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cité, en effet, se constitue, non-seulement par | dans ce cas, qu'à une action civile en domma→ des actes d'assistance et de concours à l'action, ges-intérêts, mais par la provocation au délit et par les facilités données soit pour le préparer, soit pour le consommer [1]. Dans ces dernières hypothèses, les complices participent sans doute au vol, mais ils ne le commettent pas; ils le préparent et le facilitent, mais ils ne l'exécutent pas. Ceux-là sont réputés le commettre qui ont pris part aux actes d'exécution, qui ont aidé sa consommation, soit par leur concours actif, soit au moins par leur présence ou par leur surveillance.

Or, c'est de cette coopération effective seule que le Code a voulu faire un élément d'aggravation de la peine; cette intention, il l'a exprimée formellement en exigeant que le vol ait été commis par deux ou plusieurs personnes; il ne s'agit donc pas de tous les complices, mais de ceux seulement qui ont coopéré à l'exécution du délit, car ceux-là seuls l'ont commis. La raison de cette restriction est d'ailleurs évidente: le danger du vol augmente en raison du nombre des agents qui concourent à son exécution; mais il ne résulte aucun danger pour la victime de l'assistance qui a été donnée aux actes qui ont préparé cette exécution, ou qui ont assuré ses produits.

Lorsque l'effraction est employée comme moyen de perpétration du vol, elle est considé rée comme une circonstance accessoire de ce vol, et, dans certains cas, elle en devient une circonstance aggravante. Nous examinerons plus loin dans quels cas son concours entraîne l'aggravation de la pénalité et la modification du caractère du délit. Il est nécessaire d'abord de la définir.

L'art. 393 est ainsi conçu : « Est qualifié effraction, tout forcement, rupture, dégradation, démolition, enlèvement de murs, toits, planchers, portes, fenêtres, serrures, cadenas ou autres ustensiles ou instruments servant à fermer ou à empêcher le passage, et de toute espèce de clôture, quelle qu'elle soit. »

De cette définition, qui ne s'applique qu'aux faits matériels de l'effraction, indépendamment des circonstances qui doivent accompagner ce fait pour qu'il puisse être incriminé, découlent deux règles que la pratique ne doit pas perdre de vue: 1° l'effraction consiste, comme ce mot lui-même l'indique, dans la rupture, dans la fracture d'un objet quelconque; 2° l'objet fracturé doit avoir eu pour destination soit de fermer, soit d'empêcher le passage.

La cour de cassation a jugé, conformément à cette doctrine, que pour déterminer si un vol a L'effraction est un acte de forcement, de rupété commis par deux ou plusieurs personnes, on ture. Elle suppose donc que la clôture est forcée, ne doit pas compter l'individu qui s'en est seu- que la fermeture est ouverte par des moyens violement rendu complice par recélé [2]. La même lents et qui ne sont pas ceux qu'on emploie ha cour a en même temps déclaré, et nous adop-bituellement pour les ouvrir. Tel est le fait de tons sans hésiter cette décision, que le vol commis dans une maison par un individu, pendant qu'un autre fait le guet au dehors, constitue un vol commis par deux personnes [3]; en effet, dans ce cas les deux agents coopèrent au fait même du vol.

Au surplus, les cas où la complicité prend le caractère d'une coopération à l'exécution même sont nombreux; mais nous les avons examinés dans notre chapitre XI relatif à la complicité; et comme nos observations s'appliquent naturellement ici, nous devons nous borner à renvoyer à ce chapitre [4].

§ II. Du vol commis avec effraction.

L'effraction d'un objet quelconque ne constitue aucun délit, lorsqu'elle n'est point un moyen de commettre un vol : elle ne donne lieu,

[1] . notre ch. de la Complicité, t. 1, p. 160 et suiv.
[2] Cass., 11 sept. 1818.
[3] Cass., 9 avril 1815.

forcer une serrure, en en écartant le pêne à l'aide d'un ferrement [s], ou d'enlever la serrure même, en dévissant les clous qui l'attachent [6].

