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doctrine a été depuis consacrée, au profit de la femme de l'homicidé, par arrêt de la cour d'assises des Basses-Pyrénées, du 15 août 1837 (1).—La cour de cassation avait jugé, de même, en rejetant le pourvoi formé contre un arrêt de la cour de Bordeaux, du 15 avril 1835, qui s'était prononcé dans le même sens, que le fait d'avoir tué son adversaire en duel pouvait don

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enfants des droits que la nature et la loi leur assurent, et qu'ils réclament directement, et en leur propre nom, pour le préjudice personnel qu'ils éprouvent; Qu'en adjugeant, dans l'espèce, les dommages et intérêts réclamés, la cour d'assises du département des Ardennes a fait une juste application des dispositions des art. 1382 et 1383 c. civ., et n'a violé aucune loi;- Rejette.

Du 29 juin 1827.-C. C., ch. crim.- MM. Portalis, pr.-Ollivier, rap.Laplagne, 1 av. gen., 2. conf.-Barrot et Jousselin, av.

(1)(Daguerre C. Dandurain.) LA COUR ;- Attendu que tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer (art. 1382 c. civ.);- Que la culpabilité se composant du fait et de la volonté, on ne peut induire de la déclaration du jury d'autres conséquences, si ce n'est que Louis Dandurain n'ayant commis ni crime ni délit, n'est passible d'aucune peine ni infamante ni correctionnelle; - Mais attendu que l'homicide est constant; qu'il faut alors rechercher s'il a eu lieu par son fait et par sa faute, et s'il en est résulté un dommage quelconque pour la dame Limay, veuve Daguerre; Attendu qu'il a été établi, aux débats, que Daguerre s'était rendu à Naverreux le 7 juin dernier, pour vider un différend avec le sieur Devouls, contrôleur des contributions directes; que des difficultés s'étant élevées sur le choix des armes, les témoins avaient déclaré que l'affaire était terminée; mais que Louis Dandurain, un des témoins de Devouls, s'adressant à Daguerre, lui dit : « Oui, votre affaire avec Devouls est terminée, mais il n'en est pas de même de la nôtre; je vous demande, à mon tour, réparation des insultes et des propos injurieux que vous avez tenus contre moi et contre ma famille; je suis militaire, vous l'avez été : voulez-vous battre au sabre; eh bien! c'est votre arme que je choisis; Que le duel fut accepté par Daguerre; que celui-ci, après avoir porté à son adversaire trois coups de sabre qui ne l'atteignirent point, recut lui-même deux blessures qui causèrent sa mort presque instantanément; Qu'il suit de là que c'est par le fait de Louis Dandurain que Pierre Daguerre a été tué; que c'est aussi par sa faute, puisque rien, ou sinon un préjugé aussi absurde que barbare, ne l'autorisait à commettre une telle action;-Que, vainement, Louis Dandurain objecte que le duel fut le résultat d'une convention librement formée et loyalement exécutée ; que sa vie courut des dangers; qu'il fut forcé de se défendre, et que ce fut moins par sa faute que Daguerre succomba, que par l'imprudence de ce dernier, de s'être exposé aux chances d'un combat qu'il pouvait éviter;

Mais que ces objections ne peuvent être d'aucun poids dans la cause; - Que Louis Dandurain ne peut invoquer, comme excuse, une convention qui blesse la morale et l'humanité, et qui, attribuant tout aux passions et rien aux lois, tend à consacrer cette maxime désastreuse pour l'ordre social; que, lorsqu'on se prétend offensé, on peut se faire justice à soi-même, et disposer de sa vie et de celle d'autrui; - Que, s'il courut des dangers, il ne doit l'imputer qu'à son désir de venger lui-même sa propre injure, au lieu de porter son action devant les tribunaux ; - Que, s'il fut forcé de se défendre, c'est parce qu'il voulut se battre ; - Que si, enfin, Daguerre succomba, c'est moins par son imprudence que par la proposition de son adversaire qui lui demanda raison d'une offense personnelle; Attendu que, par l'effet de ce duel, Louis Dandurain a privé la dame Daguerre d'un époux, son appui, son soutien, son protecteur tutélaire, et qu'il a ainsi occasionné à cette dame un tort cruel, un dommage grave, qu'il doit réparer aux termes de l'article précité ; - Par ces motifs, condamne Louis Dandurain à payer à la dame veuve Daguerre, à titre de dommages-intérêts, la somme de 3,000 fr., etc.

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Du 15 août 1837.-C. d'ass. Basses-Pyrénées.-M. Ferrier, pr. (2) Espèce (De Lamarthonie C. veuve Baudet.)- Le sicur LilleBaudet, se trouvant avec le sieur de Lamorthonie dans une maison de Bordeaux, avait qualifié de lâcheté la conduite que le sieur de Lamarthonie disait vouloir tenir dans tel cas donné. Cette qualification donna lieu, entre les deux interlocuteurs, à une discussion assez vive, par suite de laquello le sieur de Lamarthonie déclara que, s'il avait cru que le sieur Baudet eût l'intention de l'insulter, il lui aurait donné un soufflet. Le sieur Baudet répondit que le soufflet, il le tenait pour reçu et en demandait raison. - Le lendemain, 17 nov. 1831, on se rendit sur le terrain; le choix des armes fut laissé au sieur Baudet, quoiqu'il fût l'agresseur. Il se prononça pour l'arme du pistolet.-Les combattants se placèrent à trente pas. Le sieur de Lamarthonie, appelé par le sort à tirer le premier, déchargea son pistolet en l'air. Le sieur Baudet imita cet exemple. Mais le second du sieur Baudet ne fut pas satisfait de cette conduite qu'il qualifia ironiquement de jeu. Suivant lui, il fallait du sang versé. Les armes furent chargées de nouveau. Le sieur de Lamarthonie, encore désigné par le sort pour tirer le premier, déchargea une deuxième fois son arme en l'air. Mais cette fois, le sieur Baudet tira sur son adversaire. Après avoir

-

ner lieu à une action en dommages-intérêts au profit de la mère de celui qui avait succombé, encore bien que le cartel eût été envoyé par ce dernier, et que le combat se fût passé avec loyauté (Req. 30 juin 1836) (2).

