de l'agent, son âge, sa profession, son éducation, ses préjugés, impriment à son action mille nuances morales différentes; le même délit n'a pas la même valeur quand il est commis par des agents qui n'ont pas les mêmes lumières, les mêmes besoins, les mêmes passions. La conscience tient compte de toutes ces circonstances, et elle place souvent à de grandes distances des faits que la loi punit de la même peine et confond sous le même nom. A la vérité, notre Code a admis, comme atténuant la culpabilité et la peine, plusieurs faits qui sont qualifiés d'excuses, tels que la minorité au-dessous de 16 ans, la provocation violente, la défense pendant le jour, contre l'effraction ou l'escalade, etc. Mais ces circonstances

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atténuantes sont étroitement définies et ne s'ap- quera la peine des travaux forcés à temps; néanpliquent qu'à quelques crimes, tandis que tous les moins, s'il s'agit de crime contre la sûreté intécrimes sont susceptibles d'atténuation, et que les rieure ou extérieure de l'État, la cour appliquera circonstances atténuantes sont, par leur nature, la peine de la déportation ou celle de la détenindéfinissables et illimitées. C'est pour remédier tion; mais dans les cas prévus par les art. 86, à l'impuissance de ces dispositions générales que 96 et 97, elle appliquera la peine des travaux la loi a introduit dans chaque accusation un forcés à perpétuité ou celle des travaux forcés à droit absolu d'atténuer le crime et la peine, et temps. Si la peine est celle des travaux forcés de rectifier ainsi, par l'appréciation de la con- à perpétuité, la cour appliquera la peine des science, l'appréciation générale de la loi. travaux forcés à temps ou celle de la reclusion. Maintenant faut-il préciser ce qu'on doit en-Si la peine est celle de la déportation, la cour tendre par circonstances atténuantes? La loi ne appliquera celle de la détention ou du bannisseles a point définies, et cette définition était évi- ment. Si la peine est celle des travaux forcés demment inutile. Cette expression renferme en à temps, la cour appliquera la peine de la reeffet, ainsi qu'on vient de le dire, tous les faits, clusion ou les dispositions de l'art. 401, sans toutes les considérations, soit qu'elles soient pui-toutefois pouvoir réduire l'emprisonnement ausées dans les circonstances du fait, dans la posi-dessous de deux ans. Si la peine est celle de tion personnelle de l'agent, ou dans la sévérité trop rigoureuse de la loi, qui peuvent ou modifier la culpabilité, ou motiver une atténuation de la peine. Voici, du reste, dans quels termes l'exposé des motifs expliquait cette expression : «Les circonstances atténuantes ne sont pas des accessoires du fait principal; elles sont une partie essentielle de ce fait lui-même, et elles déterminent son plus ou moins haut degré d'immoralité; ce vol est moins criminel parce que le coupable n'a pas eu pleine conscience de son crime, parce qu'il a été séduit, passionné, parce qu'il a fait des aveux, témoigné du repentir, essayé une réparation. Comment détacher du fait principal ces circonstances? comment les préciser dans leur variabilité? comment s'exposer à leur donner la consistance trompeuse d'une jurisprudence avec ses généralités et ses règles? N'est-il pas mille circonstances qui, atténuantes dans beaucoup de cas, seront aggravantes pour d'autres? Les différences d'âge, de sexe, de fortune; les passions, les intérêts, les habitudes, ne font ils pas présumer tantôt une perversité plus profonde, tantôt de justes droits à la pitié [1].

la reclusion, de la détention, du bannissement ou de la dégradation civique, la cour appliquera les dispositions de l'art. 401, sans toutefois pouvoir réduire l'emprisonnement au-dessous d'un an. Dans tous les cas où le Code prononce le maximum d'une peine afflictive, s'il existe des circonstances atténuantes, la cour appliquera le minimum de la peine ou même la peine inférieure. »

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Nous allons successivement examiner chacune de ces dispositions.

