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traire le vol qui y serait commis aux disposi- | tions de l'article; mais si l'aire est placée auprès des granges, si elle est séparée des champs, si elle est une dépendance des bâtiments, il est impossible de la considérer comme un champ, et l'article devient évidemment inapplicable.

l'enlèvement des récoltes à l'aide de voitures ou d'animaux de charge, il faut en conclure que cet enlèvement n'éprouverait aucune aggravation de ce qu'il serait effectué soit avec des paniers ou des sacs ou autres objets équivalents. Cette dernière circonstance n'est une aggravation que pour le maraudage : la loi n'en a pas fait une circonstance aggravante du vol des récoltes, et dès lors elle ne doit exercer aucune influence sur le délit.

La rédaction de ce paragraphe a fait naître une question grave: cesse-t-il d'être applicable si le vol, au lieu d'être commis soit la nuit, soit par plusieurs personnes, soit à l'aide de voitures ou d'animaux de charge, est commis avec deux de ces circonstances ou même avec les trois réunies? La cour de cassation a décidé que l'article 388 était inapplicable au vol des récoltes commis la nuit en réunion de plusieurs personnes, et que ce vol rentrait dans les termes de l'art. 386; les motifs de cette décision sont : « que la circonstance de la nuit imprime à un délit un caractère extraordinaire de gravité, surtout en ce qui concerne les objets nécessairement exposés sous la foi publique, tels que des récoltes détachées du sol, sur lesquelles le propriétaire est, à cause du temps consacré à son repos, dans l'impossibilité de veiller; tellement que cette circonstance de la nuit, jointe à celle du concours de deux ou de plusieurs personnes pour consommer ou tenter le vol, ôte au fait le caractère de délit pour lui imprimer celui de crime; que le mot soit est, dans cette acception, une conjonction alternative qui s'emploie indifféremment comme cette autre conjonction alternative ou, ce qui résulte même du quatrième pa

La peine du vol des récoltes commis dans les champs, lorsqu'il n'est accompagné d'aucune circonstance aggravante, est un emprisonnement de quinze jours à deux ans et une amende de seize francs à deux cents francs. Il résulte de cette pénalité, ainsi atténuée par la loi du 28 avril 1832, une conséquence singulière. Sous l'empire du Code de 1810, il était important de distinguer si les vols de récoltes avaient été commis dans les champs ou dans un autre lieu, puisque, dans le premier cas, la peine était la reclusion, et dans le second un emprisonnement que l'art. 401 permettait d'élever jusqu'à cinq ans. Aujourd'hui la même distinction a conservé son intérêt; mais, par la raison inverse, le maximum de la peine des vols de récoltes commis dans les champs est de deux ans d'emprisonnement; commis dans tout autre lieu, ils deviennent passibles, comme auparavant, des dispositions de l'art. 401, qui élèvent cette peine à cinq ans. Ainsi une circonstance que le législateur de 1810 avait considérée comme aggravante, l'exposition des objets à la foi publique, est devenue, à l'égard des vols de récoltes détachées du sol, une véritable cause d'atténuation: non, il faut le dire, que la moralité du fait ait changé aux yeux de la loi; mais lorsque le législateur de 1832 s'est déterminé à fixer le maximum de la peine du vol de récoltes à un taux inférieur à celui du vol simple, il n'a vu que la modicité du prix des parties de ces récoltes qui sont en-ragraphe de l'art. 388, dans lequel on lit: Soit levées dans les campagnes, et il ne s'est pas aperçu qu'il laissait sous l'empire du droit commun, et par conséquent sous l'application de l'art. 401, les autres vols de la même nature, mais qui ne sont pas commis au temps des récoltes, et qui cependant ont moins de gravité, puisqu'ils s'attaquent à des objets qui sont exposés volontairement et non point nécessairement à la foi publique.