Mais il n'y a plus d'effraction si le voleur a surpris la clef et s'en sert pour ouvrir, ou si la porte n'est fermée qu'au verrou et qu'il ne fasse que tirer ce verrou; car l'ouverture s'opère dans ce cas par un moyen ordinaire; il n'y a point de forcement, point de rupture, point de dégradation; l'effraction n'existe pas. La cour de cassation a appliqué cette règle en décidant que l'agent qui n'a fait que déplacer une traverse mobile qui retenait les deux battants d'une porte, n'a pas commis d'effraction : « Attendu que l'enlèvement d'instruments servant à fermer ou à em

pêcher le passage d'une clôture ne peut, dans le sens de l'art. 393, être qualifié d'effraction qu'autant que ledit enlèvement procure au vo

[4] V. t. 1er, p. 160 et suiv.
[5] Cass., 27 janv. 1831,
[6] Cass., 5 niv, an 14.

leur un moyen d'ouverture ou de passage diffé- liers. » L'art. 396 ajoute: « Les effractions inrent de celui dont se sert la personne volée elle-térieures sont celles qui, après l'introduction même; que dans l'espèce le moyen dont s'est dans les lieux mentionnés en l'article précédent, servi le voleur ne présente dans ces circonstan- sont faites aux portes ou clôtures du dedans, ces d'autre enlèvement d'instrument de clôture ainsi qu'aux armoires ou autres meubles ferque celui qui était habituellement employé par més. » les personnes chargées de l'ouverture et de la fermeture du passage; d'où il suit qu'il n'y avait pas d'effraction telle qu'elle est caractérisée par l'article [1]. » Merlin avait posé la même règle dans son réquisitoire : « Pour qu'il y ait enlèvement dans le sens de l'article, il ne suffit pas qu'il y ait déplacement; il faut encore qu'au moyen du déplacement, la porte se trouve ou verte d'une manière différente de celle dont elle s'ouvre ordinairement et au gré du propriétaire [2]. »

Le deuxième caractère de l'effraction est que l'instrument rompu ou fracturé ait été destiné soit à fermer, soit à empêcher un passage. L'art. 393 cite pour exemple les murs, les toits, les planchers, les portes, les fenêtres, les serrures, les cadenas; il faut ajouter tous les ustensiles qui servent de clôture. Mais on ne doit pas ranger dans cette catégorie les objets qui n'enferment pas la chose volée, quoiqu'ils soient employés à sa conservation et à sa sûreté. Ainsi la rupture des cordes qui attachent des ballots sur une voiture, n'est pas une effraction, car ces cordes ne les enferment pas, ne sont pas une clôture [3]. Il en serait de même de l'enlèvement d'objets qui auraient été enfouis dans la terre; car, suivant les termes d'un arrêt de la cour de cassation: « L'effraction, telle qu'elle est définie par l'art. 393, suppose la violation d'une clôture destinée à former un obstacle aux moyens que le voleur voudrait employer pour enlever l'objet enfermé; or on ne peut considérer comme formant un pareil obstacle la terre dont on n'avait couvert les objets volés que pour les soustraire à la vue et les cacher [4]. »

La première conséquence qu'il faut tirer de ces articles, c'est que l'effraction ne participe aux éléments d'aggravation du vol que lorsqu'elle a lieu soit dans une maison habitée ou servant à l'habitation et ses dépendances, soit dans des parcs ou enclos.

A l'égard de l'effraction extérieure, le texte de la loi est trop précis pour qu'il puisse exister quelque doute. Le n° 4 de l'art. 381 porte formellement que le vol prend un caractère plus grave: «< s'il est commis à l'aide d'effraction extérieure dans une maison, appartement, chambre ou logement habités ou servant à l'habitation ou leurs dépendances. » Et l'art. 384 ajoute que l'aggravation a lieu : « même quoique l'effraction ait eu lieu dans des édifices, parcs ou enclos non servant à l'habitation, et non dépendant des maisons habitées. » Enfin, l'art. 395 ne parle de l'effraction extérieure que relativement à l'introduction, à l'aide de cette circonstance, dans les maisons, cours, basses-cours, enclos ou dépendances, ou dans les appartements ou logements particuliers. Il est impossible d'établir une limite avec plus de précision : ce n'est évidemment que dans les lieux désignés par la loi que l'effraction extérieure devient une circonstance aggravante, puisque ce n'est que dans ces lieux que la loi a prévu sa perpétration; et l'on peut ajouter d'ailleurs que, hors des lieux habités ou clos, elle ne présente plus les mêmes périls. Cette règle a été consacrée par un grand nombre d'arrêts qui ont eu pour but d'exiger, à peine de nullité, que la circonstance du lieu de l'effraction fût clairement énoncée, puisque cette circonstance est la base et la condition de l'aggravation [5].

