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cés à temps, lorsque le vol a été commis la nuit, par deux ou plusieurs personnes, et si le coupable ou l'un des coupables était porteur d'armes apparentes ou cachées.

Ces dispositions sont claires et précises: la seule difficulté à laquelle elles peuvent donner lieu réside dans la définition des armes; quels sont les instruments, quels sont les ustensiles qui doivent prendre cette qualification? Dans

Les art. 382 et 383 font encore de cette circonstance un élément de la peine des travauxquels cas le vol doit-il être réputé commis avec forcés à temps, dans les vols commis à l'aide de violences ou sur les chemins publics.

Enfin, l'art. 386, no 2, porte la peine de la reclusion contre tout individu coupable de vol, << si le coupable ou l'un des coupables était porteur d'armes apparentes ou cachées, même quoique le lieu où le vol a été commis ne fût ni habité ni servant à l'habitation, et encore quoique le vol ait été commis le jour et par une seule personne. >>

Il résulte de ces diverses dispositions que le port d'armes est une circonstance aggravante du vol, indépendamment du concours de toute autre circonstance. Ainsi, lors même que le vol a été commis pendant le jour, par une seule personne et dans un lieu qui n'est ni habité ni dépendant d'une maison habitée, la seule possession d'armes apparentes ou cachées, de la part du voleur, suffit pour aggraver le caractère du vol et lui imprimer le caractère de crime. Il a paru au législateur que cette seule possession d'armes apparentes ou cachées, de la part du voleur, indépendamment de toute autre circonstance, suffisait pour modifier la nature du fait, soit parce qu'elle révèle dans l'agent l'intention d'employer la force au besoin, soit parce qu'elle facilite l'exécution du vol par la crainte qu'elle peut inspirer.

port d'armes? Cette question est grave; mais nous l'avons examinée avec tous les développements qu'elle comporte dans le chapitre 18 de notre ouvrage [1], et nous devons dès lors nous borner à y renvoyer nos lecteurs.

§ 6. Violences, menaces, extorsions. La violence est, de toutes les circonstances aggravantes du vol, celle qui exerce le plus d'influence sur son caractère.

L'exposé des motifs reconnaît cette influence en ces termes : « La circonstance qui aggrave le plus le vol est la violence, parce qu'alors le crime offre tout à la fois un attentat contre la personne et contre la propriété. Ainsi le vol fait avec violence, quoique nulle autre circonstance n'existe, et qu'il n'ait laissé aucune trace de blessure, sera puni de la peine des travaux forcés à temps. Mais si le vol, outre la violence, a été accompagné de plusieurs autres circonstances aggravantes; par exemple, s'il a été commis la nuit et avec armes, ou si seulement la violence a laissé quelque trace de blessure ou de contusion, ce n'est pas la peine des travaux forcés à temps, mais celle des travaux forcés à perpétuité qui sera prononcée. En effet, lorsque le vol porte un tel caractère, il est d'une nature si grave, que toute peine moins sévère ne serait pas assez répressive. »

Lorsque le port d'armes se réunit à d'autres circonstances aggravantes, il concourt encore à Le seul emploi de la violence, indépendaml'élévation du taux de la peine. Ainsi les vols ment de toute autre circonstance, suffit donc commis de nuit et de complicité, les vols com- non-seulement pour élever le vol simple au rang mis sur les chemins publics et les vols commis des crimes, mais encore pour le rendre passible, avec violences puisent une aggravation nouvelle en franchissant deux degrés de l'échelle des cridans la circonstance concomitante du port d'ar-mes, de la peine des travaux forcés à temps. mes. Enfin, ce fait forme l'une des cinq circonstances dont le concours motivait l'application de la mort avant la loi du 28 avril 1832, et aujourd'hui la peine des travaux forcés à perpétuité contre les coupables de vol.

Une autre conséquence des mêmes dispositions est que l'aggravation est attachée au seul fait du port d'armes, indépendamment de l'usage qui a pu être fait de ces armes; cet usage, en effet, est un acte de violence et constitue une circonstance aggravante distincte du port d'armes et qui produit son effet séparément sur la moralité du vol.

[1] . t. 2, p. 17 et suiv.

