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tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places, etc., est confié à la vigilance de l'autorité municipale; ce qui comprend, ajoute la loi, le nettoiement, l'illumination, l'enlèvement des encombrements, etc. Or cette énumération est explicative et non limitative; il est incontestable que, dès qu'un fait est de nature à nuire à la sûreté ou à la commodité de la circulation, l'arrêté municipal peut le prohiber, bien que ce fait ne rentre ni dans le nettoiement, ni dans l'illumination, ni dans l'enlèvement des encombrements. C'est ainsi encore que le soin de réprimer les délits contre la tranquillité publique, tels que les rixes et disputes, les tumultes, les bruits et attroupements, et le maintien du bon ordre dans les foires, marchés, spectacles, jeux, cafés et lieux publics, peut donner lieu à une foule de mesures qu'il serait impossible de déterminer à l'avance avec exactitude. Il peut se présenter une variété infinie de circonstances qui se rattachent à ces objets, qui sollicitent l'intervention de la police municipale, et qui peuvent ne rentrer qu'avec plus ou moins de peine dans les prévisions de la loi.

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quelle elle usera toujours d'un droit aussi important.

Il nous serait impossible d'examiner et de discuter ici les innombrables espèces où des difficultés ont pu se présenter nous nous bornerons à citer quelques exemples qui feront sentir l'esprit et les limites de la règle qui domine toutes ces dispositions.

Un maire excède ses attributions: 1° lorsque, sous prétexte de pourvoir à la sûreté et à l'ordre public, il crée, en faveur d'un établissement public, un privilége, en lui conférant l'usage d'un terrain dépendant d'un domaine public [2]; 2o lorsque, sous prétexte de veiller à la salubrité du commerce de la boucherie, il soumet les bouchers au payement d'une taxe pour la rétribution des individus chargés de cette inspection [3]; 3o lorsqu'il établit, sans aucune autorisation, un droit d'octroi dans une commune [4]; 4° lorsqu'il prend un arrêté pour s'assurer la perception d'un droit de mesurage des grains et leur entrée dans une ville [5]; 5° lorsqu'il prescrit à tous les individus qui voudraient exercer la profession de boucher dans une commune de se munir d'une patente [6]; 6° lorsqu'il défend aux habitants de sa commune de prendre comme domestiques des individus étrangers à la ville, sans qu'ils soient munis d'une carte de police [7]; 7° lorsqu'il détermine un mode particulier d'architecture que ne prescrit en aucune sorte la sû

Rien de plus délicat à déterminer que la limite entre l'exercice légal du pouvoir municipal et l'abus de ce pouvoir. Rien de plus délicat aussi que l'appréciation de la légalité des arrêtés municipaux par l'autorité judiciaire. D'excellents esprits aperçoivent dans cette ap-reté de la voie publique [8]; 8° lorsqu'il enjoint préciation un empiétement sur les pouvoirs de l'autorité administrative. Nous pensons néanmoins que, constitutionnellement, au pouvoir judiciaire appartient le droit de refuser l'application d'un arrêté illégal [1]. Mais les caractères de l'illégalité sont tellement variables que, poser des limites en théorie, ce serait créer des difficultés plutôt que préparer des solutions. C'est au pouvoir judiciaire à protéger la liberté individuelle, la liberté de l'industrie et du commerce, contre des actes arbitraires du pouvoir municipal; c'est à la haute sagesse de la cour de cassation, à la longue et précieuse expérience de ses membres, qu'est confié le soin de maintenir le pouvoir municipal dans ses véritables limites. La jurisprudence de cinquante années de cette cour répond de la modération avec la

[1] L'un des auteurs de ce livre a développé cette pensée dans ses Principes de compétence et de juridiction administrative, t. 1er, p. 152, no 556.

