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ment de toute somme d'argent, de toute dette | active, de toutes marchandises, denrées ou effets mobiliers; 3° la dissimulation d'une partie de l'actif, termes généraux nouvellement introduits dans la loi, et qui comprennent toutes les suppositions de dépenses ou de pertes, l'omission de recettes, la supposition de ventes ou de négociations; 4° enfin la reconnaissance frauduleuse de dettes supposées, soit dans les écritures du failli, soit par des actes publics ou privés, soit par le bilan.

tration, mais à tous les actes de fraude qui ont pour objet de spolier les créanciers. Or, la faillite peut n'être quelquefois qu'un moyen de consommer les détournements préjudiciables aux tiers. Ces détournements, qui sont le but principal du crime et qui le constituent, préparés par la faillite, peuvent donc ne s'accomplir souvent que postérieurement à son ouverture. Il est même certains faits de banqueroute dont l'existence suppose nécessairement la déclaration antérieure de la faillite; tels sont la soustraction des livres et la supposition des dettes fictives dans le bilan.

Il faut donc reconnaître, avec la cour de cassation, « que la loi, en déterminant les faits qui caractérisent la banqueroute frauduleuse, n'a pas excepté les cas où ces faits seraient postérieurs à l'ouverture de la faillite; qu'au contraire, il en est plusieurs qui ne peuvent arriver qu'après cette époque, et ne peuvent appartenir qu'à un individu déjà constitué en état de faillite; que les droits des créanciers et les obligations du failli à leur égard subsistent après l'ouverture de la faillite, tant qu'ils n'ont pas été éteints par un jugement ou par un abandon volontaire; que les faits de fraude commis par le failli ne sont ni moins répréhensibles ni moins préjudiciables aux créanciers que ceux qui auraient précédé la faillite et auraient eu pour objet de la préparer; qu'ils acquièrent même un caractère de plus de gravité, puisqu'ils s'exercent sur des biens dont le failli était dessaisi et dont la loi ne lui avait pas même conservé l'administration [2]. »

La cour de cassation avait jugé, sous l'empire du Code de commerce, qu'un accusé de banqueroute frauduleuse, déclaré coupable par le jury d'avoir supposé des dettes passives et collusoires, en se constituant débiteur de créanciers fictifs par le bilan qu'il avait présenté et signé, n'était passible d'aucune peine [1]. En effet, le § 4 de l'art. 593 n'incriminait la supposition de dettes, que lorsqu'elle avait lieu par des écritures simulées, des actes publics ou des engagements sous signature privée. Il s'agissait donc, dans le système du Code, d'un acte préexistant constitutif d'un titre de créance au profit d'un tiers qui n'en aurait point fourni la valeur, et au préjudice de la masse des créanciers; or, la simple inscription d'une dette collusoire sur le bilan ne fournissait pas ce titre, et dès lors ne constituait pas un cas de banqueroute. Aujourd'hui, et d'après les termes précis de l'art. 591, le failli qui, par son bilan, s'est frauduleusement reconnu débiteur de sommes qu'il ne devait pas, peut être poursuivi pour banqueroute frauduleuse. Cette nouvelle disposition de la loi paraîtra peut-être rigoureuse; car cette fausse Mais les faits définis par l'art. 591 du C. de énonciation ne dispense pas les tiers en faveur comm. peuvent seuls donner lieu à une accusadesquels elle est faite de produire les titres jus- tion de banqueroute frauduleuse. Les dispositificatifs de leurs créances elle n'apporte donctions de cet article sont restrictives: tout acte, aucun dommage réel aux créanciers; elle ne diminue nullement leur gage. C'est une fraude coupable sans doute, mais qui, en définitive, ne cause aucun préjudice aux tiers.