L'art. 585 porte en effet : « Sera puni de la peine des travaux forcés à temps tout individu coupable de vol commis avec violence, lorsqu'elle n'aura laissé aucune trace de blessure ou de contusion, et qu'elle ne sera accompagnée d'aucune circonstance. »

L'art. 382 punit également de la peine des travaux forcés à temps « tout individu coupable de vol commis à l'aide de violence, et de plus avec deux des quatre premières circonstances prévues par l'art. 581. » Mais cet article ajoute: « Si la violence à l'aide de laquelle le vol a été commis a laissé des traces de blessures, de contusions, cette circonstance seule suffira pour que la peine des travaux forcés à perpétuité soit prononcée. »

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Enfin, l'art. 381 prononce également la peine | cette formule qui avait pour objet d'étendre le des travaux forcés à perpétuité, si les coupables premier paragraphe, et qui se trouve maintenant du vol qu'il prévoit ont commis le crime, indé- en contradiction avec cette disposition. Au reste, pendamment des circonstances de nuit, de com- la peine des travaux forcés perpétuels a été conplicité, de port d'armes et d'introduction frau- servée dans le deuxième paragraphe sur ces paduleuse dans la maison, avec violence ou menace roles de l'un des membres de la commission de de faire usage de leurs armes. la chambre des députés : « Les violences peuvent aller jusqu'à tel point que l'individu aura été approché du feu, aura été chauffé : trouvezvous que la peine des travaux forcés soit assez sévère dans cette circonstance? Le cas dont je parle se présente, on en a eu des exemples. C'est ce qui nous a frappés et décidés à maintenir la disposition que la commission vous propose [1]. » Il nous semble qu'il fallait distinguer: si des violences il est résulté des blessures graves, la peine pouvait être maintenue; mais si les violences, légères par elles-mêmes, n'ont laissé que la trace de quelques contusions, cette peine est hors de proportion avec le crime. Nous avons souvent eu lieu de remarquer qu'en matière pénale les dispositions absolues sont nécessairement injustes, parce qu'elles s'appliquent à des actions d'une inégale valeur.

Le Code pénal avait prononcé, dans ce cas, la peine de mort : « Le vol avec violence, portait l'exposé des motifs, emportera la peine de mort lorsqu'il aura été commis avec une réunion de circonstances dont l'ensemble présente un caractère si alarmant, que le crime doit être mis au même rang que l'assassinat. Il faudra donc que le vol avec violence ait été en même temps commis la nuit par deux ou plusieurs personnes, avec armes apparentes ou cachées, et de plus à l'aide d'effraction extérieure ou d'escalade, ou de fausses clefs, ou en prenant un faux titre ou un faux costume, et en alléguant un faux ordre. Toutes ces circonstances réunies forment un corps de délit si grave, que la loi punit les coupables de la même peine que celui qui a commis un assassinat. Il n'est pas même nécessaire, lorsque ce concours de circonstances existe, que les coupables aient consenti à exercer des violences; il suffit qu'ils aient menacé de faire usage de leurs armes. » La loi du 28 avril 1832 a commué, dans ce cas, la peine de mort en celle des travaux forcés à perpétuité.

On peut remarquer, dans les dispositions que nous venons de parcourir, deux anomalies assez graves qui sont le résultat des rectifications un peu précipitées de la loi du 28 avril 1832. La première subsiste dans le texte complet de l'art. 382 et entre les deux paragraphes de cet article. La loi rectificative a substitué dans le paragraphe premier, à la peine des travaux forcés à perpétuité, celle des travaux forcés à temps; or, cette atténuation devait nécessairement entraîner la même modification dans le deuxième paragraphe. En effet, le vol commis par une seule personne avec violence, lors même que cette violence a laissé des traces, n'est pas plus grave que le vol commis avec violence par plusieurs personnes munies d'armes apparentes, ou qui ont escaladé les murs d'une maison pour le commettre; si l'un de ces deux crimes est plus grave que l'autre, c'est même assurément le dernier. Telle était aussi la pensée exprimée par l'article, lorsque après avoir porté dans son premier paragraphe la peine des travaux forcés à perpétuité, il ajoutait : Si même la violence a laissé des traces de blessures ou de contusions, cette circonstance seule suffira pour que la peine des travaux à perpétuité soit prononcée. Il est étrange que le législateur ait maintenu en 1832