L'acte matériel de l'effraction consiste donc dans le forcement violent d'un objet quelconque La même règle s'applique aux effractions inservant de fermeture ou de clôture. Il faut main-térieures. En effet, l'art. 584 assimile complétetenant rechercher les conditions qui permettent ment à cet égard l'effraction intérieure à l'effracd'incriminer cet acte. tion extérieure. Cet article, après avoir déclaré que cette dernière effraction aurait le caractère d'une circonstance aggravante, lorsqu'elle aurait été commise, non-seulement dans des lieux habités, mais dans des parcs ou enclos non habités, ajoute : « et lors même que l'effraction n'aurait été qu'intérieure. » Cette effraction suit donc

Les effractions, suivant les termes de l'art. 394, sont extérieures ou intérieures. L'art. 395 définit les effractions extérieures : « celles à l'aide desquelles on peut s'introduire dans les maisons, cours, basses-cours, enclos ou dépendances, ou dans les appartements ou logements particu

[1] Cass., 18 juin 1812.

[2] Rép. de jurisp., vo Vol, sect, 2, § 3, art. 4. [3] Cass., 25 fév. 1803.

[4] Cass., 17 nov. 1814.

[5] Cass., 10 mars 1826; 28 juill, 1826; 28 mai 1828 ; 6 janv. 1831; 7 déc. 1855; 11 janv, 1834 et 23 janv. 1840.

la même condition que la première. L'art. 396 confirme cette conséquence; car, après que l'art. 395 a limité l'incrimination de l'effraction extérieure à celle qui est faite dans les lieux clos ou habités, l'art. 396 ajoute que les effractions extérieures sont celles qui, après l'introduction dans les lieux mentionnés en l'article précédent, sont faites aux portes ou clôtures du dedans. L'effraction intérieure, quelle qu'elle soit, et lors même qu'elle ne consiste que dans l'enlèvement des caisses, boîtes, suivant les termes du 2 § de l'art. 396, suppose donc nécessairement une introduction préalable dans un lieu habité, dans une dépendance de ce lieu ou dans un enclos.

La jurisprudence a confirmé cette interprétation. Dans une espèce où le voleur avait enlevé une valise attachée sur un cheval à la porte d'une auberge, la cour de cassation a déclaré : « qu'en déterminant le caractère de l'effraction exté rieure comme formant une circonstance aggravante du vol, l'art. 396, par la relation qu'il fait à l'art. 395, suppose nécessairement que le vol a été commis dans une maison, appartement, logement ou autres lieux mentionnés audit art. 395; qu'en assimilant à l'effraction intérieure celle qui n'aurait été faite qu'après l'enlèvement et hors du lieu où le vol a été commis, le § 2 de l'art. 396 suppose toujours le cas où le voleur s'est introduit dans les lieux mentionnés en l'art. 395; d'où il suit que le vol qui est commis hors de ces lieux ne peut être aggravé par cela seul que le voleur aurait employé un moyen violent sur la chose qui contenait les effets volés; que, dans l'espèce, le vol n'a été commis dans aucun des lieux spécifiés dans l'art. 395; que conséquemment les moyens violents que le voleur a employés pour s'emparer des effets renfermés dans la valise, ne présentent point le caractère de l'effraction intérieure [1].

Dans une deuxième espèce, la cour de cassation a également décidé que le vol d'une boîte fermée, commis dans une voiture sur la voie publique, ne constitue pas un vol avec effraction : « Attendu que, d'après les art. 395 et 396, le fait de l'effraction ne peut former une circonstance aggravante d'un vol que lorsque, ayant été extérieure, on a pu s'introduire, à l'aide de cette effraction, dans des maisons, cours, basses

cours, enclos ou dépendances, ou dans des appartements ou logements particuliers; et lorsque, ayant été intérieure, elle a été faite, après l'introduction dans les lieux qui viennent d'être mentionnés, aux portes ou clôtures du dedans, ainsi qu'aux armoires ou autres meubles fermés; que, dans l'espèce, l'effraction ne pouvait être qualifiée d'effraction extérieure; qu'elle ne pouvait non plus être qualifiée d'effraction intérieure, puisque la boîte fracturée avait été enlevée dans une voiture qui ne pouvait être considérée comme maison, édifice, cour, bassecour, parc, enclos ou dépendance, ni comme appartement ou logement particulier; et que pour cet enlèvement il n'y avait pas eu introduction dans des lieux de la nature de ceux qui viennent d'être mentionnés [2]. »