:

Si les faits de fraude sont postérieurs à la faillite, peuvent-ils néanmoins devenir un élément du crime, aussi bien que ceux qui l'ont précédée et ont eu pour objet de la préparer? L'affirmative ne peut faire aucun doute. On a vu, en effet, que, même en ce qui concerne la banqueroute simple, un fait postérieur à la faillite peut devenir la matière du délit. A plus forte raison doit-il en être ainsi en matière de banqueroute frauduleuse, où l'incrimination ne s'applique pas seulement aux actes de mauvaise adminis

quelque criminel qu'il soit, qui n'a pas pour but la dissimulation de l'actif ou du passif de la faillite, qui ne constitue pas une fraude au préjudice de la masse, n'est pas un fait de banqueroute frauduleuse. Ainsi les faux, les vols, les abus de confiance qui ont été commis par le failli dans un autre but, et qui ne portent pas préjudice à la masse elle-même, doivent être considérés comme des délits distincts de la banqueroute et qui rentrent dans les termes du droit commun. Cette distinction a été nettement établie par la loi du 28 mai 1838. L'art. 595 du C. de comm. avait disposé que le failli serait déclaré banqueroutier frauduleux, « si, ayant été chargé d'un mandat spécial ou constitué déposi

[1] Cass., 3 juillet 1823.

[2] Cass., 5 mars 1813 (de Villeneuve, p. 294).

Coll. nouv.,

t. 4,

taire d'argent, d'effets de commerce, de denrées ou marchandises, il a, au préjudice du mandat ou dépôt, appliqué à son profit les fonds ou la valeur des objets sur lesquels portait soit le mandat, soit le dépôt. » Cette disposition a été rejetée par la loi nouvelle, et M. Renouard en a donné les motifs dans son rapport : « Ce délit envers des créanciers particuliers n'est point une fraude faite à la masse; c'est un délit privé que l'art. 408 du Code pénal a prévu et puni; il rentre dans le cas général de bauqueroute frauduleuse, lorsqu'il entraîne dissimulation de l'ac- | tif ou du passif. Pourquoi, si on l'admettait, ne pas attacher les mêmes conséquences aux crimes de vol, de faux et à tous autres? Que doit-il arriver, si des condamnations sont intervenues à cet égard et ont été exécutées, ou si les faits qui ont entraîné la faillite ont été commis par des causes étrangère à ces délits? Votre commission a pensé, avec le projet du gouvernement, que ces circonstances, quelque aggravantes qu'elles puissent être, appartiennent à un autre ordre de faits que la faillite et la banqueroute, et qu'elles doivent être régies par les dispositions du droit

commun. >>

La banqueroute frauduleuse est un crime complexe qui se compose d'éléments différents; il est donc nécessaire que chacun de ces éléments soit reconnu et constaté par le jury d'une manière distincte et séparée. En effet, les faits déterminés par la loi peuvent seuls constituer le crime, et dès lors il faut que la déclaration du jury porte la preuve de leur existence. Ainsi, la déclaration du jury portant que l'accusé est coupable de banqueroute frauduleuse, ne pourrait servir de base légale à une condamnation; car le jury ne peut substituer aux éléments légaux du crime des éléments arbitrairement caractérisés par lui; car il n'y a point de crime de banqueroute frauduleuse dans notre législation, si l'accusé n'est pas commerçant, s'il n'est pas en état de faillite, et s'il n'a pas commis l'un des faits énumérés par l'art. 591 du Code de commerce. Telle a été aussi la doctrine constante de la cour de cassation; elle l'a fondée sur ce « que la banqueroute frauduleuse est un fait moral qui ne peut se constituer que par l'un ou plusieurs des faits déterminés par le Code de commerce; qu'il n'appartient pas aux jurés de décider si l'accusé est ou non coupable de banqueroute fraudu

[1] Cass., 11 juillet 1816.