Une deuxième anomalie peut être signalée entre les art. 382 et 385. L'art. 382 punit de la peine des travaux forcés à temps le vol commis avec les circonstances prévues par l'art. 381. L'art. 385 punit également des travaux forcés à temps le vol commis avec violence, lorsqu'elle n'aura laissé aucune trace de blessure ou de contusion, et qu'elle ne sera accompagnée d'aucune autre circonstance. Voilà donc le même fait, le vol avec violence, qui, dans le premier de ces articles, n'est frappé des travaux forcés à temps qu'autant qu'il est accompagné de deux autres circonstances aggravantes, et qui, dans le deuxième, est puni de cette peine alors même qu'il est dégagé de toutes circonstances aggravantes d'où il suit que la présence des circonstances énumérées dans l'art. 582 devient indifférente et sans aucun effet. Nous avons dû signaler cette contradiction échappée à l'irréflexion de la discussion. Il est facile d'en trouver la cause: le législateur, en substituant à la peine de mort celle des travaux forcés à perpétuité dans l'art. 381, a été conduit à abaisser également la peine d'un degré dans l'art. 382; mais il s'est contenté de cette réduction matérielle, et n'a point songé à la coordonner avec les articles suivants.

Quelle est la signification du mot violences dans le sens des art. 381, 382 et 385? Quelle doit être la gravité de ces violences pour qu'elles

[1] Parant, Monit. du 1er déc. 1851, 1er suppl.

puissent devenir un élément d'aggravation de la | de vol l'usage que l'un des auteurs a fait contre

peine? La loi n'a donné aucune définition; mais elle a posé deux hypothèses qui peuvent servir à fixer son véritable sens.

La première est énoncée dans le cinquième paragraphe de l'art. 381. Ce paragraphe considère comme un acte de violence la menace de l'agent de faire usage de ses armes: or, bien que cette règle ne soit écrite que dans l'art. 381, elle s'étend évidemment aux articles subséquents; car les violences sont prises dans le même sens dans ces différents articles, et l'identité des motifs est complète. Voilà donc un premier exemple d'un acte matériel de violence [1]. Il est à remarquer, du reste, que la menace de faire usage des armes est la seule que la loi ait assimilée à un acte de violence, et que les autres menaces, quelles qu'elles soient, n'ont point été placées parmi les circonstances qui peuvent aggraver le vol.

Nous trouvons l'autre exemple dans la distinction établie par les art. 382 et 385 contre les violences qui ont laissé des traces de blessures et de contusions, et celles qui n'ont laissé aucunes traces. Il n'est donc pas nécessaire que les violences produisent une incapacité de travail, qu'elles produisent une blessure, qu'elles laissent une trace quelconque.

De là il suit que les violences, dans le sens de ces différents articles, comprennent toutes les voies de fait qui sont dirigées contre les personnes, lors même qu'elles ne porteraient aucune atteinte à leur sûreté, qu'elles ne les menaceraient d'aucun danger personnel. Ainsi le fait de retenir une personne pendant l'exécution du vol, de lui arracher une clef, de la dépouiller d'un objet, sont des actes de violences, bien | qu'ils n'aient pas pourtant l'intention d'exposer la personne à aucun péril. C'est dans ce sens que la cour de cassation a déclaré que le seul fait d'avoir voilé la tête d'une personne pour l'empêcher de reconnaître les auteurs du vol, était un acte de violence [2].

Une question s'est élevée. Si l'agent a commis des violences, non point pendant l'exécution du vol et pour assurer cette exécution, mais pour assurer sa fuite au moment où il se voit découvert, ces violences ont-elles le caractère de la circonstance aggravante? La cour de cassation a décidé cette question affirmativement; son arrêt porte: « que c'est mal à propos que l'arrêt attaqué a considéré comme étranger à la tentative