[2] Cass., 18 sept. 1828. (Sirey, 1828, 1, 351.)
[3] Cass., 22 fév. 1825. (Sirey, 1825, 1, 341.)
[4] Cass., 15 janv. 1819. (Sirey, 1820, 1, 215.)
[5] Cass., 24 fév. 1820. (Sirey, 1820, 1, 23.)
[6] Cass., 26 mars 1831.

aux accoucheurs, sages-femmes et autres habitants d'une ville, de déclarer les étrangers qui logent chez eux [9]; 9° lorsqu'il établit un droit de péage sur la vente des comestibles dans les marchés [10]; 10° lorsqu'il défend de se réunir au nombre de plus de vingt personnes dans une maison particulière pour former un bal [11]; 11° lorsqu'il prescrit aux marchands forains, soit de soumettre leurs marchandises à une vérification préalable d'experts, soit de produire les factures de leurs marchandises et leurs patentes [12]; 12° lorsqu'il prohibe les ventes à l'encan, même avec le ministère d'officiers publics, hors les ventes forcées par l'effet de saisie ou par suite de décès [13].

Dans tous ces exemples, le pouvoir municipal est sorti des limites de ses attributions. Les

[7] Cass., 15 juill. 1830.
[8] Cass., 14 août 1830.
[9] Cass., 50 août 1833.
[10] Cass., 1er déc. 1832.
[11] Cass., 16 août 1834.
[12] Cass., 7 mai 1841.
[15] Cass., 3 déc. 1840.

objets sur lesquels il statuait n'étaient pas ceux que la loi du 16-24 août 1790 a prévus; les arrêtés n'avaient pour but d'assurer ni la salubrité, ni la tranquillité, ni la sûreté, ni la propreté des rues et des lieux publics. Les termes de la loi, quelque généraux qu'ils fussent, ne pouvaient comprendre des matières évidemment étrangères à la police municipale; l'excès de pouvoir était

évident.

Il est moins facile de le discerner lorsque la matière du règlement appartient à la police municipale, et que le règlement n'est illégal que parce qu'il contrarie quelques dispositions de la loi [1]. Nous allons citer quelques exemples de cette illégalité.

L'arrêté par lequel un maire oblige non-seulement les aubergistes, logeurs, mais tous les habitants d'une commune à tenir des registres pour y inscrire les personnes qui auraient passé une nuit chez eux, est illégal, parce qu'il ajoute à la disposition de l'art. 475, n° 2, C. pén., qui n'impose cette mesure qu'aux aubergistes et aux logeurs [2].

Le maire qui défend, par un arrêté, de déposer des matières dans les rues, sans avoir obtenu l'autorisation, commet une violation de l'art. 471, no 4, C. pén., parce que cette disposition n'impose nullement la condition de cette autorisation [3]. Il en est de même de l'arrêté qui prescrit aux sages-femmes de déclarer les femmes enceintes qui viendraient chez elles faire leurs couches, car l'art. 378, C. pén., leur défend cette déclaration [4].

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Dans ces diverses hypothèses, l'arrêté constitue moins un excès de pouvoir qu'une violation de la loi. L'objet du règlement appartient à la police municipale, mais la disposition réglementaire contrarie une disposition légale. L'arrêté est donc nul, parce que l'autorité municipale ne peut ni ajouter ni retrancher à la loi, parce que l'art. 46 de la loi du 19-22 juillet 1791 borne sa mission à publier de nouveau les lois et à rappeler les citoyens à leur observation.

Ainsi les arrêtés municipaux sont en général frappés de nullité : 1° lorsqu'ils ne reposent pas sur l'un des objets qui sont confiés à l'autorité des maires; 2° lorsque, bien que se rattachant à ces objets, leurs dispositions sont contraires aux dispositions des lois [7]. Ce sont là les deux règles qui doivent servir à résoudre la question de leur légalité : si ces deux conditions sont remplies, les règlements de police sont nécessairement réguliers.

