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L'arrêt porte: « que la rupture dont il s'agit est une effraction d'après l'art. 393, C. pén., qui qualifie effraction toute rupture de serrures ou autres ustensiles ou instruments servant à fermer ou empêcher le passage, et que cette effraction est extérieure, aux termes de l'art. 396, qui qualifie ainsi celles qui, après l'introduction dans les maisons et dépendances, sont faites aux clôtures du dedans [3]. » Cette décision nous paraît contraire encore à l'esprit du Code. En parlant des clôtures du dedans la loi a entendu les clôtures qui renferment les objets que l'agent veut soustraire, celles dont le forcement ou la rupture est un acte préparatoire du vol, mais distinct de ce délit : or, dans l'espèce, il ne s'agit point d'une clôture servant de sûreté à l'objet soustrait; c'est la clôture elle-même qui est l'objet de la soustraction.

le vol a été commis à l'aide de l'effraction même. | poursuivi comme coupable de vol avec effraction. Mais qu'est-ce que commettre un vol? C'est sans contredit appréhender manuellement la chose d'autrui, avec l'intention de se l'approprier; mais c'est aussi emporter cette chose; c'est aussi faire tout ce qu'il faut pour s'en assurer et en conserver la possession. Appréhender manuellement l'objet volé, ce n'est, à proprement parler, que commencer le vol; le vol ne se consomme véritablement que par l'action qui déplace l'objet volé, qui le fait passer d'un lieu à un autre. Il y a donc vol avec effraction, non-seulement lorsqu'à l'aide d'une effraction l'on appréhende manuellement la chose d'autrui, mais encore lorsqu'à l'aide d'une effraction l'on déplace, l'on emporte, l'on fait passer d'un lieu à un autre la chose d'autrui que l'on a appréhendée manuellement sans effraction [1]. » La cour de cassation évita de se prononcer sur cette question; son arrêt porte: « qu'en supposant même qu'une effraction qui aurait eu pour objet seulement de faciliter la sortie du voleur du lieu où il avait commis le vol, pût constituer une circonstance aggravante de ce vol, l'arrêt attaqué aurait fait une juste application de la loi, etc. [2]. »

La doctrine de Merlin nous paraît erronée. Il ne faut pas confondre l'exécution du vol et les actes qui suivent cette exécution : le vol est consommé par la seule appréhension de la chose; au moment même où cette chose vient dans la possession de l'agent, le délit se trouve accompli le changement de lieu, la fuite du voleur ont pour but de lui assurer les bénéfices du vol, mais non de compléter un acte parfait. Lors donc que la loi veut que le vol, pour être qualifié, soit commis à l'aide d'effraction, elle ne peut entendre qu'une effraction antérieure à l'appréhension de la chose, puisque le vol est commis quand cette appréhension a lieu. Au surplus, l'effraction faite pour sortir de la maison ne présente ni la même gravité morale, ni les mêmes périls que l'effraction qui a pour but l'introduction; elle ne renferme aucune menace, le vol est consommé; elle n'a d'autre but que d'en garantir les produits; elle ne prépare aucunes violences contre les personnes; ce n'est qu'une sorte de bris pour faciliter l'évasion; le délit n'y puise aucune aggravation.

La cour de cassation a décidé, dans une autre espèce, que celui qui, après s'être introduit dans une maison, arrache et soustrait le verrou servant de fermeture à une fenêtre extérieure, doit être

Les meubles fermés sont, dans le sens de la loi, tous ceux qui présentent un moyen de défense et de sûreté à l'égard des effets qu'ils renferment: tels sont les caisses, les coffres, les armoires, les secrétaires. Merlin avait proposé de ranger dans cette catégorie les futailles, à l'égard des vins qu'elles contiennent; mais la cour de cassation a déclaré : « qu'on ne peut pas considérer comme effraction intérieure l'enlèvement d'une futaille, ni la soustraction du vin qui y était renfermé, parce que les caisses et les boîtes dont il est question dans la deuxième disposition de l'art. 396 ne peuvent être entendues que de celles qui peuvent être destinées à former un moyen de défense et nullement de celles qui n'ont pour objet que de renfermer et de contenir des liquides qui ne peuvent être conservés que dans les vaisseaux qui en soutiennent la mobilité [4]. »

