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écrite [1]. » Cette solution lève-t-elle tous les | tion? L'accusé n'est plus, comme sous la loi dradoutes que la question fait naître? ses motifs sont-ils complétement satisfaisants?

conienne du 4 thermidor an 2, réputé coupable par cela seul qu'il est absent, les juges ont la mission expresse de prononcer sur le fond des accusations, d'apprécier les faits qui en font la base et de les juger; ce pouvoir emporte nécessairement la faculté de les qualifier, suivant les circonstances et les modifications qui résultent de l'instruction.

Toute la difficulté de la question est donc dans les textes. Il est certain que l'art. 341, C. d'inst. crim. et l'art. 463, C. pén. n'ont prévu, en organisant le système des circonstances atténuantes, que le cas où ces circonstances seraient déclarées par le jury. Le cas du débat contradic

En premier lieu, la cour de cassation affirme, comme une raison déterminante, que les circonstances atténuantes ne peuvent être reconnues que par un débat oral et contradictoire. Or, cette assertion est-elle exacte? N'est-il pas possible que, d'après les pièces mêmes dans la nature des faits, dans les interrogatoires écrits des témoins, la cour d'assises relève des faits d'excuse et d'atténuation? Dans la plupart des procédures criminelles, les circonstances du crime ne sont-elles pas clairement établies par l'instruction écrite, et le juge ne peut-il pas dès lors apprécier avec précision la moralité et le véri-toire est en effet le cas le plus ordinaire, celui table caractère des faits? La cour d'assises peut reconnaître, sur la procédure écrite, la nonexistence des circonstances aggravantes et les écarter; elle peut reconnaitre, sur les mêmes pièces, l'innocence de l'accusé et l'acquitter. Par quel motif cette procédure ne serait-elle vide d'éléments de décision qu'en ce qui concerne les circonstances atténuantes? Que l'on prétende que ces circonstances plus indéfinies, plus vagues, plus indéterminées, quelquefois même attachées à la personne mème de l'accusé, seront plus difficiles à constater en son absence, cela se conçoit. L'unique conséquence sera qu'elles seront constatées moins souvent, mais non qu'elles ne pourront jamais l'être. Ainsi le motif tiré de la prétendue impossibilité de reconnaitre les faits d'atténuation, sans un débat oral, ne nous parait pas fondé.

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où doit s'appliquer la règle générale; le jugement des contumax est une exception. Mais quelle est la conséquence de ces dispositions? C'est que le jury, tant qu'il siége, peut seul reconnaître les circonstances atténuantes; la connaissance de ce fait lui est dévolue comme celle de tous les autres faits de l'accusation. Quand le jury a cessé de siéger, quand ses pouvoirs sont attribués aux juges, quand ceux-ci cumulent les fonctions de juges et de jurés, pourquoi seraientils privés d'une seule des attributions de ces jurés? Ils pourront prononcer comme eux sur tous les faits de l'accusation, excepté sur les faits d'atténuation. Il faut reconnaître qu'en matière de contumace les juges sont jurés, et leur laisser dès lors la faculté autorisée par les art. 341 et 463.

Suivons d'ailleurs les conséquences de l'interEnsuite cette déclaration à l'égard des contu- prétation de la cour de cassation. Supposons que max rentre évidemment dans l'esprit général de la cour d'assises jugeant un contumax ait écarté la loi. En effet, aux termes de l'art. 471, C. d'inst. les circonstances aggravantes, et reconnu au fait crim., la cour d'assises peut acquitter ou absou- le caractère d'un simple délit; dans ce cas, plus dre l'accusé contumax; elle peut dépouiller le de difficulté : elle pourra appliquer l'art. 465, fait qui lui est soumis de son caractère de crime, et, en vertu de la dernière disposition de cet aret ne prononcer que des peines correctionnelles ticle, atténuer les peines. Elle siége alors en ou des peines de simple police [2]; enfin elle effet comme tribunal correctionnel; elle en peut statuer sur les questions d'excuse résul- exerce les pouvoirs; elle n'usurpe aucune attritant du procès [3]. Ainsi la cour d'assises fait bution du jury. Or, ne serait-ce pas une étrange fonctions de jurés en prononçant définitivement contradiction que la même cour pût déclarer des l'acquittement du contumax; elle fait fonctions circonstances atténuantes quand le fait n'aurait de jurés en appréciant les faits de l'accusation, que le caractère d'un délit, et ne le pût pas quand en écartant les circonstances aggravantes, en acil aurait le caractère d'un crime? Ne serait-il cueillant ou rejetant les faits d'excuse. Comment pas singulier que pour exercer légalement le donc la loi peut-elle lui dénier le droit de décla- pouvoir qu'on lui refuse, il lui suffit d'écarter rer les circonstances atténuantes de la cause? les circonstances aggravantes du fait? Ne seraitQuel pourrait être le motif d'une telle restric-il pas contraire aux règles de la logique que le