Lorsque les règlements ne sont pas réguliers, ils cessent d'être obligatoires, et les tribunaux de police ne doivent pas en faire l'application. Ces tribunaux ne doivent donc pas se borner à examiner si les contraventions qui leur sont déférées sont constantes : ils doivent pousser plus loin leurs investigations; ils doivent examiner si l'arrêté dont l'infraction leur est dénoncée n'a point excédé les limites du pouvoir administratif ou municipal, s'il ne déroge à aucune disposition de la législation [8]. Le droit de l'autorité judiciaire a été consacré par un grand nombre d'arrêts de la cour de cassation qui tous déclarent: à « que l'autorité judiciaire a toujours le droit d'examiner si les dispositions réglementaires, qu'elle est appelée à sanctionner par l'application d'une peine, ont été prises par l'autorité de laquelle elles émanent, dans les limites légales de sa compétence [9]. »

L'arrêté qui confère à certaines personnes, l'exclusion de tous autres, le droit exclusif de faire la vidange des fosses d'aisances, ne constitue pas seulement une mesure de surveillance, il établit un véritable monopole de l'industrie, au mépris de l'article 7 de la loi du 9-17 mars 1791 [5].

L'arrêté qui défend aux maîtres de poste, dans le lieu d'une section de relais, de faire conduire à l'abreuvoir quatre chevaux par un postillon, est un empiétement sur la loi, attendu qu'il résulte de la déclaration du roi du 28 avril 1782 une autorisation formelle aux maîtres de poste de faire conduire aux sections de relais ce nombre de chevaux par un seul postillon [6].

[1] V. Loi communale, art. 78.

[2] Cass., 14 déc. 1832.

[3] Cass., 16 fév. 1835.

[4] Cass., 30 août 1833.

[5] Cass., 18 janv. et 19 oct. 1838 et 4 janv. 1839. [6] Cass., 3 sept. 1808.

[7] Ou y ajoutent. (Brux., cass., 2 mai 1842; Bull., 1842, p. 357.)

Ce droit d'examen est inhérent au pouvoir judiciaire, mais il doit se circonscrire dans les limites posées par la loi; le juge de police ne peut se rendre juge de l'utilité, de l'opportunité des mesures prises par l'autorité municipale. Pouvoirs indépendants l'un de l'autre, le tribunal de police et le maire ne peuvent contrôler leurs actes; le premier seulement doit refuser le concours de la justice, toutes les fois que les actes du

[8] Const. belge, art. 107.

[9] V. cass., 19 nov. 1829, 11 mars, 23 juill. et 12 nov. 1850, 29 avril 1831, 13 mars 1832, 19 juill. et 7 nov. 1833, 15 fév., 12 et 24 avril, 3 mai et 21 nov. 1834, 16 oct. 1835, 5 janv,, 5 et 18 mars 1836 et 20 janvier 1837.

maire sortent de ses attributions ou sont contraires à la loi. Toute la théorie de la matière peut se résumer dans cette double règle: faculté pour les maires de prendre des arrêtés sur des objets de police que la loi a confiés à leur surveillance; faculté pour les tribunaux de police d'examiner si les arrêtés se rapportent à cela et ne blessent pas la législation générale. Mais si ces tribunaux reconnaissent la légalité des arrêtés, ils sont astreints à prononcer les peines de police.

Dans aucun cas, et c'est la sixième et dernière règle de notre matière, les tribunaux de police, statuant sur des infractions à des arrêtés administratifs et municipaux, ne peuvent prononcer d'autres peines que celles portées par l'art. 471 [1]. En effet le § 15 de cet article soumet à ces seules peines toutes les contraventions quelles qu'elles soient, aux règlements faits par l'autorité administrative ou municipale; il n'est donc possible de faire aucune exception.

Deux hypothèses peuvent se présenter : ou les règlements ne portent aucune énonciation de peines, où ils portent des peines autres que celles qui sont établies par la loi. Dans le premier cas, le juge doit suppléer au silence de l'arrêté, en appliquant les peines établies par l'art. 471; c'est ce que la cour de cassation a décidé en déclarant que l'absence de toute énonciation de peines, dans les règlements que fait l'autorité administrative dans l'ordre de ses attributions, ne dispense pas les tribunaux de chercher dans les lois et d'appliquer les peines qui se rattachent aux contraventions; qu'il n'y a même que ces lois qui puissent servir de base et de textes aux condamnations [2]. »