Si l'agent brise des meubles et qu'il ne vole aucun des objets qui s'y trouvent, le vol qu'il aura commis d'un autre objet non renfermé devra-t-il être considéré comme fait avec effraction? La cour de cassation a résolu affirmativement cette question, sans donner aucun motif [5]; cette décision est évidemment inexacte: il faut que le vol soit commis à l'aide de l'effraction pour qu'il puise une aggravation dans cette circonstance. Or, l'effraction de l'armoire n'a pas servi au vol, si l'effet soustrait ne s'y trouvait pas renfermé. Toutefois, une discussion sur ce point serait nécessairement oiseuse, puisque le bris de l'armoire pour commettre un vol constituerait

[1] Rep., vo Vol, sect. 2, §3, art. 4.

[2] Cass., 18 juin 1812.

[5] Cass., nov. 1812.

[4] Cass., 17 nov. 1814.
[5] Cass., 8 oct. 1812.

une tentative de vol avec effraction, passible de | la même peine que le vol consommé.

Le deuxième paragraphe de l'art. 396 est ainsi conçu « Est compris dans la classe des effractions intérieures le simple enlèvement des caisses, boîtes, ballots sous toile et corde, et autres meubles fermés qui contiennent des effets quelconques, bien que l'effraction n'ait pas été faite sur le lieu. >>

Nous avons vu précédemment que cette effraction ne forme une circonstance aggravante qu'autant que l'enlèvement du meuble fermé s'est effectué dans des maisons et autres lieux mentionnés en l'article 395. Cette circonstance cesse de concourir à l'aggravation, si l'enlèvement a été fait dans tout autre lieu tel qu'une grande route, une place publique.

Cela posé, quel est le motif de cette disposition? C'est que le législateur n'a pas voulu que la condition de l'agent fût différente par cela seul qu'il aurait commis l'effraction hors de la maison, en emportant le meuble, plutôt que dans la maison; c'est que la criminalité de l'action est la même dans les deux hypothèses, puisque le voleur n'est pas le arrêté par moyen de défense que lui oppose la fermeture du meuble; c'est enfin que, le meuble étant enlevé d'un lieu habité ou d'un enclos, la différence du lieu de son ouverture n'influe d'aucune manière sur la gravité morale de l'action.

Peu importe donc le lieu de l'effraction; mais il faut qu'elle soit constatée, car la loi n'attache point la présomption de sa perpétration au seul fait de l'enlèvement du meuble fermé; elle se borne à étendre l'aggravation de la peine, bien que l'effraction n'ait pas été faite sur le lieu. La cour de cassation avait jugé, conformément à cette doctrine : « que, pour qu'il y ait lieu à l'application des travaux forcés à temps, dans les divers cas prévus par le deuxième paragraphe de l'art. 396, il faut nécessairement qu'il y ait eu effraction matérielle, à une époque plus ou moins rapprochée de l'enlèvement des meubles fermés [1]. Mais, par un arrêt postérieur et récent, répudiant sa jurisprudence, elle a décidé « que les derniers termes du deuxième alinéa de l'art. 396 n'ont pas pour effet de restreindre la disposition au cas où il est prouvé qu'après l'enlèvement, et hors du lieu du vol, l'effraction a été réellement faite; que, si telle eût été la pensée du législateur, il l'aurait exprimée différemment, en disant pourvu que l'effraction en soit faite après l'enlèvement, ou de toute autre manière analogue; que les mots dont il s'agit ont

[1] Cass., 13 janv. 1839.

seulement pour objet de rattacher le deuxième alinéa de l'article au premier, et de marquer la distinction entre les deux cas assimilés la par loi, en indiquant qu'il s'agit dans celui-là de faits autres que ceux qui sont prévus dans celui-ci; qu'en effet, le premier alinéa s'occupe du cas où l'effraction a été faite sur les lieux, et le second décide que, lors même que cette circonstance n'existerait pas, le simple enlèvement serait une circonstance équivalente; que, d'ailleurs, d'après les principes du droit, le vol est consommé du moment que la chose volée a été appréhendée par le voleur, et est sortie de la possession de son légitime propriétaire; qu'on ne peut donc faire dépendre sa qualification légale de l'usage qui a été fait postérieurement de la chose volée [2]. »