106. D'après la loi du 30 juill. 1828, sur l'interprétation des lois, lorsque après une première cassation la cour suprême, saisie

essuyé ce coup de feu, le sieur de Lamarthonie tendit la main au sieur Baudet, et lui dit : « Que tout soit fini, je suis fâché de ce qui est arrivé. » Cette conduite loyale eût dû amener une réconciliation. Le té moin du sieur Baudet y mit encore obstacle: il eut l'imprudence d'exi-ger que le sieur de Lamarthonie fit des excuses. Cette condition parut humiliante au sieur de Lamarthonie : il crut que son honneur comme militaire ne lui permettait pas de souscrire à une telle exigence. Les armes furent chargées pour la troisième fois, et le témoin du sieur Baudet fit entendre ces funestes paroles : « Faites attention, et ne nous mettez pas dans l'obligation d'aller à Bordeaux chercher des balles. »-Le sieur de Lamarthonie vit alors que la réconciliation était devenue impossible; il fit feu, et le malheureux Baudet fut frappé d'une balle à la cuisse. Malgré les soins les plus empressés, auxquels le sieur de Lamarthonie luimême ne resta pas étranger, le sieur Baudet succomba dix-neuf jours après. Une procédure criminelle dirigée contre le sieur de Lamarthonie fut suivie d'une ordonnance de non-lieu, dans laquelle on lit le passage suivant : « Attendu, relativement au premier fait (celui d'avoir porté un coup au visage du sieur Baudet), qu'aucun témoin n'a déposé que le coup ait été réellement porté; qu'il parait que la menace ou le simulacre aurait été considéré comme équivalent au fait même par le sieur Baudet qui en demanda la réparation au sieur de Lamarthonie; mais que l'absence matérielle du coup écarte nécessairement l'application de l'art. 311 c. pen.» A la suite de l'ordonnance de non-lieu, la dame Baudet forma, devant le tribunal civil de Bordeaux, contre le sieur de Lamarthonie, une demande en dommages-intérêts pour réparation du fort que lui causait la perte d'un fils, son unique soutien. Le 15 mars 1833, jugement qui rejette la demande de la dame Baudet; mais ce jugement a été infirmé sur l'appel par un arrêt de la cour royale de Bordeaux, du 15 avr. 1835, ainsi conçu: «La cour; — Attendu que dans toute société civilisée, nul ne peut se faire justice à soi-même; que les personnes, leur honneur, leur vie et leurs propriétés sont placées sous la sauve-garde des lois; que s'il y est porté tort ou dommage, il n'y a, pour la réparation, de voie autorisée que le recours aux magistrats; Que, substituer les combats singuliers à ce recours légal, c'est mettre la violence à la place du droit ; c'est violer un des principes fondamentaux de l'ordre civil; que, si la loi pénale, qui doit toujours être expresse dans ses dispositions, peut paraître incertaine ou être souvent éludée dans son application en cette matière, il en n'est pas moins certain que si, par suite d'un aussi grave attentat, un meurtre a été commis, il en résulte un des plus grands dommages qui puissent donner ouverture à une action civile en dommages-intérêts; -Que, spécialement, le meurtre d'un fils unique est le tort le plus cruel porté à une mère dont il était le soutien; que c'est le cas d'appliquer la disposition si précise de la loi, suivant laquelle tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et qu'il ne peut être dispensé de cette réparation par une excuse fondée soit sur sa négligence, soit sur son imprudence; Que si, d'après des usages qui tendent à soumettre à des préjugés méthodiques les effets d'un préjugé sanguinaire, l'intimé peut paraître avoir agi sans déloyauté, il est vrai néanmoins que le meurtre par lui commis est la conséquence de son mépris pour les lois et de son imprudence; Qu'indépendamment des circonstances qui ont amené cet événement, il y a nécessairement imprudence lorsque, dans un duel, les combattants s'exposent, soit simultanément, soit successivement, à se priver de la vie; qu'ils ne peuvent trouver une exception contre l'action en dommages-intérêts ni dans la convention, parce qu'elle est contraire aux bonnes mœurs, ni dans le cas de légitime défense, puisqu'ils sont libres de recourir à la protection des lois de leur pays; Émendant, condamne J.-J., comte de Lamarthonie, à payer à la veuve Baudet la somme de 4,000 fr. à titre de dommages-intérêts. »

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Pourvoi du sieur de Lamarthonie, pour fausse application des art. 1382 et 1383 c. civ.-M. le rocureur général Dupin s'est borné à établir que le duel était un fait ilcite, blessant profondément la morale, et il a conclu au rejet. Arrêt.

LA COUR; Attendu que l'arrêt attaqué, en jugeant que nul ne peut se faire justice à soi-même; que lorsqu'un meurtre a été commis en duel li en résulte le plus grand préjudice qui puisse donner ouverture à une action en dommages-intéréts; que le comte de Lamarthonie, en tuant en duel le fils unique de la veuve Baudet, s'est incontestablement rendu passible de dommages-intérêts envers cette veuve, que, par ces diverses décisions, l'arrêt attaqué, loin d'avoir mal interprété l'art. 1382, en a fait, au contraire, une sage application, et a, par là, rendu un hommage aussi éclatant que salutaire aux principes de la morale; - Rejette. Du 30 juin 1836.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Madier de Montjau, rap.-Dupin, pr. gén., c. conf.-Mandaroux-Vertamy, av.

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Au

de l'affaire par un nouveau pourvoi, persistait dans sa jurispru dence par une seconde cassation prononcée en assemblée solennelle, sa décision n'avait rien d'obligatoire pour la cour devant laquelle elle renvoyait l'affaire cette cour jugeait alors d'une manière définitive, sans être en aucune manière liée par l'opinion de la cour de cassation; mais cette dernière, en même temps qu'elle prononçait le renvoi, devait en appeler au législateur, afin qu'il fixât lui-même le sens de la loi dont l'obscurité se trouvait suffisamment attestée par le dissentiment qui s'était manifesté entre elle et les cours d'appel.-En exécution de cette loi, l'arrêt du 8 août 1828, aff. Laberte (V. suprà, no 100), en même temps qu'il renvoyait l'affaire devant une troisième cour royale, arrêtait qu'il en serait référé au roi pour être ultérieurement procédé par ses ordres à l'interprétation de la loi. lieu de répondre à ce référé par une simple loi interprétative, le gouvernement, par l'organe de M. Portalis, alors garde des sceaux, présenta aux chambres, le 14 fév. 1829, un projet de loi nouvelle sur le duel. Ce n'était pas, du reste, le premier essai de ce genre tenté par le pouvoir législatif. Déjà, en 1819, après l'arrêt du 8 avril, qui semblait convier le législateur à combler la lacune qui existait sur ce point dans le code pénal de 1810, un membre de la chambre des députés, M. Clausel de Coussergues, avait fait à cette chambre une proposition par laquelle il demandait, au nom de la religion et de l'humanité, pour le repos des familles et les intérêts fondamentaux de la société, que le roi fût supplié de faire présenter aux chambres un projet de loi con. tre le duel, laissant à la chambre le soin d'indiquer, si elle le jugeait convenable, les dispositions à insérer dans cette loi. Une commission ayant été nommée pour examiner cette proposition, M. le baron Pasquier avait fait, au nom de cette commission dont il était membre, un rapport remarquable dans lequel il établissait les bases sur lesquelles devait reposer la loi dont il s'agissait; mais la proposition n'avait pas eu d'autre suite. projet de M. Portalis, soumis d'abord aux délibérations de la chambre des pairs, fut discuté et amendé par cette chambre, puis adopté dans son ensemble le 14 mars 1829; mais il ne fut communiqué à la chambre des députés que quelques mois après, lorsque la session touchait à son terme. Il n'y put donc être, cette année, l'objet d'aucun rapport.