[1] Cass., 4 mars 1842.

[2] Cass., 27 août 1819, 1er juill. 1820, 5 août 1825 et 9 juill, 1829.

[3] Cass., 29 juill. 1813.

juge pût réduire presque indéfiniment les pei- | sera point toujours illusoire. Il est des crimes si nes les plus légères, et fût astreint à appliquer, sans les modifier, les peines les plus graves?

Il ne nous paraît donc pas que les textes des Codes s'opposent à ce que les cours d'assises, siégeant sans assistance de jurés, déclarent les circonstances atténuantes en faveur des accusés; et il serait hautement à désirer que cette doctrine, favorable aux véritables intérêts de la justice, fut consacrée par la jurisprudence [1].

Nous sommes arrivés maintenant à l'échelle proportionnelle de réduction établie par l'article 463. Chacun des alinéa de cet article propose, pour substituer aux peines portées par la loi, des peines inférieures dont il détermine la nature et la durée.

atroces que, dans ces cas rares et exceptionnels, les jurés voisins des lieux où le crime a été commis, encore tout émus de l'effroi qu'il a causé, n'arrêteront pas la juste rigueur de la loi, et ces exemples de sévérité suffiront pour prévenir ces crimes et effrayer ceux qui seraient tentés de les commettre [2] »

S'il s'agit de crimes contre la sûreté intérieure ou extérieure de l'État, la cour d'assises substitue à la peine de mort, non plus la peine des travaux forcés, mais celle de la déportation ou de la détention. La latitude est la même le mode d'exécution de ces peines exclusivement politiques établit seul une différence; toutefois, dans les cas prévus par les art. 86, 96 et 97, C. pén., qui prévoient les attentats contre la vie Le premier de ces alinéa prévoit le cas où la des membres de la famille royale, les attaques à peine de mort est prononcée par la loi. La cour main armée par des bandes contre les places, d'assises, lorsque le jury a déclaré des circon- magasins, arsenaux et propriétés de l'État, et les stances atténuantes, ne peut appliquer que la crimes de la guerre civile, les peines substituées peine des travaux forcés à perpétuité, et peut demeurent celles des travaux à perpétuité et à même n'appliquer que celle des travaux forcés à temps; le motif de cette restriction est que, dans temps, depuis 20 ans, maximum de cette peine, ces trois hypothèses, l'attentat politique se comjusqu'au minimum de cinq ans. Cette atténua-plique d'un crime commun de la nature la plus tion est la plus forte que le législateur ait lais-grave. sée au pouvoir des juges. Il semble qu'entre la peine de mort et une peine de cinq ans, il existe un abime qui impose à la magistrature de bien graves obligations. La chambre des pairs a été émue de cette grande latitude : « La question, disait le rapporteur de cette chambre, est plus grave pour l'application de la peine de mort. Il faut reconnaître que les jurés, sur qui seuls pèsera la responsabilité d'une condamnation capitale, se décideront avec peine à la prononcer, embarrassés dans tous les systèmes de philosophie spéculative que l'on plaidera devant eux; ils iront même quelquefois jusqu'à méconnaître le droit que la loi leur laisse, et, au milieu des doutes qu'on parviendra à élever dans leur esprit, ils repousseront souvent l'application légitime et juste de la peine de mort. Mais, tandis que ce résultat possible de la loi proposée par le gouvernement paraît à quelques esprits mettre en péril la société, d'autres au contraire, ne pensant pas qu'il soit besoin, pour conserver la paix publique, du remède extrême de la peine de mort, trouvent dans le projet l'immense avantage de l'abolir ainsi par le fait et graduellement, sans l'effacer encore de la loi. La peine de mort menacera sans cesse, et cette menace ne

[1], en ce sens, une excellente dissertation de Ch. Berriat-Saint-Prix, dans la Revue étrangère de législ., 1842, t. 9, p. 521.