Ce dernier arrêt consacre évidemment une fausse interprétation de la loi. Le deuxième paragraphe de l'art. 396 n'a point établi une présomption légale d'effraction, il n'a point dit que l'enlèvement d'un meuble fermé serait puni dans tous les cas comme s'il eût été brisé; il prévoit une seule hypothèse, celle où le meuble est forcé ou rompu hors du lieu de l'enlèvement, et il déclare que cette effraction aura les mêmes effets que si elle avait été commise sur le lieu même : il se sert en effet de ces termes, bien que l'effraction n'ait pas été faite sur le lieu. Il faut donc que l'effraction ait été faite, mais seulement qu'elle ait été faite hors du lieu de l'enlèvement: un seul point est changé, c'est ce lieu; les autres conditions de l'incrimination sont les mêmes. Et comment, ensuite, admettre qu'un fait punissable puisse être établi par simple présomption, et qu'une présomption devienne un élément d'aggravation de la peine? Une telle présomption ne peut-elle pas sans cesse être contredite? Le meuble enlevé ne peut-il pas être repris avant d'avoir été ouvert? n'est-il pas possible que le voleur le rapporte intact, ou qu'il l'ait ouvert sans employer l'effraction? Le vol serait donc puni, dans ce cas, comme ayant été commis avec effraction, lorsque cette circonstance n'aurait cependant point été commise; la peine aurait pour base nécessaire un fait détruit par le débat; elle ne reposerait pas seulement sur une présomption, car la présomption ne peut prévaloir sur le fait, mais sur un mensonge. On peut alléguer, il est vrai, que l'agent, en enlevant une caisse fermée, avait l'intention de la forcer; mais c'est donc alors l'intention seule qui serait punie, l'intention isolée du fait matériel; car il ne s'agit pas du vol, qui sera toujours puni

[2] Cass., 14 déc. 1839.

comme vol simple, mais du fait de l'effraction | crime pour faire appliquer des peines et pour les

or, la volonté, même constatée, de commettre ce fait ne peut être assimilée au fait lui-même, elle ne peut le remplacer, elle ne peut même être saisie par la loi; elle échappe à l'incrimination tant qu'elle n'est pas suivie de l'action matérielle qui la réalise. L'arrêt énonce une autre objection: c'est que le vol se trouve accompli par l'appréhension de la chose, et que l'effraction doit dès lors être réputée consommée à ce moment même. Peut-être pourrait-on répondre à cette objection, en distinguant l'appréhension du meuble fermé et l'appréhension de l'effet contenu dans ce meuble, car cette dernière mainmise ne peut s'opérer qu'à l'aide de l'effraction. Mais, sans même s'arrêter à cette distinction, il faut considérer le 2° § de l'art. 396 comme une exception : le vol est commis avant l'effraction, mais c'est à l'aide de l'effraction que ses résultats sont assurés; cette disposition a eu pour but d'assimiler à l'effraction préparatoire du vol celle qui a pour objet la jouissance et la conservation de l'effet volé. Une telle assimilation ne pouvait avoir lieu que par suite d'une disposition spéciale; mais cette disposition est claire et précise, elle ne permet aucun doute; elle saisit l'effraction pour l'incriminer, soit qu'elle précède, soit | qu'elle suive le vol, mais elle lui reconnaît, dans les deux cas, le même caractère; et dès lors, après comme avant la consommation du vol, il faut que l'effraction, pour devenir un fait d'aggravation, soit non-seulement présumée, mais constatée; qu'elle ait été non-seulement dans l'intention de l'agent, mais dans son action.

Notre théorie se trouve confirmée par un arrêt de la cour de Paris, qui a décidé que le vol d'une caisse fermée ne peut être considéré comme un vol ou une tentative de vol avec effraction, lorsque la caisse a été reprise avant que l'effraction ait eu lieu. Cet arrêt dispose : « que l'article 396 comprend, il est vrai, dans la classe des effractions intérieures, le 'simple enlèvement d'une caisse ou autre meuble fermé, contenant des effets quelconques; mais que cet article se termine par ces mots : bien que l'effraction n'ait pas été faite sur le lieu; d'où il résulte que, lorsqu'il y a vol d'une caisse fermée, si l'objet volé est retrouvé avant d'avoir été fracturé, la circonstance de l'effraction n'existe pas; qu'il y a eu sans doute intention de commettre une effraction, mais qu'il ne suffit pas de l'intention du

aggraver; que, si tel est le véritable sens de l'article 396, on ne peut arriver à une décision différente, dans le cas d'une simple tentative, lorsqu'il n'y a aucune circonstance de laquelle il soit possible d'induire le fait de l'effraction; qu'il y a intention de commettre une effraction, mais que cette intention, qui ne suffit pas pour le cas de la soustraction consommée, ne peut être différente en cas d'une simple tentative [1]. »