Le

L'année suivante, le 11 mars 1830, un nouveau projet de loi sur le duel fut présenté à la chamdre des pairs par M. Courvoisier, devenu garde des sceaux. Ce projet, qui reproduisait avec d'assez graves modifications le projet adopté précédement par la chambre des pairs, ne fut pas même renvoyé à l'examen d'une

(1) Espèce (Min. pub. C. Pesson.) A la suite d'une altercation qui avait éclaté entre eux, les sieurs Baron, avoué au tribunal civil de Tours, et Pesson, agréé au tribunal de commerce de la même ville, s'étaient battus en duel. Le premier avait succombé.-Une information judiciaire eut lieu; mais la chambre des mises en accusation de la cour royale d'Orléans rendit, le 29 avril 1837, un arrêt dans lequel les faits se trouvent mentionnés en ces termes : « Pesson, comme l'offensé, avait fait choix de l'épée : deux avaient été apportées. Sur l'observation qui fut faite que le sieur Baron était étranger au maniement de l'épée, on Songea à se procurer des pistolets; mais Baron déclara qu'il préférait se battre à l'épée, parce qu'avec cette arme il pouvait défendre sa vie. Les épées étaient de différentes longueurs; l'une avait quelques lignes de plus que l'autre. On les tira au sort: la plus longue échut au sieur Pesson. Bientôt les combattants croisèrent le fer, et, après une minute de combat, Baron fut atteint d'un coup dans la poitrine, au milieu du sein droit, et quelques instants après il rendait le dernier soupir. »> Puis, en droit, se fondant sur le prétendu silence du code sur l'homicide commis en duel, la cour déclara qu'il n'y avait lieu à suivre.

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Pourvoi en cassation du procureur général.—Après le rapport de M. de Haussy, M. le procureur général Dupin a pris la parole en ces termes : « L'usage des duels dérive de l'ancienne justice du bamp clos: Septentrionales armis decernere lites suas solitos fuisse, scribit Paterculus, dit Ducange, au mot Duellum. Ouvrez le co le de Lindenbroge, consultez les lois des Danois, des Bourguignons, la loi salique, et vous y trouverez l'usage de ces sortes de combats. C'était un usage barbare, mais il avait ses lois; il s'exerçait sous la garantie de la puissance publique: on l'appelait le combat judiciaire; il servait non à venger des injures légères et qui à peine souvent méritent ce nom, mais il servait à juger les procès, lites, ou les crimes, quand on croyait n'avoir pas d'autre moyen de découvrir le vrai coupable.-Ainsi, l'histoire nous apprend que l'empereur Othon, surnommé le Grand, mort en 975, ayant vu les docteurs mbasés sur la question de savoir si la représentation devait avoir

commission spéciale: la gravité des événements qui se prép raient alors et dont le pressentiment était dans tous les espri's ne laissait aucune place à des préoccupations d'un ordre secon daire. Bientôt après la révolution de 1830 éclata, et tous les projets furent abandonnés.

107. Cependant plusieurs années s'écoulèrent sans que la cour de cassation fût appelée à se prononcer sur la question que, jusqu'en 1828, elle avait résolue dans le même sens. Mais, en 1857, elle en fut saisie de nouveau. « Ce fut, dit M. Cauchy (du Due', t. 1, p. 431), un jour mémorable dans nos fastes judiciaires que celui où, après dix années de silence, allait se discuter de nouveau devant cette cour, agrandie et fortifiée par une loi nouvelle (la loi du 1er avril 1837, qui, après deux cassations successives prononcées dans la même affaire, oblige la cour saisie sur le se cond renvoi à se conformer à la doctrine de la cour de cassation), une question qui, tant de fois résolue, semblait cependant encore indécise. » M. le procureur général Dupin, dans un réquisitoire empreint de la plus chaleureuse conviction, soutint que les dispositions du code pénal qui punissent l'homicide et les blessures ordinaires étaient applicables aux suites du duel, et il fut assez heureux par faire partager aux magistrats composant la haute cour le sentiment dont il était lui-même animé.-En conséquence: il fut jugé, conformément aux conclusions de ce réquisitoire, que, si la législation spéciale sur les duels, antérieure à 1789, a été abolie par les lois de l'assemblée constituante, on ne saurait induire de cette abolition une exception tacite, pour le cas de duel, aux dispositions générales qui punissent le meurtre, les blessures et les coups; que ces dispositions sont absolues et ne comportent aucune exception; qu'on ne saurait, d'ailleurs, admettre que le meurtre commis, les blessures faites et les coups portés dans un combat singulier, résultat funeste d'un concert préalable entre deux individus, aient été autorisés par la néces sité actuelle de la légitime défense de soi-même, puisqu'en ce cas le danger a été entièrement volontaire, la défense sans nécessité, le danger pouvant être évité sans combat; que le fait de la convention qui a précédé le duel ne peut être considéré comme une excuse légitime; que, dans tous les cas, c'est au jury seul qu'il appartient de l'apprécier à ce point de vue; et qu'ainsi toutes les fois qu'un meurtre a été commis, que des blessures ont été faites, que des coups graves ont été portés dans un duel, les juges appelés à prononcer sur la prévention ou l'accusation ne peuvent se dispenser de renvoyer l'inculpé devant la cour d'assises ou le tribunal correctionnel (Crim. cass. 22 juin 1837) (1).

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108. Et depuis, toutes les fois que la question a été soumise, lieu entre les petits-enfants et les oncles, ordonna un duel, et par l'évé nement la représentation eut lieu. - Du reste, ces duels avaient leurs statuts, leur code de procédure. Tels sont les règlements de Philippe le Bel sur les Gages de batailles, publiés en 1306; il y avait un juge du camp; le vaincu encourait des peines sévères, quelquefois la mort ou la confiscation, toujours l'amende. De là l'adage, fort juste alors, que les baltus payent l'amende, comme aujourd'hui celui qui perd son procès paye les dépens. La superstition se mêlait à ces combats; les popula⚫ tions croyaient y voir le jugement de Dieu comme dans les épreuves judi. ciaires de l'eau et du feu; on se confessait, on priait avant d'aller au combat. Cependant la première résistance se manifesta du côté de l'Église. Avitus, archevêque de Vienne, Agobard, archevêque de Lyon, firent des représentations aux rois; mais ceux-ci se trouvaient liés par leurs codes nationaux, et n'étaient pas en état de donner d'autres lois à leurs peuples; ils résistèrent, et malgré le concile de Vienne en 855, le pape Nicolas Ier paya le tribut à son siècle, en reconnaissant que les duels étaient légitimes, puisqu'ils étaient autorisés par la loi salique et la loi Gombette. La superstition reprit donc le dessus; les ecclésiastiques mêmes provoquèrent le duel; et, chose surprenante, pour le légitimer à leurs yeux, ils en cherchèrent des exemples dans l'Ecriture. « Ils soutiorent, dit un historien des duels, qu'Abel et Caïn sortirent aux champs pour se battre en duel, et décider, par un combat singulier, une querelle née dans la maison paternelle sur quelque jalousie de préférence » (Jacq. Basnage, Histoire des duels, p. 1). Mais ils auraient dû ne pas ou blier le jugement que Dieu porta sur ce crime, en disant à Cain: « Le sang de ton frère s'est élevé jusqu'à moi et tu seras maudit. Nunc igitur

