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prend le caractère de crime, et n'est passible de | la reclusion, qu'autant qu'il a été commis soit la nuit, soit par deux ou plusieurs personnes. Ainsi il n'est pas permis de distinguer si le vol a été commis, soit par une personne attachée au service de l'église, soit par une personne étrangère, soit au préjudice de l'église, soit au préjudice des personnes qui la fréquentent la loi n'exige qu'une seule condition, indépendamment de celles de nuit et de complicité, c'est que ce vol ait été commis dans un édifice consacré au culte.

Les édifices consacrés aux cultes, dans le sens de la loi, sont ceux qui sont publiquement affectés au service des cultes reconnus par l'État. Les chapelles particulières ou les lieux de réunion de cultes non reconnus ne peuvent rentrer dans cette dénomination. L'État, qui ne les connaît pas, ne peut, au moins sous ce rapport, leur accorder la même protection; et puis leur caractère douteux et contesté n'imprime pas aux vols qui s'y commettent la même gravité.

§ IV. Vols sur les chemins publics.

Les vols sur les chemins publics forment la quatrième classe des vols qui puisent dans le lieu de leur perpétration un caractère particulier c'est la seule qui trouve dans cette circonstance une véritable aggravation, indépendante de toute autre circonstance.

Dans tous les temps la sûreté des routes a dû préoccuper les législateurs. La loi romaine punissait les voleurs de grand chemin, grassatores seu agressores seu insidiatores viarum, de la peine des mines ou de la relégation; et s'ils avaient fait usage de leurs armes ou s'ils faisaient métier de ces vols, ils étaient punis de mort: Grassatores qui prædæ causa id faciunt proximi latronibus habentur; et si cum ferro aggredi et spoliare instituerunt, capite puniuntur, utique si sæpiùs atque in itineribus admiserunt; cæteri in metallum damnantur vel in insulas relegantur [1]. La raison de cette pénalité rigoureuse était donnée par une autre loi: Publicè enim utile est sine metu et periculo per itinera commeari [2]. C'était pour que les voyages pussent avoir lieu sans crainte et sans péril, que les vols commis sur les chemins étaient plus rigoureusement punis.

En France, ce crime était passible du supplice de la roue. L'édit de janvier 1534, inter

venu à une époque de brigandages, portait, par une disposition absolue, cette peine atroce contre tous les vols de cette nature. « Non-seulement, dit Muyart de Vouglans, nos lois ne distinguent point, quant à la peine, les voleurs de grand chemin qui n'assassinent point de ceux qui assassinent, mais elles portent même la rigueur jusqu'à étendre cette peine à ceux qui n'auraient fait qu'une simple attaque, sans être parvenus à consommer le vol []. » Néanmoins la jurisprudence limitait l'application du supplice de la roue au cas où les vols sur les grands chemins avaient été accompagnés de meurtre ou de blessures [4].

Le Code de 1791 ne faisait du vol commis sur un grand chemin l'objet d'une incrimination distincte, que lorsqu'il avait eu lieu à force ouverte et par violence envers les personnes : la peine était de 14 années de fers, et cette peine était augmentée de quatre années, si le vol avait été commis soit la nuit, soit par plusieurs personnes, soit avec des armes [s]. L'art. 8 de la loi du 18 pluviôse an 9 attribua à la juridiction des tribunaux spéciaux les vols commis de complicité sur les grandes routes.

Le projet du Code pénal de 1810 ne renferfait, sur les vols de cette nature, aucune disposition particulière; la commission du Corps législatif en fit l'observation : « La première section du projet de loi ne présente aucune disposition pénale contre le vol sur les chemins publics. Il est vrai qu'il paraît implicitement compris dans l'art. 385, et principalement au n° 2 de l'article 386; mais il n'est point nominativement désigné. Cette désignation semble néanmoins nécessaire; le vol sur les chemins publics, de tout temps, a été frappé de peines très-graves en le rangeant dans la classe de l'art. 386, il n'aurait que celle de la reclusion, qui serait bien faible pour le coupable, et presque nulle pour l'exemple. » Cette observation fut accueillie par le conseil d'État, qui décida que ces vols seraient punis, sans distinction, de la peine des travaux forcés à perpétuité. Tel était le texte de l'ancien art. 383.

