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Il est indifférent que les animaux volés soient, | Elle aurait sans doute rejeté le pourvoi si la déau moment du vol, placés sous la surveillance cision eût été rendue dans le sens opposé. d'un gardien la loi est générale et s'applique sans distinction aux vols commis dans les champs. La cour de cassation a décidé en conséquence « que l'art. 388 ne fait aucune distinction entre les animaux qui sont sous la surveillance d'un gardien et ceux qui ne sont pas surveillés; que cette espèce de surveillance dans les champs n'a pas en effet pour objet et ne saurait avoir l'effet de garantir les animaux surveillés des entreprises des voleurs qui voudraient les soustraire à leurs propriétaires; que, malgré cette surveillance, ils ne sont pas moins confiés à la foi publique, et qu'il est essentiellement dans l'intérêt de l'agriculture qu'ils soient, dans l'un comme dans l'autre cas, sous la protection spéciale de la loi [1].

Le premier paragraphe de l'art. 388 comprend, à côté du vol de bestiaux, le vol d'instruments d'agriculture. Ce délit a le même caractère et se compose des mêmes éléments que le premier. Il suffit, pour son existence, que le vol soit commis dans un champ, et qu'il ait pour objet un instrument d'agriculture.

Il suffit que le vol ait été commis dans un champ. Ainsi, lorsque cette circonstance est constatée, l'application de la loi ne serait point écartée par la seule déclaration que l'instrument volé n'était pas exposé à la foi publique [2]. Si cette exposition est le fondement de l'article, la loi a nécessairement supposé son existence quand le vol est commis dans les champs; et de même qu'il serait superflu d'ajouter que l'objet était exposé dans les champs à la foi publique, de même le fait de sa non-exposition ne détruit pas le délit, s'il est constaté que le vol a eu lieu dans les champs; c'est là l'unique condition de la loi, et nous avons déjà appliqué cette règle au vol de bestiaux qui se trouvaient, au moment du vol, sous la surveillance d'un gardien.

La loi n'a point défini les instruments d'agriculture. On doit comprendre dans ce mot tous les instruments qui servent aux travaux de la terre. Au reste, la nature de ces instruments est une question de fait qu'il appartient aux juges d'apprécier. Ainsi, une cour avait décidé qu'une brouette, quoiqu'elle puisse éventuellement servir à des usages d'agriculture, ne peut pas être considérée comme un instrument d'agriculture, dans le sens de la loi. La cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cette décision [8].

Une observation qui s'applique au premier paragraphe tout entier de l'art. 388, c'est que ce paragraphe n'a prévu que le vol simple de bestiaux ou d'instruments d'agriculture. Ainsi, lorsque ce vol se trouve accompagné de circonstances aggravantes, telles que celles de nuit et de complicité, il sort des termes de l'art. 388 et doit être considéré comme vol qualifié [4]. IĮ n'existe, en effet, aucun motif pour soustraire cette espèce de vol à. l'empire des règles générales du Code: la loi ne l'a point rangé dans une ciasse spéciale, elle ne l'a point puni d'une peine moindre que les vols simples; elle s'est bornée à l'assimiler à ces vols. Il doit done, comme eux, subir l'aggravation résultant de circonstances qui le rendent plus dangereux.

Après les vols de bestiaux et d'instruments d'agriculture, la loi a prévu les vols de récoltes: c'est le sujet des paragraphes 2 et 3 de l'art. 388. Les récoltes sont, comme les instruments, exposés à la foi publique; elles ont donc besoin de la même protection, et les délits dont elles sont l'objet ont évidemment les mêmes caractères.

Aussi le deuxième paragraphe de l'art. 388 se réfère explicitement au premier lorsqu'il porte: « Il en sera de même à l'égard des vols de bois dans les ventes, et de pierres dans les carrières, ainsi qu'à l'égard du vol de poisson en étang, vivier ou réservoir. »

Cette disposition est passée sans modification de l'ancien dans le nouvel article; mais elle a subi implicitement l'influence du changement fait dans le paragraphe précédent. Les vols qu'elle prévoit sont donc devenus de simples délits, et la peine de l'emprisonnement s'est trouvée substituée à celle de la reclusion.