Mais la peine remonte au taux de celle du vol simple, lorsque l'enlèvement des récoltes est accompagné de certaines circonstances qui en aggravent le caractère; le quatrième paragraphe de l'art. 388 porte : « Si le vol a été commis soit la nuit, soit par plusieurs personnes, soit à l'aide de voitures ou d'animaux de charge, l'emprisonnement sera d'un an à cinq ans, et l'amende de seize francs. >>

On doit remarquer, d'abord, que le législateur s'étant borné à prévoir, dans ce paragraphe,

à l'aide de voitures ou d'animaux de charge, et qui ne doit pas être confondue avec la conjonction copulative et, qui lie tous les membres de la phrase, tandis que les conjonctions alternatives soit et ou les disjoignent; que la récolte détachée du sol d'un champ fort étendu pourrait, pendant la nuit et avec le concours de plusieurs personnes, être entièrement enlevée; que si, dans quelques cas, la peine peut paraître trop sévère, soit à cause de la modicité du vol, soit à cause de l'état misérable de ses auteurs, le remède se trouve dans l'obligation imposée au président de la cour d'assises d'avertir le jury que, s'il existe des circonstances atténuantes, il doit en faire la déclaration au jury [1]. »

Cette décision, quoiqu'elle semble s'appuyer sur le texte de l'art. 388, ne paraît point à l'abri de fortes objections. D'abord, on doit remar

[1] V. cass., fév. 1834.

quer que l'art. 13 de la loi du 25 juin 1824 avait réuni ces deux circonstances en une seule, en mettant : Soit à l'aide des voitures et d'animaux de charge, soit de nuit par plusieurs personnes. Or, rien n'indique que la loi du 28 avril 1832 ait voulu ajouter à la sévérité de cette disposition; il semble qu'en séparant ces circonstances, son seul but ait été de ne pas exiger leur concours pour l'application de la peine. En effet, si l'art. 388 distingue par le mot soit les trois circonstances aggravantés du vol de récoltes, ce mot n'exclut point leur réunion; il les sépare pour les énumérer, non pour les isoler les unes des autres. Voyez les conséquences : le vol commis dans une maison habitée est puni d'une emprisonnement qui peut s'élever jusqu'à cinq ans; le vol de récoltes dans les champs est puni d'un emprisonnement qui ne peut s'élever que jusqu'à deux ans; supposez que ces deux vols aient été commis de complicité dans le premier cas la peine sera la reclusion, dans le deuxième cinq ans d'emprisonnement. Voilà donc deux délits inégalement punis, et qui, par conséquent, aux yeux de la loi, sont empreints d'une criminalité inégale. Ajoutons maintenant, dans les deux hypothèses, la circonstance de la nuit cette circonstance, d'après l'art. 386, n'exercera aucune influence sur la première peine; mais, d'après le système de la cour de cassation, elle élèvera la seconde jusqu'à la reclusion. Or, n'est-ce pas là une conséquence contradictoire et qui condamne un système ? Comment admettre que les dispositions du Code puissent se heurter ainsi entre elles? que le même fait soit là une circonstance indifférente, ici une cause d'aggravation? que deux vols jusque-là inégaux soient punis de la même peine, par suite de l'adjonction d'un même fait à l'un et à l'autre? Ne serait-il pas, d'un autre côté, contradictoire encore que les deux circonstances de nuit et de complicité pussent changer la nature du vol de récoltes et lui imprimer le caractère du crime, tandis que la réunion avec l'une ou l'autre de ces circonstances du fait d'avoir fait usage de voitures ou d'animaux de charge n'exercerait aucune influence sur le vol? Čes trois circonstances sont mises sur la même ligne, elles ont une valeur identique comment la dernière pourrait-elle être indifféremment cumulée avec les deux autres, et comment la réunion de celle-ci serait-elle seule une cause d'aggravation? Il faut rappeler enfin que les vols de récoltes ne causent qu'un préjudice très-modique; que le législateur a senti la nécessité d'atténuer leur pénalité pour assurer leur répression; que les trois circonstances énumérées dans le quatrième paragraphe de l'article 388 n'en changent point le caractère, et

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que, dès lors, c'est méconnaître l'esprit de la loi que d'enlever à ces vols leur qualification propre, et de les punir comme des vols ordinaires, lors même qu'ils sont commis de nuit, en réunion de plusieurs personnes.