Une peine aussi grave ne pouvait se justifier qu'en admettant que ce vol, pour rentrer dans les termes de cet article, dût être nécessairement accompagné de violences, de même que sous l'empire du Code de 1791. Tel était aussi l'esprit de la loi « A l'égard des vols commis dans les chemins publics, disait l'orateur du gouverne

[1] L. 28, § 15, Dig. de pœnis, et ib. et 10. [2] L. 1, § 1, Dig. de his qui effuderint vel dejecerint. [3] Lois crim., p. 304.

[4] Jousse, t. 4, p. 215; Serpillon, C. crim., t. 1, p. 189. [5] 20 part., tit. 2, sect. 2, art. 1, 2, 4 et 5.

ment dans son exposé des motifs, ces sortes de crimes, qui portent toujours un caractère de violence, et qui menacent la sûreté individuelle, seront punis de la peine des travaux forcés à perpétuité. » Le rapporteur du corps législatif ajoutait « Ce crime est d'autant plus grand, qu'il est plus facile, et qu'il trouble la sûreté du voyageur dans les lieux mêmes où la foi publique semblait devoir la lui garantir plus spécialement. Les travaux forcés à perpétuité sont appliqués à cette espèce de vol; et malgré la gravité du crime, vous ne désirerez pas une peine plus forte. Vous sentez, sans que je les expose, les raisons qui conseillent de n'être pas ici aussi sévère que le crime semblerait le demander, et de n'appliquer la peine de mort qu'autant que le vol de grand chemin a été accompagné d'homicide ou de blessures graves. >>

La cour de cassation, en se conformant à ces explications, mais toutefois après quelques hésitations [1], avait jugé : « que si l'art. 383 prononce d'une manière générale les travaux forcés à perpétuité contre les vols commis sur les chemins publics, la sévérité de cette peine a eu pour motif la présomption que ces sortes de vols ont été accompagnés de violences ou menaces contre la sûreté individuelle; d'où il suit que lorsque les juges appelés par la loi pour prononcer sur l'accusation ou la culpabilité des prévenus de pareils vols, déclarent d'une manière positive qu'il n'y a eu ni violence ni menace, il n'y a pas lieu non plus à l'application de l'article 383 [2]. »

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t-il dans un pays où il est inconnu, loin de ses foyers, de ses amis, laissé, pour ainsi dire, nu sur une terre étrangère? C'est au milieu de ces idées que le législateur a rendu la loi en 1810. Que cet article soit trop absolu, trop général, cela est possible. Le gouvernement, dans sa sagesse, verra s'il est susceptible d'amélioration... Mais, dans l'état actuel des choses, ce que nous avons à faire, c'est d'obéir à l'art. 383. » La cour déclara, en adoptant ces conclusions: <«< que la disposition de cet article est générale et absolue; qu'elle ne peut être modifiée par des distinctions qu'elle n'a point exprimées; qu'elle punit des travaux forcés à perpétuité les vols commis dans les chemins publics; que l'accusé a été reconnu, par un jury légal, coupable d'un vol commis sur un chemin public; que ce fait ainsi déclaré était le fait déterminé et puni par l'art. 383; qu'il n'y avait donc pas lieu de s'arrêter à la déclaration négative du jury sur la violence, dont cet article n'a fait ni une circonstance du crime qu'il a prévu, ni une condition de la peine qu'il a prononcée [3]. »

»

La conséquence de cette interprétation rigoureuse fut la modification de la loi. L'art. 7 de la loi du 25 juin 1824 atténua l'art. 383 en ces termes : « La peine prononcée par l'art. 383, C. pén., contre les coupables de vols ou de tentatives de vols sur un chemin public, quand ces vols auront été commis sans menaces, sans armes apparentes ou cachées, sans violences et sans aucune des circonstances aggravantes prévues par l'art. 384, C. pén., pourra être réduite, soit à celle des travaux forcés à temps, soit à celle de la reclusion. » L'art. 12 de la même loi privait du bénéfice de cette disposition les mendiants, les vagabonds et les individus déjà frappés de condamnation.

