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clefs. La loi aurait supposé qu'il y avait esca- | à aider au gravissement, ou bien des efforts à lade, par le seul fait de l'introduction du voleur dans l'enclos [1]. »

C'est par ces motifs que la cour de cassation a jugé que l'introduction opérée en franchissant sur la glace le ruisseau qui sert de clôture à un terrain, pendant que ce ruisseau est en état de congélation, ne constitue pas l'escalade prévue par la loi [2] car, suivant les expressions de Merlin, « qu'est-ce qu'un ruisseau pris de glace, relativement à la clôture qu'il forme? la même chose qu'une porte pratiquée par un mur de clôture lorsqu'elle est ouverte, la même chose qu'un mur dégradé et ouvert dans une de ses parties. Or, point d'escalade lorsque le voleur s'introduit dans l'enclos par l'ouverture que lui offre, soit une porte non fermée, soit la dégradation d'un mur; et, par conséquent, point d'escalade lorsque le voleur s'introduit dans l'enclos par la congélation du ruisseau qui l'entoure. Car il est impossible d'assigner une différence entre ces deux cas; la congélation du ruisseau n'est pas autre chose qu'un pont formé sur le ruisseau par la nature. >>

l'aide desquels on ait surmonté un obstacle; et que, puisque dans l'espèce la fenêtre par laquelle le voleur s'était introduit dans la maison n'était élevée que d'un mètre au-dessus du sol, il a pu s'y introduire au moyen d'une seule enjambée, sans efforts et sans aucun secours étranger, ce qui ne constitue point l'escalade; que cette décision est une contravention expresse à l'art. 397, puisque, contrairement aux termes généraux, clairs et précis dont cet article s'est servi pour ne rien laisser à l'arbitraire dans la définition de l'escalade, l'arrêt l'a fait dépendre de l'appréciation arbitraire du plus ou moins de force et d'agilité du voleur, et des moyens qu'il aurait mis en usage pour franchir l'obstacle que lui opposait la clôture [3]. »

Nous le répétons donc l'un des caractères essentiels de l'escalade, c'est qu'elle procure l'entrée par une voie qui n'est pas destinée à la donner; c'est qu'elle est dès lors un moyen extraordinaire d'introduction. Nous n'ajoutons point, avec l'arrêt du 12 octobre 1809, qu'elle consiste également dans l'emploi d'un effort extraordinaire pour surmonter la clôture; car cette condition n'est pas dans la loi, et elle est trop vague pour devenir l'élément d'un délit : et puis, si l'escalade suppose une voie extraordinaire d'introduction, elle ne suppose point nécessairement d'effort pour l'emploi de cette voie ; l'agent n'aura pas moins commis l'escalade, parce qu'il aura franchi facilement et sans effort un

Mais il n'est pas nécessaire que l'agent ait fait usage, soit d'échelles, soit d'autres instruments, pour gravir les clôtures. Ainsi l'introduction par une fenêtre peut constituer l'escalade, lors même que cette fenêtre ne serait élevée que de peu de mètres au-dessus du sol, et que l'agent y serait parvenu sans aucune aide; car une fenêtre n'est point une voie ordinaire d'introduction, et celui qui l'emploie cherche évidemment à vain-mur, un fossé, une barrière. cre l'obstacle que lui opposent les autres clôtures. Cette introduction diffère de celle qui a lieu, soit par une porte laissée ouverte, soit même par la brèche faite dans un mur : dans ces deux derniers cas, l'introduction se fait naturellement et sans effort; elle n'entraîne avec elle aucune présomption de crime; tandis que, dans notre hypothèse, l'entrée par une fenêtre suppose une intention frauduleuse, par cela seul qu'elle constitue un moyen inusité d'introduction. Cette différence a été saisie par la cour de cassation qui a décidé : « que ce moyen d'introduction est clairement compris dans la définition de l'escalade donnée par l'art. 397, puisque cet article qualifie escalade toute entrée dans la maison en passant par-dessus les murs, portes, toitures, et toute autre clôture; que l'arrêt attaqué a décidé que, pour établir la circonstance de l'escalade dans un vol, il faut l'emploi, soit d'échelles, soit de tout autre instrument propre

[1] Merlin, Rép., vo Vol, sect. 2, § 3, dist. 4. [2] Cass., 20 mai 1815.