[2] La statistique apporte des chiffres à l'appui de cette observation : en 1838, 152 prévenus de banqueroute simple ont été poursuivis; sur 110 condamnés, 15 seulement ont été condamnés à plus d'un an d'emprisonnement; 90 l'ont été à moins d'un an, et 5 à l'amende seulement.

leuse, sans avoir prononcé sur les faits qui caractérisent ce crime; qu'ainsi il est du devoir du président de proposer à leur solution les faits et les circonstances qui en sont caractéristiques [1]. »

Les peines de la banqueroute simple sont un emprisonnement d'un mois à deux années; celles de la banqueroute frauduleuse sont les travaux forcés à temps. La première de ces peines, qui place sur le même plan une infraction presque matérielle, une simple fraude et les délits d'abus de confiance, serait évidemment trop sévère, si les juges n'avaient pas la faculté d'abaisser indéfiniment son minimum [2]. La sévérité de la seconde s'explique par des motifs particuliers. La banqueroute frauduleuse n'est en elle-même qu'une sorte d'abus de confiance: le commerçant, mettant à profit les prêts et les crédits qui lui ont été faits, abusant des avances qu'il a reçues, des consignations qui lui ont été remises, détourne les deniers et les marchandises, et spolie ses créanciers. Cet abus de confiance prend un caractère plus grave, à raison de la qualité de l'agent, de la facilité que cette qualité lui a donnée pour le consommer, de la confiance nécessaire qui préside aux transactions commerciales, et de la protection que réclament ces transactions. Telles sont aussi les raisons exposées par le législateur : « Quant à la banqueroute frauduleuse, porte l'exposé des motifs du Code, la peine est sévère : ce sont les travaux forcés à temps. La morale publique, l'intérêt général et privé, une foule de considérations de premier ordre, réclament ici une punition capable d'effrayer les vues cupides et basses qui amènent toujours ces sortes d'événements. Quand on songe à la défaveur, à l'espèce d'opprobre que ce crime, quand il se renouvelle souvent, répand sur le commerce dont il bannit toute sûreté, aux abus énormes qu'on en fait et qu'on pourrait tenter d'en faire encore pour élever des fortunes scandaleuses, au prix des larmes et du désespoir de tant de citoyens recommandables; quand on réfléchit sur le discrédit et la déconsidération dont la fréquence des banqueroutes suffit pour frapper toute une nation aux yeux de l'étranger, on ne peut regarder les travaux forcés à temps comme trop forts pour punir un tel crime, ou, ce qui vaudrait mieux, pour le prévenir [3]. » La loi du 28 mai 1838 n'a modifié

[5] Néanmoins, il résulte de la statistique criminelle que la peine des travaux forcés à temps n'est appliquée que dans un petit nombre de cas; ainsi, en 1838, sur 73 condamnés pour ce crime, 11 seulement ont encouru cette peine, 10 ont été condamnés à celle de la reclusion, et 52 à un simple emprisonnement.

que les éléments du crime; elle a maintenu les | constances, et comme un fait distinct de la ban.peines. queroute frauduleuse [5].

Nous arrivons maintenant aux cas où la banqueroute frauduleuse est préparée ou commise par d'autres personnes que le failli lui-même. Nous disons la banqueroute frauduleuse, parce que la loi ne reconnaît point de complicité de la banqueroute simple.

L'art. 403, C. pén. est ainsi conçu : « Ceux qui, conformément au Code de commerce, seront déclarés complices de banqueroute frauduleuse seront punis de la même peine que les banqueroutiers frauduleux. »

Cet article avait eu pour but de renvoyer à l'art. 597, C. comm. En effet, cet art. 597 avait été littéralement transcrit dans le projet du Code pénal. Quand ce projet fut discuté au conseil d'État, de Ségur fit observer que cette disposition appartenait au Code de commerce. Treilhard répondit qu'en effet elle en était littéralement copiée. Cambacérès dit alors qu'on pourrait se borner à renvoyer à ce Code, et cet amendement, qui fut adopté, est devenu l'art. 403 [1]. | Or, l'art. 597, C. comm., déclarait complices de banqueroute frauduleuse « les individus qui seront convaincus de s'être entendus avec le banqueroutier pour recéler ou soustraire tout ou partie de ses biens meubles ou immeubles, d'avoir acquis sur lui des créances fausses, et qui, à l'affirmation et à la vérification de leurs créances, auront persévéré à les faire valoir comme sincères et véritables. >>

Ces principes ont été modifiés par la loi du 28 mai 1838.