Cette interprétation ne fut point admise par les sections réunies de la cour de cassation. La question avait été portée devant ces sections dans une espèce où il s'agissait du vol de deux bûches laissées sur un chemin public: « Nul doute, dit le procureur général, qu'il n'y ait de très-gran- La loi du 28 avril 1832, en recueillant cette des différences dans les vols commis sur les disposition, lui a fait subir plusieurs modificagrands chemins, et qu'il ne fût possible de leur tions. Voici le texte du nouvel art. 383 : « Les appliquer des peines diverses suivant leur degré vols commis sur les chemins publics emportede gravité. Mais le législateur a été séduit, en- ront la peine des travaux forcés à perpétuité, traîné par une idée générale. Il s'est dit qu'on ne lorsqu'ils auront été commis avec deux des cirsaurait trop entourer le voyageur de protection constances prévues dans l'art. 381. Ils emporteet de sollicitude. Le voyageur, exposé déjà à tant ront la peine des travaux forcés à temps, lorsd'accidents et de calamités, doit-il encore subir qu'ils auront été commis avec une seule de ces l'audace ou la ruse du voleur qui l'intimide ou circonstances. Dans les autres cas, la peine sera le surprend? On peut ne lui voler qu'un mou- celle de la reclusion. >> choir; mais aussi il peut être dépouillé de toute sa fortune, et cela sans violence. Que deviendra

La loi du 25 juin 1824 s'était bornée à prévoir le cas où le vol avait été commis sur un

[1] Cass., 5 sept. 1811 et 8 juill. 1813.

[2] Cass., 25 avril 1816 et 22 mai 1817. (Brux., 10 mars 1837; J. de Brux., 1837, p. 257; Legraverend, t. 3, P. 122.

[3] Cass., 23 juin 1818. (Brux., cass., 12 janv. 1833 et 25 mai 1840; J. de Brux., 1840, p. 537.)

chemin public, sans aucune des circonstances aggravantes prévues par l'art. 381, et la peine était celle de la reclusion ou des travaux forcés à temps, suivant la volonté du juge. L'art. 383, | en prévoyant la même hypothèse, a fixé le minimum de la peine à la reclusion; il a supprimé ensuite la restriction établie vis-à-vis des mendiants, des vagabonds et des condamnés en récidive. Enfin, il a introduit dans l'ancien article une nouvelle distinction: le vol sur un chemin public, lorsqu'il est commis avec une seule des circonstances prévués par l'art. 381, n'est puni que des travaux forcés à temps; ce n'est que lorsque deux de ces circonstances aggravantes l'accompagnent, que la peine portée par l'ancien article, celle des travaux forcés à perpétuité, peut lui être appliquée. Peut-être pourrait-on trouver que, nonobstant ces distinctions, cette dernière disposition est restée encore trop absolue; car il en résulte que le vol commis sur un chemin public avec deux des cinq circonstances énumérées par l'art. 381, par exemple, la nuit et par deux personnes, est puni de la même peine que s'il avait été commis avec les cinq circonstances réunies.

Mais la principale conséquence qu'il faut déduire des rectifications de l'art. 383, c'est que la question de savoir si la violence est une circonstance essentielle du vol sur un chemin public ne peut plus être posée. En effet, la violence est une des cinq circonstances aggravantes prévues par l'art. 381; or l'art. 383 prévoit trois cas: le vol commis sur un chemin public sans aucune de ces circonstances, et par conséquent sans violence; le vol commis avec une seule de ces circonstances, et par conséquent, soit la nuit, soit avec complicité, soit avec armes, soit avec effraction ou escalade, soit avec violence; enfin le vol commis avec plusieurs de ces circonstances. Il suit donc du rapprochement de ces deux articles, que, dans la première hypothèse, le crime existe indépendamment de toute violence, et que, dans les deux autres, cette circonstance a cessé d'être essentielle à son existence, puisqu'elle peut concourir ou ne pas concourir avec le vol, sans qu'il en soit affecté et qu'il change de caractère. Il suffit, pour qu'il devienne passible, soit des travaux forcés à temps, soit des travaux forcés perpétuels, qu'il soit accompagné d'une ou deux circonstances aggravantes parmi lesquelles se trouve la violence peu importe que celle-ci ne soit pas constatée; la loi n'est pas moins applicable; elle accorde à chacune des circonstances prévues le même effet, la même puissance.

[1] Cass., 20 nov. 1812.