Le vol avec effraction était considéré par les législations anciennes comme un crime trèsgrave. La loi romaine le punissait d'une peine différente, suivant qu'il avait été commis de jour ou de nuit dans le premier cas, la peine était le fouet et le travail temporaire des mines; dans le deuxième, le fouet et la condamnation au travail perpétuel des mines: Inter effractores variè animadvertitur; atrociores enim sunt nocturni effractores, et ideo hi fustibus cæsi in metallum dari solent; diurni vero effractores post fustium castigationem in opus perpetuum vel temporarium dandi sunt [2]. Ce même vol, commis avec armes et par plusieurs personnes, était puni de mort: Hi qui ædes alienas aut villas effregerint, si quidem in turbâ cum telo fuerint, capite puniuntur [3].

Notre ancienne législation avait encore ajouté à cette sévérité : « L'expérience ayant fait voir, dit Muyart de Vouglans, que, de tous les vols, il n'y en avait point de plus dangereux que celuici, tant à cause de l'espèce d'impossibilité qu'il y a de s'en garantir, que parce qu'il trouble essentiellement la tranquillité publique, en violant les asiles que chaque citoyen doit trouver dans sa maison, nos souverains ont cru ne pouvoir le punir d'une moindre peine que du dernier supplice [4]. » L'édit de François I, de janvier 1534, portait : « Ceux qui entreront au dedans des maisons, icelles crocheteront et foreteront, prendront ou emporteront les biens qu'ils trouveront és dites maisons, seront punis de la manière qui s'ensuit: c'est à sçavoir, les bras leur seront rompus et brisés en deux endroits, tant haut que bas, avec les reins, jambes et cuisses, etc. » Cependant cette peine atroce de la roue était tempérée dans la pratique, et quelques auteurs enseignent même que, d'après la jurisprudence, le vol avec effraction était puni arbitrairement, c'est-à-dire à la volonté du juge et suivant les circonstances [5].

[1] Paris, 6 juin 1857.

[2] L. 2, Dig. de effractoribus.

[3] L. 11, Dig. ad leg. Jul., de re publicâ. [4] Lois crim., p. 289.

[5] Jousse, t. 4, p. 218; Mathæus, in tit. 2, lib. 47, Dig. cap. 2, num. 1; Farinacius, de furtis, quæst. 166, num. 27; Boerius, quæst. 175, num. 1.

Dans notre Code pénal, l'effraction, isolée de toute autre circonstance, n'est point un élément d'aggravation du vol; le vol avec effraction n'est qu'un simple délit passible des peines de l'article 401 [1]. Mais cette circonstance devient aggravante, et la peine est celle des travaux forcés à temps, lorsque le vol est commis, avec son concours, dans une maison habitée ou dans un enclos (art. 384); enfin la peine s'élève aux travaux forcés à perpétuité, lorsqu'à l'effraction se joignent la nuit, le concours de plusieurs personnes, le port d'armes et les violences.

§ III. Du vol avec escalade.

L'art. 397, C. pén., est ainsi conçu: « Est qualifiée escalade toute entrée dans les maisons, bâtiments, cours, basses-cours, édifices quelconques, jardins, parcs et enclos, exécutée par-dessus les murs, portes, toitures ou toute autre clôture. >>

Nous déduirons d'abord de cette définition deux règles communes à l'effraction extérieure et à l'escalade.

La première, c'est que l'escalade, pour constituer une circonstance aggravante, doit avoir pour but d'introduire l'agent dans les lieux désignés par l'article; en effet, cet article définit cette circonstance, toute entrée exécutée dans ces lieux. L'escalade n'est donc qu'un mode d'introduction; si elle a eu un autre but, comme par exemple de voler les matériaux qui surmontent les murs ou couronnent les édifices, elle cesse d'être considérée comme une circonstance aggravante. Ainsi la cour de cassation a jugé avec raison qu'il n'y a pas escalade dans l'action de celui qui, pour voler les plombs d'une gouttière, monte, à l'aide d'une échelle, sur un édifice, mais sans s'y introduire [2].