Les difficultés que fait naître ce paragraphe ne peuvent s'élever que de la définition des objets auxquels il s'applique. Que faut-il entendre, en premier lieu, par vols de bois dans les ventes? Le mot vente comprend, dans le langage forestier, toute coupe de bois en exploitation; il s'agit donc du vol des bois coupés qui sont laissés dans les ventes ou dans les coupes de bois, et qui sont de véritables récoltes confiées par nécessité à la foi publique. Tels sont les bois empilés par un adjudicataire pendant la durée de son exploitation, les fagots produits par l'ébranchage des arbres qui s'émondent, la coupe d'un bois en exploitation [5].

[1] Cass., 8 oct. 1818.
[2] Cass., 18 juin 1819.
[3] Cass., 29 juill. 1813.

[4] Cass., 18 avril 1854.
[5] Cass., 7 mars 1828.

champ. Le pourvoi en cassation fut fondé sur ce que ces arbres, n'étant point une production ordinaire du champ, ne pouvaient être considérés comme une récolte de ce champ, et par conséquent que l'art. 388 était étranger à ce vol; mais la cour rejeta ce pourvoi : « Attendu qu'il a été déclaré par le jury que les deux arbres coupés et leurs branchages étaient exposés à la foi publique dans un champ, et que l'arrêt, en décidant qu'ils formaient une récolte, et en prononçant la peine portée par l'art. 388, n'a point commis de contravention expresse à cet article [5]. » Ainsi, les bois ne sont plus considérés ici que comme une récolte du champ, et, sous ce rapport, l'article devient applicable.

Faut-il admettre, avec la cour de cassation, | vol de deux arbres abattus et exposés dans un qu'aucune distinction ne doit être faite entre les bois qui sont déposés dans les ventes pendant la durée de l'exploitation, et ceux qui y demneurent déposés plusieurs années après cette exploitation achevée [1]? La loi comprend, à la vérité, sans distinction, les vols commis dans les ventes; mais le même motif ne se présente pas dans les deux hypothèses qui viennent d'être posées. Pendant la durée de la coupe, le propriétaire ou l'adjudicataire est obligé d'abandonner son bois à la foi publique. La coupe terminée, cet abandon est purement volontaire, et il doit s'imputer son défaut de précaution. Les mêmes conditions de répression n'existent donc pas. Les ventes d'ailleurs doivent perdre leur dénomination au moment où la coupe est achevée, où la nécessité de l'exposition du bois a cessé d'exister; et dans la loi pénale, toutes les expressions doivent être restreintes dans leur sens propre. Il nous paraît donc que la cour de cassation s'est écartée de l'esprit de l'art. 388; mais on doit ajouter que cette question n'a plus qu'un faible intérêt depuis que, dans les deux hypothèses, la peine est devenue identique.

Si les bois ont été façonnés dans la vente même, s'ils ont été, par exemple, taillés en poutres, sciés en planches, ils ne peuvent plus être considérés comme récoltes dans le sens de l'art. 388 ils sont devenus des marchandises; leur exposition n'est plus nécessaire; leur soustraction rentre dans les termes de l'art. 401. La cour de cassation a jugé, conformément à cette règle, qu'un vol de planches, eût-il été commis dans une vente, n'est qu'un vol simple: « Attendu que des planches ne peuvent être considérées comme des récoltes dans le sens de l'article 388 [2]. »

Si le bois a été déposé dans un autre lieu que dans les ventes, cet article est également inapplicable. Ainsi la cour de cassation a dû déclarer que le vol de bois commis soit dans les champs [3], soit dans une prairie [4], ne rentre pas dans ses dispositions. La prévision de l'article s'est bornée à l'étendue et à la durée de la vente, et il n'est pas permis d'étendre la loi au delà de ses termes précis.