Si le règlement porte des peines particulières, il arrive de deux choses l'une ou que ces peines sont contraires à l'ordre légal des pénalités établies par le Code pénal, et dans ce cas le jury peut, déclarant que ces peines sont abrogées, n'appliquer qu'une peine de police. La cour de cassation a consacré cette règle en décidant « qu'il n'appartient pas au pouvoir municipal ou administratif de créer arbitrairement des peines dans les matières sur lesquelles il est autorisé à agir par voie de règlement; qu'il ne peut que rappeler les peines établies par les lois, et que, quelles que soient d'ailleurs ses dispositions, les tribunaux ne peuvent jamais infliger d'autres peines que celles prononcées par un texte précis de la loi applicable à la contravention [3]. » Il

[1] V. Loi communale belge, art. 78,

[2] Cass., 17 janv. 1829. (V. Brux., cass., 16 janv. 1854; Bull., 1834, p. 153.)

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<< 1° Ceux qui auront contrevenu aux bans des vendanges ou autres bans autorisés par les règlements. >>

Cette disposition fait naître une difficulté. L'article 1 de la loi du 28 septembre - 6 octobre 1791 établit, comme un principe général, l'indépendance des propriétés particulières; l'article 2 ajoute que les propriétaires sont libres de varier à leur gré la culture et l'exploitation de leurs terres, et de disposer de toutes le productions de leurs propriétés. L'art. 1o de la section 5 du même titre de la même loi déclare encore que chaque propriétaire sera libre de faire sa récolte de quelque nature qu'elle soit, avec tout instrument et au moment qui lui conviendra. » Enfin l'art. 2 de la même section porte, en termes plus formels encore, « que nulle autorité ne pourra suspendre ou intervertir les travaux des campagnes dans les opérations de la semence et des récoltes. »>

Une seule exception a été faite à ce principe de liberté des travaux de la campagne. Le troisième alinéa de l'art. 1" de la section 5 de la même loi du 28 septembre-6 octobre 1791 est ainsi conçu : « Cependant, dans les pays où le ban de vendanges est en usage, il pourra être fait des arrêtés à cet égard chaque année par le conseil général de la commune, mais seulement pour les vignes non closes. »

Il est évident qu'à l'époque de la promulgation de la loi, l'usage du ban de vendanges, dans tous les lieux soumis à son empire, constituait une prohibition permanente de vendanges avant le jour fixé par ce ban. Le double but de cet

[3] Cass., 17 janv, 1829.

usage est d'empêcher que les raisins ne soient cueillis tant que leur maturité suffisante n'a pas été constatée, et de prévenir les dommages qui pourraient être occasionnés volontairement aux vignes voisines par ceux qui vendangeraient les premiers. La loi n'a fait que le maintenir et le sanctionner dans les communes qui s'y trouvent assujetties.

Mais l'exception faite par la loi est limitée aux bans des vendanges. A l'égard de toutes les autres récoltes, le principe est que le propriétaire peut les faire au moment qui lui conviendra, et que l'administration municipale ne peut ni les suspendre, ni les intervertir; il faut donc conclure que des bans de moisson ou de fenaison seraient en dehors des attributions municipales, puisque la loi, par des termes généraux, les défend explicitement.

Que signifient donc ces mots, et autres bans, de l'art. 479? A quelles récoltes peuvent-ils s'appliquer? Il est assez difficile de concilier ces expressions avec les dispositions de la loi de 1791. Il faut dire qu'elles s'appliquent aux bans qui seraient autorisés par une loi postérieure, ou qui pourraient se concilier avec la liberté des propriétés, dont la loi de 1791 a consacré le principe. On doit d'ailleurs remarquer que la prohibition des bans, autres que les bans de vendanges, ne porte que sur le temps des récoltes, et non sur l'époque des jouissances communes, telles que la deuxième et la troisième herbe des prés.