Est-il nécessaire que l'escalade soit liée au vol par l'intention qui l'a dirigée? que le voleur l'ait faite avec l'intention de commettre le vol? La cour de cassation, répondant négativement à cette question, a déclaré : « que si, pour caractériser le fait principal de vol, la loi exige que l'auteur ait eu l'intention de spolier le propriétaire, elle n'a point exigé la même intention à l'égard des moyens qui auraient été mis en usage pour commettre le vol; qu'il importe donc peu que le jury ait ajouté à la déclaration que, lors de l'escalade qui a précédé le vol, l'accusé n'avait pas l'intention de voler; que cette intention était absolument indifférente, et qu'il suffisait que l'escalade eût été reconnue par le jury comme moyen à l'aide duquel le vol avait été commis. » Cette décision ne nous paraît pas à l'abri de toute objection. En thèse générale, toutes les circonstances qui ont pour effet d'aggraver la peine d'un crime doivent être commi

[3] Cass., 7 nov. 1811, 18 juin 1813 et 22 avril 1830.

ses avec le but de concourir à la perpétration de | au jury était celle de savoir si le vol avait été

ce crime; en effet, elles forment les éléments d'une même action, et par conséquent, l'exécution d'un même dessein. Le vol, par exemple, s'aggrave à raison des effets plus ou moins grands qui ont été déployés pour le commettre. Or, si l'effraction, l'escalade, qui l'ont précédé, ont été commises dans un autre but, pour accomplir un autre dessein, et si ce n'est ensuite qu'accidentellement que la pensée du vol est survenue et que ce délit s'est consommé, l'escalade et l'effraction ne seront plus des actes de ce vol, elles ne l'auront pas préparé, elles ne révéleront pas dans le voleur une criminalité plus grande. Ce sont des actes distincts qui peuvent être incriminés à part, si la loi le permet, mais qui ne peuvent concourir à composer un crime auquel ils sont étrangers, lors même qu'accidentellement ils auraient aidé à le commettre. C'est ainsi que nous avons pensé que l'effraction d'un meuble n'était pas une circonstance aggravante du vol commis dans un autre meuble. L'escalade, faite dans un dessein quelconque étranger au vol, ne peut être également une circonstance aggravante de ce vol, puisqu'il n'en a pas été un acte préparatoire. Il en serait autrement, s'il s'agissait d'une circonstance qui concourt à l'aggravation du vol par le fait seul de son existence, indépendamment de son emploi dans l'exécution: telles sont les circonstances de port d'armes, de la nuit, du concours de plusieurs personnes. Mais l'effraction, l'usage de fausses clefs, la violence, l'escalade, ne sont incriminés que comme actes préparatoires du vol, que comme ayant concouru à préparer ou à consommer son exécution; si donc ces circonstances ont été étrangères à l'action du vol, si leur but a été distinct, si elles ne tiennent d'aucune manière à cette action, il paraît impossible d'en faire la base d'une aggravation de la peine; car on ne peut y trouver aucun élément de la criminalité réelle de l'agent, relativement au vol dont il s'est rendu coupable.

La cour de cassation a rendu des arrêts entièrement contradictoires sur la question de savoir si le jury doit être interrogé seulement sur les faits constitutifs de l'escalade, ou si l'on doit l'interroger sur l'existence même de cette circonstance [1]. Ainsi quelques arrêts ont jugé qu'il suffisait de demander au jury si l'introduction avait eu lieu par une fenêtre et par le franchissement d'un mur; et d'autres arrêts, au contraire, ont décidé que la seule question à poser

commis à l'aide d'escalade. Cette dernière décision doit seule servir de règle. Interroger le jury sur les faits constitutifs de l'escalade, et non sur l'escalade elle-même, c'est réserver à la cour d'assises le droit d'apprécier ces faits et de décider s'ils constituent cette circonstance aggravante; c'est indirectement transporter à cette cour le jugement de ce fait or la question de savoir si l'introduction constitue une escalade n'est point une question de droit, c'est une circonstance du fait, et il n'appartient dès lors qu'au jury seul de l'apprécier. Au surplus, cette jurisprudence est seule appliquée aujourd'hui dans la pratique.

