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C'est donc le fait même, et non la destination de la maison, qui établit la maison habitée; et, en effet, tous les motifs qui ont fait puiser dans cette circonstance un principe d'aggravation subsistent dès que le bâtiment où se commet le vol est le lieu d'habitation d'une personne, puisque ce vol expose sa sûreté personnelle et fait présumer aussitôt dans l'agent une criminalité plus grave.

Il n'est point nécessaire que la maison soit habitée par les personnes au préjudice desquelles le vol a été commis; la loi n'a point exigé cette condition, et elle ne pouvait la prescrire; il suffit que cette maison soit habitée par d'autres personnes. Les conséquences du vol sont les mêmes dans les deux cas : ce n'est pas, en effet, parce que la victime habite la maison que le vol est plus grave, c'est parce que le vol est commis dans un lieu habité. La cour de cassation a sanctionné cette décision, en déclarant : « qu'en déterminant comme circonstance aggravante du vol le cas où il a été commis dans une maison habitée, la loi n'a fait aucune distinction relativement aux personnes auxquelles la maison sert d'habitation; qu'ainsi la cour n'a pu, dans l'espèce, écarter la circonstance aggravante de maison habitée, sur le motif que la maison où le vol a été commis n'était point celle dans laquelle la personne volée avait son habitation [1]. »

une maison qui aurait été habitée exclusivement par une personne qui lui serait étrangère, et que, dans l'un et l'autre cas, la loi ne donne pas aux cours d'assises le pouvoir discrétionnaire de modifier la peine [3]. » Cette décision est rigoureusement conforme au texte de la loi.

L'art. 390 assimile à la maison habitée tout bâtiment, logement, loge, cabane, même mobile, qui, sans être actuellement habité, est destiné à l'habitation. Ici ce n'est plus le fait qui détermine le caractère de la maison, c'est sa destination; il faut donc reconnaître, avec la cour de cassation: « que, dans les art. 384, 386 et 389, l'acception des termes lieu ou maison habitée ou servant à habitation, n'est pas restreinte aux édifices en construction, où serait établie l'habitation permanente et continuelle; que dès lors elle comprend nécessairement, dans le sens légal comme dans le sens naturel, ceux où se fait une habitation accidentelle ou temporaire [4]. » En un mot, il suffit que l'édifice soit destiné à recevoir des habitants, et disposé à cet effet, pour qu'il ait le caractère légal d'une maison habitée; l'habitation, en effet, devient, dans ce cas, possible à tout moment, et dès lors la maison appelle la même protection que si elle était effectivement habitée.

D'après cette règle, il faut décider: 1° qu'une maison de campagne qui ne serait habitée qu'accidentellement, et dans laquelle même il ne serait pas établi de concierge, n'en serait pas moins, dans le sens du Code, une maison habitée [s]; 2° qu'un bateau, dans lequel se trouve un logement pour le conducteur, qui cependant n'y fait pas sa demeure habituelle, doit être considéré comme une maison habitée, « attendu que l'art. 390 parle généralement de tout bâtiment, et qu'ainsi les bateaux, qui peuvent servir de logement ou d'habitation, y sont compris nécessai

Il n'est également permis de faire aucune distinction pour le cas où le vol a été commis dans la maison même que le voleur habite. A la vérité, on peut supposer, dans cette hypothèse, quelques espèces qui ne présentent pas les motifs d'aggravation que nous avons exposés plus haut; mais ces motifs existent dans d'autres cas, tels, par exemple, que celui où le voleur, locataire de la maison, commettrait un vol pendant la nuit, chez un locataire voisin. D'ailleurs, la loi ne fait aucune exception. Il faut donc déci-rement [6]; » 3° que les édifices même publics der, avec la cour de cassation : « que l'art. 386, qui pose la circonstance aggravante de la maison habitée, ne distingue pas le cas où cette maison serait habitée par le voleur et celui où elle serait habitée par la personne volée [2]. »