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soit à la chambre criminelle, soit aux sections réunies, elle y a

commencèrent à s'élever contre la pratique des duels. - Saint Louis, le heros de son siècle, commença le premier en 1260; il publia ses Établissements, dans lesquels on lit au chap. 22: « Nous deffendons à tous les batailles partout notre domaigne; et en lieu des batailles, nous mettons preuves des témoins ou des chartes, selon droit écrit. » Mais ce texte lui-même prouve que saint Louis n'était législateur que dans ses domaines. Beaumanoir en fait aussi la remarque, en disant : « Li saint roy Loys les osta de sa court, si ne les osta de la cour de ses barons. >> Philippe le Bel lui-même, venu plus tard, ne put encore que réglementer les duels, qu'il concentra du moins inter barones par son mande. ment de 1307. On sait du reste que l'usage des armes n'était pas permis aux roturiers ou vilains, même quand, à leur égard, il y avait lieu à autoriser le combat judiciaire pour la décision de leur procès, on ne leur permettait de se servir que du bâton.

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» Quoi qu'il en soit, avec le temps, deux principes hardiment posés et constamment soutenus par le parlement finirent par prévaloir le premier, que toute justice émane du roi; le second, qu'au roi seul appartient d'ordonner la paix ou la guerre. Du premier de ces principes il résultait qu'il fallait s'adresser aux juges du roi au moins sur l'appel, et no pas se faire justice à soi-même. Du second, il s'ensuivait que nul, en France, ne pouvait recourir aux armes sans la permission expresse du roi, qui ne l'accordait jamais qu'aux nobles. Cet état de chose est attesté par Etienne Pasquier, dans ses Recherches, liv. 4, ch. 1, des Gages de batailles, où il dit, en parlant de l'usage de son temps : « Il n'y a plus que le roi qui puisse décerner les combats, et encore entre gentilshommes, lesquels font profession expresse de l'honneur, car il n'est plus question de crime, mais seulement de se garantir d'un démenti quand il est donné. » >> On trouve plusieurs exemples de ces duels ainsi autorisés par les rois. Le dernier eut lieu le 10 juill. 1547, en présence de Henri II, entre Jarnac et la Châtaigneraie. Ce dernier, favori du roi, fut tué, et c'est peut-être à cause de cela que depuis ce temps les rois refusèrent de donner de semblables autorisations. Il en résulta que les nobles s'en passèrent; ils supposaient que, dans la confiscation de leurs prérogatives féodales, leur épée avait été oubliée, et qu'il leur était toujours loisible de la tirer pour venger leur injure et soutenir leurs prétentions. De là, la nécessité d'une législation spéciale pour vaincre cette résistance personnelle des gentilshommes et des gens d'armes qui persistaient à regarder les duels comme leur droit propre. C'est un point de vue tout nouveau, sur lequel j'appelle particulièrement votre attention. Les premières ordonnances sont rédigées dans cette pensée. L'édit de Louis XIII, de 1626, charge le connétable et les maréchaux « du pouvoir de décider et juger absolument tous les différends sur le peint d'honneur et réparation d'offense: >> et il ordonne par sa disposition finale, la stricte exécution de tout son contenu, «pour terminer les querelles qui naîtront entre notre noblesse et gens faisant profession des armes. » Louis XIV, en refondant et renouvelant la législation antérieure, par son édit de 1643, agit encore comme protecteur de l'honneur de la noblesse. La déclaration de 1653 exprime le même motif, et Louis XV, en confirmant par l'ord. de 1723, les édits de son prédécesseur, déclare de nouveau qu'il a fait usage du pouvoir que Dieu lui a donné pour arrêter les conséquences des injures qui peuvent avoir lieu «entre gentilshommes, gens de guerre et autres ayant droit de porter les armes pour notre service.» Aussi les pénalités prononcées par ces édits sont-elles toutes propres aux gentilshommes; outre la peine de mort qui, pour les nobles, consistait à avoir la tête tranchée, les autres peines sont le bannissement de la cour, la dégradation de la noblesse, la coupe de bois de haute futaie jusqu'à une certaine hauteur, l'exercice des droits de seigneurie au nom du roi, le bris de l'écu et les armoiries noircies par la main du bourreau. Il n'est question, dans cette legislation du duel, des personnes qui ne jouissaient pas des prérogatives de la noblesse que dans une seule disposition, et à raison des appels que des gens de naissance ignoble seraient assez insolents pour adresser à des gentilshommes. Il ne sera pas inutile, pour l'instruction de la démocratie, de rapporter cette disposition en entier elle forme l'art. 15 de l'édit de 1651. - «D'autant qu'il se trouve des gens de naissance ignoble, et qui n'ont jamais porté les armes, qui sont assez insolents pour appeler les gentilshommes, lesquels refusant de leur faire raison à cause de la différence des conditions, ces mêmes personnes suscitent et opposent contre ceux qu'ils ont appelés d'autres gentilshommes, d'où s'ensuivent quelquefois des meurtres d'autant plus détestables, qu'ils proviennent d'une cause abjecte: nous voulons et ordonnons qu'en cas d'appels ou de combats, principalement s'ils sont suivis de quelque blessure ou de mort, lesdits ignobles ou roturiers, qui seront dûment atteints et convaincus d'avoir causé et promu semblables désordres, soient sans rémission pendus et étranglés. » » Cette législation toute spéciale pour la conservation de la vie et de l'honneur des gentilshommes, et au fond pour les tenir dans l'obéissance et le respect des ordres du roi, était fondée sur la juridiction du point d'honneur, institué par l'édit de Louis XIII déja cité, et elle ne pouvait, comme on l'a pu voir par les termes de cet édit, recevoir d'application qu'aux combats des nobles, qui seuls prétendaient, comme dit Pasquier, faire profession expresse de l'honneur. -- Quant aux combats qui n'avaient

constamment reçu la même solution.

Ainsi, d'abord, dans

lieu qu'entre roluriers et vilains, auxquels l'usage des armes réputées nobles était interdit, ils rentraient, comme les luttes à coups de poing et à coups de bâton, dans le droit commun; on en punissait seulement les conséquences, lorsqu'elles étaient passibles d'une peine aux termes des lois générales. Cette séparation du droit exceptionnel des nobles d'avec le droit commun du reste des citoyens est surtout bien marquée dans la formule d'enregistrement de l'édit de 1626, laquelle porte: «Lu, publié et enregistré, pour être exécuté, selon sa forme et teneur.... sans que les maréchaux de France et les gouverneurs des provinces puissent prendre connaissance des crimes, délits et voies de fait non concernant ce qui est estimé point d'honneur entre les seigneurs et gentilshommes et autres faisant profession des armes.»