Le 28 de l'art. 397 assimile à l'escalade un cas particulier d'introduction; il porte : « L'entrée par une ouverture souterraine, autre que celle qui a été établie pour servir d'entrée, est une circonstance de même gravité que l'escalade. »

La loi fait une assimilation complète de cette sorte d'introduction à l'escalade. Il suit de là que les caractères généraux qui distinguent cette dernière circonstance s'appliquent nécessairement à l'entrée par une ouverture souterraine. C'est ainsi que cette voie d'introduction ne constitue une circonstance aggravante que lorsque les lieux où elle conduit sont des maisons habitées ou leurs dépendances, soit des parcs ou enclos. C'est encore ainsi qu'elle ne doit s'entendre que de l'entrée dans l'enceinte générale des bâtiments: l'emploi de cette voie pour pénétrer d'une dépendance de la maison dans la maison elle-même n'emporterait aucune aggravation, car elle n'aurait point servi à forcer l'entrée extérieure.

Le caractère particulier de cette introduction. est qu'elle ait lieu par une ouverture souterraine autre que celle qui a été établie pour servir d'entrée. Il est donc nécessaire, d'abord, que l'agent se soit introduit par une voie souterraine telle serait l'entrée par le conduit d'un égout ou par toute autre voie pratiquée par-dessous les clôtures extérieures; il est nécessaire, ensuite, que cette voie, quelle qu'elle soit, n'ait pas été destinée à servir d'entrée : cette dernière condition établit l'assimilation complète de cette circonstance avec l'escalade.

Mais si ces deux circonstances ont les mêmes caractères et les mêmes effets, il ne s'ensuit pas qu'on doive comprendre, en général, l'entrée par une voie souterraine sous la qualification d'escalade cette expression répugnerait même à s'appliquer à ce moyen d'introduction. La ques[1] Cass., 26 mars 1812; 19 août 1813; 16 fév. 1816; tion relative à cette circonstance doit donc être 28 mai 1818 et 22 avril 1830.

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posée au jury dans les termes mêmes de la loi :

ce mode peut seul éviter les erreurs que ferait naître, dans l'esprit des jurés, la confusion de deux faits moralement identiques, mais matériellement dissemblables.

L'escalade, en ce qui concerne l'aggravation pénale qu'elle entraîne, produit les mêmes effets que l'effraction. Sous notre ancien droit, l'échellement des maisons et des murailles avait été mis, par l'édit de mars 1577, au nombre des cas prévôtaux [1]; et Jousse atteste que « ceux qui escaladent de nuit les fenêtres des maisons pour entrer dans les chambres et y voler, quoique sans effraction, sont punis d'une peine très-sévère, qui doit être au moins les galères à temps et quelquefois la mort [2]. » Dans notre législation actuelle, l'escalade n'est incriminée par la loi que lorsqu'elle a pour but de préparer un vol; si elle n'est pas animée de cette intention, elle ne peut être considérée que comme une violation de domicile, et punie que dans le cas où elle présenterait les caractères de ce délit.

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est placé par l'art. 381 sur le même rang que l'escalade et l'effraction; que ces trois circonstances sont complétement assimilées; qu'elles deviennent aggravantes dans les mêmes cas, et qu'elles entraînent la même aggravation de la peine.

Ainsi, de même que l'escalade et l'effraction, l'emploi des fausses clefs n'est incriminé que comme acte d'exécution du vol et tendant dès lors à en aggraver le caractère. Séparée du vol, cette circonstance n'est passible d'aucune peine.

Ainsi l'usage des fausses clefs n'est incriminé, même comme circonstance aggravante du vol, qu'autant que cet usage a été fait dans des édifices ou dans leurs dépendances renfermées dans la clôture ou enceinte générale, ou dans des parcs ou enclos [4]. Dans tout autre lieu, cet usage ne conférerait au vol aucun caractère aggravant; ce délit resterait dans la classe des vols simples.

Mais l'usage des fausses clefs diffère de l'effraction extérieure et de l'escalade, en ce qu'il constitue une circonstance aggravante, non-seulement quand il a pour objet d'introduire l'agent dans l'enceinte générale des bâtiments ou enclos, mais encore quand il est fait dans l'extérieur des édifices pour arriver à l'exécution du vol. Cela résulte d'abord de ce que l'art. 381 ne fait aucune distinction, et punit le vol commis, à l'aide de fausses clefs, dans une maison, appartement, chambre ou logement habités ou servant à l'habitation, ou leurs dépendances; cela résulte ensuite de ce que l'art. 398 ne limite point, comme les art. 395 et 397, l'incrimination de l'usage des fausses clefs à celui qui procure l'entrée de la maison, de l'appartement, de l'enclos. Ainsi cet usage peut être, comme l'effraction, extérieur et intérieur; il peut s'appliquer à l'ouverture des meubles comme à celle des portes, et, dans les deux cas, l'effet de cette circonstance est le même.