Toutefois, dans une espèce où l'accusé avait été déclaré coupable de vol à l'aide d'effraction dans l'habitation commune du voleur et de la victime, la cour de cassation a décidé : « que le vol commis dans une maison habitée par le voleur ne peut être distingué de celui commis dans

rentrent dans la même catégorie dès qu'ils ont la même destination qui avait été établie par l'art. 15 de la sect. 2 du tit. 2 du Code de 1791, et par l'art. 4 de la loi du 23 frimaire an 8: ces édifices, excepté toutefois ceux qui sont consacrés aux cultes [7], sont confondus dans la classe générale des bâtiments, et ne subissent d'autre distinction que celle qui résulte de leur destination. Ainsi les vols dans les hospices, qui étaient punis, avant le Code pénal, comme étant commis dans des édifices publics [8], doivent être

[1] Cass., 24 juin 1813. [2] Cass., 10 déc. 1836. [3] Cass., 10 fév. 1827. [4] Cass., 23 août 1821.

[5] Carnot, Comment. du C. pén., t. 2, p. 329.
[6] Cass., 8 oct. 1812.

[7] V., plus bas, la note de l'éditeur belge, sur le § 3.
[8] Cass., 29 oct. 1808.

maintenant considérés comme commis dans une maison habitée.

Il faut décider, au contraire, par application de la même règle, qu'un vol commis dans un édifice public, et par exemple, dans un magasin militaire [1], n'est point réputé commis dans une maison habitée, lorsqu'il ne résulte d'aucune des pièces du procès que ce magasin fût un lieu habité ou servant à l'habitation.

La même décision doit s'étendre encore au vol commis dans une voiture publique. L'art. 21 de la sect. 2 du tit. 2 du Code de 1791 portait « Tout vol commis dans lesdites voitures (les coches, messageries et autres voitures publiques) par les personnes qui y occupent une place, sera puni de quatre années de détention. » Le vol fut déclaré purement correctionnel, et la peine réduite à une année d'emprisonnement par l'article 8 de la loi du 25 frimaire an 8. En présence de ces deux dispositions, notre Code a gardé le silence; il faut naturellement en conclure qu'il a voulu conserver à ce délit le caractère que lui avait assigné la loi du 25 frimaire an 8, et qu'il l'a confondu, en conséquence, parmi les vols simples prévus par l'art. 401. Comment, d'ailleurs, sans une évidente extension, appliquer la qualification de maison habitée, telle que l'explique l'art. 390, à une voiture publique qui n'est ni un bâtiment, ni un logement, ni une loge, ni une cabane? Comment considérer une voiture momentanément occupée par des voyageurs comme leur habitation, comme leur demeure? La cour de cassation n'a également vu dans cette espèce de vol qu'un vol simple, et elle a déclaré : « que le but de l'art. 390 a été de protéger l'habitation, c'est-à-dire le lieu destiné à la demeure des citoyens, et qu'il n'y a aucune assimilation légale entre un tel lieu et une diligence [2]. »* L'art. 390 assimile ensuite à la maison habitée « tout ce qui en dépend, comme cours, basses-cours, granges, écuries, édifices qui y sont enfermés, quel qu'en soit l'usage, et quand même ils auraient une clôture particulière dans la clôture ou enceinte générale. » Ainsi un vol est réputé fait dans une maison habitée, nonseulement lorsqu'il est commis dans les bâtiments qui composent cette maison, mais encore lorsqu'il est commis dans toutes ses dépen

dances.

Quelle est la signification de ce mot? Il faut remarquer, d'abord, que l'énumération contenue dans cette disposition n'est pas limitative cela

résulte clairement du texte de la loi qui procède par forme d'exemple: comme cours; basses-cours, et ces objets ne sont donc qu'une démonstration; la loi s'en est servie pour expliquer sa pensée; elle n'en exclut aucun autre, pourvu qu'ils rentrent dans les mêmes conditions. La condition de la dépendance des lieux est qu'ils soient renfermés dans l'enceinte de la maison : c'est là le sens que l'art. 390 a donné à cette expression; car il parle restrictivement des granges, écuries, édifices qui sont enfermés dans la clôture générale. Il ne suffit donc pas que le lieu, quel qu'il soit, soit dépendant par destination de la maison, s'il n'en dépend pas par le fait; il ne suffit pas qu'il soit attenant à cette maison, s'il n'est pas compris dans la même enceinte. Cette règle à été consacrée dans une espèce où le vol avait été commis dans une cave dépendante d'une maison habitée, mais qui n'était ni annexe å cette maison, ni comprise dans la même enceinte. La cour de cassation a jugé que l'art. 390 n'était pas applicable : « attendu que cet article n'exige pas seulement une dépendance de destination; que cette dépendance doit être de fait, en sorte que celui qui habite la maison ou qui doit l'habiter ait sous sa surveillance ce corps dépendant, comme toute autre partie de la maison [3]. >>