Les bans de vendanges n'ont d'autorité qu'à l'égard des vignes non closes; de là la question de savoir si plusieurs propriétaires dont les vignes forment un enclos, bien qu'elles ne soient pas séparées les unes des autres, pouvaient se soustraire au ban? La cour de cassation a répondu négativement: « Attendu que, si les vignes sont contigues et séparées de celles des voisins, ce n'est pas une raison pour que, par leur mutuel accord à vendanger avant l'époque fixée par le règlement municipal, les propriétaires puissent se soustraire à l'autorité de ce règlement et aux peines par eux encourues; qu'en effet, peu importe que les vignes de quatre prévenus, contigues les unes aux autres, soient séparées de celles des voisins par des haies; que si les vignes qui, dans cette partie du territoire, appartiennent à quatre différents propriétaires, ne sont point closes, elles rentrent dans les dispositions de l'art. 2, sect. 5 du tit. 1, C. rur., qui autorise les bans de vendanges, où ils sont en usage, pour les vignes non closes, puisque ce sont bien

[1] Cass., 5 août 1830. [2] Cass., 25 fév. 1836.

évidemment des vignes non closes que celles qui, bien qu'entourées d'une clôture générale, se subdivisent en diverses portions sans clôture [1]. » Si, dans une commune où l'usage du ban de vendanges est établi, ce ban n'a pas encore été publié au moment où des propriétaires ont vendangé, peut-on leur imputer la contravention? La cour de cassation a jugé : « qu'il suffit que ce ban ait eu lieu chaque année dans une localité, pour qu'on soit tenu d'attendre sa publication et de l'observer [2]. » Cette décision est exacte en principe; il ne faut pas supposer que l'oubli ou la négligence de l'autorité municipale pourrait compromettre toute la récolte d'une commune, car l'autorité municipale appartient presque toujours aux véritables intéressés à la publication régulière des bans de vendanges.

Au reste, l'autorité des bans a ses limites. En premier lieu nous avons vu, d'après les termes de la loi de 1791, que ces bans ne peuvent être publiés que dans les communes où leur usage est établi; ce serait donc un excès de pouvoir que de prendre de tels arrêtés dans les pays non soumis jusqu'à présent à cet usage; et ces arrêtés ne seraient pas obligatoires, car l'art. 471, n° 1, se réfère aux règlements, et les règlements ne peuvent être pris qu'en vertu de l'art. 1o, sect. 5 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791. En second lieu, les maires doivent rester dans les bornes tracées par la loi. Ainsi la cour de cassation a jugé : « que le droit donné par la loi rurale aux conseils municipaux de faire chaque année un règlement à l'égard du ban de vendanges, ne comporte pas le droit d'interdire au propriétaire d'une vigne même non close l'entrée de cette vigne, un mois avant l'époque des vendanges, soit pour la visiter, soit pour y cueillir des fruits en maturité; qu'au contraire cette loi dispose que, sauf ce qui est relatif au ban des vendanges, chaque propriétaire est libre de faire sa récolte, de quelque nature qu'elle soit, et au moment qui lui convient; qu'en supposant la coutume alléguée dans l'arrêté, elle ne peut prévaloir sur les dispositions du Code, ni sur celles de l'art. 475, C. pén., dont le n° 1 ne punit que la contravention aux bans des vendanges, et dont le n° 9 n'interdit qu'à ceux qui ne sont pas propriétaires, usufruitiers, ni jouissant d'un terrain, l'entrée sur ce terrain, dans le temps où il est chargé de grains en tuyaux, de raisins ou autres fruits mûrs ou voisins de la maturité, ce qui laisse entiers le droit et les attributs du droit de propriété [3]. »

[3] Cass., 21 oct. 1841.

§ II.

« 2° Les aubergistes, hôteliers, logeurs ou loueurs de maisons garnies qui auront négligé d'inscrire de suite, et sans aucun blanc, sur un registre tenu régulièrement, les noms, qualités, domicile habituel, dates d'entrée et de sortie de toutes personnes qui auraient couché ou passé une nuit dans leurs maisons; ceux d'entre eux qui auraient manqué de représenter ce registre aux époques déterminées par les règlements, ou lorsqu'ils en auraient été requis, aux maires, adjoints, officiers ou commissaires de police, ou aux citoyens commis à cet effet, le tout sans préjudice des cas de responsabilité mentionnés en l'art. 73 du présent Code, relativement aux délits de ceux qui, ayant logé ou séjourné chez eux, n'auraient pas été régulièrement inscrits. » La disposition qui termine ce paragraphe, et par laquelle il se réfère à l'art. 73, relativement à la responsabilité des logeurs, en cas d'inscription non pas seulement irrégulière, comme le porte ce paragraphe, mais omise, suivant les termes de l'art. 73, a été par nous précédemment examinée [1]; nous n'avons donc plus à nous en occuper.