le plaignant d'un stylet dont il était armé, et les coups qu'il lui en a portés; que ce fait de violence se rattache nécessairement à la tentative dont il était la suite, et à laquelle il était, pour ainsi dire, adhérent; qu'en effet, les circonstances fortuites et indépendantes de la volonté des auteurs, qui ont empêché la consommation du vol, ne consistent pas seulement dans l'apparition subite du plaignant, mais encore dans la crainte que sa présence a inspirée aux coupables, et dans le parti de fuir que cette crainte leur a fait prendre; que les coupables étaient donc en état de tentative de vol lorsqu'ils ont pris la fuite, et qu'en fuyant l'un d'eux a fait usage de l'arme dont il était porteur; qu'ainsi la tentative de vol a été commise avec violence [3]. » Legraverend approuve cet arrêt « Un vol, dit cet auteur, ne peut être exécuté qu'en parvenant au lieu où est la chose qu'on veut voler, et en s'en éloignant pour consommer et cacher son vol. La retraite ou la fuite des voleurs est donc une circonstance élémentaire et nécessaire du vol, et l'usage d'armes dans la fuite, pour favoriser ou assurer cette fuite, est donc une violence dans le vol ou dans la tentative du vol [4]. »

Nous avons peine à comprendre cette double argumentation. L'art. 382 punit de la peine des travaux forcés à temps le vol commis à l'aide de violence. La violence n'est donc une circonstance aggravante de ce vol que lorsqu'elle aide et facilite son exécution. Or, d'après les principes du droit, et suivant même la jurisprudence de la cour de cassation, le vol est consommé du moment que la chose volée a été appréhendée par le voleur [5], et la tentative du vol est consommée du moment que l'exécution a été interrompue par une circonstance indépendante de la volonté de cet agent. Les actes postérieurs à cette appréhension ou à cette interruption ne sont donc plus des actes d'exécution du vol; ce n'est donc pas à l'aide de ces actes que le délit a été commis; ils ne peuvent donc servir à le caractériser. On allègue que la fuite des coupables est, suivant l'arrêt, un acte adhérent au vol, et, suivant Legraverend, une circonstance aggravante de ce vol. Cette dernière assertion est visiblement inexacte, et la première ne prouve rien. La fuite du voleur ne saurait être un élément du vol, puisque le délit est consommé quand il prend la fuite; et si cet acte adhère au vol, c'est parce

[1] V. notre t. 2, p. 235.

[2] Cass., 26 mars 1813. (Dalloz, t. 28, p. 414.) [5] Cass., 18 déc. 1812.

[4] Traité de législation crim., t. 3, p. 122. [5] Cass., 14 déc. 1839.

devoir spécifier et qualifier; l'art. 401, qui suit immédiatement la disposition relative à l'extorsion, ajoute : Les autres vols non spécifiés dans la présente section..... C'est donc un vol que la loi a vu dans l'extorsion, un vol qu'elle a voulu punir. Et puis, quel est le but de l'extorsion? C'est d'enlever un écrit, un acte quelconque contenant obligation ou décharge, par conséquent de soustraire une chose appartenant à autrui, une chose ayant une valeur quelconque. Tous les caractères du vol se réunissent donc dans ce crime [2].

qu'il est sa conséquence, et non son moyen d'exécution. La violence a été commise pour as surer la fuite, non pour exécuter le vol; pour protéger la sûreté du voleur, non pour accomplir une action parfaitement complète; pour garantir, si l'on veut, les bénéfices du délit, non pour concourir au fait qui a procuré ces bénéfices. Cette violence peut sans doute être punie, mais comme délit distinct sui generis, et non comme circonstance d'un acte qu'elle n'a pu modifier, puisqu'elle n'est née que lorsqu'il était accompli. La violence, lorsqu'elle est un moyen d'exécution du vol, modifie son caractère et l'aggrave, quel que soit le lieu de sa perpétration, et quelles que soient les personnes envers lesquelles elle est exercée. La cour de cassation a eu lieu d'appliquer cette règle, en décidant que le vol commis avec violence dans une maison d'arrêt, par plusieurs détenus envers leur codétenu, était passible de l'application de l'art. 383; les motifs de cet arrêt sont: « que cette disposition est générale, et que les juges ne peuvent se dispenser de s'y conformer dans tous les cas pour les quels le législateur lui-même n'aurait pas établi d'exception; que cependant l'arrêt attaqué a déclaré que le vol ayant eu lieu dans une maison d'arrêt par des détenus, au préjudice d'un autre détenu, et les prévenus se trouvant ainsi dans une situation qui n'était prévue par aucune disposition de la loi, les art. 381 et 382 ne pouvaient être appliqués, et que l'espèce ne pré-sible des peines de l'art. 401. Ainsi, dans une sentait qu'un délit non spécifié qui ne pouvait donner lieu qu'à une poursuite par voie correctionnelle; que cet arrêt, en créant ainsi une distinction qui ne pouvait être établie que par l'autorité législative, a commis un excès de pouvoir [1]. »

On doit ranger dans la classe des vols commis avec violence le crime d'extorsion.