En premier lieu, la règle qui renfermait les cas de complicité dans les termes de l'article du Code de commerce n'existe plus. Le paragraphe premier du nouvel art. 593 de ce Code ajoute, en effet, après avoir énoncé un fait qui peut rentrer dans les cas de complicité : Le tout sans préjudice des autres cas prévus par l'art. 60, C. pén. Cette disposition ramène évidemment la complicité de la banqueroute frauduleuse dans les termes du droit commun; l'art. 402, C. pén., est une disposition morte et n'a plus aucun sens; son renvoi au Code de commerce n'a d'autre résultat que de faire trouver dans ce Code un autre renvoi à l'art. 60, C. pén. C'est donc dans ce dernier article qu'il faut chercher désormais les éléments de la complicité de la banqueroute frauduleuse; et par conséquent cette complicité se forme soit par les actes de provocation énoncés dans cet article, 'soit en fournissant les moyens qui ont servi à l'accomplissement du crime, soit, enfin, en aidant ou assistant le failli avec connaissance dans les faits qui ont préparé, facilité ou consommé la banqueroute. Nous ne pouvons dès lors que renvoyer pour l'examen de ces règles à notre chapitre de la complicité.

Mais, à côté de ce principe nouveau, la loi du 28 mai 1838 a incriminé, en leur appliquant les peines de la banqueroute frauduleuse, mais en les considérant comme des faits principaux et distincts de ce crime, trois actes qui se rattachent à sa perpétration.

Il résultait de ces textes: 1° que les cas de complicité de banqueroute frauduleuse se trouvant restrictivement énoncés par cet art. 597, il n'était pas permis de recourir, en cette matière, L'art. 593, C. comm., rectifié par cette loi, aux règles générales de l'art. 60, C. pén. [2]; en déclare en effet passibles de la banqueroute effet, l'art. 403 n'aurait eu aucun sens s'il avait frauduleuse : « 1° les individus convaincus d'aété licite de rechercher en dehors du Code de voir, dans l'intérêt du failli, soustrait, recélé ou commerce les éléments de la complicité de ce dissimilé tout ou partie de ses biens meubles ou crime [3]; 2° que le fait de détournement ou du immeubles; 2° les individus convaincus d'avoir recélé des biens du failli ne suffit pas pour con- frauduleusement présenté dans la faillite et afstituer la complicité, qu'il fallait que ce détour-firmé, soit en leur nom, soit par interposition de nement ou ce recélé eût été le résultat d'un concert frauduleux entre le failli et son complice [4]; 3o qu'enfin, à défaut de ce concert, le recélé ou le détournement ne pouvait être incriminé qu'à titre de vol simple, ou qualifié suivant les cir

personnes, des créances supposées; 3° les indi-
vidus qui, faisant le commerce sous le nom d'au-
trui ou sous un nom supposé, se seront rendus
coupables des faits prévus en l'art. 594. »
Le but de cette disposition a été, au moins

[1] Procès-verbaux du conseil d'État, séance du 3 décembre 1808.

[2] La Haye, 18 avril 1823; J. de Brux., 1825, t. 2, P. 412.

[3] Carnot, Comment. du C. pén., t. 2, p. 563 ; et cass., 17 mars 1831.

[4] Cass., 10 fév. 1827; 17 mars 1831 et 22 janv. 1830.