Les mots édifices qui y sont renfermés se rapportent nécessairement aux cours et bassescours, c'est-à-dire qu'un édifice renfermé dans une cour ou basse-cour dépendante d'une maison habitée est réputé lui-même maison habitée; mais de là il ne faut pas conclure qu'il ne peut exister d'édifices dépendant d'une maison habitée que lorsqu'ils sont enfermés dans les cours ou basses-cours qui dépendent de cette maison; car, si tel était le sens de la loi, les bâtiments qui enferment les cours et basses-cours, au lieu d'y être renfermés, ne pourraient jamais être considérés comme dépendant de la maison habitée à laquelle les cours et basses-cours appartiennent; or, une telle conséquence serait évidemment absurde [4].

La question s'est élevée de savoir si un jardin attenant à une maison habitée est une dépendance de cette habitation. Merlin, portant la parole sur cette question, reconnut que les dépendances d'une maison habitée n'ont pas, en matière pénale, un sens aussi étendu qu'en matière de legs ou de vente; qu'encore que, dans ces matières, la simple destination suffise pour constater une dépendance, il n'en est pas de

[1] Cass., 9 janv. 1834. [2] Cass., 7 sept. 1827.

[3] Cass., 30 mai 1812. [4] Merlin, Rép., vo Vol.

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danger est le même dès qu'aucune clôture ne l'isole de la maison, dès qu'il ne fait qu'un même tout avec l'habitation; il n'existe donc aucun motif de ne pas le comprendre, comme les cours et les autres dépendances de la maison, dans les termes de l'art. 390.

Mais si un jardin attenant à une maison habitée peut être considéré comme une dépendance de cette maison, ce n'est qu'autant qu'il est compris dans l'enceinte générale, c'est-à-dire qu'il est entouré d'une clôture. La même décision ne s'appliquerait donc pas à un simple emplacement, lors même qu'il serait déclaré que cet emplacement dépend d'une maison habitée; c'est ce que la cour de cassation a décidé, en s'appuyant sur ce que « en effet, une cour dépendant d'une maison habitée est un espace à découvert, fermé dans la clôture ou enceinte générale de la maison; que le mot emplacement, au contraire, est une expression vague qui ne suppose aucune clôture, ni générale, ni particulière, et qui, dans son acception, ne signifie qu'un endroit propre à une construction ou à toute autre destination; qu'il ne peut donc désigner ni une cour, ni un parc, ni un enclos [4]. »