Les motifs énoncés par le législateur de 1810 pour justifier la disposition trop absolue de l'article 383, ne peuvent donc plus être invoqués : ce n'est point parce que le vol commis sur un grand chemin porte essentiellement avec lui un caractère de violence, qu'il est puni d'une peine plus grave, puisque le législateur de 1832 prend soin de distinguer s'il est commis avec ou sans violence. La sévérité de la loi est motivée sur la nécessité de protéger les voyageurs et leurs propriétés, sur la facilité avec laquelle ces vols peuvent se commettre, sur les chemins publics, sur des personnes isolées et loin de tout secours; enfin, sur la présomption que l'agent, s'il n'emploie pas la violence, est disposé à en faire usage pour accomplir son action. Tels sont les véritables motifs de l'art. 383, motifs qui se trouvent en harmonie avec la fixation de ses peines.

Il suit de là que tous les vols commis sur les chemins publics rentrent actuellement dans les termes de l'art. 383; qu'il n'est plus permis d'assigner à ces sortes de vols un caractère spécial; que les circonstances qui les accompagnent ne sont plus essentielles à l'existence même de ce crime, et qu'elles ne servent qu'à la gradation de la peine.

Ainsi, dès que le vol est commis sur un chemin public, il devient passible des dispositions de cet article, quelle que soit la modicité de l'objet volé, quelles que soient les circonstances qui l'aient accompagné; car, suivant que l'avait remarqué la cour de cassation, au sujet de son ancien texte, « cet article est général et absolu dans ses dispositions, et son application est une suite nécessaire de la déclaration du jury, portant que le vol a été commis dans un chemin public [1]. »

Ainsi, on ne doit plus également distinguer si le vol a été commis sur la personne même du voyageur, ou s'il a été commis sur ses effets seulement et hors de sa présence; il suffit que le lieu de sa perpétration soit un chemin public. Cette décision avait soulevé d'assez graves objections avant la rectification de l'art. 383, parce que le vol, tel que cet article l'avait prévu, supposait l'emploi de la violence, et qu'il n'y a plus de violence quand le vol se commet au moment où le voyageur ne veille plus sur ses effets [2]. Cette difficulté a cessé d'exister, puisque la violence n'est plus un élément nécessaire de ce crime; et l'on ne peut qu'adopter aujourd'hui la jurisprudence de la cour de cassation portant : « que l'art. 383 a voulu pourvoir, non-seulement à la sûreté des voyageurs, mais aussi à celle des effets dont ils sont les porteurs ou les con

[2] Merlin, Rép., vo Vol, sect. 2, § 3, art. 4.

ducteurs; qu'ainsi cet article doit s'appliquer, | non-seulement aux vols commis dans les chemins publics sur la personne même des voyageurs, mais aussi aux vols d'effets et propriétés qui se trouvent sur les chemins publics en transport ou à la suite d'un transport [1]. »

Toutefois il ne faut pas perdre de vue l'objet spécial de l'art. 383 : c'est de pourvoir à la sûreté des voyageurs. Cet article ne répute donc le vol fait dans un chemin public que lorsqu'il est fait au préjudice d'une personne qui voyage avec la chose qu'on lui enlève; que lorsqu'il se commet sur les objets mêmes qui accompagnent le voyageur et qui sont transportés sur les chemins. Cette restriction est dans l'esprit de l'article; mais elle est aussi dans les textes du Code. Ainsi le vol commis par un voiturier sur les objets qu'il est chargé de conduire, ne rentre point dans les termes de cet article, bien qu'il ait été commis sur le chemin même (art. 386, n° 4, et 387). Ainsi le vol de bestiaux qui, laissés à l'abandon, se trouveraient au moment de sa perpétration sur un grand chemin, ne sortirait pas, par l'effet de cette circonstance, des termes de l'article 388. Ainsi, enfin, l'enlèvement des arbres qui sont placés sur les chemins ne constitue, aux termes de l'art. 448, qu'un simple délit correctionnel. Il en serait de même du vol de matériaux, d'ustensiles, d'instruments laissés sur les routes, des linges qui y sont étendus, des volailles qui y vaguent. Dans ces diverses hypothèses, ce n'est pas la circonstance du chemin qui a facilité le vol, ce n'est pas parce que les différents objets se trouvaient exposés sur ce chemin qu'ils ont été enlevés; cette circonstance est indifférente, le délit n'en reçoit aucune aggravation. Cette aggravation ne peut exister que lorsque l'objet est, pour ainsi dire, confié au chemin luimême, lorsque c'est cette exposition qui favorise la perpétration, enfin lorsque l'agent a profité de la facilité qu'elle lui donne.