Les alinéa 2, 3 et 4 ne peuvent donner lieu à aucune difficulté. Lorsque la peine portée par la loi est celle des travaux forcés à perpétuité, la cour d'assises applique, en cas de circonstances atténuantes, la peine des travaux forcés à temps, et peut même descendre à celle de la reclusion; lorsque la peine est la déportation, la cour applique celle de la détention, et peut même appliquer celle du bannissement; enfin, lorsque la peine est celle des travaux forcés à temps, la cour applique celle de la reclusion, et peut même descendre à un emprisonnement dont le minimum est alors de deux années. Ces dispositions sont claires et ne sont pas susceptibles de faire naître des questions difficiles.

Aux termes du 5o alinéa, si la peine est celle de la reclusion, de la détention, du bannissement ou de la dégradation civique, la cour d'assises applique la peine de l'emprisonnement depuis cinq ans jusqu'à un an; la cour d'assises ne pourrait, au lieu de l'emprisonnement, se borner à abaisser le maximum de la reclusion ou de la détention. Ainsi, dans une espèce où l'accusé avait été déclaré coupable de vol commis de nuit et dans une maison habitée, avec des circonstances atténuantes, les juges avaient

[2] V., C. pén. progressif, t. 31, p. 32.

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quer la peine inférieure; telle est l'interprétation consacrée par la cour de cassation [2].

cru pouvoir appliquer la peine de trois ans de reclusion. Cet arrêt a été déféré à la cour de cassation : « D'une part, a dit le procureur gé- Il résulte, toutefois, de l'alinéa qui fait l'objet néral, la durée de la peine de la reclusion, aux de notre examen, une sorte d'anomalie : la cour termes de l'art. 21, C. pén., ne peut jamais être d'assises est forcée par la déclaration du jury moindre de 5 années; d'autre part, lorsqu'il y a d'abaisser la peine au minimum des travaux fordéclaration de circonstances atténuantes en fa-cés, c'est-à-dire à 5 ans, et la loi lui laisse enveur d'un accusé, l'art. 463 règle la manière dont la peine doit être modifiée par le juge. Dans le cas où, comme dans l'espèce, il s'agit d'un crime dont la peine serait celle de la reclusion, cet article ne laisse pas au pouvoir du juge d'accorder seulement, en considération des circon-il s'ensuit qu'il existe une véritable contradiction stances atténuantes, une diminution du temps de la reclusion, mais la loi substitue formellement à cette peine de la reclusion celle de l'article 404, c'est-à-dire de simples peines correctionnelles [1]. »

Enfin et d'après le 6 alinéa, dans le cas où le Code prononce le maximum d'une peine afflictive, s'il existe des circonstances atténuantes, la cour appliquera le miinmum de la peine, ou même la peine inférieure. Cette disposition a donné lieu à quelques difficultés, dans le cas où le maximum de la peine est prononcé par la loi, non à raison de la nature du fait, mais à raison de l'état de récidive du condamné. Ainsi, par exemple, l'art. 56, C. pén., porte, dans son paragraphe cinq, que si le second crime emporte la peine des travaux à temps, l'accusé sera condamné au maximum de la même peine, laquelle pourra être élevée jusqu'au double. Quel est dans ce cas l'effet de la déclaration des circonstances atténuantes? Quelques cours d'assises avaient pensé que cette déclaration devait avoir pour unique résultat d'anéantir l'aggravation motivée par la récidive, de sorte que la peine des travaux forcés aurait pu être encore graduée du maximum au minimum. Cette interprétation était évidemment une erreur : si l'accusé déclaré coupable, avec des circonstances atténuantes, d'un crime passible de la peine des travaux forcés à temps, ne se trouvait pas en état de récidive, la cour d'assises ne prononcerait pas la reclusion, et même pourrait n'appliquer que la peine de deux ans d'emprisonnement. L'état de récidive ne supprime que l'un de ces deux degrés d'atténuation. La peine des travaux forcés se trouvant élevée, par cette circonstance, au maximum, c'est le cas d'appliquer le 6 alinéa de l'article, et de le réduire au minimum qui est de 5 ans, et même, si la cour d'assises le juge convenable, d'appli