En premier lieu, il faut remarquer qu'elles sont générales et s'appliquent à tous les crimes, soit qu'ils soient prévus par le Code, soit par une autre loi que le Code; cela résulte formellement de ces termes de l'art. 463, les peines prononcées par la loi. La faculté d'atténuation s'étend donc à toutes les peines, quelle que soit la loi qui les prononce. Cette règle résulte encore du texte de l'art. 341 du Code d'instruction criminelle, qui autorise la déclaration des circonstances atténuantes, en toute matière criminelle, sans faire aucune distinction de la qualité des accusés et de la nature des crimes; ainsi il importe peu que le fait soit puni par une loi anl'ar-térieure ou postérieure au Code, que cette loi appartienne à la législation générale ou à une législation spéciale; il suffit que ce fait soit qualifié crime ou qu'il soit frappé d'une peine afflictive ou infamante, pour que le bénéfice de l'article 463 soit acquis à l'accusé.

Après ces considérations générales, nous allons arriver à l'examen des dispositions de ticle 463. Ces dispositions se divisent en deux parties, suivant qu'elles s'appliquent aux matières criminelles ou aux matières correctionnelles [2].

Celles qui s'appliquent aux faits qualifiés crimes par la loi sont ainsi conçues : « Les peines prononcées par la loi contre celui ou ceux des accusés reconnus coupables, en faveur de qui le jury aura déclaré des circonstances atténuantes, seront modifiées ainsi qu'il suit : Si la peine prononcée par la loi est la mort, la loi appli

[1] C. pen. progressif, p. 349,

Cette interprétation a été consacrée par la cour de cassation, dans une espèce où l'accusé était traduit devant les assises pour crime de provocation à la désertion. Le jury l'avait déclaré coupable avec des circonstances atténuantes. Mais la cour d'assises avait décidé :

[2] V. plus haut la note de l'Éditeur belge, p. 224.

« que l'art. 463 ne peut être appliqué que dans les matières prévues par le Code, à moins de dispositions expresses placées dans une autre loi et qui déclarent cet article applicable; qu'il s'agit de l'application d'une loi spéciale, celle du 4 nivôse an 4, qui n'a reçu aucune modification par les dispositions du Code pénal; qu'en effet ce Code, dans son art. 484, dispose qu'il n'est point dérogé aux matières réglées par des lois ou règlements particuliers, que les cours et tribunaux continueront d'observer; que la cour ne doit donc avoir aucun égard à la partie de la déclaration du jury portant qu'il existe des circonstances atténuantes en faveur de l'accusé. » Mais cette décision a été cassée par la cour de cassation: «< Attendu que les dispositions de l'art. 463 sont aussi indéfinies qu'absolues; que par la généralité de ses expressions il embrasse nécessairement toutes les peines prononcées par une loi quelconque encore subsistante contre l'accusé reconnu coupable d'un crime, en faveur duquel le jury a déclaré des circonstances atténuantes; qu'en effet, lorsque dans le même article on a voulu appliquer l'échelle de réduction aux seules peines prononcées par le Code pénal lui-même, le législateur s'en est expliqué formellement au dernier paragraphe dudit article, que l'art. 484 se borne à maintenir les dispositions pénales sans lesquelles des lois spéciales et des règlements particuliers, quoique non renouvelés par le Code pénal dans des matières qui n'ont pas été réglées par le Code même, resteraient sans exécution; que cet article n'a pu avoir pour objet d'apporter aucune restriction à l'art. 463, dont les dispositions générales s'appliquent nonseulement à tous les crimes prévus par le Code pénal, mais encore à ceux que punit toute autre loi non abrogée [1]. »

L'art. 463 restreint, toutefois, sa disposition aux accusés reconnus coupables en faveur de qui le jury aura déclaré des circonstances atténuantes. La conséquence est que la cour d'assises est seule compétente pour faire l'application de cet article, puisque ce n'est que devant la cour d'assises que les formes prévues par la loi peuvent être suivies.

Cependant cette conséquence a été contestée: la question s'est élevée de savoir si l'art. 463 pouvait être appliqué par les conseils de guerre aux crimes militaires. Le procureur général près la cour de cassation a résolu cette question affirmativement: « Il s'agit, a dit ce magistrat, de l'application d'un grand principe de la législation criminelle qui plane sur toutes les juri

[1] Cass., 27 sept. 1832.