L'art. 400 est ainsi conçu : « Quiconque aura extorqué par force, violence ou contrainte, la signature ou la remise d'un écrit, d'un acte, d'un titre, d'une pièce quelconque, contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge, sera puni de la peine des travaux forcés à temps. >> L'extorsion n'est qu'un vol commis à l'aide de la force, de la violence ou de la contrainte. Tel est le caractère que la loi a voulu lui assigner; en effet, c'est dans la section des vols qu'elle l'a placée : les articles qui suivent l'art. 379 jusqu'à l'art. 400 inclusivement énumèrent les différentes espèces de vols que le législateur a cru

De cette première règle nous tirons deux conséquences. La première, c'est que l'extorsion étant un vol, il y a lieu d'appliquer la disposition de l'art. 380, parce que cette disposition, générale et absolue, est fondée sur des motifs d'honnêteté publique, et doit s'appliquer à tous les faits qui ont légalement le caractère de vols. La cour de cassation a jugé, conformément à cette doctrine, qu'il n'y avait aucune peine à prononcer contre une femme reconnue coupable d'avoir, avec un tiers, extorqué par force, violence et contrainte, la signature d'un écrit contenant obligation par son mari, au profit de ce tiers [3].

En second lieu, l'extorsion étant un vol accompagné de force, de contrainte ou de violence, il s'ensuit que ce même fait, dénué de ces circonstances, constitue encore un vol simple, pas

espèce où la cour d'assises, après la déclaration négative du jury sur la circonstance des violences, avait prononcé l'absolution de l'accusé, la cour de cassation a décidé : « que le législateur a rangé l'extorsion dans la classe des vols; qu'il suit de là que si l'extorsion se trouve dépouillée des trois circonstances de force, violence ou contrainte, qui en font un crime et entraînent l'application de la peine des travaux forcés à temps, elle rentre dans la classe des vols simples, larcins et filouteries, prévus par l'art. 401; que, dès lors, la cour d'assises, en prononçant l'absolution des accusés déclarés coupables de l'extorsion de la signature et de la remise d'une obligation, mais sans contrainte, a violé l'article 401 [4]. »

Toutefois une observation doit être faite. L'extorsion renferme le vol en elle-même : Rapina continet in se furtum, et raptor omni modo furtum facit [5]; mais ce vol a ses caractères particuliers et diffère du vol ordinaire. En effet,

[1] Cass., 1 mars 1816.

[2] Cass., 7 oct. 1831 et 8 fév. 1840. [3] Cass., 8 fév. 1840.

[4] Cass., 7 oct. 1831 et 3 avril 1830.

[5] Farinacius, de furtis, quæst. 166, no 31.

l'extorsion, soit de la signature, soit de la remise d'un écrit, suppose que le signataire ou le détenteur a été amené lui-même à signer ou à remettre l'écrit. Il est difficile sans doute d'admettre que ce résultat puisse être obtenu contre la volonté de ce signataire ou de ce détenteur, sans l'emploi de la contrainte ou de la violence; mais, en admettant que cette circonstance soit écartée, ce n'est point à l'aide de la soustraction que s'opère l'extorsion, c'est en portant la personne, victime du délit, soit par surprise, soit par des moyens autres que ceux prévus par l'article, à signer ou à remettre l'écrit. Le vol consiste dans cette signature ou cette remise surprise ou contrainte, dans l'action de cette signature ou de cette remise de la part du signataire ou du détenteur, contre sa volonté; c'est donc, même en écartant la violence, un délit particulier qui renferme un vol en soi, mais en conservant son caractère spécial et distinct.