La cour de cassation a jugé encore, dans une espèce analogue, que lorsque le vol de récoltes est accompagné de circonstances différentes et d'une nature plus grave, il reste régi par le droit commun et rentre dans les dispositions générales du Code; que, par conséquent, la circonstance de port d'armes pendant sa perpétration doit le faire rentrer dans les termes de l'art. 385. Il faut reconnaître que le texte du Code se prête mieux que dans la première espèce à cette interprétation : l'art. 388 est muet sur la circonstance du port d'armes; on peut donc conclure que cette circonstance ramène le vol dans les termes du droit commun. Toutefois, si l'on s'élève aux règles qui dominent le Code, cette décision peut soulever encore de fortes objections. Un vol ordinaire commis la nuit dans une maison habitée est puni, aux termes de l'art. 386, de la peine de reclusion; un vol de récoltes commis la nuit dans les champs n'est passible que d'une peine correctionnelle. Or, cette pénalité différente doit suivre les deux délits dans leurs aggravations diverses. Supposons donc dans ces deux espèces la circonstance du port d'armes apparentes ou cachées; quel sera son effet dans la première? Cet effet sera nul, la peine restera la même; l'article 386 ne fait résulter aucune aggravation de la réunion de ces circonstances. Dans la deuxième espèce, au contraire, la seule présence de cette circonstance imprimerait au fait le caractère d'un crime, et le rendrait passible de la peine de la reclusion: or cette conséquence contradictoire indique, ou que la loi manque d'unité, ou qu'elle est contraire à l'esprit de cette loi. On peut ajouter que les circonstances qui accompagnent un vol de récoltes ne peuvent changer la nature de ce vol, qu'elles peuvent seulement déterminer l'application d'une peine plus forte, lorsque la loi a attaché une aggravation de peine au concours de ces circonstances. Or le 4 § de l'art. 388 n'a prévu, comme circonstance aggravante du vol des récoltes, que certains faits parmi lesquels ne se trouve pas le port d'armes; cette circonstance doit donc rester indifférente dans l'appréciation du délit. Il s'agit d'un vol d'une espèce spéciale: l'art. 388 est la loi de la matière; on ne peut donc le faire sortir de ses dispositions et l'assimiler aux vols ordinaires, sous prétexte d'une circonstance qui n'altère pas son caractère propre [1].

[1]., dans ce sens, cass., 22 mars 1816.

Le 5 § de l'art. 388 prévoit le vol des ré- | par plusieurs personnes, la peine sera d'un emcoltes non encore détachées du sol, ou le ma-prisonnement de quinze jours à deux ans, et raudage [1]. d'une amende de seize fr. à deux cents fr. >>

Les art. 34 et 35 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791, tit. 2, portaient: « Quiconque maraudera, dérobera les productions de la terre qui peuvent servir à la nourriture des hommes, ou d'autres productions utiles, sera condamné à une amende égale au dédommagement dû au propriétaire ou fermier; il pourra aussi, suivant les circonstances du délit, être condamné à la détention de police municipale. Pour tout vol de récolte fait avec des paniers ou des sacs, ou à l'aide des animaux de charge, l'amende sera du double du dédommagement; et la détention, qui aura toujours lieu, pourra être de trois mois, suivant la gravité des circonstances [2]. »

Ces deux dispositions ont définitivement remplacé les art. 34 et 35 du tit. 2 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791.

Le vol de récoltes sur pied ou le maraudage n'est donc qu'une simple contravention, lorsqu'il est commis par une seule personne, de jour et sans emploi de paniers, sacs ou de moyens de transport. Il ne devient un délit passible d'une peine correctionnelle que lorsqu'il est commis, soit avec des paniers ou des sacs ou autres objets équivalents, soit la nuit, soit à l'aide de voitures ou d'animaux de charge, soit par plusieurs personnes [3].

Ici se présentent les deux questions que nous avons examinées tout à l'heure à l'égard du vol de récoltes coupées. La réunion de plusieurs de ces circonstances aggravantes a-t-elle pour effet de transformer le délit en crime? Le concours d'une circonstance aggravante non prévue par cet article a-t-il le même résultat? Nous ne pourrions que répéter les observations que nous avons déjà énoncées sur ces deux points. Nous ajouterons seulement que ces observations acquièrent une force plus grande encore de leur application au simple maraudage, car la dis

Ces deux articles sont restés en vigueur et ont seuls été appliqués aux vols de cette nature, jusqu'à la promulgation de la loi du 25 juin 1824. L'art. 13 de cette loi s'était borné à ranger parmi les vols simples : « les vols et tentatives de vols de récoltes et autres productions utiles de la terre qui, avant d'avoir été soustraites, n'étaient pas encore détachées du sol, commis, soit avec des paniers ou des sacs, soit à l'aide de voitures ou d'animaux de charge, soit de nuit par plusieurs personnes. » Cette disposition n'abrogeait que l'art. 35 de la loi du 28 septem-tance qui le sépare du crime est plus éloignée; bre-6 octobre 1791.