Cela n'est pas requis pour que la femme d'un failli puisse être punie comme complice de banqueroute frauduleuse. Il suffit qu'elle ait détourné, diverti ou recélé des effets mobiliers, etc., appartenant à la faillite. (Brux., cass., 24 fév. 1841; Bull., 1841, p. 120; contrà, Paris, cass., 10 fév. 1827; Sirey, 28, 30.)

[5] Même arrêt, et cass., 14 janv. 1820.

Carnot a pensé que ce dernier terme ne s'ap

mots qui auront fait faillite, signifient : qui seront convaincus de banqueroute simple. « II ne pourrait entrer, en effet, dit cet auteur, dans l'esprit d'une personne raisonnable, de faire punir des travaux forcés à temps un agent de change ou un courtier que des malheurs imprévus au

dans ces deux premiers alinéa, de soustraire | tiers par les art. 85 et 86, C. comm., de sorte l'action publique à la condition de prouver un que leur faillite dénonce à la justice une violaconcert frauduleux entre les tiers et le failli. Letion de leurs devoirs, abstraction faite des cirdétournement des biens de la faillite et la sup-constances qui l'ont accompagnée. L'art. 89 du position de créances constituent, d'après cet ar- même Code ajoute même, comme une conséticle, le crime principal de banqueroute fraudu-quence de cette interdiction, « qu'en cas de failleuse, lors même qu'ils ont été commis par des lite, tout agent de change ou courtier est pourtiers; ainsi ces faits, bien qu'ils supposent par suivi comme banqueroutier. » eux-mêmes un lien de complicité avec le failli, peuvent être poursuivis maintenant indépendam-pliquait qu'à la banqueroute simple; que ces ment des poursuites qui peuvent être dirigées contre le failli ils forment un crime distinct, un acte de banqueroute qui n'inculpe que celui qui l'a commis, et qui donne lieu à une action séparée de l'action en banqueroute frauduleuse. Il est nécessaire que le détournement prévu par le premier alinéa ait été commis dans l'in-raient contraint de cesser ses payements; ce qu'à térêt du failli; car s'il avait été commis dans l'intérêt de l'agent lui-même, ce serait un vol et non plus un acte de banqueroute; mais il n'est pas nécessaire que le failli ait connu cet acte: le crime peut avoir été commis à son insu. La supposition de créances doit également avoir été commise dans l'intérêt du failli, quoique la loi ne l'ait pas répété; mais il est évident que cette supposition, faite dans l'intérêt personnel de son auteur, n'est plus qu'un acte étranger à la faillite, et dont le caractère est celui d'un faux ou d'une tentative de faux. Le troisième alinéa de l'art. 593 prévoit un cas particulier celui où l'agent a fait le commerce sous le nom d'autrui ou sous un nom supposé. Il ne sera plus protégé par la nécessité de mettre en cause un auteur principal imaginaire; il sera poursuivi lui-même comme auteur principal de la banqueroute.

L'art. 594 contient une exception à ces dispositions, en ce qui concerne le détournement ou le recélé des effets appartenant à la faillite lorsque ce fait a été commis par le conjoint, les descendants ou les ascendants du failli, ou ses alliés au même degré, et lorsqu'ils n'ont point agi de complicité avec le failli, les peines sont celles du vol, et par conséquent le fait n'est plus considéré dans ce cas que comme un simple délit.

La banqueroute frauduleuse puise une circonstance aggravante dans la qualité de son auteur, lorsqu'il est agent de change ou courtier. L'art. 404 porte: « Les agents de change et courtiers qui auront fait faillite seront punis de la peine des travaux forcés à temps; s'ils sont convaincus de banqueroute frauduleuse, la peine sera celle des travaux forcés à perpétuité. »>

La raison de cette aggravation est puisée dans l'interdiction de se livrer, pour leur compte, à des opérations de commerce ou de banque, qui est imposée aux agents de change et aux cour

simplement voulu le législateur, c'est qu'à leur égard la peine fût aggravée lorsqu'ils se seraient rendus coupables d'une véritable banqueroute [1]. »

Cette opinion est complétement erronée.