L'extorsion étant un vol, c'est-à-dire un attentat contre la propriété, il s'ensuit que le délit n'existe qu'autant que l'écrit signé ou remis contient ou opère obligation, disposition ou décharge. C'est là une condition restrictive et essentielle du crime : le législateur n'a pas voulu incriminer et punir la seule intention de nuire; il faut encore que le titre extorqué puisse porter un véritable préjudice. Tous les actes, toutes les pièces qui tendent à compromettre la fortune du signataire ou du détenteur, à créer contre lui ou contre un tiers un droit, ou à enlever la preuve d'un droit, doivent rentrer dans ces termes généraux. Carnot a trouvé que le mot disposition avait quelque chose de vague, et qu'il était difficile de s'en faire une juste idée, si l'on veut lui donner une autre signification que celle d'obligation ou de décharge [1]. Il est évident que cette expression doit prendre dans l'art. 400 la même signification que dans l'art. 147, et qu'elle comprend en général tous les actes qui, sans contenir précisément une obligation ou une décharge, peuvent intéresser cependant la fortune du signataire ou du propriétaire; nous n'en citerons qu'un seul exemple, les testaments et les actes qui ont pour objet de les révoquer. Mais faut-il comprendre, avec le même auteur, dans cette expression, les écrits qui peuvent intéresser, non la fortune de celui qui les a souscrits, mais son honneur ou sa réputation? Il nous semble que cette question ne peut être sérieusement élevée devant les termes restrictifs de la loi. L'extorsion n'est un délit que lorsque l'écrit ex

[1] Comment, du C. pén., t. 2, p. 346. [2] Cass., 6 fév. 1812.

torqué opère obligation, disposition ou décharge. Il résulte assurément de ces termes, que la loi a mis comme une condition de l'incrimination la possibilité d'un préjudice matériel, d'une lésion portant sur les biens. Supposons que la pièce extorquée soit une lettre où le signataire avoue ou reconnaît un fait préjudiciable à son honneur; comment comprendre une telle déclaration sous les termes d'obligation, de disposition ou de décharge? La loi a circonscrit sa disposition à une seule classe d'écrits; il ne faut pas l'étendre; peut-être eût-il été imprudent de le faire. L'extorsion consiste dans la remise forcée d'un titre ou d'un acte; tout le délit est dans l'absence de la volonté du signataire ou du détenteur, or cette absence de la volonté est difficile à prouver. Elle se présume, lorsqu'il s'agit d'une obligation qui n'a point de cause, de la décharge d'une dette, de l'enlèvement d'un titre utile au spoliateur; mais lorsque l'écrit ne met en jeu que des intérêts moraux, comment discerner et apprécier les différents mobiles qui ont pu porter à le signer, à le remettre? Le législateur a pu croire prudent de poser des limites à la poursuite de l'extorsion d'écrits : ces limites doivent être respectées par l'interprétation.

Si le titre extorqué ne peut pas atteindre le but de l'agent, s'il se trouve nul pour irrégularité de forme, s'il ne peut produire aucun effet, l'extorsion conserve-t-elle son caractère de crime? La cour de cassation a jugé : « que les formes irrégulières que peuvent avoir les billets qui sont l'objet de l'extorsion ne changent rien au caractère du crime, puisque l'intention des accusés ayant été d'en tirer un bénéfice illégitime, les nullités de forme de ces billets ne peuvent couvrir leur culpabilité [2]. » Cette solution semblait peut-être contestable à cette cour ellemême, puisqu'elle se hâtait d'ajouter : « que d'ailleurs lesdits billets étaient, malgré l'état imparfait de leur rédaction, susceptibles d'obligation. » La loi ne se borne pas à exiger l'intention criminelle jointe au fait de l'extorsion; elle veut que l'écrit extorqué puisse contenir ou opérer obligation, disposition ou décharge. Si donc l'acte ne produit aucun de ces effets, s'il est atteint d'un vice radical, il faut décider, comme nous l'avons proposé en matière de faux [3], qu'il n'existe pas de crime, parce qu'il n'existe pas de préjudice possible. Cependant, si la nullité est indépendante de la volonté de l'agent, si elle est une circonstance qu'il n'a pas

[3] V. notre t. 2, p. 100.

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