Enfin, il a été reconnu encore par la même cour que l'effraction commise par un voiturier sur un meuble fermé qui lui a été confié, dans l'intention de dérober les objets qui s'y trouvent contenus, ne constitue pas l'effraction prévue par le Code : « Attendu que cette effraction n'avait pas été commise sur des effets qu'il aurait soustraits dans des maisons et autres lieux mentionnés en l'art. 395, et après son introduction dans ces lieux, ni après l'enlèvement de ces effets hors de ces lieux; qu'elle l'avait été sur des meubles fermés qui lui avaient été remis à titre de confiance et en sa qualité de voiturier; qu'elle ne pouvait donc être réputée une circonstance aggravante de la peine [3]. »

C'est donc un principe certain que l'effraction intérieure ne devient une circonstance aggravante du vol que lorsqu'elle a été commise, soit dans des maisons habitées ou leurs dépendances, soit dans des parcs ou enclos. Mais cette circonstance du lieu de la perpétration est la seule que la loi ait énoncée; elle n'a point exigé que l'agent se soit introduit par fraude ou par violence dans la maison ou l'enclos où l'effraction intérieure a été commise; il n'est même pas nécessaire qu'il se soit introduit volontairement dans ces lieux; et la cour de cassation a pu juger : « qu'il suffit que le coupable se trouve, par un motif quelconque, dans la maison, cour ou enclos, et que là il commette, afin de voler, un brisement ou effraction d'un meuble, pour qu'il y ait lieu à l'application de l'art. 396 [4]. »

Après avoir établi ce principe commun aux

[1] Cass., 26 mars 1812 et 25 fév. 1830.

[2] Cass., 19 janv. 1816 et 10 janv. 1824. — Ne peut être considéré comme effraction intérieure ou extérieure dans le sens des art. 395, 396, C. pén., l'enlèvement de certains objets effectué en coupant, sur dés charrettes ou

des voitures, les cordes ou courroies qui les y tenaient attachés. (Liége, 18 nov. 1842.)

[5] 7 juin 1821, 2 fév. 1815 et 7 sept. 1827. [4] Cass., 11 août 1831.

deux espèces d'effraction, il faut examiner les caractères particuliers de chacune d'elles.

Nous avons vu que l'effraction extérieure n'est une circonstance aggravante du vol que lorsque, aux termes de l'art. 395, on a pu s'introduire, à l'aide de cette effraction, dans les lieux désignés par cet article.

Ici s'élève une question grave. Est-il nécessaire, pour l'existence de cette sorte d'effraction, qu'elle ait servi ou dû servir à l'introduction du voleur? Si elle n'a pas été ou dû être un moyen d'introduction, doit-elle encore être considérée comme une circonstance aggravante du vol?

Cette question s'est présentée dans deux hypothèses différentes. Il s'agissait, dans la première, d'un vol de tuyaux de plomb encaissés dans un mur; le voleur avait dégradé le mur pour les enlever. Merlin vit dans ce fait un vol avec effraction « Il y a vol avec effraction extérieure, dit-il, toutes les fois que, pour le commettre, le coupable a forcé, rompu, dégradé, démoli ou enlevé, soit dans ses dépendances, soit même dans un édifice non habité, le mur ou la clôture quelconque qui mettait l'objet volé à l'abri de sa rapacité. Le vol a donc été fait avec effraction extérieure, puisqu'il n'a été et n'a pu être commis qu'en dégradant et démolissant en partie les murs dans lesquels les tuyaux étaient encaissés, et que bien sûrement ces murs servaient de clôture aux tuyaux. Qu'importe, d'après cela, que le voleur ne se soit pas introduit dans les maisons desquelles dépendaient les tuyaux et les murs? Il s'est introduit dans les murs mêmes, ou du moins il y a introduit le bras, et il n'en faut pas davantage pour caractériser l'effraction extérieure [1]. » La cour de cassation jugea, conformément à ce réquisitoire : « que le prévenu, en arrachant par des moyens violents les pierres dans lesquelles ces tuyaux étaient encaissés, avait fait évidemment rupture et démolition de la clôture de ces tuyaux dans l'édifice qui les renfermait; que ce fait constituait l'effraction telle qu'elle est caractérisée par l'art. 384, C. pén. [2]. »