Toutefois, une distinction doit être posée. Une cour d'assises avait appliqué l'art. 388 au

Les vols de pierres dans les carrières s'expliquent par la même règle. Il s'agit encore ici de la récolte, si l'on peut parler ainsi, donnée par les carrières, des pierres qui en sont le produit, et que le propriétaire de la carrière est forcé d'exposer momentanément à la foi publique. Les pierres qui auraient une autre origine, ou qui seraient déposées dans un autre lieu, ne donneraient pas lieu, à raison de la soustraction dont elles auraient été l'objet, à l'application de l'article 388. Il faut entendre par carrières, dans le sens de cet article et de la loi du 24 avril 1810, non-seulement l'excavation par l'orifice de laquelle les pierres sont tirées, mais toutes les dépendances qui sont contigues et qui servent, soit à l'extraction, soit au dépôt des pierres.

Les vols de poissons dans les étangs, viviers et réservoirs ont toujours été assimilés aux vols de récoltes : « Comme les poissons, dit Muyart de Vouglans, sont censés faire partie du fonds même auquel ils sont attachés, on ne peut douter qu'il n'en soit des vols qui se commettent à cet égard, comme de ceux qui se font des fruits de nos jardins, c'est-à-dire, qu'ils sont également sujets à la peine des vols contre la foi publique [6]. »

Telle est la raison qui a fait distinguer les vols de poissons commis dans les étangs et réservoirs, et ceux qui sont commis dans les cours d'eau quelconques. La pêche illicite sur les fleuves, les rivières navigables ou flottables et les cours d'eau, est prévue et punie par les dispo

[1] Cass., 28 fév. 1812.

[2] Cass., 5 mars 1818.

[3] Même arrêt,

[4] Cass., 2 juin 1815.

[5] Cass., 1er mars 1816.

juillet 1536, portait : « Les larrons de garennes et étangs soient punis comme les autres larrons. » Une autre ord. de Henri IV, de 1707, portait : « Selon l'édit de notre grandoncle le roi François, seront les larrons de garennes et étangs très-rigoureusement châtiés et punis des peines or

[6] Lois crim., p. 519. Une ordonn. de François Ier, de données contre les autres larrons. »

sitions de la loi du 15 avril 1829 [1]. Le même fait commis dans les étangs, viviers et réservoirs, rentre dans les termes de l'art. 388 [2] et se trouve frappé d'une peine plus grave [5]: c'est que la propriété de ces poissons est plus certaine; placés dans la pièce d'eau par le propriétaire du fonds, ils font partie de ses fruits; ce n'est donc pas seulement un fait de pêche que la loi punit dans ce cas, mais un véritable vol. Il suit de là que, pour que l'art. 388 soit applicable, il est nécessaire que le jugement constate que le poisson volé était renfermé dans un étang, vivier ou réservoir [4]. Telle est la condition constitutive de cette espèce de vol. Autrement, l'enlèvement du poisson constituerait, soit un fait de pêche ordinaire si le poisson se trouvait dans un cours d'eau, soit un vol simple s'il se trouvait dans des paniers.

La cour de cassation a décidé que l'art. 388 était également applicable, soit que l'étang fût rempli de ses eaux habituelles, soit qu'il fût en pêche [5]. On peut objecter à cette décision que si, dans un étang rempli de ses eaux, le poisson est abandonné à la foi publique, il n'en sera pas ainsi lorsqu'il est en pêche; que le proprié taire peut alors le faire surveiller; que sa confiance est volontaire, et que le délit change de caractère.

Cette restriction ne nous semble ni dans le texte ni dans l'esprit de la loi : le texte de la loi comprend tous les vols commis dans les étangs; son esprit est d'atteindre tous les vols qui ont pour objet les récoltes exposées à la foi publique : or, n'est-ce pas une sorte de récolte que la mise en pêche d'un étang poissonneux? N'en est-il pas des poissons exposés dans cet étang par l'écoulement des eaux, comme des gerbes exposées dans un champ au temps de la moisson?