même en matière pénale, et qu'un terrain n'est censé dépendre d'une maison qu'autant qu'il y tient immédiatement. « Mais ici, ajoutait ce magistrat, ce n'est pas d'une simple dépendance de destination qu'il s'agit. Le jardin dans lequel a été commis le vol a été déclaré, par le jury, tenir à la maison habitée. Il y a donc entre la maison et le jardin une dépendance réelle et immédiate; le jardin est donc compris dans ces termes de la loi pénale tout ce qui en dépend. Et peut-on douter qu'un jardin attenant à une maison habitée ne soit compris dans les dépendances de cette maison? Qu'importe que, dans l'art. 390, les jardins ne soient pas expressément désignés? L'art. 390 les désigne suffisamment par cela qu'il dit tout ce qui en dépend [1]. » La cour de cassation a consacré cette doctrine en déclarant: « qu'un jardin attenant à une maison en est une dépendance; qu'un vol qui y est commis doit donc être considéré et caractérisé comme s'il avait été commis dans la maison même; que les énonciations portées dans l'art. 590, pour déterminer ce qui doit être regardé comme dépendance d'une maison habitée, ne sont point restrictives; qu'elles sont évidemment démonstratives; que le mot comme, qui précède ces énonciations, en exclut nécessairement tout sens limitatif; qu'un jardin tenant à une maison habitée en est tout aussi bien une dépendance que la cour ou la basse-cour de cette maison; qu'il est, comme elles, dans son enceinte générale [2]. » Cette interprétation, qui a été combattue par M. Legraverend [3], ne nous paraît point, comme à cet auteur, contraire au texte de la loi. Ce texte, L'art. 391 est ainsi conçu: « Est réputé parc nous l'avons dit, n'est nullement limitatif; nous ou enclos tout terrain environné de fossés, de ne voyons donc pas par quel motif un jardin ne pieux, de claies, de planches, de baies vives ou serait pas compris dans les dépendances d'une sèches, ou de murs de quelque espèce de matémaison habitée aussi bien qu'une cour, s'il est at-riaux que ce soit, quelles que soient les hauteurs, tenant à cette maison et compris dans la même la profondeur, la vétusté, la dégradation de ces clôture. Legraverend objecte qu'un jardin peut diverses clôtures, quand il n'y aurait pas de être d'une vaste étendue, et que la définition de porte fermant à clef ou autrement, ou quand la la loi hésite alors à s'y appliquer. Cette étendue porte serait à claire-voie et ouverte habituellene change rien à la question. La loi a voulu ment. » qu'une protection spéciale fût accordée à la sûreté et à la sécurité du maître de la maison dans un jardin qui, tenant à son habitation, est placé sous sa surveillance directe, et destiné par sa position à son usage personnel le vol commis dans ce jardin expose, en effet, sa sûreté, en l'excitant à des actes de défense contre ses auteurs. Or, quelle que soit l'étendue du jardin, le

[1] Rép., vo Vol, sect. 2, § 3. Cass., 18 juin 1812. [2] Cass., 18 juin 1812 et 20 juin 1826. (V., dans ce sens, Brux., cass., 28 fév. 1826; J. de Brux., 1826, 1, 230; Dalloz, 28, 398.)

Les vols commis dans les parcs ou enclos peuvent être assimilés, à certains égards, aux vols commis dans une maison habitée; en effet, cette circonstance, non aggravante par elle-même, renferme néanmoins un principe d'aggravation, et devient, comme la maison, un élément nécessaire de certaines circonstances, telles telles que l'escalade, réputée aggravante par la loi.

Si les parcs et enclos étaient attenants à une maison habitée, et s'ils en dépendaient, ils seraient alors considérés comme dépendances de cette maison, et le vol qui y serait commis rentrerait dans les dispositions des art. 384 et 386, C. pén.

L'art. 392 ajoute : « Les parcs mobiles destinés à contenir du bétail dans la campagne,

[3] Législation crim., t. 3, p. 125, no 254.
[4] Cass., 1er avril 1820,

de

quelque manière qu'ils soient faits, sont aussi réputés enclos; et lorsqu'ils tiennent aux cabanes mobiles ou abris destinés aux gardiens, ils sont réputés dépendants de maisons habitées. » Cette dernière disposition est la conséquence de l'art. 390, qui répute maison habitée toute cabane, même mobile, destinée à l'habitation; il suit de là que les parcs mobiles doivent être réputés dépendants de maison habitée, pourvu qu'ils tiennent immédiatement à la cabane du gardien.

§ III. Vols dans les édifices consacrés aux cultes.

La loi romaine mettait au nombre des sacriléges les vols des choses sacrées, lors même qu'elles n'étaient pas déposées dans un lieu sacré. Lege Julia peculatús tenetur qui pecuniam sacram, religiosam, abstulerit, interceperit [1]; mais le vol, même commis dans un lieu sacré, de choses appartenant à des particuliers, n'était point un sacrilége. Res privatorum, si in ædem sacram depositæ subreptæ fuerint, furti actionem, non sacrilegii esse [2].