:

» Quand survint la révolution de 1789, et après la célèbre nuit du 4 août, par cela seul que les priviléges de la noblesse avaient disparu, on put dire que la législation exceptionnelle des duels avait cessé d'exister dans tout ce qui la distinguait du droit commun; on put le dire surtout après que la loi du 16 août 1790, tit. 14, art. 13, eut supprimé tous les anciens tribunaux d'exception, et notamment la juridiction de la connétablie et des maréchaux. Cela enfin ne fut pas douteux après que la constitution de 1791 eut proclamé en principe et comme un droit naturel et civil, qu'à l'avenir, les mêmes délits seraient punis des mêmes peines, sans distinction des personnes. La loi précitée du 16 août 1790 avait dit (tit. 2, art. 21): « Le code pénal sera incessamment revisé. » — Pour cela, et sur le point qui nous occupe, il y avait deux partis à prendre ou de faire de la législation exceptionnelle la règle générale, si on croyait cette législation bonne; ou bien de laisser les anciens priviléges dans le droi commun mais de toutes manières il ne pouvait plus être question de législation exceptionnelle et privilégiée. Déja, le 27 avril 1791, le savant Lanjuinais avait proposé quelques articles généraux sur les duels; mais ils ne furent pas soumis à la délibération de l'assemblée. Le résultat d'une conférence entre les comités fut qu'une loi spéciale sur le duel serait inutile et dangereuse; que l'état de la société était changé; que ce délit en luimême et séparé de ses suites n'aurait plus les mêmes caractères qu'autrefois; qu'en un mot, le droit commun, tel qu'on allait l'établir par un code général et uniforme, suffirait pour protéger la personne et la vie des citoyens. » C'est en cet état qu'intervint le code pénal du 25 sept.-6 oct. 1791. - Dans ses dispositions sur l'homicide, il pose d'abord en exception les seuls cas où l'homicide soit excusable: Tit. 2, sect. 1, art. 1. « En cas d'homicide commis involontairement, s'il est prouvé que c'est par un accident qui ne soit l'effet d'aucune sorte de négligence ni d'imprudence de la part de celui qui l'a commis, il n'existe point de crime, et il n'y a lieu à prononcer aucune peine ni même aucune condamnation civile." Art. 2. En cas d'homicide commis involontairement, mais par l'effet de l'imprudence ou de la négligence de celui qui l'a commis, il n'existe point de crime, et l'accusé sera acquitté, mais en ce cas, il sera statué par les juges sur les dommages-intérêts, et même sur les peines correctionnelles, suivant les circonstances. Art. 3. Dans le cas d'homicide légal, il n'existe point de crime, et il n'y a lieu à prononcer aucune peine ni aucune condamnation civile. - Art. 4. L'homicide est commis légalement, lorsqu'il est ordonné par la loi et commandé par une autorité légitime Art. 5. En cas d'homicide légitime, il n'existe point de crime, et il n'y a lieu à prononcer aucune peine ni même aucune condamnation civile. Art. 6. L'homicide est commis légitimement, lorsqu'il est indispensablement commandé par la nécessité actuelle de la légitime défense de soimême et d'autrui. »

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» Après ces exceptions établies, voici la règle générale: «< Art. 7. Hors les cas déterminés par les précédents articles, tout homicide commis volontairement envers quelques personnes, avec quelques armes, instruments, et par quelque moyen que ce soit, sera qualifié et puni ainsi qu'il suit, selon le caractère et les circonstances du crime.»-Ainsi la loi, pour plus d'énergie, pour plus de généralité, procède au rebours de ce qui a lieu ordinairement. Elle commence par préciser formellement les cas exceptionnels où l'homicide sera excusable; puis, dans les termes les plus ab solus, elle déclare que, hors les cas déterminés, il sera puni comme crime. Eh bien! aucune de ces exceptions ne peut s'appliquer au cas de duel. Ce n'est pas celle du premier et du deuxième article, où il s'agit d'homicide involontaire, car le duel est exclusif du défaut de volonté : on se bat parce qu'on l'a voulu, après avoir provoqué ou consenti, sur rendez-vous pris et donné. Ce n'est pas davantage celle des art. 3 et 4, c'est-à-dire de l'homicide légal, de l'homicide ordonné par la loi; enfin ce n'est pas non plus celle de l'homicide légitime, car, d'après les termes de la loi, pour être considéré comme tel, il faut qu'il ait été indispensablement commandé par la nécessité actuelle de la légitime défense. Or la défense suppose une réaction immédiate et indispensable; mais le duel comporte l'agression autant que la défense; on ne se défend plus du moment qu'on cesse d'attaquer; d'ailleurs, où est la nécessité actuelle, le besoin de défense commandé indispensablement, dans une position qu'on s'est faite volontairement, dans un péril auquel on n'est exposé qu'après se l'être créé soi-même et à l'avance? L'objection était même prévue et résolue par un ancien jurisconsulte : « Lea non præsumit eum in discrimine

celte affaire Pesson, la cour de Bourges, devant laquelle la cause

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vitæ fuisse, qui suâple culpâ se vitæ periculo exposuit, dit Voet, dans son traité De duellis. » Ainsi, l'homicide par suite de duel ne se trouve dans aucune des exceptions précisées par le code pénal; donc il est compris dans la règle générale, il tombe sous son application, et l'on ne peut l'y soustraire, par deux motifs de droit également puissants: 1° parce qu'il y a des exceptions qu'on ne doit pas étendre; 2o parce qu'il y a une règle qu'il ne faut pas restreindre plus que la loi ne l'a voulu et ne s'en est expliquée elle-même.

» La différence entre l'ancienne et la nouvelle législation est donc bien distincte l'ancienne admettait le droit commun de répression pour les vilains, et une législation exceptionnelle pour les nobles; la nouvelle n'admet plus d'exception, elle établit un droit commun, uniforme pour tous. L'ancienne législation punissait le duel des gentilshommes comme duel indépendamment de ses résultats; par exemple, la simple provocation, les témoins, les domestiques, laquais et autres porteurs de cartels étaient punis du fouet et de la fleur de lis pour la première fois; du bannissement et des galères perpétuelles pour la seconde (édit de 1651, art. 16). Elle punissait le combat sans blessure: « Encore qu'il n'y ait aucun de blessé ou tué, porte l'édit de 1651, art. 13, il y aura sans rémission peine de mort et confiscation des biens. >> En effet, le duel n'était pas considéré principalement comme delit privé, comme attentat à la sûreté et à la vie des citoyens; c'était un délit politique, considéré comme crime de lèse-majesté, comme rébellion, attentat au pouvoir royal, à la justice et aux droits du roi comme chef de la noblesse. La nouvelle législation, au contraire, ne voit que les résultats matériels. S'il n'y a personne de tué ni de blessé, elle n'a rien à poursuivre; mais s'il y a meurtre ou blessure, elle punit, quelles que soient les personnes, c'est-à-dire sans distinction de naissance, sans répression exceptionnelle pour une classe privilégiée qui n'existe plus; quelles que soient les armes, l'épée, jadis arme noble, ou l'ignoble bâton; quels que soient les moyens, guel-apens ou combat prémédité et convenu. Et l'on viendra dire qu'il y a lacune dans cette législation! oubli de statuer sur les duels! comme s'il était nécessaire que la loi eût spécialement dénommé le duel, pour que le meurtre ou les blessures qui en sont la suite fussent punissables! Déjà, de son temps, un jurisconsulte célèbre, Barbeyrac, émettait le principe contraire. «Il n'est pas nécessaire, à mon avis, disait-il dans ses notes sur Puffendorff (liv. 1, chap. 5, § 9), que les lois défendent expressément les duels, pour qu'on puisse les regarder comme des combats illicites, où celui qui tue son homme est toujours un véritable homicide: cela suit de la constitution même des sociétés civiles. >>