La loi du 28 avril 1832 contient un système complet de législation sur cette matière.

L'art. 475, no 15, C. pén., punit d'une amende, depuis 6 francs jusqu'à 10 francs inclusivement, « ceux qui dérobent, sans aucune des circonstances prévues en l'art. 388, des récoltes ou autres productions utiles de la terre, qui, avant d'être soustraites, n'étaient pas encore détachées du sol. »

Le § 5 de l'art. 388 a reproduit, en le modifiant, l'art. 13 de la loi du 25 juin 1824 « Lorsque le vol de récoltes ou autres productions utiles de la terre, qui, avant d'être soustraites, n'étaient pas encore détachées du sol, aura eu lieu, soit avec des paniers ou des sacs ou autres objets équivalents, soit la nuit, soit à l'aide de voitures ou d'animaux de charge, soit

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car il semble plus difficile que la présence d'une seule circonstance étrangère, telle, par exemple, que le port d'armes, suffise pour élever la peine de deux degrés; car enfin, quand la réunion de trois des circonstances prévues par ce paragraphe, celles de la nuit, de l'emploi de paniers et de l'emploi de voitures, ne peut changer le caractère du délit, il serait étrange de faire résulter cette aggravation de la réunion des circonstances de la nuit et de la complicité.

Mais ce § 5 de l'art. 388 a fait naître une question spéciale. Si le maraudage a été commis, non dans les champs, mais dans un lieu dépendant d'une maison habitée, change-t-il de nature? doit-il être considéré comme un vol simple? La cour de cassation a répondu affirmativement: « Attendu que le maraudage n'est que l'enlèvement de fruits de la terre attenants à leurs ra

graves, ne peut avoir pour effet d'en soumettre les auteurs aux peines prononcées par le Code pénal contre les vols ordinaires commis avec des circonstances aggravantes. Ces violences peuvent par elles-mêmes constituer des crimes ou délits séparés, prévus par le même Code, et punissables d'après ses dispositions. (Brux., 23 mars 1831. Mais voy. Merlin, Rép., vo Vol, sect, 2, § 5, dist. 4, t. 36, p. 444. V. la note, p. 25.)

[3]. les notes p. 25.

cines, commis dans des champs ouverts; que, par conséquent, il ne peut se référer aux enlèvements de fruits de même nature commis dans des lieux clos attenants à une maison d'habitation; que, par le concours de cette dernière circonstance, ces enlèvements de fruits constituent non un simple maraudage, mais des vols rentrant dans l'application de l'art. 401. » Cette décision nous paraît conforme à l'esprit de la loi, qui n'a diminué la peine des vols de récoltes qu'à raison, non-seulement de la modicité des objets volés, mais aussi de la facilité avec laquelle le vol s'exécute. Dès que le vol quitte les champs et se rapproche des habitations, il devient plus dangereux, et la loi doit protéger par une peine plus efficace les lieux habités. A la vérité, le 5 § de l'art. 388 n'a point énoncé, comme le précédent, que le vol doit être commis dans les champs; mais il se réfère nécessairement aux mêmes dispositions que le précédent, et d'ailleurs il est de l'essence du maraudage d'être commis dans les champs.

L'art. 388 se termine par la disposition suivante : « Dans tous les cas spécifiés au présent article, les coupables pourront, indépendamment de la peine principale, être interdits de tout ou partie des droits mentionnés en l'art. 42, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où ils pourront aussi être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute police pendant le même nombre d'années. » Cette pénalité, qui s'étend à tous les cas spécifiés par l'article, ne semble pas en har monie avec le peu de valeur des vols prévus par le quatrième paragraphe; mais comme elle est purement facultative, il appartient aux juges d'en réserver l'application aux délits les plus graves compris dans les dispositions de cet ar

ticle.