La loi, qui a défini l'escalade, l'effraction, les fausses clefs, n'a point défini ce qu'il faut entendre par chemins publics. Les éléments de cette circonstance aggravante sont donc abandonnés à l'interprétation.

L'ordonnance de 1670, tit. 1", art. 12, et la déclaration de février 1731, art. 5, n'avaient prévu que le vol commis sur les grands chemins; l'article 2 de la sect. 2 du tit. 2 du Code de 1791 ne mentionnait également que le vol commis dans un grand chemin; la loi du 18 pluviôse

an 9 avait conservé la même expression; il est donc évident que ces lois avaient restreint leurs dispositions à une des espèces de chemins, aux grands chemins seulement.

Le Code pénal n'a point employé cette expression restreinte; il s'est servi de l'expression générale du genre; sa disposition s'applique à tous les vols commis sur les chemins publics, et par conséquent aussi bien sur les chemins du second ordre que sur les grands chemins. La seule condition de son application est que les chemins soient publics.

Les chemins publics sont, dans notre législation, ceux qui sont déclarés par l'autorité administrative être destinés à l'usage du public. Les uns appartiennent à l'État, les autres aux départements, les autres aux communes, suivant que leur entretien est à la charge du trésor, des départements ou des communes [2]. Mais cette circonstance ne change rien à la publicité du chemin un chemin vicinal n'est pas moins livré à l'usage du public qu'une route départementale ou une route royale. La législation ne laisse, au reste, aucun doute sur le sens de ce mot: les art. 40 et 44 du tit. 2 de la loi du 28 sept.-6 oct. 1791, appliquent la qualification de chemins publics à des chemins appartenant à des communes; l'art. 14 de la loi du 28 août 1792 porte même que : « tous les arbres existant actuellement sur les chemins publics, autres que les grandes routes, sont censés appartenir aux propriétaires riverains. » La signification de ce terme était donc bien fixée lors de la rédaction du Code, et dès lors l'intention du législateur n'est pas douteuse. Les chemins publics sont tous ceux qui sont destinés à un usage public, soit qu'ils soient entretenus par l'État, par les départements ou par les communes, tous ceux qui ne sont pas une propriété privée, tels que ceux qui sont destinés à l'exploitation des domaines d'un particulier et qui lui appartiennent, lors même qu'ils seraient l'objet d'une servitude au profit de plusieurs personnes [3], ou qui n'ont pas été classés parmi les chemins vicinaux, ceux qui servent plutôt à l'exploitation qu'au passage des habitants.

Cependant la déclaration du 5 février 1731 ajoutait : « Sans que les rues des villes et faubourgs puissent être censées comprises à cet égard sous le nom de grands chemins. » Cette disposition avait été reproduite dans l'art. 12 de la loi du 20 décembre 1815, qui attribuait aux cours

[1] Cass., 23 avril 1812, 5 sept. 1811 et 15 déc. 1832. [2] Art. 538, C. civ.; art. 2 et 3, sect. 6, tit. 16, de la loi du 8 sept.-6 oct. 1791; lois des 16 déc. 1811 et 21 mai 1836. ÉD. FRANC. T. VII.

CHAUVEAU. T. IV.

[3] Legraverend, t. 2, p. 131. (V. loi belge du 10 avril 1841, sur les chemins vicinaux.)

prévôtales les assassinats et les vols commis avec violence sur les grands chemins. La loi ajoutait immédiatement: « Ne sont pas regardés comme grands chemins les routes dans les villes, bourgs, faubourgs et villages. » En effet, dans cette partie des chemins, ils perdent leur isolement, les secours peuvent être appelés et fournis immédiatement, la sûreté des voyageurs ne peut être nullement compromise. Les motifs qui justifient la sévérité de la loi dans les parties désertes de la route cessent donc d'exister dès que cette route traverse une ville ou un village.