Dans une deuxième hypothèse, la cour de cassation, allant plus loin encore, a décidé que le vol de l'ustensile ou de l'instrument même qui sert de clôture, doit être considéré comme commis avec effraction, lors même qu'il n'a été suivi d'aucune introduction et qu'il n'a point eu pour but de la faciliter. L'un des arrêts où cette doctrine est consacrée porte : « qu'il est reconnu constant au procès que les barres de fer dont le

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prévenu a été trouvé saisi lors de son arrestation avaient été arrachées du soupirail d'une cave, avec rupture des pierres dans lesquelles entraient leurs extrémités, et du plomb servant à les sceller, et qu'au moyen de l'enlèvement de ces barres de fer on pouvait s'introduire dans ladite cave; que pour qu'un vol soit accompagné de la circonstance aggravante de l'effraction extérieure, il n'est pas besoin que le voleur se soit introduit à l'aide d'effraction dans un lieu fermé; qu'en effet, l'art. 595 définit l'effraction extérieure, celle à l'aide de laquelle on peut s'introduire dans les maisons, cours, etc.; que le vol qui a eu lieu dans l'espèce a donc été commis dans une maison habitée et avec la circonstance aggravante de l'effraction [3]. »

a

Cette jurisprudence est-elle conforme à l'esprit et au texte même de la loi? Les deux arrêts qui viennent d'être rapportés ont-ils bien saisi le caractère de l'effraction que le Code a voulu incriminer? Remontons d'abord à la pensée qui a dicté cette incrimination. La loi à fait de l'effraction une circonstance aggravante du vol, parce qu'elle est un moyen d'introduction dans les lieux fermés, parce qu'elle décèle dans l'agent la préméditation du vol et l'audace d'une périlleuse exécution, parce que l'introduction du voleur dans les habitations expose les habitants à des dangers personnels, parce qu'enfin elle facilite la soustraction d'objets que leur propriétaire a entourés de toutes les précautions de la prudence. C'est par ces motifs que la loi n'a incriminé l'effraction que dans les seuls cas où elle a été commise dans une maison habitée ou servant à l'habitation, ou dans un enclos; c'est encore par ces motifs que l'effraction ne devient une circonstance aggravante du vol que lorsqu'elle s'attaque aux clôtures de la maison ou de l'enclos où se trouvait l'objet volé. Or, aucune de ces raisons de la loi ne peut s'appliquer dans ces deux espèces. L'agent, en dégradant, dans la première, le coin d'un mur pour enlever un tuyau; en dérobant, dans la seconde, l'instrument même qui servait de clôture, n'a point cherché une voie d'introduction dans la maison; son vol ne révèle ni la préméditation ni l'audace que cette introduction seule fait supposer, il n'expose les habitants de la maison à aucun des dangers que sa présence seule peut exciter; enfin l'effraction qu'il a commise n'est point une circonstance qui, comme l'effraction d'une clôture mise pour protéger l'objet volé, ait facilité le vol. En un mot, ce n'est point parce que l'objet

[1] Rep., vo Vol, sect. 2, § 3, art. 4. [2] Cass., 8 août 1811.

[3] Cass., 21 mai et 16 avril 1813.

enlevé était une clôture qu'il l'a volé, ce n'est point la clôture qu'il a dégradée ou enlevée; il ne s'est point occupé de son usage; s'il l'a enlevée, c'est en la considérant indépendamment de cet usage; son action ne peut donc constituer une effraction aux clôtures dans un but d'introduction, et c'est la seule qu'ait punie la loi.

Cette doctrine est écrite dans tous ses textes. L'art. 381, n° 4, exige que le vol ait été commis à l'aide d'effraction dans une maison habitée: il forme donc deux actes distincts de l'effraction et du vol; il exige donc que le vol ait été commis, après l'effraction faite aux clôtures, dans la maison même. L'art. 384 ajoute que le vol est puni des travaux forcés à temps, quoique l'effraction ait eu lieu dans des édifices, parcs ou enclos non servant à l'habitation; l'effraction continue donc d'avoir pour but l'introduction dans les édifices, parcs ou enclos. L'art. 393 définit ce fait la rupture ou le forcement des ustensiles ou instruments servant à fermer ou à clore, et de toute espèce de clôture; il ne parle point du vol de ces ustensiles; il considère done leur enlèvement comme un acte distinct du vol, comme destiné seulement à le faciliter, en livrant l'entrée de la maison ou de l'enclos.