Les art. 5 et 6 du tit. 1o de la loi du 19-22 juillet 1791 prescrivaient déjà les règles qui font l'objet du § 2 de l'art. 475; ce paragraphe n'a fait que les reproduire.

L'art. 5 de la loi de 1791 commençait par ces mots : « Dans les villes et dans les campagnes, les aubergistes, maitres d'hôtels garnis et logeurs, seront tenus, etc. » Lors de la discussion du Code pénal au conseil d'État, Defermon dit: « que cette disposition n'était bonne que pour les villes, mais qu'elle ne convenait pas aux villages. Là les aubergistes ne tiennent pas de livres. Les gens qui couchent chez eux ne sont guère que des paysans qui se rendent au marché; pourquoi les exposer à être tracassés par la police? Réal dit que la disposition était copiée des règlements en vigueur, et qui sont exécutés même dans les villages; qu'au reste, c'est précisément dans les villages que la police en éprouve les bons effets; que cependant elle ne les fait exécuter rigoureusement que là où il en est besoin [2]. » Le paragraphe fut adopté sans amendement d'après ces observations; et toutefois ce paragraphe ne reproduit point les mots, dans les villes et dans les campagnes, qui se trouvaient dans la loi de 1791;

mais, par cela seul qu'il ne distingue point, on doit conclure que sa disposition est générale et qu'elle s'applique dans tous les lieux.

Les aubergistes, les hôteliers, les logeurs ou loueurs de maisons garnies sont seuls assujettis à son application. Le texte du paragraphe est positif à cet égard; et comme il s'agit d'une disposition pénale, on doit nécessairement la restreindre aux cas qu'elle exprime. Ainsi la cour de cassation a jugé que l'obligation imposée par ce paragraphe était restrictive, et qu'un arrêté municipal ne pouvait l'étendre à d'autres personnes que les aubergistes, hôteliers, logeurs ou loueurs de maisons garnies: «Attendu qu'en autorisant l'autorité municipale à publier de nouveau les lois et les règlements de police, la deuxième partie de l'art. 46 de la loi du 19-22 juillet 1791 ne lui donne pas le droit d'ajouter à la disposition de ces lois et de l'étendre aux personnes qu'elles ne concernent point [5]. »

Mais que faut-il entendre par logeur ou loueur de maisons garnies? Cette expression comprend, dans la généralité de son acception, toutes les personnes qui font état de recevoir habituellement des étrangers dans leurs maisons [4]. Ainsi il faut distinguer les propriétaires qui disposent d'une partie de leurs maisons en louant des chambres garnies, et les personnes qui font métier ou profession de loger des étrangers pour un temps plus ou moins long, dont les maisons sont publiques et ouvertes à tout venant, et qui enfin sont patentables à raison de la profession qu'elles exercent. La disposition de la loi ne s'applique qu'à ces dernières. Cette interprétation, qui résulte du texte même de l'art. 475, se fortifie par le rapprochement de cet article avec la législation précédente. En effet, l'art. 5 de la loi du 19-22 juillet 1791 et le n° 2 de l'art. 475 sont parfaitement identiques; or l'article 5 de la loi de 1791 ne concernait que les loueurs de profession, et non les propriétaires qui auraient loué des chambres garnies, puisque la contravention à la disposition de cet art. 5, c'est-à-dire l'omission de tenir le registre qu'il prescrivait ou d'y inscrire régulièrement, était punie, d'après l'art. 6, du quart de leur droit de patente [5].

Trois obligations distinctes l'une de l'autre. sont imposées aux logeurs : 1° la tenue d'un registre; 2° l'inscription sur ce registre des noms et domicile de toute personne qui a couché ou

[1]. notre t. 1er, p. 230. [2] Locré, sur cet article. [5] Cass., 14 déc. 1852.

[4] Cass., 29 avril 1831.

[5] ., dans ce sens, cass., 3 nov. 1827.

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