Nous arrivons maintenant aux récoltes proprement dites. Le troisième paragraphe de l'article 388 est ainsi conçu: « Quiconque aura volé ou tenté de voler, dans les champs, des récoltes ou autres productions utiles de la terre déjà détachées du sol, ou des meules de grains faisant partie de récoltes, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans, et d'une amende de seize francs à deux cents francs. >>

Cette disposition n'existait point dans l'ancien art. 388, qui s'était contenté d'incriminer les

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vols des récoltes ou meules de grains faisant partie de récoltes. Ces termes un peu ambigus avaient fait naitre plusieurs difficultés. On avait prétendu restreindre le mot récoltes aux seules récoltes de grains, et ce n'est pas sans peine que cette interprétation avait été combattue. « L'article, faisait remarquer Merlin, ne dit pas que, pour qu'il y ait vol de récoltes, il est nécessaire que les récoltes consistent en grains, et dès qu'il ne le dit pas, on ne doit pas le sous-entendre. A la vérité, lorsqu'elles sont mises en meules dans les champs, la loi ne soumet à la peine de la reclusion qu'autant qu'elles consistent en grains; mais prétendre que le mot grains doive se rapporter au mot récoltes, comme au mot meules, c'est un système que condamne ouvertement la construction de la phrase. Dans cette hypothèse, en effet, il serait inutile de répéter le mot grains après le mot meules, puisqu'une meule, faisant partie d'une récolte de grains, serait nécessairement une meule de grains. »

La cour de cassation avait déclaré, conformément à ce réquisitoire : « qu'on doit entendre par les mots récoltes ou partie de récoltes employés dans l'art. 388, tous fruits ou productions utiles de la terre, qui, séparés de leurs racines ou de leurs tiges par le fait du propriétaire ou de celui qui le représente, sont laissés momentanément dans les champs jusqu'à ce qu'ils soient enlevés et renfermés dans un lieu où ils peuvent être particulièrement surveillés [6]. »

Cette définition a été en quelque sorte adoptée par la loi modificative du Code pénal; en effet, cette loi ajoute dans l'art. 388, après le mot récoltes, ces mots : ou autres productions utiles de la terre déjà détachées du sol. Ainsi l'article s'applique expressément maintenant, non-seulement aux récoltes des grains, mais à tous les fruits et les productions de la terre qui, séparés de leurs tiges, de leurs racines ou de leurs branches, sont exposés à la foi publique : toute restriction serait contraire à la disposition générale de la loi.

Ainsi il faut décider que l'art. 388 s'applique: 1° au vol de racines de garance lorsqu'elles sont arrachées de la terre et exposées dans un champ [7]; 2° au vol de pommes de terre mises en tas dans le champ sur lequel elles ont été

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récoltées [1]; 3° au vol de gerbes d'orge rangées | dans un champ [2]; 4° au vol de sacs de maïs en épis [3].

Il importe peu que le vol ait eu pour objet toute la récolte d'une pièce de terre, ou seulement une partie de cette récolte, car le mot récoltes employé dans l'art. 388 ne signifie pas seulement la récolte de toute une pièce de terre, il signifie aussi la récolte d'une partie quelconque de cette pièce. On ne peut, en effet, supposer dans cette disposition une restriction de laquelle il résulterait que de deux malfaiteurs dont l'un aurait volé tous les fruits recueillis dans un champ d'un hectare et l'autre les dix-neuf vingtièmes des fruits recueillis dans un champ de vingt hectares, le premier serait plus coupable que le second [4]. La cour de cassation a jugé dans ce sens « que l'art. 388 ne restreint pas le sens du mot récoltes au produit entier d'une pièce de terre; et qu'en effet, l'on ne concevrait pas que des fruits de la terre dussent, pour avoir la qualification de récoltes, être le produit total d'un champ, et qu'une récolte partielle ne fût pas une récolte; que ces expressions ou meules de grains faisant partie de récoltes, ne sauraient servir à prouver que le mot récoltes, qui précède, ne s'entend que des récoltes entières; qu'il est impossible que, pour que le vol d'une partie de récoltes ait le caractère de crime, il faille que les grains volés fussent en meules [5]. »

Mais il est nécessaire que l'objet volé soit une récolte ou fasse partie d'une récolte, c'est-àdire, soit une partie quelconque de fruits de la terre détachés du sol et qui restent exposés à la foi publique jusqu'à ce qu'ils aient été resserrés dans les édifices du maître ou de celui qui en a les droits.