Le Code pénal a prévu une dernière espèce de vol commis dans les champs: il s'agit des vols exécutés à l'aide de l'enlèvement ou du déplacement des bornes.

L'art. 389 est ainsi conçu: «Sera puni de la reclusion celui qui, pour commettre un vol, aura enlevé ou déplacé des bornes servant de séparation aux propriétés. »

Il importe de déterminer avec précision l'objet de cette disposition. Son but n'est point de réprimer les usurpations de terres, les envahissements d'héritages, car il s'agit d'un vol, et le vol, ainsi que nous l'avons vu, ne s'applique

[1] C'est aussi à ce deuxième délit que s'applique le tit. 21 du liv. 47 du Dig. de termino moto. [2] Comment. du C. pen., t. 2, p. 328.

qu'aux choses mobilières. D'ailleurs, la suppression des bornes, avec le but de détruire les limites des différents héritages, forme un délit distinct qui fait l'objet de l'art. 456, C. pén. [1].

Dans l'art. 389, le législateur a prévu un mode d'exécution spécial du vol des récoltes dans les champs: si, pour s'approprier les récoltes d'autrui, l'agent a enlevé ou déplacé des bornes servant de séparation aux propriétés, le vol de ces récoltes s'aggrave à raison du moyen employé pour l'exécuter. L'enlèvement ou le déplacement des bornes est donc une circonstance aggravante du vol; cette circonstance en change le caractère, elle lui imprime la qualification de crime.

Carnot pense que si la suppression ou la translation des bornes n'a eu pour but qu'un vol de fruits encore sur pied, l'art. 389 ne serait pas applicable, parce qu'il s'agirait plutôt d'un maraudage que d'un vol proprement dit [2]. Cette opinion est visiblement erronée. D'abord, le maraudage est un véritable vol que la loi a puni d'une peine légère parce qu'il cause un préjudice minime, mais qui n'en a pas moins les caractères du vol. Ensuite, la loi n'a point distingué : elle considère l'enlèvement ou le déplacement des bornes comme une circonstance suffisante pour qualifier toute espèce de vols commis par ce moyen, quel que soit l'objet de ces vols; il est donc interdit de faire aucune distinction.

Quelle est la signification du mot bornes dans l'art. 389? « On appelle bornes, suivant Jousse, tout ce qui sert à distinguer et séparer des héritages, tels que pierres, arbres, haies, piliers, fossés, et autres choses plantées ou faites à cette fin [3]. » Carnot n'a pas pensé que ce mot dût avoir un sens aussi étendu : « L'art. 389, dit-il, n'ayant parlé que des bornes, sans y avoir assimilé les autres marques qui auraient pu servir de limites aux propriétés, telles que des haies vives ou mortes, des pieds corniers ou autres arbres qui auraient été plantés ou reconnus pour être la séparation des héritages, leur enlèvement ou déplacement aurait-il même été suivi de vols, ne ferait pas entrer le délit dans l'application de l'art. 289. L'art. 456 a bien mis ces marques sur la même ligne que les bornes, mais c'est pour le cas seulement qu'a prévu cet article, de sorte que l'on ne pourrait en appliquer la disposition à l'art. 389 que par induction [4]. » Cette restriction est conforme au texte de la loi; elle résulte également du rapprochement des art. 389 et 456; enfin, on peut dire à l'appui que l'at

[3] Traité de justice crim., t. 3, p. 338. [4] Comment. du C. pén., t. 2, P. 326.

tention du législateur a dû se porter uniquement | seule personne, est impuissante quand ces vols

sur la suppression ou le déplacement des bornes, parce que les bornes seules font foi par ellesmêmes des limites des héritages et que leur déplacement ne laisse aucune trace, tandis que celui des arbres, haies ou pieds corniers ne peut s'opérer sans laisser des vestiges faciles à constater. C'était donc par le déplacement des bornes que les vols devaient principalement s'exécuter; c'était donc ce fait que la sollicitude du législateur devait surtout avoir en vue.

§ II. Vols commis dans les maisons habitées et leurs dépendances, dans les parcs et enclos.