La cour de cassation a appliqué cette distinction à l'art. 383. Elle a déclaré: « que cette disposition doit être entendue et appliquée d'après les considérations qui l'ont déterminée et les principes des anciennes lois auxquelles elle se rattache; que le législateur a voulu protéger, par des peines sévères, la sûreté des voyageurs dans les chemins qui les éloignent des lieux habités et des secours qui pourraient les défendre contre les entreprises des malfaiteurs; mais que ce motif de sévérité disparaît dans les chemins publics qui, étant bordés de maisons, forment des rues de villes ou faubourgs, et où les moyens de secours peuvent être appelés et fournis à tout instant; que les vols qui peuvent se commettre dans les rues, quoiqu'elles soient le prolongement de chemins publics, ne doivent être soumis qu'aux règles pénales établies par le Code contre les vols qui sont commis ailleurs que sur les chemins publics [1]. »

On doit sans doute appliquer cette décision à la partie de la route qui est située devant les auberges, lors même que ces auberges ne font pas partie d'un village. Les mêmes motifs existent, puisque dans cette partie la route cesse également d'être isolée et que les secours peuvent être prompts et faciles.

SECTION IV.

en multipliant les moyens d'action, elle multiplie le péril; elle entraîne la présomption que les auteurs du vol sont disposés à employer la violence; elle facilite l'exécution du délit.

Le Code pénal n'a donc fait que constater un degré incontestable de la moralité des actions, lorsqu'il a fait du concours de plusieurs personnes à l'exécution du vol une circonstance aggravante de ce délit. Toutefois cette circonstance, comme celles de la nuit, de la maison habitée, de l'escalade, de l'effraction, n'est point, à proprement parler, aggravante, en ce sens qu'elle n'agit point sur la pénalité, lorsqu'elle est isolée de toute autre circonstance; son action ne s'exerce, son principe d'aggravation ne se développe que lorsqu'elle se réunit à d'autres faits d'une nature également aggravante.

Ainsi un vol simple commis par deux ou plusieurs personnes ne change point de caractère; il demeure soumis aux dispositions de l'art. 401. Tel est, dans l'art. 388, le vol de récoltes commis par plusieurs personnes ce vol n'est puni que d'une peine correctionnelle.

Le vol commis par deux ou plusieurs personnes entraîne la reclusion, aux termes de l'art. 386, lorsque, en outre, le vol a été commis la nuit, ou dans une maison habitée, ou dans un édifice consacré aux cultes.

Le vol commis par deux ou plusieurs personnes entraîne les travaux forcés à temps, lorsque, en outre, le vol a été commis, soit, aux termes de l'art. 385, la nuit et avec port d'armes, soit, aux termes de l'art. 385, sur un chemin public, soit, aux termes de l'art. 582, à l'aide de violence, et de plus avec l'une des circonstances de nuit, de port d'armes, ou d'effraction, ou d'èscalade, dans une maison habitée.

Enfin, le vol commis par deux ou plusieurs personnes est passible de la peine des travaux forcés à perpétuité dans deux cas : 1° s'il est commis avec les quatre circonstances prévues par l'art. 481; 2° s'il est commis sur un chemin

Vols qualifiés à raison des circonstances de leur public et de plus avec l'une de ces circonstances

exécution.

§ Ier. Le vol, lorsqu'il est commis par plusieurs personnes, puise évidemment dans cette circonstance une plus haute gravité. En effet, dans la plupart des cas, cette réunion suppose nonseulement une préméditation, mais un complot;

Vols commis par plusieurs personnes.

(art. 483).

Le Code a employé dans ces différents articles cette même formule: s'il a été commis par deux ou plusieurs personnes. Il importe de préciser le véritable sens de ces mots.

Il ne faut pas confondre la coopération de plusieurs personnes et la complicité. Le Code n'a point employé ce dernier mot; il en résulte qu'il n'a eu en vue que les coopérateurs. La compli

[1] Cass., 6 avril 1815; contrà, Liége, 16 mars 1823. C. pén., ne s'applique ni aux rues des villes, bourgs et (Rec., t. 9, p. 137.) La cour de cassation de Belgique a jugé | villages. (Brux., cass., 12 août 1837 ; J. de Brux., 1838, depuis que l'expression chemins publics de l'art. 383,

p. 86.)

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