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suite la faculté, en supposant qu'elle trouve cette atténuation insuffisante, d'appliquer la peine inférieure, c'est-à-dire 10 ans de reclusion. Or, comme les peines puisent leur rigueur dans leur durée plus que dans le mode de leur exécution,

à laisser aux juges la faculté d'augmenter cette durée en descendant l'échelle de réduction établie par la loi. Il aurait fallu que la cour d'assises ne pût prononcer, en se servant de ce second degré d'atténuation, que le minimum de la reclusion; mais la loi n'a pas fixé cette limite.

En descendant même à la peine de la reclusion, la cour d'assises ne peut, en se fondant sur la déclaration des circonstances atténuantes, dispenser le condamné de l'exposition publique, lorsqu'il se trouve en état de récidive. En effet, l'exposition est inséparable de la peine de la reclusion, aux termes de l'art. 22, C. pén., quand le condamné est en récidive; et la déclaration des circonstances atténuantes n'efface pas la récidive, elle ne fait qu'en atténuer les effets [5].

La déclaration des circonstances atténuantes, dans les dispositions que nous venons de parcourir, a un double effet : elle entraîne nécessairement la diminution d'un degré de la peine; ce premier degré est la conséquence immédiate de la décision du jury. Elle ouvre ensuite à la cour d'assises la faculté de descendre un second degré ce second degré n'est qu'une circonstance médiate de cette déclaration. La cour n'acquiert le droit de l'appliquer que par l'effet du vote du jury; mais ce n'est qu'un droit dont elle reste libre d'user ou de ne pas user.

Dans le cinquième seulement, la déclaration du jury faisant descendre immédiatement la peine à l'emprisonnement, le droit facultatif de la cour se borne à graduer cette dernière peine dans les limites de deux ans à cinq ans.

Mais quel est l'effet de la déclaration des circonstances atténuantes, quand le fait a été dépouillé des circonstances qui en faisaient un crime, et qu'il ne constitue, d'après le verdict du jury, qu'un simple délit? Cette question n'a

[1] Cass., 26 déc. 1835.

[2] Cass., 31 juill. 1851, 22 juill. 1836, 4 mars 1838 et 31 mars 1840.

[3] Cass., 9 janv. 1854, (2, aussi notre t. 1, P. 129.)

point été explicitement résolue par la loi. Il faut | d'abord rappeler le principe que le droit de déclarer les circonstances atténuantes n'appartient au jury qu'en matière criminelle, et ne se rapporte point à la juridiction, mais à la nature des faits qui sont traduits devant cette juridiction. Ainsi un amendement avait été proposé pour substituer à ces mots en matière criminelle, ceux-ci en toute matière soumise au jury. Cette proposition fut rejetée sur l'observation suivante du rapporteur : « Le système des circonstances atténuantes ne peut se combiner qu'avec un système de gradation de peines; or, en matière de délit, il n'y en a pas. Je suppose, en effet, que le délit doive entraîner une peine d'un à cinq ans, si le jury admet les circonstances atténuantes, il faudra descendre aux peines de police, c'est-à-dire à cinq jours de prison; dès lors l'art. 463 serait totalement écarté; car, dans la législation actuelle, les juges peuvent réduire les peines, mais en restant, s'ils le jugent convenable, dans les limites des peines correctionnelles. » Ces paroles indiquent que la volonté des rédacteurs de la loi n'a point été d'étendre aux simples délits le droit du jury de déclarer des circonstances atténuantes; cette théorie est confirmée par le texte de l'art. 463. Cet article, qui mesure tous les degrés d'atténuation auxquels la cour d'assises peut descendre, n'a point prévu dans cette énumération le cas où, par suite de la réponse du jury la peine applicable est purement correctionnelle. Il faut en conclure que le jury ne peut provoquer cette atténuation que lorsque la peine est afflictive et infamante; autrement comment comprendre le double degré de cette atténuation? quels seraient son mode d'exécution et ses limites? Lorsque le fait puise dans la déclaration du jury un caractère purement correctionnel, la cour d'assises doit agir comme dans le cas où ce caractère aurait toujours existé, et comme l'eût fait la juridiction correctionnelle; elle n'est plus liée par la déclaration du jury sur les circonstances atténuantes; elle reste libre d'appliquer ou de ne pas appliquer le dernier paragraphe de l'art. 463. Ce système n'est point toutefois sans objection. En matière de simple délit soumis au jury, la déclaration des circonstances atténuantes lui est interdite; dans l'espèce, au contraire, où le fait avait le caractère de crime aux yeux de l'accusation, le jury a été formellement provoqué à déclarer l'existence de ces circonstances. Comment donc ôter tout effet à cette déclaration légalement intervenue? N'est-ce pas ensuite enlever au jury le jugement d'une question de fait, puisque les circonstances atténuantes ne sont qu'une modification du fait? Enfin un fait ne