Ainsi, d'après les textes du Code comme d'après son esprit, l'effraction extérieure n'est incriminée qu'en vue de l'introduction qu'elle procure, que comme moyen de forcer la clôture qui renferme l'objet volé; elle constitue un acte préparatoire du vol, et non un acte de ce vol même; elle forme un fait distinct et non simultané, séparé par un intervalle de temps et de lieu, et non compris dans l'exécution même ; en un mot, l'effraction est un acte spécial dont le but déterminé est le forcement de la clôture qui sépare l'agent de l'objet qu'il veut voler, afin d'arriver à cet objet lui-même.

On s'est servi de ces mots, à l'aide desquelles on peut s'introduire, pour soutenir qu'il suffit, pour constituer l'effraction, que par l'enlèvement de la clôture l'introduction soit devenue possible, alors même que l'agent n'aurait pas eu le dessein de s'introduire. Il nous semble que c'est là étrangement abuser des mots. Si l'on s'arrête à leur sens naturel, ils expriment que l'effraction faite aux clôtures doit être capable de donner une entrée assez considérable pour que l'introduction puisse avoir lieu. Mais résulte-t-il d'ailleurs de l'article entier que l'effraction doit avoir pour but de faciliter l'introduction, que c'est là son caractère principal, sa destination? Chacun de ses termes ne poursuit-il pas cette hypothèse? Il exige, pour reconnaître l'effraction, qu'on puisse, à l'aide de ce fait, s'introduire dans les maisons, dans les enclos, dans les appartements.

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Que l'introduction soit ou non consommée, elle doit donc être le but de l'effraction, ou cette effraction n'est plus celle qu'a prévue la loi.

Suivez, au surplus, les conséquences de l'interprétation que nous combattons. Il faudrait admettre que l'enlèvement d'une seule tuile sur le toit d'une maison, d'une seule pierre d'un mur extérieur, constituerait un vol avec effraction; car cette pierre et cette tuile font partie de la clôture; elles ont été détachées avec effort. Il y aurait donc, suivant cette jurisprudence, vol commis à l'aide d'une effraction de clôture. Or, est-ce là le sens de la loi? Est-ce d'une telle dégradation, dégradation dérisoire et sans but, qu'elle aurait fait dériver l'aggravation du crime? Evidemment non. Dans l'effraction, de même que dans l'escalade et les fausses clefs, elle a vu un moyen violent et frauduleux d'introduction dans les lieux clos, pour y voler: cette hypothèse peut seule rendre raison de l'aggravation de la peine.

Les caractères distinctifs des effractions extérieures sont indiqués par l'art. 396. Ces effractions, suivant cet article, sont celles qui, << après l'introduction dans les lieux mentionnés en l'article précédent, sont faites aux portes ou clôtures du dedans, ainsi qu'aux armoires ou autres meubles fermés. »

Nous avons vu que cette effraction, de même que l'effraction extérieure, supposait essentiellement l'introduction préalable de l'agent dans les maisons, logements et autres lieux mentionnés en l'art. 395. Mais les termes de cette disposition même, ainsi compris, peuvent donner lieu encore à quelques difficultés.

En premier lieu, que faut-il entendre par les portes ou clôtures du dedans? Nous pensons qu'il faut entendre celles que le voleur, après son introduction dans la maison, force ou brise pour parvenir à l'exécution du vol. Ce qui prouve que tel est le sens de l'article, c'est qu'il assimile complétement l'effraction de ces portes et clôtures à celle des armoires ou autres meubles fermés. Dans un cas comme dans l'autre, la fermeture de la porte ou du meuble est un obstacle à l'accomplissement du vol, et c'est le forcement de cette fermeture extérieure qui constitue la circonstance aggravante.

Cependant quelques doutes ont été élevés sur une interprétation aussi simple. Dans une espèce soumise à la cour de cassation, le voleur n'avait fait effraction à la clôture que pour sortir de la maison, et après avoir appréhendé la chose volée. Merlin soutint que ce fait constituait une effraction légale « Il est vrai, dit-il, que de l'art. 384 combiné avec l'art. 381, il résulte que la peine infligée par le premier de ces textes au vol avec effraction n'est applicable qu'au cas où

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