Cette distinction, que le droit canonique avait effacée en rangeant ces deux faits dans la classe des sacriléges [5], fut maintenue par la jurisprudence. Les auteurs séparaient le vol d'église et le vol fait dans les églises sacrum in sacro et non sacrum in sacro. Le vol des choses consacrées à Dieu était un sacrilége, parce que ce vol renfermait une profanation de choses saintes: tel était le vol des calices, ciboires, reliques, images et même des troncs d'église. Mais le vol des choses non consacrées à Dieu, bien que commis dans une église, était considéré comme un vol ordinaire seulement la peine était aggravée à raison du lieu où ce crime avait été commis [4]. La déclaration du 4 mai 1724 portait dans son art. 1o, relatif à cette dernière espèce de vol: « Ceux ou celles qui se trouveront convaincus de vols ou de larcins faits dans les églises, ensemble leurs complices et suppôts, ne pourront être punis de moindre peine que, savoir les hommes, des galères à temps ou à perpétuité; et les femmes, d'être flétries d'une marque en forme d'une lettre V, et enfermées à temps ou pour leur vie, dans une maison de force : le tout sans préjudice de la peine de mort, s'il y échet, sui

:

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vant l'exigence des cas. » Cette peine de mort était, dans la plupart des circonstances, la peine du vol sacrilége [5]. »

L'Assemblée constituante supprima l'incrimination du sacrilége et du vol sacrilége: le vol dans les églises se trouva confondu dans la série des vols commis dans les édifices publics. Les art. 12 et 15 de la sect. 2 du tit. 2 du Code de 1791 punissaient de huit années de fers le vol commis dans une maison habitée; mais le 2 § de ce dernier article portait: «Toutefois ne sont point comprises dans la précédente disposition les salles de spectacle, boutiques, édifices publics; les vols commis dans lesdits lieux seront punis de quatre années de fers. » Ainsi le vol dans une maison habitée était puni, sous cette législation, d'une peine double de celle du vol dans une église.

Le Code pénal de 1810 effaça l'incrimination du vol dans les édifices publics : les édifices où se commettait le vol ne devinrent un élément d'aggravation de ce délit que dans le seul cas où ils étaient destinés à l'habitation. Le vol commis dans un édifice consacré au culte n'était donc plus qu'un vol simple [6].

La cour de cassation crut toutefois surprendre dans les dispositions du Code une pénalité plus sévère; elle considéra les édifices consacrés aux cultes comme des lieux habités : « Attendu, porte un premier arrêt, que l'acception des termes maison habitée ou servant à l'habitation n'est pas restreinte aux édifices ou constructions où serait établie l'habitation permanente et continuelle; que dès lors elle comprend nécessairement, dans le sens légal comme dans le sens naturel, ceux où il se fait une habitation accidentelle ou temporaire d'une réunion d'hommes rassemblés à des époques déterminées; que l'habitation se constitue, en effet, non-seulement d'une résidence pour tous les besoins de la vie, mais encore d'une demeure temporaire pour certains besoins, certaines affaires ou certains devoirs; que, par conséquent, le vol commis dans les lieux destinés et employés à recevoir les réunions d'hommes qui y viennent tous les jours, ou dans certaines circonstances, pour leurs devoirs, leurs affaires ou leurs plaisirs, est censé accompagné de la circonstance aggravante du lieu ou maison habitée [7]. »

Cet arrêt, qui fonde une aggravation de peine

[1] L. 4, Dig. ad leg. Jul., peculatús et de sacrilegiis. [2] L. 5, eod. tit.

[3] C. si quis contumax, § 17, quæst. 4.

[5] Lévit., ch. 10, no 16, 1. 1, 6 et 9, Dig. ad leg. Jul. pecul. et de sacrilegiis. Edit de juill. 1682. [6] V., dans ce sens, Brux., 7 mai 1836 ; J. de Brux.. [7] Cass., 25 août 1821.

[4] Jousse, t. 4, p. 97 et 206; Muyart de Vouglans, 1857, p. 346; Legraverend, t. 5, p. 126, no 254. p. 304.

sur une fragile analogie, est resté dans la jurisprudence comme un exemple de la plus dangereuse des interprétations. En effet, de ce que les personnes se réunissent tous les jours, ou dans de certaines circonstances, dans des lieux désignés pour ces réunions, il ne s'ensuit nullement que ces lieux soient habités; l'habitation même accidentelle et temporaire doit être encore une habitation or, l'habitation est la demeure de l'homme, le lieu où il réside habituellement, où il satisfait les besoins de la vie, où se trouvent son foyer domestique et sa famille. Comment étendre cette qualification à un édifice public? Comment faire de cette extension la base d'une peine?