peut-il pas présenter des circonstances atténuantes, même après avoir écarté des circonstances qui aggravaient son caractère? Il est facile de répondre à ces objections. En matière criminelle, la puissance des juges de fait et de droit est soigneusement séparée, et cependant il serait difficile de tracer une limite certaine entre ces deux pouvoirs, puisque les juges du droit ne sont pas seulement appelés à appliquer la peine, et qu'ils doivent encore en mesurer la quotité sur la gravité du délit, dont ils doivent par conséquent apprécier la valeur. Ces deux pouvoirs sont confondus dans les juges correctionnels; mais il existe, si l'on peut parler ainsi, une matière mixte, à savoir, les jugements des simples délits par la cour d'assises. La mission du jury est limitée à déclarer l'existence du fait, sans pouvoir en apprécier la gravité morale par la déclaration des circonstances atténuantes; là aussi la mission de la cour d'assises est étendue au droit de faire cette appréciation. Or, pour appliquer ces règles de délimitation de pouvoirs, ce n'est pas le titre de l'accusation, c'est le caractère du fait tel que les jurés l'ont reconnu constant, qu'il faut considérer; en effet, d'après l'art. 463, le pouvoir de la cour d'assises est gradué et déterminé dans chaque espèce sur le résultat de la déclaration du jury. Donc, ou le fait est punissable d'une peine afflictive et infamante, ou d'une peine correctionnelle. Dans le premier cas, et si des circonstances atténuantes sont déclarées, les juges sont tenus d'abaisser la peine dans les limites fixées par la loi; dans le second cas, les juges reprennent la portion de pouvoir qui leur est attribuée en matière correctionnelle. Le jury a épuisé sa puissance en modifiant le caractère du fait; c'est à la cour seule qu'il appartient de mesurer l'importance de ce fait pour graduer la peine. On ne pourrait s'écarter de cette règle sans confondre toutes les dispositions de la loi; car elle n'a point posé en principe général que toutes les fois que des circonstances atténuantes seraient déclarées il y aurait lien d'abaisser la peine d'un ou deux degrés; elle a prévu le résultat de chaque déclaration, et a mesuré le degré où chaque fois le juge pourrait descendre. Enfin, quel serait le résultat de la déclaration faite par le jury des circonstances atténuantes? Les juges devraient-ils, dans le silence de la loi, y avoir égard et abaisser la peine? Mais jusqu'à quel taux? Il s'agit d'une peine correctionnelle, devront-ils ne prononcer qu'une peine de police? Mais, si le dernier paragraphe de l'art. 463 porte qu'en aucun cas la peine ne peut être au-dessous des peines de simple police, nulle disposition n'oblige la cour d'assises à descendre la peine à ce taux ; elle demeure libre

d'en mesurer la quotité dans l'étendue des peines correctionnelles, c'est-à-dire qu'elle jouira, en définitive, du même pouvoir que si le jury n'eût point déclaré l'existence des circonstances atténuantes. Cette déclaration reste donc tout à fait indifférente.