La circonstance que le vol a été commis dans une maison habitée ou servant à l'habitation n'est point par elle-même une circonstance aggravante; car ce vol ne cesse pas d'être un simple délit. Mais cette circonstance contient un principe d'aggravation qui se développe et modifie le caractère du délit, lorsqu'elle se réunit à certains faits extérieurs. Elle est alors la condition qui imprime à ces faits un caractère plus grave; elle est le sujet auquel s'appliquent les accidents qui, d'après la loi, servent à modifier la qualification du fait. En un mot, elle sert d'élément pour constituer une circonstance aggravante; mais considérée abstractivement, elle n'en constitue point.

On trouve l'application de cette distinction dans les art. 381, no 4, et 386, n° 1, C. pén. Le premier de ces articles porte, en effet : « Si les coupables ont commis le crime, soit à l'aide d'effraction extérieure ou d'escalade ou de fausses clefs, dans une maison ou logement habité, ou servant à l'habitation... » L'art. 386 dispose également « Si le vol a été commis la nuit par deux ou plusieurs personnes, ou s'il a été commis avec une de ces deux circonstances seulement, mais en même temps dans un lieu habité ou servant à l'habitation... » Ainsi, ce sont l'effraction, l'escalade, les fausses clefs, la nuit et la complicité qui sont les véritables circonstances aggravantes; la maison habitée n'est que le lieu où la moralité de ces circonstances se développe, la condition de leur criminalité [1].

Le but du législateur, en établissant ce principe d'aggravation, a été de protéger l'habitation, c'est-à-dire le lieu destiné à la demeure des citoyens. Leur surveillance, qui suffit pour prévenir les vols commis pendant le jour et par une

sont commis la nuit, avec des circonstances qui révèlent le dessein d'employer la violence. D'ailleurs, leur sûreté individuelle est menacée, soit par l'exécution audacieuse du vol lui-même, soit parce que cette exécution peut les exciter à repousser par la force les agresseurs, et compromettre dès lors leur vie. Tels sont les motifs qui ont porté le législateur à édicter dans certains cas, contre ces sortes de vols, une peine plus grave, et à leur donner la qualification de crime.

Le Code a expliqué ce qu'il faut entendre par maison habitée [2]. L'art. 390 est ainsi conçu : << Est réputé maison habitée tout bâtiment, logement, loge, cabane, même mobile, qui, sans être actuellement habitée, est destinée à l'habitation, et tout ce qui en dépend, comme cours, basses-cours, granges, écuries, édifices qui y sont enfermés, quel qu'en soit l'usage, et quand même ils auraient une clôture particulière dans la clôture ou enceinte générale. »

Cette disposition exige plusieurs observations. On doit remarquer, d'abord, que la loi ne définit pas la maison habitée: elle se borne à lui assimiler les bâtiments qui, sans être habités, sont destinés à l'habitation, et les dépendances des maisons habitées. La maison habitée est tout bâtiment qui sert actuellement à l'habitation. Il importe peu que ce bâtiment soit, par sa destination principale, affecté à quelque autre usage. Dès qu'une personne l'habite, le fait de cette habitation lui imprime le caractère d'une maison habitée.

Ainsi, dans une espèce où le vol avait été commis dans une étable séparée par un chemin de la maison habitée, la chambre d'accusation avait déclaré : « que cette étable ne pouvait pas être considérée comme une dépendance de cette maison, et que, d'un autre côté, elle n'était pas elle-même une maison habitée dans le sens de la loi. » Mais la cour de cassation a confirmé cette décision par le motif : « qu'il a été reconnu, depuis le résultat de l'instruction, que le vol a été commis la nuit, dans une étable où couchait habituellement une personne chargée spécialement par le propriétaire de surveiller les bestiaux et fourrages que contenait ladite étable, et que cette personne y couchait la nuit même où le vol a été commis; que cette étable était donc, à l'égard de la personne qui y avait la surveillance, un logement qui est réputé maison habitée [3]. »

[1] Cass., 29 mai 1830.

[2] La définition des mots maison habitée s'applique au lieu habité ou servant à l'habitation du paragraphe 1er de

l'article 586, Code pénal (Liége, cassation, 5 avril 1825.) [3] Cass., 4 sept. 1812.

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