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La question étant revenue devant les chambres réunies, la cour de cassation persista dans sa jurisprudence, mais en modifiant ses motifs; ce deuxième arrêt se fonde d'abord sur le 2 § de l'art. 15 de la sect. 2 du tit. 2 du Code de 1791, lequel ne serait qu'une exception en ce qui concerne les vols commis dans les édifices publics; or, si ce paragraphe n'est qu'une exception, il faudrait en conclure qu'en règle générale, les édifices publics doivent être considérés comme des maisons de propriété privée, et, par conséquent, comme des lieux habités; et comme le Code de 1810 n'a pas défini l'habitation, on doit étendre jusqu'à ses dispositions cette qualification implicitement attribuée aux vols commis dans les édifices publics [1]. Nous ne nous attacherons point à démontrer la faiblesse de cette argumentation, soit en ce qui concerne les dispositions du Code de 1791, soit leur application au Code pénal. Les véritables motifs de l'arrêt étaient ceux-ci : « que relativement aux édifices qui sont ouverts aux citoyens pour les devoirs de leur culte religieux, il est des motifs d'une plus haute et plus grave considération pour y prévenir les crimes par la crainte d'un châtiment plus rigoureux; qu'en effet, les vols qui s'y commettent ne sont pas seulement un attentat à la propriété, qu'ils sont encore une profanation de ces édifices; qu'ils sont même un sacrilége lorsqu'ils portent sur des objets destinés au culte; que la déclaration du 4 mars 1724 | punissait des galères, et, le cas échéant, de la mort, les vols commis dans les églises; que si la législation nouvelle a été moins sévère, les tribunaux ne doivent pas en augmenter l'indulgence, en refusant d'appliquer les peines qui résultent de ses dispositions. >>

Il serait superflu de combattre aujourd'hui

ces motifs d'aggravation tirés de ce que le vol commis dans une église constituerait une profanation, un sacrilége. Il est évident que ce caractère ne pourrait exister qu'aux yeux des personnes qui professent le culte auquel l'édifice a été consacré. La liberté des cultes et surtout l'abolition par la Charte de 1830 d'une religion dominante détruisent nécessairement le principe sur lequel reposait tout ce système. Aux yeux de la loi civile, le sacrilége n'est point un délit, à moins qu'il n'ait causé quelque trouble ou qu'il n'ait été public, et, dans ce dernier cas, c'est le trouble, c'est l'atteinte portée au libre exercice des cultes que réprime là loi.

Les cours royales résistèrent à cette jurisprudence et refusèrent de l'appliquer [2]. Le législateur de 1825, sous le prétexte que cette divergence révélait une lacune dans la loi, adopta en quelque sorte comme une interprétation législative la loi du 25 avril 1825; l'art. 7 de cette loi rangeait positivement les églises parmi les maisons habitées. Mais cette loi nouvelle fut ellemême abrogée purement et simplement par la loi du 11 octobre 1830, et la question revint sc poser dans les termes du Code pénal. Cette abrogation parut appuyer toutefois l'interprétation que les cours royales avaient soutenue; car elle équivalait en quelque sorte à la déclaration que le législateur ne considérait plus les églises comme des lieux habités; que les vols qui s'y commettaient n'étaient donc que des vols simples.

La révision du Code pénal a donné lieu d'agiter de nouveau cette question. Le projet du gouvernement et celui de la chambre des députés avaient laissé cette classe de vols dans les termes de l'art. 401; la chambre des pairs crut devoir reprendre la disposition de la loi de 1825: ces mots, ou dans les édifices consacrés aux cultes légalement établis en France, furent ajoutés au paragraphe premier de l'art. 586. Ces édifices se trouvent donc, non plus, à la vérité, rangés parmi les maisons habitées, mais assimilés à ces maisons.

Il résulte de cette disposition nouvelle et de cette assimilation, que nos observations relatives à la circonstance de la maison habitée s'appliquent aux vols commis dans les édifices consacrés aux cultes.

Ainsi, cette seule circonstance que le vol a été commis dans l'un de ces édifices n'est point une circonstance aggravante; le vol qui n'est accompagné d'aucune autre circonstance est un vol simple; aux termes de l'art. 386, ce vol ne

[1] Cass., 29 déc. 1821.

t. 5, p. 126, no 254. (V. la note de l'éditeur belge,

[2] V. Bordeaux, Dalloz, t. 28, p. 400; Legraverend, p. ....)

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