La deuxième règle est que l'entrée par les moyens indiqués par l'art. 397 ne constitue l'escalade qu'autant qu'elle a lieu dans les maisons, bâtiments, cours, basses-cours, édifices quelconques, jardins, parcs et enclos.

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Suffit-il que l'accusé soit déclaré coupable d'escalade? Čette déclaration suppose-t-elle nécessairement que le vol a eu lieu dans des édifices, parcs ou enclos? Est-il indispensable d'énoncer cette dernière circonstance? Cette question s'est présentée dans une espèce où le jury, en déclarant l'accusé coupable du vol commis à l'aide d'escalade, avait écarté les circonstances de la maison habitée. La cour de cassation avait décidé, par un premier arrêt, que ce vol ne devait être considéré que comme un vol simple: «< Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 381, n° 4, et 384, C. pén., que le vol commis à l'aide d'escalade n'entraîne la peine des travaux forcés que lorsqu'il a été commis, sinon dans une maison habitée ou dans la dépendance d'une maison servant à l'habitation, du moins dans un édifice, parc ou enclos quelconque, dans lequel l'escalade puisse avoir eu lieu [4]. » Mais l'affaire étant revenue devant les chambres réunies, il fut jugé : « qu'il suit des art. 381, no 4, et 384, et de la définition de l'escalade (art. 397), que la déclaration d'un jury, qu'un tel est coupable d'un vol avec escalade, suppose nécessairement l'existence d'un lieu qui a pu être escaladé, tel que maisons, cours, basses-cours, édifices quelconques, jardins, parcs et enclos; que la réponse d'un jury qu'un tel est coupable de vol avec escalade, mais que cette escalade n'a pas eu lieu dans un édifice quelconque, non plus que dans un jardin, parc ou enclos, serait une réponse absurde et contradictoire, puisqu'il en résulterait à la fois que l'escalade a eu lieu et qu'elle n'a pas eu lieu; que, dans ce cas, la nonexistence de l'édifice habité ou non habité, et du lieu, quel qu'il soit, ne pourrait résulter que d'une déclaration précise et explicite du jury à cet égard, et non d'une déclaration purement implicite [5]. »

Ce deuxième arrêt pose en principe que, toutes les fois que le jury déclare un accusé coupable de vol avec escalade, sans définir le lieu où l'escalade a été commise, il y a présomption qu'elle a été commise dans un lieu clos. Or nous ne pouCette règle n'est que la stricte application devons admettre, en matière criminelle, qu'une la loi, et la cour de cassation l'a consacrée en déclarant, « qu'aux termes des art. 381 et 384, les vols commis à l'aide d'escalade ne donnent lieu à l'application de la peine des travaux forcés qu'autant que l'escalade a eu lieu dans un édifice, parc ou enclos [3]. »

Toutefois, une difficulté est née sur ce point.

simple présomption prenne la place d'un fait et devienne la base d'une aggravation de la peine : la loi ne punit l'escalade qu'autant qu'elle est commise dans un édifice quelconque ou dans un lieu clos; il ne suffit donc pas que l'escalade soit déclarée, il faut que la circonstance qui lui donne sa criminalité soit formellement constatée.

[1] Cass., 6 janv. 1831 et 7 déc. 1833.

[2] Cass., 21 oct. 1813.

[3] Cass., 28 mai 1828 et 18 nov. 1830.

[4] Cass., 18 nov. 1830. [5] Cass., 7 juin 1831.