Ainsi, en premier lieu, les productions de la terre non encore détachées de leurs tiges ne sont point considérées comme des récoltes, dans le sens du paragraphe 3 de l'art. 388. Le vol des fruits attenants à leurs racines n'est, ainsi qu'on le verra plus loin, qu'un maraudage que la loi punit de peines moins sévères [6].

Il faut que les productions de la terre aient été détachées par le propriétaire lui-même ou celui qui le représente; car ce n'est qu'alors qu'elles prennent le caractère de récoltes gisantes dans le champ et exposées à la foi publique. Il ne suffirait donc pas qu'elles eussent été cou

pées un jour par le prévenu et enlevées le lendemain par lui: le fait ne constituerait encore qu'un maraudage [7].

L'art. 388 n'applique, dans son paragraphe 3, le mot récoltes qu'aux productions de la terre. Il suit de là, et telle a été aussi la décision de la cour de cassation, que le vol des gâteaux de miel d'une ruche [8], et que le vol du sel qui ne se forme que par des moyens artificiels [9], ne rentrent pas dans ces termes, bien que les objets puissent aussi être considérés comme des récoltes.

L'article contient même une sorte de restriction: il n'étend sa protection qu'aux productions utiles de la terre. Mais quelles productions de la terre sont complétement inutiles? Le sens de cette expression restrictive est de limiter l'application de l'article aux productions qui ont quelque valeur, et de ne pas provoquer l'exercice de l'action publique à raison d'enlèvements d'objets qui sont le plus souvent abandonnés dans les campagnes par leurs propriétaires.

Enfin, l'application de l'article est limitée aux vols commis au temps des récoltes. Ce n'est, en effet, qu'à cette époque que le propriétaire est forcé d'abandonner momentanément les fruits de ses terres à la foi publique à toute autre époque sa confiance est volontaire; ici elle est nécessaire, et l'art. 588 a précisément pour objet de protéger cette exposition forcée. C'est d'après cette distinction que la cour de cassation a jugé qu'un vol de pommes de terre commis au mois d'avril, dans un champ, ne rentrait pas sous les termes de cet article : « Parce qu'à cette époque les pommes de terre volées n'étaient plus en état de récolte; qu'elles avaient même été enfouies; qu'elles ne pouvaient donc être considérées que comme des fruits de la terre confiés volontairement et sans nécessité à la foi publique [10]. » La même cour a jugé encore, d'après la même règle : « que l'art. 388 ne peut s'appliquer qu'aux vols de récoltes non engrangées, laissées dans les champs par insuffisance réelle ou présumée de granges ou greniers; que cette disposition pénale ne peut s'appliquer à des objets qui ne sont plus récoltes, mais seulement à des fruits de la terre précédemment récoltés et enlevés du champ; que dès lors le vol, commis au mois de mars, de navets récoltés avant l'hiver, et placés aux champs dans une fosse pour les

[1] Cass., 10 fév. 1814. [2] Cass., 27 fév. 1813. [3] Cass., 17 juill. 1812. [4] Cass., 15 nov. 1813. [5] Cass., 15 oct. 1812.

[6] Cass., 13 août et 6 nov. 1812. [7] Cass., 17 avril 1812. [8] Cass., 10 juill. 1812. [9] Cass., 31 juill. 1818. [10] Cass., 12 janv. 1815.

préserver de la gelée, sans nécessité, par suite de la volonté du propriétaire, ne rentre point dans la catégorie des crimes prévus par l'article 388 [1]. »

Cet article assimile aux récoltes gisantes dans le champ, les meules de grains faisant partie de récoltes. Ainsi, lorsque les récoltes ne sont plus gisantes, lorsqu'elles sont mises en meules dans les champs, l'application de l'art. 388 cesse, à moins que ces meules ne consistent en grains. « L'objet de la loi, suivant un arrêt de la cour de cassation, en s'expliquant d'une manière particulière et expresse sur le vol de meules de grains faisant partie de récoltes, a été évidemment de donner à ces amas de grains, formés pour rester après la récolte faite, et pendant un temps plus ou moins long, dans le champ qui les a produits, où ils sont abandonnés à la foi publique, la même garantie qu'aux grains, tant en épis qu'en gerbes, que le cultivateur est forcé de laisser momentanément sur la terre, en attendant leur transport dans les granges [2]. » Si cette garantie est restreinte aux meules de grains, c'est qu'il ne s'agit plus d'une exposition nécessaire, que dès lors cette disposition est une sorte d'exception au principe de l'article, et que cette exception a dû se borner à la production la plus utile et qui, dans l'usage, reste pendant longtemps exposée à la foi publique.