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dictions, et qui, laissant à chaque Code sa spécialité, permet cependant de modifier les peines, non par emprunt d'un Code à l'autre, mais en raison des circonstances atténuantes de la cause. Lorsque la loi est muette, les tribunaux militaires doivent appliquer la loi générale. Ce principe est consacré formellement, même pour l'application des peines, par l'art. 18 du titre 23 du décret du 3 pluviose an 2. S'il en est ainsi lorsqu'il s'agit de pénalités, lorsqu'il s'agit d'emprunter au Code pénal ordinaire une peine, à plus forte raison doit-il en être de même lorsqu'il s'agit d'un grand principe de droit criminel. Pour l'exclure de la juridiction militaire, il faudrait prouver qu'il est incompatible avec cette juridiction, et repoussé par sa nature; mais bien loin de là. Si la faculté de déclarer l'existence de circonstances atténuantes ne peut produire que d'heureux effets, c'est surtout dans la juridiction militaire, où le besoin de la discipline a rendu la pénalité si rigoureuse. J'arrive à l'objection prise de l'organisation des conseils de guerre, et de la forme de leurs délibérations. L'organisation des conseils de guerre, bien loin de répugner à l'application de la loi du 28 avril 1835, se prête autant que celle du jury à son exécution littérale. Il est vrai que les mêmes juges prononcerout sur le fait et sur le droit; mais ces deux fonctions, quoique confiées aux mêmes personnes, sont bien distinctes quant à leur exercice, et conservent, autant que la juridiction militaire le comportait, le même caractère que dans le jury. Ainsi, d'après l'art. 30 de la loi du 13 brumaire an 5, la délibération et la déclaration sur le fait ont lieu d'abord. Ce n'est qu'après que cette déclaration est faite et acquise au procès que la peine est requise; peu importe donc à la question que ce soient les mêmes juges qui aient ensuite à appliquer la peine. Enfin on peut dire que la théorie des circonstances atténuantes est particulièrement autorisée par la législation militaire; en effet, j'en trouve le principe expressément consacré par une disposition législative qui ne paraît avoir été abrogée par aucun texte précis de la loi. L'art. 20 de la loi du deuxième jour complémentaire est ainsi conçu : « Le conseil prononcera sur tous délits les peines portées au Code pénal militaire; il pourra cependant les commuer et même les diminuer, suivant que les cas ou les circonstances en atténueront la gravité; il ne pourra jamais les augmenter. >>

La cour de cassation a rejeté ce système. « Attendu que les lois antérieures ne sont abrogées ou modifiées par les lois postérieures qu'autant que celles-ci ont eu évidemment pour objet de statuer sur les mêmes matières; qu'il est évi

er

Nous ferons d'abord une remarque qui n'est pas sans intérêt : c'est que le germe du système des circonstances atténuantes se trouvait dans la législation militaire elle-même longtemps avant qu'il devint un principe du Code pénal. L'art. 20 de la loi du deuxième jour complémentaire an 3 autorise les conseils de guerre à commuer et même à diminuer les peines portées au Code pénal militaire, suivant que les cas ou les circonstances en atténueront la gravité. Ainsi c'est dans un texte de la législation militaire que se rencontre le principe de cette théorie; on ne peut donc la proclamer incompatible avec cette juridiction, puisque déjà, en certains cas, elle en a été en possession. Le procureur général Dupin a d'ailleurs parfaitement établi dans son réquisitoire que les conseils de guerre, dans leur organisation actuelle, se prêtaient avec facilité à l'application de ce système, et qu'aucune règle de cette organisation n'y formait obstacle. Ce n'est pas non plus sur ce point qu'ont porté les objections qui ont repoussé le réquisitoire; nous ne nous arrêtons point à celle qui a été tirée des art. 5 et 484, C. pén.; ces deux articles n'ont jamais fait obstacle à l'application par la juridiction militaire, soit des principes généraux du Code sur la tentative ou sur la complicité, soit des dispo