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» Sur les duels comme duels, avec l'idée que la provocation seule non suivie d'effets, et comme bravant la défense du maître, est crime de lèsemajesté, il est très-vrai, un tel fait n'est plus crime. Mais que les suites d'une telle agression contre les personnes, s'il y a eu meurtre ou blessures, ne soient pas punissables, le contraire est évident. Cela serait vrai, si le meurtre ou les blessures en soi n'avaient été érigées en crimes ou délits que par la législation exceptionnelle sur les duels alors, celleci cessant, la criminalité eût cessé. Mais le meurtre et les blessures étaient crimes indépendamment de cette législation, d'abord entre non nobles, par le droit commun; et, quant aux gentilshommes, la loi des duels ne leur créait pas ce caractère de crime, elle le leur reconnaissait, en y ajoutant des conditions agravantes par le fait même du duel, quels que fussent ses résultats. Celle-ci seules ont été retranchées en 1791; le nouveau code pénal a puni tout homicide, hors les cas exceptionnels qu'il a lui-même énumérés, celui commis en duel comme tout autre. Un décret du 7 sept. 1792 vient prêter un nouvel appui à la thèse que je soutiens. Ce décret porte que tous procès et jugements contre des citoyens, depuis le 14 juill, 1789, sous prétexte de provocation au duel, sont abolis. « Or, si les duels étaient, comme on le prétend, abolis depuis 1791, par cela seul qu'ils n'étaient pas réprimés nominativement par ce code, une amnistie était superflue; car on ne peut poursuivre que ce qui est crime, et puni comme tel au jour où le jugement doit avoir lieu. Cependant ici l'amnistie était nécessaire, et pourquoi? par deux motifs: le premier, parce qu'on la faisait remonter jusqu'au 14 juill. 1789, époque où la législation exceptionnelle était encore censée en vigueur; le second, parce que, depuis la loi de 1791, si l'on n'avait pas pu poursuivre en vertu des anciens édits, on aurait pu poursuivre en vertu du droit commun, si le duel avait entraîné quelques suites.

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>> On a beaucoup argurmenté d'un décrét de la convention, du 29 mess. an 2, par lequel cette assemblée, disent les arrêts où se trouve cette objection, a reconnu et déclaré que la législation de 1791 n'atteignait pas les duels. C'est là un argument qui est devenu trivial dans la question, qui s'est transmis d'arrêt en arrêt, un de ces motifs qu'on pourrait appeler tralatitia; mais remarquons d'abord l'erreur complète où sont tombés les arrêts qui ont fait cette objection, et qui l'ont présentée si légèrement, qu'il est évident qu'en citant le décret du 29 mess. an 2, on n'en avait pas le texte sous les yeux. En effet, ce décret ne s'applique pas au code pénal de 1791, comme le dit l'arrêt attaqué, mais au code pénal militaire du 12 mai 1793. En voici le texte : «La convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur le juge

avait été renvoyée par l'arrêt du 22 juin 1837, ayant jugé, con

ment de référé du tribunal criminel du département du Seine-et-Oise, présentant la question: si les dispositions de l'art. 11 de la quatrième section du code pénal militaire doivent s'appliquer à la provocation e duel par le militaire inférieur envers son supérieur, hors le cas de ser vice? Considérant que l'application de la loi doit être restreinte au cas qu'elle a prévu, et que l'article cité ne contient ni sens ni expression qui s'applique à la provocation en duel; - Décrète qu'il n'y a pas lieu a délibérer; Renvoie à la commission du recensement et de la rédaction complète des lois, pour examiner et proposer les moyens d'empêcher les duels, et la peine à infliger à ceux qui s'en rendraient coupables, ou qu les provoqueraient. Le présent décret ne sera point imprimé; il en ser adressé une copie manuscrite au tribunal criminel du département de Seine-et-Oise.» La question se présentait à la convention comme une question de discipline militaire; il s'agissait de maintenir la suberdination; on voulait empêcher les provocations de l'inférieur au supé rieur et il est évident que le texte de l'art. 11 de la sect. 4 de la loi du 12 mai 1793, qui parlait seulement de menaces par paroles et par gestes, ne s'y prêtait pas. On fit donc bien de passer à l'ordre du jour. On t bien encore d'aviser au moyen d'empêcher à l'avenir ces provocations. Il y avait ici quelque chose d'analogue à cette ancienne défense faite au roturier d'appeler en duel le gentilhomme, avec cette différence essentielle que, chez le gentilhomme, il ne restait plus que le titre dépouillé de fonctions, tandis que, dans la hiérarchie militaire, il y a le titre uni au commandement; ce qui constitue, non pas une hiérarchie de prétestion et de vanité, mais une hiérarchie légale dont les degrés doivent être respectés.

»Au surplus, cette question de discipline a été résolue comme elle devait l'être, par un ordre du jour donné le 13 juin 1835 par M. le maréchal Maison, et dans lequel on remarque les passages suivants: - «< Au mépris des règles de la subordination, un lieutenant-colonel a osé provovoquer en duel son supérieur. Un événement aussi fâcheux, qui aurait pu porter alteinte à la discipline du corps, méritant une punition prompte et sévère, le ministre vient d'ordonner que ce lieutenant-colonel soit traduit devant un conseil de guerre. Quant au supérieur, qui, pouvant se servir de l'autorité dont l'armaient la loi et son grade, a eu la condescendance de répendre à cette provocation, il sera puni par la perte de son emploi; et les témoins, officiers du corps, qui ne se sont pas opposés à cette rencontre, garderont les arrêts de rigueur pendant quinze jours... C'est la seule chose qu'il y eût à faire; mais il résulte toujours de cette discussion que le considérant qui s'est glissé d'une manière traditionnelle dans l'arrêt attaqué, est tout a fait erroné, et porte entièrement à faux.