Dans le projet du Code pénal, les agents de change et les courtiers étaient assimilés aux simples commerçants en ce qui concerne les peines de la banqueroute simple et frauduleuse. Lorsque le projet vint au conseil d'État, un membre (Jaubert) rappela que l'art. 89, C. comm. déclarait banqueroutier tout agent de change ou courtier en faillite, sans préciser toutefois s'il serait passible des peines de la banqueroute simple ou frauduleuse, et il proposa de lui appliquer, pour le seul fait de la faillite, les peines de la banqueroute frauduleuse. « Cette distinction, dit-il, entre les deux espèces de banqueroute, est fondée à l'égard du négociant: il est juste qu'à l'égard de ceux qui par état sont exposés à des chances, on distingue entre le crime et le malheur; mais elle serait mal appliquée, si on l'étendait aux agents de change la loi défend à ceux-ci de faire le commerce. Il semble en conséquence que, lorsqu'ils viennent à faillir, ils doivent toujours être punis comme banqueroutiers frauduleux. » Cette opinion, appuyée par Treilhard et par Cambacérès, fut attaquée par Corvetto, de Ségur et Louis, qui objectèrent que s'il convient que l'agent de change soit puni plus sévèrement parce qu'il a commis une première faute, celle de contrevenir à la loi, ce n'est pas un motif pour le déclarer dans tous les cas banqueroutier frauduleux, car il peut n'avoir pas commis de fraude, et la loi ne doit pas supposer nécessairement un fait qui n'existe pas toujours. L'article et les observations furent ren

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voyés à la section chargée de la rédaction du projet [1].

manque par accident et celui qui manque avec intention, proposa de condamner le premier aux travaux forcés à temps, et le second aux travaux forcés à perpétuité [2]. Cet amendement fut adopté et devint l'article actuel.

La section présenta un article ainsi conçu : « Les agents de change et courtiers qui auront fait faillite seront toujours considérés comme banqueroutiers frauduleux et punis comme tels. >> Toutefois la commission du corps législatif On objecta de nouveau, dans le sein du conseil proposa de substituer, dans cet article, au mot d'État, qu'il n'était pas juste de punir le mal- faillite celui de banqueroute simple. Elle fit reheur comme la fraude; qu'on donnait intérêt à marquer que la faillite n'est pas par elle-même l'agent de change de se constituer banqueroutier un crime ou un délit, si elle n'est accompagnée frauduleux, lorsqu'il se verrait sur le point de des circonstances qui la rangent dans la classe faillir; que l'aggravation des peines ne serait pas de la banqueroute, et que cette substitution était conservée, si un événement accidentel était con- motivée par les principes généraux du Code de fondu avec le vol dans une même disposition. Il commerce [3]. Le conseil d'État maintint le mot fut répondu qu'il y a fraude par cela seul qu'un faillite [4], et Faure déclare en conséquence, agent de change ou un courtier négocie pour son dans l'exposé des motifs du Code, que «< la simple compte; qu'il est d'ailleurs probable dans ce cas faillite de la part de l'agent de change ou du qu'il ne fait ses affaires qu'aux dépens de ses courtier emporte la peine des travaux forcés à clients, et parce qu'il joue sur leurs fonds. temps. » Il est donc impossible qu'il subsiste Néanmoins Defermon, en se fondant sur la dif- aucun doute sur le sens de l'art. 404. férence qui sépare l'agent intermédiaire qui

[1] Procès-verbaux du conseil d'État, séance du 29 no

vembre 1808.

[5] Observ. de la comm, législ. Locré, t. 31, p. 122.
[4] Procès-verbaux du conseil d'État, séance du 18 jan-

[2] Procès-verbaux du conseil d'État, séance du 8 sep- vier 1810. tembre 1809.

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