Prenons, en effet, pour exemple, la déclaration | l'escalade. Le Code de 1791 se bornait égalemême du jury dans l'espèce de cet arrêt l'ac- ment à incriminer l'escalade des toits, murailcusé était reconnu coupable de vol avec escaladeles et toutes autres clôtures extérieures de bâtidans un lieu non dépendant d'une maison ha- ments, maisons et édifices (tit. 2, sect. 2, art. 11). bitée. Or l'escalade n'est une circonstance aggra- Ainsi l'escalade intérieure n'ajoute aucune agvante du vol que lorsqu'elle est commise, soit gravation au vol; dès que l'agent s'est introduit dans une maison habitée ou ses dépendances, sans ce moyen dans l'enceinte générale des bâtisoit dans un lieu clos; et la première de ces cir-ments, il n'y a plus d'escalade légale, lors même constances étant écartée, et la deuxième n'étant qu'il aurait franchi un mur, une fenêtre, une pas exprimée, il résultait naturellement que l'es- clôture intérieure. La cour de cassation a décidé, calade cessait, dans ce cas, d'être un élément en conséquence : « que l'individu qui est entré d'aggravation. La cour de cassation a pensé, au dans l'intérieur d'une maison sans escalade, de contraire, qu'il résultait de cette déclaration que quelque manière qu'il pénètre dans les autres l'accusé était coupable de vol avec escalade dans parties de la maison, par des ouvertures praun lieu clos. Mais il est évident que cette inter- tiquées dans l'intérieur de ladite maison, ne prétation décide une véritable question de fait, commet point d'escalade; qu'il résulte, dans la circonstance de la clôture, le point de savoir l'espèce, de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusi le lieu où l'escalade a été commise était clos; sation, que l'accusé est parvenu dans l'intérieur cette question de fait, qui renferme un élément d'une maison en passant par une écurie ouverte, du crime, un principe d'aggravation, peut-elle et qu'étant arrivé par une première chambre, il donc être résolue par la cour d'assises ou par la s'est introduit par une ouverture du plancher cour de cassation? N'appartient-il pas au jury dans une autre chambre inférieure, où il a comseul de l'apprécier ou de la résoudre? L'arrêt mis un vol; que cette circonstance ne saurait objecte qu'il serait absurde et contradictoire de caractériser l'escalade, telle qu'elle est définie supposer que l'escalade eût pu être commise par la loi [2]. » dans un lieu non clos. Mais il est facile de supposer, au contraire, que l'escalade a pu avoir lieu dans un parc, dans un jardin fermé d'un côté et ouvert de l'autre ; or l'escalade de la partie du mur qui l'environne d'un côté n'est point une circonstance aggravante du vol, parce que le voleur eût pu entrer librement et sans obstacle par l'autre côté, parce que l'escalade n'est incriminée que lorsqu'elle est commise dans un lieu clos. Où donc se trouve la contradiction que suppose l'arrêt? Comment soutenir la présomp- Ainsi, lorsque le voleur est entré par une tion qu'il veut établir en règle? Ensuite, la dé- porte pratiquée dans le mur de clôture et que la claration du jury fût-elle contradictoire, ne fau-négligence du propriétaire avait laissée ouverte, drait-il pas lui demander une autre déclaration? Les juges pouvaient-ils, en l'interprétant, déclarer l'existence d'une circonstance qui n'y était qu'implicitement exprimée?

Ces deux règles posées, il faut rechercher les caractères matériels de l'escalade. Nous avons vu que l'art. 397 l'a définie toute entrée dans les maisons, parcs ou enclos, exécutée par-dessus les murs, portes, toitures, ou toute autre clôture [1]. »

Il suit de ces termes que l'entrée doit avoir lieu du dehors dans l'intérieur de la maison; car c'est l'entrée dans l'enceinte de la clôture, exécutée par-dessus cette clôture, qui constitue

Un deuxième caractère de l'escalade est qu'elle consiste dans l'emploi d'un moyen extraordinaire pour s'introduire dans l'édifice ou l'enclos. La cour de cassation a reconnu cette règle en déclarant : « que le caractère de l'escalade est l'emploi de moyens ou d'efforts extraordinaires pour vaincre l'obstacle opposé par une clôture [3]. » L'art. 397 spécifie la nature de ces moyens : ils consistent à passer par-dessus les clôtures pour pénétrer dans les lieux qu'elles renferment.

lorsqu'il s'est introduit par une brèche faite au mur et qui laisse le passage libre, il ne commet point de vol avec escalade: car il n'a point employé de moyens extraordinaires pour pénétrer dans l'enclos; il n'a eu aucun obstacle à vaincre, aucun effort à faire; il a seulement profité de la négligence du propriétaire qui n'a pas fermé sa porte, qui n'a pas réparé son mur. « S'il en était autrement, dit Merlin après avoir cité ces exemples, l'art. 384, en punissant l'escalade comme une circonstance aggravante du vol commis dans un enclos dépendant de toute maison habitée, ne l'aurait pas mise, par forme d'atténuation, en opposition avec l'effraction et l'usage de fausses

[1] L'introduction dans un jardin par un échalier y servant d'entrée ne constitue pas une escalade dans le sens de la loi. (Liége, 3 juillet 1833.)

[2] Cass., 15 mai 1826.
[3] Cass., 12 oct. 1809.

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