Le code des délits et des peines, du 3 brum. an 4, n'a apporté aucun changement aux dispositions du code pénal de 1791. Sous l'un comme sous l'autre, les blessures et l'homicide étaient punissables, quelle que fút la cause non légalement exceptée qui y eût donné lieu. En l'an 9, cependant, un doute s'éleva à l'occasion du duel; mais il fut résolu aussitôt par un avis du ministre de la justice, rapporté par Fleurigeon, dans son Recueil administratif, t. 5, p. 290, au mot Duels. En voici le texte :«Dans l'état actuel de la législation, le duel qui n'a été suivi d'aucune blessure, contusion ou meurtre, ne peut donner lieu à des poursuites judiciaires; mais il est hors de doute que les blessures, contusions ou meurtres effectués, étant par eux-mêmes des atteintes portées à la sûreté ou à la vie du citoyen qui en a été victime, ces voies de fait rentrent dans la classe de toutes celles de la même nature qu'ont prévues les lois pé nales, et que doivent poursuivre les tribunaux, d'après la nature des circonstances et la gravité du fait matériel.»Depuis ce temps jusqu'en 1810, aucune difficulté ne s'est élevée sur la question. Les duels étaient rares alors; les circonstances offraient à chacun de meilleures occasions de montrer son courage contre les ennemis de l'État; et si quelques duels passèrent inaperçus, du moins on ne vit rendre aucune décision qui en consacrât l'affligeante impunité.

>> Le code pénal de 1810 a pris les choses dans l'état où elles se trouvaient; il a voulu maintenir le droit commun : c'est ce qui résulte des règles qu'il pose, et dans lesquelles l'intention du législateur se trouve bien nettement reproduite. L'art. 295 qualifie meurtre tout homicide commis volontairement; l'art. 309 punit tout individu qui aura fait des blessures, et l'art. 311 celui qui aura porté des coups; enfin l'art. 319 punit l'homicide, même causé involontairement, s'il y a eu maladresse, inattention, négligence ou inobservation des règlements. Ainsi, même dans les cas les moins graves, lorsqu'il y a un citoyen frappé, blessé lorsqu'on voit une atteinte portée même involontairement à cette maxime: « Tu ne tueras pas, tu ne blesseras pas,» le législateur sévit : et l'on voudrait que ce même législateur eût permis le duel! Le principe soufre, il est vrai, quelques exceptions qui se trouvent écrites dans les art. 319, 295, 327 et 326 c. pén. Mais ces exceptions elles-mêmes ne font que confirmer la règle, surtout en présence de la sanction qui lui est donnée par l'art. 65, qui dispose que «nul crime ou délit ne peut être excusé que dans les cas et dans les circonstances où la loi déclare le fait excusable.» Or, la loi ne range pas le duel dans la catégorie des causes qui peuvent excuser, soit le meurtre, soit les simples blessures. Et qu'on ne cherche

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trairement à cet arrêt, que le meurtre consommé sans déloyauté,

pas une objection dans cette circonstance que le code de 1810 ne reproduit pas ces mots du code pénal de 1791, «les meartres et les blessures sont également punissables, envers quelques personnes, avec quelques armes et par quelques moyens qu'ils aient été commis. » Ces mots n'ont disparu que parce qu'à cette époque, on était loin des priviléges abolis en 1791! L'abolition des priviléges, de la distinction entre les individus et les armes, avait produit son effet; elle était acquise à la législation voilà pourquoi le nouveau code pénal ne s'en est plus occupé. De même, dans le code civil, il n'est plus question de douaire, d'institutions contractuelles, de garde-noble, tandis que, dans la loi du 17 niv. an 2, et dans toutes les lois transitoires qui ont établi le passage de l'ancienne à la nouvelle législation, ces dénominations de choses qu'il s'agissait alors récemment d'abolir, se retrouvent fréquemment.

>>Au reste, l'intention du législateur ressort d'une manière bien claire de l'exposé des motifs, présenté, au nom de la commission de législation, par M. de Montseignat, à la séance du 17 fév. 1810.» — « Vous me demanderez peut-être, disait-il, pourquoi les auteurs du projet de loi n'ont pas désigné particulièrement un attentat aux personnes, trop malheureusement connu sous le nom de duel c'est qu'il se trouve compris dans les dispositions générales du projet de loi, qui vous sont soumises. Nos rois, en créant des juges d'exception pour ce crime, l'avaient presque anobli. Ils avaient consacré les atteintes au point d'honneur, en voulant les graduer ou les prévenir; en outrant la sévérité des peines, ils avaient manqué le but qu'ils voulaient atteindre. Le projet n'a pas dû particulariser une espèce qui est comprise dans un genre dont il donne les

caractères. >>

>> On a objecté que ces paroles de M. de Monseignat n'expriment que l'opinion de la commission du corps législatif, et que la discussion du conseil d'État n'avait rien produit de semblable sur le duel. A cette objection, je répondrai d'abord par le mot de M. Treilhard, conseiller d'État, lui qui eut l'influence la plus directe sur la rédaction du code de 1810. On lui demandait pourquoi le projet n'avait pas nominativement parlé du duel: «Nous n'avons pas voulu, dit-il avec cette brusque énergie qui le caractérisait, et que plusieurs d'entre vous peut-être lui ont connue, nous n'avons pas voulu lui faire l'honneur de le nommer.»

dans un duel dont les conditions ont été réglées, ne constitue ni

l'on n'a pas entendu excepter les duels, ou les ériger en crime à part, en crime noble, en leur rendant une existence distincte. Le code protége la personne de tous les citoyens indistinctement contre toute attaque d'où peut résulter la mort ou des blessures. >>

:

M. le procureur général puise une nouvelle raison de décider, dans le rapprochement qu'il établit entre notre législation et la législation anglaise « En Angleterre, les lois militaires punissent la provocation sans s'occuper des suites du combat qui peut en être ou en avoir été la suite, et c'est là précisément ce qu'aurait voulu la convention en l'an 2. Mais les effets et les suites du combat sont réglés jure communi, selon la déclaration du jury. Ce fut le célèbre Bacon, alors attorney général, qui fit prévaloir cette doctrine peu après l'abolition des combats judiciaires en Angleterre, et Blackstone signale le duel comme une insulte à la justice du pays! — « La punition pour les batteries ordinaires, dit-il (affrays) (liv. 4, chap. 11, intitulé des offenses contre la paix publique), est l'amende et l'emprisonnement. Elle doit se régler par les circonstances de l'affaire, et croître en proportion s'il en est de véritablement aggravantes. Si, par exemple, deux personnes s'engagent dans un duel avec préméditation et de sang-froid, comme il s'ensuit qu'il y a intention apparente de tuer, qu'on en peut craindre l'effet, et que c'est une insulte grave à la justice nationale, c'est une circonstance très-aggravante de la batterie, même quand il n'en résulterait pas un mal effectif. »-Plus loin, en traitant de l'homicide (ch. 14), et considérant alors le duel, non plus en lui-même, mais par le résultat qu'il a pu avoir (ch. 14, de l'homicide): « Il est des cas, dit-il, où le meurtre accidentel commis pro se defendendo, rend coupable du crime d'homicide, comme, par exemple, celui qui donne la mort à un autre en combattant régulièrement avec lui. » - Et, plus loin encore: « La préméditation est évidemment expresse dans le cas d'un duel convenu, où les deux adversaires se rencontrent au lieu du rendez-vous, avec l'intention avouée de commettre un homicide, dans l'idée qu'ils agissent comme le doivent des gens d'honneur, et qu'ils ont le droit de se jouer de leur propre vie et de celle de leurs semblables, sans y être autorisés par aucune puissance divine ou humaine, en offensant, au contraire, directement les droits de l'homme et de Dieu. Aussi la loi a-t-elle, avec justice, déclaré les duellistes coupables de meurtre, et punissables comme tels, ainsi que leurs seconds » (Hawk, p. c. 82).