Ainsi le vol de colzas mis en meules dans les champs ne rentrerait pas dans les termes de l'art. 388 : « Attendu, suivant la cour de Douai, que par grains on ne doit entendre que les fruits et semences de blé, de seigle, d'orge, d'avoine et autres gros et menus grains, nullement les graines et grenailles des plantes oléagineuses, telles que les graines de colza, lin, camomille, pavots; que la garantie particulière que la loi a donnée aux productions de la première espèce ne peut donc étre étendue à celles de la deuxième [3]. » Et la cour de cassation a confirmé cette décision par le motif: « que, dans son acception usitée et ordinaire, le mot grains ne comprend point le colza, et qu'ainsi le vol de colzas mis en meules ne peut être assimilé au vol de meules de grains faisant partie de récoltes [4]. » La même décision serait applicable au vol de foin ou de chaume en meules. Ainsi, dans l'esprit de l'art. 388, il faut ou que les récoltes soient gisantes, ou que, si elles sont en meules, elles consistent en grains;

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en sorte que le vol de récoltes mises en meules et consistant en produits non qualifiés de grains, n'est pas atteint par ses dispositions.

Un caractère essentiel à tous les vols de récoltes est qu'ils aient été commis dans les champs [5]; mais doit-on considérer comme commis dans les champs le vol commis dans l'aire où le grain a été battu? Un arrêt de la cour d'assises de la Haute-Garonne avait décidé : « qu'en droit, une aire dépicatoire est assimilée à un champ et n'est autre chose qu'un champ où l'on dépose et où l'on entasse les récoltes soit pour les dépiquer, soit pour les faire sécher. » Et la cour de cassation rejeta purement et simplement le pourvoi formé contre cet arrêt [6]. La question s'est représentée deux fois, et cette jurisprudence, évidemment trop absolue, s'est modifiée. La cour de cassation prit soin de constater, dans un premier arrêt « que le lieu où avait été commis le vol de blé imputé au prévenu était une propriété rurale sur laquelle ledit blé faisant partie de récoltes était exposé à la foi publique [7]. » Enfin, la même cour, développant cette distinction dans un deuxième arrêt, a déclaré : « que les aires destinées au battage des blés sont ou des lieux ouverts hors des enclos ruraux, dans des terrains compris sous cette dénomination, les champs; ou des lieux fermés, dans des enclos et dépendances de maisons habitées; que quand des grains faisant partie de récoltes sont laissés sur une aire située dans les champs, en attendant leur transport dans le grenier ou dans la grange, le vol de ces grains ainsi confiés à la foi publique rentre dans la disposition de l'art. 388; mais que le vol de ces mêmes objets sur une aire placée dans un terrain fermé, où ils ne sauraient être considérés comme abandonnés à la foi publique, n'est qu'un vol simple, prévu par l'art. 401, s'il a été commis sans aucune circonstance aggravante [8]. » Cette dernière jurisprudence est conforme à l'esprit de l'article: une aire, par cela seul que des blés y sont déposés, ne peut être réputée de droit un champ; la présomption ne peut remplacer le fait. Le but spécial de l'art. 388 a été de protéger les objets exposés à la foi publique; ce qu'il faut donc considérer, c'est si l'objet est exposé dans l'aire à la foi publique, c'est-à-dire, si l'aire est placée au milieu des champs; car, dans ce cas, il n'existerait aucun motif pour sous

[1] Cass., 11 juin 1829. [2] Cass., 15 oct. 1812.

[3] Douai, 15 août 1813.

[4] Cass., 28 avril 1814, et eous. de Morlin, au Rép., ve Vol, sect. 2, § 3.

[5] Cass., 22 janv. 1821. [6] Cass., 17 juill, 1812. [7] Cass., 27 fév. 1813.

[8] Cass., 21 juin 1821,

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