dent, par le texte même de la loi du 28 avril | nuation de la peine prononcée par les jugements 1832, qu'elle n'a eu d'autre objet que de modi- attaqués constitue un véritable excès de poufier le Code pénal de 1810 et le Code d'instruc-| voir [1]. » tion criminelle de la même époque, et que la législation militaire n'a dû ni pu, par conséquent, en recevoir aucune atteinte; que l'article 5 du Code pénal de 1810 déclare explicitement que ses dispositions ne s'appliquent pas aux contraventions, délits et crimes militaires, et que l'art. 484 réserve itérativement d'une manière explicite l'effet et le maintien intégral de la législation militaire; et qu'enfin les art. 5 et 484 ne sont pas du nombre de ceux dont la loi du 28 août 1832 a prononcé l'abrogation ou la modification; que la discussion de cette loi dans le sein des deux chambres législatives n'offre aucune trace de l'intention du législateur d'étendre l'application des circonstances atténuantes aux faits militaires; et que, au contraire, plusieurs amendements ayant pour objet d'étendre cette disposition nouvelle aux délits et contraventions non prévus par le Code pénal de 1810, ont été rejetés; d'où il suit que les circonstances atténuantes n'étant pas admises pour les simples délits militaires, elles ne peuvent l'être pour les crimes militaires; que si le §1" de l'art. 94 de la loi du 28 avril 1832, qui forme l'art. 465 du Code pénal, parle en général de l'application des circonstances atténuantes aux peines prononcées par la loi, cette expression ne peut pas s'entendre en ce sens qu'elle s'appliquerait aux peines prononcées par les lois militaires, puis-sitions particulières qui manquaient à la légisque cette interprétation serait en contradiction formelle avec les art. 2 et 12 de la même loi et avec les art. 5 et 484 du Code pénal; que d'ailleurs les §§ 2 et suivants de l'art. 463 précité règlent, d'après l'échelle des peines prononcées par le Code pénal ordinaire, l'effet des circonstances atténuantes admises pour chacun des crimes prévus et classés par le même Code; d'où il suit que cette échelle proportionnelle de réduction ne saurait s'appliquer à des peines et des crimes portés par les lois militaires et qui peuvent être classés d'une manière tout à fait différente des lois ordinaires; que dès lors les conseils de guerre et les conseils de révision qui ont appliqué à des faits de leur juridiction l'article 463 du Code pénal revisé en ont fait une fausse application; que la faculté d'atténuer les peines en certains cas, qui était attribuée aux conseils militaires par l'art. 20 de la loi du deuxième jour complémentaire an 3, n'a pas été conférée aux conseils de guerre par la loi de leur institution, qui est en date du 15 brumaire an 5, et qui est d'ailleurs en opposition avec les dispositions combinées des art. 32, 33 et 42 de cette dernière loi; d'où il suit que l'atté

lation spéciale; ils doivent donc être écartés de la discussion. Mais il est certain, et sous ce rapport l'arrêt de la cour de cassation nous paraît sans réplique, que le système des circonstances atténuantes exige une échelle proportionnelle de réduction des peines; que cette échelle n'existe pas dans la loi militaire; qu'on ne peut appliquer à cette législation les dispositions de l'article 463, puisque les peines ne sont pas les mêmes; d'où il suit qu'il y a nécessité évidente, pour l'application de ce système, d'une disposition nouvelle qui classe les peines du Code militaire et détermine leurs substitutions successives en cas de circonstances atténuantes. La lacune de la loi est incontestable, et le législateur peut seul la remplir. Est-ce par analogie que les conseils de guerre pourraient fixer le maximum et le minimum de la peine des fers, substituer à cette peine celle du boulet, à celle du boulet celle des travaux publics? L'interprétation a ses limites; elle s'arrête quand il s'agit, non plus d'expliquer une disposition, mais d'établir et de créer une disposition nouvelle, qui

[1] 2 mars 1853.

ténuer.

serait destinée à modifier une législation spé- | pourra faire usage à la fois de la faculté de l'atciale, sans que le législateur ait provoqué cette modification. La cour de cassation n'a donc pu que s'attacher rigoureusement à des dispositions qu'elle n'avait aucun pouvoir pour ren

verser.