» Pourquoi faut-il que chez nous la jurisprudence des arrêts ait méconnu ces principes, et que, depuis 1818, la question (qui n'avait pas été soulevée sous l'empire) ait été résolue dans le sens de l'impunité du duel? Et cependant dix cours royales se sont prononcées dans notre sens: ce sont celles de Paris, Montpellier, Toulouse, Limoges, Douai, Aix, Amiens, Nancy, Metz, Colmar; et telle est aussi l'opinion qu'émettait, devant la cour royale de Lyon, M. le procureur général Courvoisier. En 1818 seulement, un arrêt de cassation vient changer le sens de cette jurisprudence; il est suivi de plusieurs autres, et enfin, en 1828, un dernier arrêt rendu en chambres réunies, à la majorité de deux voix seulement, s'il faut en croire ce qui a transpiré de la délibération, confirma ces premières décisions et renvoya à l'interprétation de la loi. - M. le procureur général rappelle qu'à la suite des arrêts de la cour, en 1819 et en 1829, des pro

rapports, MM. Pasquier et Portalis flétrirent le duel avec énergie. « Heureux, dit-il, de trouver de tels auxiliaires dans la tâche que je poursuis! Ces projets ne contenaient que quelques modifications de la loi actuelle, c'est-à-dire de la loi commune. D'abord on introduisait quelques peines nouvelles, telles que l'interdiction des droits civiques; et ensuite, une question de circonstances atténuantes qui depuis est devenue une règle générale de la législation criminelle ordinaire. C'était un danger peut-être que la présentation de ces lois spéciales, car elles auraient eu pour effet d'ériger encore le duel en délit à part, et de contribuer ainsi à en perpétuer l'existence en lui donnant une classification et une pénalité distinctes. Ces projets ne passèrent pas en lois, et on resta dans le même état. C'était le moment pour la jurisprudence de revenir à une interprétation meilleure de la législation existante; car alors les duels se multipliaient d'une manière effrayante: duels entre journalistes, duels parle

» Quant au discours de M. de Montseignat, il faut bien distinguer entre un discours de cette nature, arrivé au corps législatif avec la loi dont il exposait les motifs, et un discours qui aurait été simplement improvisé, au milieu d'une discussion plus ou moins controversée, et dans laquelle il est quelquefois difficile de démêler le véritable motif qui entraîne le vote de l'assemblée. Le discours de M. de Montseignat avait un autre caractère. L'orateur ne parlait pas en son nom seul; son rapport était fait au nom du comité de législation, qui n'étaient pas bornée aux fonctions de nos commissions actuelles, mais qui avait un autre caractère, une mission constitutionnelle et non pas seulement réglementaire; en un mot, le rapport était la vive voix du corps législatif, à une époque où toute discussion orale était interdite à ses membres.-En effet, il résulte du sénatus-consulte du 19 août 1807, que la commission de législation du corps législatif était un corps constitutionnel, institué en remplacement du tribunat, et investi des attributions de cette branche du pouvoir législa-jets de loi furent présentés aux chambres, et que, dans leurs éloquents tif (art. 1), dont l'objet était de concourir, avec le conseil d'État, à la formation de la loi, et à l'exposé du sens et des motifs de ses dispositions, délibérant séparément, se réunissant en conférence sous la présidence de l'archichancelier de l'empire (art. 4), en cas de discordance d'opinion avec la section du conseil d'Etat, qui avait rédigé le projet de loi, faisant ses rapports en présence des orateurs de ce conseil; avant eux s'ils n'étaient pas du même avis, et après eux dans le cas contraire (art. 5); qu'ainsi ces rapports non contredits par ces orateurs complètent l'exposé fait par eux, et sont une preuve certaine de l'esprit qui a présidé à la rédaction et à l'adoption des lois. Une seconde considération achève de montrer, suivant nous, jusqu'à l'évidence, que ce rapport n'est pas une simple opinion; qu'il doit être considéré comme les véritables motifs de la partie du code pénal à laquelle il s'applique c'est la date du rapport et celle du décret du corps législatif qui a donné force de loi au chap. 1, tit. 2, liv. 3, du code.-Le 17 fév. 1810, M. de Montseignat présente aumentaires, duels de magistrats à l'occasion d'actes de leurs fonctions, corps législatif son rapport sur le chap. 1, tit. 2, liv. 3, c. pén., qui fut, dans la même séance (Mon. des 26 et 27 fév. 1810) et par un vote qui Suivit immédiatement le rapport de M. de Montseignat, converti en loi par le corps législatif.-De plus, cette partie du code pénal a été promulguée le 27 fév. 1810, c'est-à-dire au bout des dix jours prescrits par l'art. 37 de la constitution de l'an 8, et, dans cet intervalle, elle n'avait subi aucune espèce de modification. De sorte que le vote du corps législatif et le décret de promulgation qui l'a suivi sont légalement censés avoir confirmé les motifs du rapport qui se rattachaient au projet présenté. Il faut done reconnaître que l'étendue des dispositions pénales du code, concernant les blessures, le meurtre et l'assassinat, est fixée par les motifs qui viennent pour ainsi dire surabondamment élucider des textes qui n'offraient déjà aucune equivoque.-Ainsi, pas de lacune dans le code pénal de 1810, et je n'ai pas besoin même d'avoir recours au principe abstrait de Barbeyrac : le texte da code comprend tous les homicides et blessures non exceptés, et

duels d'avoués et d'agréés, vous en avez vu un de cette nature dans la cause actuelle, duels d'écoliers! Enfin, partout un esprit général de violence et d'insubordination! Comment n'a-t-on pas vu le danger qu'il y avait à jeter dans une société ainsi en effervescence, le principe que le duel est une chose en dehors de toute répression publique? En présence de tels faits, on s'est demandé de nouveau s'il était vrai que le législateur eût laissé la société complétement désarmée ?... Nous serions le seul peuple de l'Europe, que dis-je, le seul pays du monde que ses législateurs eussent à ce point délaissé! La France, en particulier, n'a jamais été ainsi désarmée à aucune époque de son histoire. Et, près de nous, ne voyonsnous pas un État qui, en se séparant de notre gouvernement politique, a conservé nos lois pénales, la Belgique, dont les cours ont fondé sur ces mêmes lois une tout autre jurisprudence, aux applaudissements de l'Europe chrétienne et civilisée ? — Voilà, messieurs, ce qui fait naître pour nous la nécessité d'un nouvel examen. Depuis votre dernier arrêt (en

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