Les art. 381, 382, 383 et 384 ont réuni dans les mêmes dispositions les circonstances de l'effraction, de l'escalade et des fausses clefs, et leur ont imprimé la même influence sur la criminalité et sur la peine. Nous avons examiné, dans le paragraphe précédent, les modifications que l'existence de l'effraction fait subir à la peine, nous devons nous borner à y renvoyer; nous ajouterons seulement que, dans ces différents articles, il faut comprendre sous la qualification d'escalade, non-seulement l'entrée par-dessus les clôtures, mais l'entrée par une voie souterraine. Cette confusion, que la loi n'a pas faite quand il s'est agi de l'incrimination du fait, elle l'a évidemment faite quand il s'est agi d'appliquer la peine; vainement Carnot émet quelques doutes à cet égard [3] que servirait que l'article 397 eût déclaré que l'entrée par une voie souterraine était une circonstance de même gravité que l'escalade, si elle ne devait pas exercer la même influence sur la peine? Or, aucun arLa loi a défini les fausses clefs; l'art. 398 est ticle ne fait de cette circonstance un élément ainsi conçu : « Sont qualifiés fausses clefs tous d'aggravation du vol; de sorte que le 2 § de crochets, rossignols, passe-partout, clefs imil'art. 397 devrait être considéré comme une dis-tées, contrefaites, altérées, ou qui n'ont pas élé position parasite et complétement inutile, si l'on n'admettait pas que le législateur l'a compris et rappelé dans le terme de l'escalade, quand il a réglé la peine dont ce fait devient un des éléments.

§ IV. Fausses clefs.

destinées par le propriétaire, locataire, aubergiste ou logeur, aux serrures, cadenas ou autres fermetures quelconques auxquelles le coupable les aura employés. »

L'exposé des motifs du Code explique cette disposition déjà fort claire: « Une difficulté, a dit Faure, s'était présentée dans les cours crimi

Nous avons vu que l'usage des fausses clefs nelles; elles n'étaient pas d'accord sur la ques

[1] Serpillon, C. crim., t. 1, p. 200.

[3] Comment. du C. pén., t. 2, p. 339.

[2] Traité de justice crim., t. 4, p. 222.

[4] Cass., 27 juillet 1820; 12 juillet 1838 et 6 juin 1839.

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tion de savoir s'il fallait considérer comme vol | qu'elle doit être étroitement resserrée dans ses

fait à l'aide de fausses clefs celui qu'on aurait commis avec des clefs non imitées, ni contrefaites, ni altérées, mais qui n'avaient pas été destinées aux fermetures auxquelles elles ont été employées. Le Code décide cette question et prononce l'affirmative. En effet, détourner une clef de sa destination pour l'employer à commettre un crime, n'est autre chose que convertir une clef véritable en une fausse clef. En un mot, toute clef n'est véritable que relativement à sa destination. La seule différence que la loi admet entre cette clef, dont il y a eu abus, et une clef contrefaite ou altérée, est que celle-ci est toujours fausse clef, et que la première ne le devient qu'au moment qu'on l'emploie comme on aurait fait d'une clef contrefaite. »

termes. Or, la véritable clef d'une serrure, dont le voleur, après l'avoir trouvée ou soustraite, se sert pour ouvrir cette serrure, n'est ni une clef contrefaite ou altérée, ni une clef détournée de sa destination, puisqu'elle est appliquée, au contraire, bien qu'avec fraude, à la serrure même à laquelle elle était destinée. Cette clef ne se trouve donc pas comprise dans les termes de la définition; elle ne peut donc être réputée fausse clef. L'arrêt objecte que la destination originaire d'une clef ne peut continuer d'exister, lorsque cette clef a été égarée ou soustraite depuis un temps plus ou moins long: mais la loi ne fait point cette distinction; elle n'assimile à la fausse clef, ainsi que le dit son texte et que l'explique l'exposé des motifs, que la clef qui n'avait pas été destinée à la fermeture à laquelle on l'emploie; il suffit donc que la clef ait été faite pour cette fermeture, pour que l'assimilation cesse d'exister. Comment, ensuite, déterminer l'époque où la clef égarée perd sa destination primitive et en acquiert une autre? Ne faudrait