Mais la question a deux faces distinctes. L'arrêt de la cour de cassation, il importe de le remarquer, ne s'applique qu'aux crimes et délits purement militaires, aux peines qui seraient puisées dans le Code militaire; ce n'est qu'à l'égard de ces peines qu'elle rejette l'application d'un système d'atténuation qui n'aurait ni base ni règle de proportion. On peut donc induire implicitement des expressions mêmes de l'arrêt que la décision eût été différente s'il se fût agi d'un délit commun commis par un militaire. Et en effet, toutes les fois que les tribunaux militaires empruntent au droit commun, au Code pénal ordinaire les peines qu'il prononce, il semble bien difficile de leur dénier le droit de graduer ces peines suivant les règles fixées par ce Code. On peut refuser d'appliquer à une législation spéciale et indépendante du Code l'article 465. Mais comment isoler cet article des dispositions qui l'accompagnent et dont il est l'accessoire nécessaire? Nous avons vu que le législateur a voulu s'épargner le soin d'une révision appliquée à chaque peine, et qu'après avoir reconnu l'excessive sévérité de ses dispositions, il s'est borné à écrire à la fin de son Code un grand principe d'atténuation dont il a confié l'application aux juges. Ce principe domine toutes les peines du Code pour les altérer, les modifier, les adoucir; le degré auquel elles sont fixées est purement nominal; leur taux réel est écrit dans l'art. 463. Ainsi, lorsque l'une de ces peines est appliquée, elle ne peut l'être qu'avec la faculté d'atténuation qui l'accompagne. On objecterait vainement que cette atténuation ne peut être prononcée que par la cour d'assises, sur la déclaration des jurés; car, si la loi pénale n'a dû prévoir que le cas le plus ordinaire, elle n'a pu, par son seul silence, séparer dans un cas quelconque l'art. 463 des dispositions auxquelles il se lie nécessairement. Les juges militaires sont juges et jurés à la fois; ils peuvent donc, après avoir constaté des circonstances atténuantes, et en empruntant au Code une de ses dispositions répressives, graduer la peine d'après l'échelle de l'art. 465; autrement il faudrait soutenir que la juridiction militaire doit punir les délits communs d'une peine plus forte que celle que prononcent les juges ordinaires, par cela seul qu'elle en fait l'application. Nous n'hésitons donc pas à penser que le conseil de guerre qui appliquera une pénalité du Code

CHAUVEAU. T. IV. ÉD. FRANÇ, T. VIII.

De là cette double solution, que les tribunaux militaires peuvent faire usage de cette faculté quand ils appliquent les dispositions du droit commun, et qu'ils ne le peuvent plus quand les peines qu'ils prononcent sont purement militaires. Cette solution, il faut le reconnaître, accuse hautement la législation, car elle interdit l'application de cette salutaire atténuation à l'égard des lois militaires dont la rigueur a été tant de fois proclamée, et elle produit cette conséquence que le militaire qui seul aurait commis un crime encourra une peine plus grave que s'il a eu des complices non militaires qui l'auraient entraîné devant la cour d'assises, tandis que cette complicité est, en droit pénal, une circonstance aggravante du fait. La seule conclusion qu'on doit tirer de cette contradiction et de toute cette discussion, c'est que c'est au législateur et non à la jurisprudence que la loi militaire doit demander des modifications, et que cette révision, devenue urgente, ne devrait plus attendre de longs délais.

Une autre question s'est élevée récemment. Le bénéfice des circonstances atténuantes doit-il appartenir aux contumax? La cour d'assises, qui prononce dans ce cas sans assistance de jurés, a-t-elle le droit de déclarer l'existence de ces circonstances en faveur de l'accusé? La cour d'assises d'Indre-et-Loire a décidé cette question affirmativement: « Attendu que les cours d'assises qui ont le droit de prononcer l'acquittement des accusés contumax peuvent, à fortiori, admettre des circonstances atténuantes et modérer les peines. » Cet arrêt a été déféré à la cour de cassation qui l'a annulé : « Attendu qu'il résulte de la combinaison des art. 463 C. pén., et 341, C. d'inst. crim., que le droit de déclarer des circonstances atténuantes, en matière criminelle, en faveur des accusés reconnus coupables, n'appartient qu'au jury; que l'attribution faite d'un tel pouvoir au jury, par le premier alinéa de l'art. 463, C. pén., est de sa nature limitative; qu'elle ne peut par conséquent, par des motifs quelconques d'analogie, être étendue aux cours d'assises procédant sans assistance ni intervention de jurés, conformément à l'art. 470, C. d'inst. crim., au jugement des accusés contumax ; que l'existence des circonstances atténuantes ne saurait d'ailleurs être reconnue et déclarée que par le résultat d'un débat oral et contradictoire, que repousse formellement l'article 468, Code d'instruction criminelle, relatif au jugement par contumace dont les éléments ne sont puisés que dans l'instruction

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