Telle est aussi l'interprétation que la cour de cassation a consacrée. Les nombreux arrêts qu'elle a rendus sur cette question sont fondés « sur ce que, d'après la combinaison de l'art. 341, C. d'inst. crim. avec les six premiers paragraphes de l'art. 463, C. pén., la déclaration du jury, affirmative sur les circonstances atténuantes, n'oblige les cours d'assises à prononcer nécessairement une atténuation de peine qu'autant que le fait déclaré constant par le jury est de nature à entraîner des peines afflictives ou infamantes; qu'au contraire, dans le jugement des affaires correctionnelles, les jurés sont seuls investis par le dernier paragraphe de l'art. 463 du droit d'apprécier les circonstances atténuantes, et de modifier les peines établies par la loi; que, lorsque le fait soumis au jury a été par lui dépouillé des circonstances aggravantes qui le rendaient passible de peines afflictives et infamantes, et ne constitue plus qu'un délit correctionnel, la réponse du jury, affirmative de l'existence des circonstances atténuantes, ne peut lier la cour d'assises, ni exercer une influence légale sur la décision qu'elle doit porter, relativement soit à l'existence de ces circonstances, soit à l'atténuation de la peine qui peut en être le résultat [1]. »

Mais la cour d'assises peut s'approprier la réponse du jury sur les circonstances atténuantes; elle est même présumée se l'approprier par cela seul qu'elle la laisse subsister, et qu'elle la rappelle dans son arrêt. Ainsi la cour de cassation a jugé que cette seule énonciation motivait suffisamment l'atténuation de peine prononcée en faveur du prévenu [2].

Nous sommes arrivés au dernier paragraphe qui forme la deuxième partie de l'art. 463.

Cet article, en effet, renferme deux parties distinctes, deux séries de dispositions qu'il est impossible de confondre. Dans la première il embrasse les faits qui sont passibles de peines afflictives ou infamantes, dans la deuxième les faits qui ne sont passibles que de peines correctionnelles; or, dans l'un et l'autre cas, l'existence de circonstances atténuantes produit des

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effets différents qui tiennent à la nature même des choses. Dans le premier cas, la gravité de l'accusation et l'élévation des peines ont fait admettre des limites à l'atténuation; elle ne peut descendre que de deux et même d'un degré dans l'échelle des peines. Dans le second, la faculté d'atténuation est pour ainsi dire illimitée, puisqu'elle ne s'arrête qu'au taux des peines de police. Dans la première hypothèse, le jury provoque l'atténuation et concourt à la prononcer; dans la seconde, ce droit est réservé au tribunal correctionnel, ou à la cour d'assises prononçant comme tribunal correctionnel.

Le dernier paragraphe de l'art. 463 est ainsi conçu : « Dans tous les cas où la peine de l'emprisonnement et celle de l'amende sont prononcées par le Code pénal, si les circonstances paraissent atténuantes, les tribunaux correctionnels sont autorisés, même en cas de récidive, à réduire l'emprisonnement même au-dessous de six jours, et l'amende même au-dessous de 16 francs; ils pourront aussi prononcer séparément l'une ou l'autre de ces deux peines, et même substituer l'amende à l'emprisonnement, sans qu'en aucun cas elle puisse être au-dessous des peines de simple police. »

Nous signalerons en premier lieu une différence essentielle qui sépare ce paragraphe de la première partie de l'art. 463. Nous avons vu que cette première partie s'applique à tous les crimes qui sont portés devant les assises, soit qu'ils soient prévus par le Code pénal, soit qu'ils le soient par des lois particulières; et il eût été, en effet, sans objet de créer des exceptions à ce principe général, puisque la peine, même réduite, préserve la société du danger de l'impunité, et qu'il importait d'ailleurs d'étendre ce principe d'atténuation au petit nombre des lois spéciales qui ont puni des faits qualifiés crimes, et dont la sévérité est souvent excessive. Mais il eût été peut-être dangereux d'étendre le même principe aux nombreuses législations spéciales qui ont prévu des délits et infligé des peines simplement correctionnelles. Ces législations ont des règles à part, une certaine mesure dans leurs peines, une échelle graduée d'application; permettre subitement de descendre ces peines au taux des peines de police, c'eût été affaiblir une répression jugée nécessaire, déroger à des règles particulières et appropriées à des faits spéciaux [3]. D'ailleurs le législateur ne pouvait aveuglément

[1] Cass., 11 août 1832, 19 janv. et 8 mars 1833. [2] Cass., 19 janv. 1833.

[3] L'art. 463 ne peut être étendu aux peines établies par des lois spéciales, et, par exemple, à celles commi

nées contre les contraventions concernant le service des transports par terre. (Brux., 22 mars 1854; J. de Brux., 1834.)

Le droit de réduire la peine, par l'art. 463, étant res

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