Quelque précises que soient ces explications et la loi elle-même, elles laissent cependant en dehors une question grave. L'art. 398 assimile aux fausses clefs les clefs véritables qui sont appliquées à une autre destination que leur destination originaire, et l'exposé des motifs ajoute que, dans le sens de la loi, une clef n'est vérita-il pas admettre, en poursuivant ce système, ble que relativement à sa destination. Mais si le voleur s'est servi, pour ouvrir une serrure, de la clef même destinée à cette serrure, et qu'il avait soustraite ou trouvée, a-t-il fait usage d'une fausse clef? en d'autres termes, doit-on considé rer comme fausse clef la clef perdue, égarée ou soustraite qui a servi à commettre le vol? La cour de cassation a résolu cette question affirmativement; elle a déclaré : « qu'aux termes de l'art. 398, C. pén., est réputée fausse clef celle qui n'a pas été destinée aux fermetures quelconques auxquelles le coupable l'a employée; que la destination originaire d'une clef ne peut être réputée avoir continué d'exister, lorsque cette clef a été égarée, perdue ou soustraite depuis un temps plus ou moins long; que, par conséquent, l'usage qui en est fait pour commettre un vol par un individu, en s'en servant pour ouvrir les fermetures auxquelles elle a cessé d'appartenir, constitue l'emploi d'une fausse clef et caractérise la circonstance aggravante du vol spécifié dans le n° 4 de l'art. 381 [1]. »

Cette interprétation ne nous semble pas exacte. Il n'y a de fausse clef, aux termes de l'art. 393, C. pén., que la clef contrefaite, ou celle qui n'a pas été destinée par le propriétaire à l'usage auquel on l'emploie : cette définition est complète, elle est rigoureuse et comme la loi considère l'emploi d'une fausse clef comme une circonstance aggravante de la peine, il en résulte

[1] Cass,, 16 déc. 1825 et 19 mai 1836.

qu'au moment même de la perte de cette clef, qu'au moment où le voleur s'en empare, elle abdique sa destination, et, par une conséquence nécessaire, qu'il suffit que le voleur se soit servi d'une clef, l'eût-il trouvée au moment même d'en faire usage, l'eût-il trouvée dans la porte ou dans le meuble même, pour qu'elle devienne une fausse clef? D'ailleurs, il n'est pas même exact de placer sur la même ligne le vol commis avec la clef véritable, ou celui qui se commet à l'aide d'une clef contrefaite ou détournée de sa destination. Dans cette dernière hypothèse, l'agent a dû longuement préparer son crime; il a fallu qu'il fit confectionner la clef dont il avait besoin, ou qu'il essayât celle qu'il destinait à l'exécution du vol; ces préparatifs décèlent une longue préméditation : après avoir conçu la pensée de son crime, l'auteur du vol s'est procuré des instruments pour le commettre. Dans la deuxième hypothèse, au contraire, il n'avait aucun préparatif à faire; c'est la possession de la clef, soit qu'il l'ait trouvée ou soustraite, qui lui a donné la pensée du vol; l'action ne suppose ni la même audace, ni la même persévérance; ce sont deux faits distincts que la loi a sagement séparés. Et puis, en matière de délit contre la propriété, la loi considère, en général, comme moins coupable celui auquel l'imprudence d'un tiers a fourni l'occasion, et peut-être la pensée du crime. C'est ainsi que le faux commis par celui auquel un blanc-seing a été confié, n'est considéré que comme un simple abus de confiance; c'est ainsi que l'introduction du vo

leur par une porte laissée ouverte, n'aggrave | point le vol, et que la soustraction commise dans un meuble non fermé n'est qu'un vol simple. Or, le propriétaire qui égare sa clef commet une imprudence qui doit modifier l'action de celui qui, l'ayant trouvée, en fait un criminel usage; il est dans la même position que celui qui laisse sa porte ouverte, ou qui ne ferme pas ses meubles le vol commis à son préjudice doit donc rester un vol simple.

La loi pénale ne s'est pas contentée de punir l'emploi des fausses clefs dans l'exécution d'un vol, elle a puni la fabrication même de ces instruments. « A l'égard des fausses clefs proprement dites, porte l'exposé des motifs, la loi condamne celui qui les fabrique à des peines de police correctionnelle; elle veut même que si c'est un serrurier, il subisse la peine de la reclusion. La faute doit être punie plus rigoureusement à raison de la facilité qu'on a eue de la commettre, et la confiance nécessairement attachée à cet état exige d'autant plus de précautions. »

L'art. 399 porte: « Quiconque aura contrefait ou altéré des clefs, sera condamné à un emprisonnement de trois mois à deux ans, et à une amende de 25 fr. à 150 fr. Si le coupable est serrurier de profession, il sera puni de la reclusion. Le tout sans préjudice de plus forte peine, s'il y échet, en cas de complicité de crime. » Ce que la loi punit dans cet article, c'est encore un acte préparatoire du vol, la fabrication des fausses clefs qui doivent servir à le commettre. Le législateur a prévu que cette fabrication, lorsqu'elle serait faite par un tiers étranger au vol même, pourrait n'être pas considérée comme un acte de complicité, et il en a fait un délit sui generis.

Il est donc évident, quels que soient les termes de l'article, que le simple fait d'avoir contrefait ou altéré des clefs ne suffit pas pour constituer un délit, car cette imitation ou cette altération peut avoir été ordonnée par le propriétaire même des fermetures; il faut que les clefs aient été fabriquées avec la connaissance de leur fausseté et la prévision de leur usage. C'est là ce qui constitue le délit moral, l'intention criminelle, l'élément indispensable de la pénalité correctionnelle.

Cette connaissance peut même, dans certains cas, constituer un acte de complicité: si le fabricateur a prévu seulement que les clefs seraient employées à commettre des vols, s'il les a fabriquées avec cette destination générale, mais

sans avoir connu spécialement le projet d'aucun vol particulier, il ne peut être poursuivi qu'à raison du fait même de cette fabrication; c'est un acte distinct du vol, bien qu'il l'ait préparé: c'est précisément l'objet de l'incrimination spéciale de l'art. 399. Mais si le fabricateur, au contraire, a connu le projet du vol et a fabriqué les clefs en vue de ce projet et pour aider à son exécution, il doit être considéré comme complice, puisqu'il a préparé les instruments qui ont servi à le commettre, et les a fournis sciemment et avec la connaissance de l'objet auquel ils étaient destinés [1].

La peine devient plus grave quand le coupable est un serrurier de profession. Cette qualité imprime au délit le caractère d'un crime, parce que le serrurier commet, de plus qu'un particulier, un abus de sa profession, et qu'il agit avec la connaissance certaine de la destination à laquelle on doit employer les clefs. Notre ancienne législation appliquait une peine plus forte que celle du vol même aux serruriers qui avaient commis eux-mêmes ce vol à l'aide de fausses clefs, ou s'en étaient rendus complices. «< La difficulté de se garantir de ces sortes de vols, dit Muyart de Vouglans, jointe à la circonstance du faux dont ils sont accompagnés, sont autant de motifs particuliers qui tendent à en faire aggraver la peine. Cette peine est ordinairement celle de mort [2]. » Cette aggravation de la peine du vol, à raison de la qualité de serrurier du voleur, n'a pas été conservée par notre législation. On appliquait également un arrêt du parlement de Dijon, du 12 août 1748, et une ordonnance de police du 8 novembre 1780, portant également sur la profession de serrurier ces actes, destinés à prévenir, par de prévoyantes dispositions, l'emploi frauduleux des vieilles clefs et l'altération de celles qui pourraient être détournées de leur destination, peuvent encore servir à faire connaitre aux serruriers les règles principales de leur profession; mais leur inapplication ne pourrait plus motiver aucune peine.

§ 5. Vol avec port d'armes.

Le port d'armes a été placé par le Code au nombre des circonstances aggravantes du vol.

L'art. 381 du Code pénal prononce la peine des travaux forcés à perpétuité lorsque, indépendamment des quatre autres circonstances qu'il prévoit, les coupables ou l'un d'eux étaient porteurs d'armes apparentes ou cachées. L'art. 385 prononce la peine des travaux for

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