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alors il déclare au préfet qu'il ne nommera pas d'expert et qu'il ne veut pas céder sa propriété; le préfet doit l'appeler au tribunal de première instance, et, sous trois jours, le propriétaire en personne, ou par fondé de pouvoir, doit répondre devant le juge et dire pourquoi il se refuse à céder sa propriété; et si le procureur impérial ne peut pas prouver qu'il y a un arrêt du Conseil qui constate le cas d'utilité publique, le juge doit déclarer qu'il n'y a pas lieu à l'expropriation du citoyen, et le préfet ne peut passer outre. Si au contraire le procureur impérial établit que la cession demandée est dans le cas de l'utilité publique, le juge ordonne que l'individu ait à céder sa propriété, à nommer des experts et à se mettre en règle par un contrat.

La seconde raison de la discordance du propriétaire avec l'administration, peut être l'évaluation; mais alors les formes sont claires, et le juge prononçant sommairement, ordonne l'expropriation à telles conditions: alors l'expropriation n'a plus lieu par consentement mutuel ni par contrat, mais par sentence.

Il semble que ce système marche bien, qu'il ne peut avoir aucun inconvénient, ou du moins que les praticiens peuvent mettre des restrictions pour que la marche de la procédure soit prompte.

J'avoue que je ne m'accoutume pas à voir l'arbitraire se glisser partout, et un si vaste État avoir des magistrats sans qu'on puisse leur adresser des plaintes. Je sais qu'on dira que cela entravera tout; mais je sais que cela n'entravera rien et que cela empêchera d'énormes abus. Cela n'entravera rien, parce qu'on peut fixer pour les délais de la procédure, une semaine et même trois jours, laps de temps fort raisonnable.

Il restera une question à décider: ne doit-on mettre la main au travail que la propriété ne soit payée? Le Code

Civil le veut ainsi; mais je pense que par la sentence, si la cession était forcée, ou dans le contrat si elle avait lieu de gré à gré, on pourrait toujours stipuler un premier paiement, ne fût-il que de 500 francs, qui pourrait être réglé à un cinquième ou à un dixième de la valeur, que l'on considérerait comme une espèce d'arrhes, et moyennant lequel possession serait prise par l'adminis

tration.

Voilà mes idées sur cette question, plus importante qu'on ne veut le croire, puisqu'en s'accoutumant à jouer avec la propriété, on la viole et qu'il en résulte des abus révoltans qui mécontentent l'opinion publique. — Moyennant ces précautions, j'arrive à un premier principe qui devrait être dans le Code de Procédure, s'il n'est pas dans le Code Civil; c'est qu'aucun citoyen ne peut être exproprié que par un acte judiciaire. On acquiert la propriété par testament, par donation et par achat: tous ces actes sont des actes judiciaires. On ne doit la perdre que par une vente ou par une sentence qui soient également des actes judiciaires.

Enfin il me semble que c'est une idée utile, dans le cas où les juges ne peuvent pas rendre justice, puisqu'ils ne peuvent pas faire saisir l'administration, de leur attribuer du moins le droit de recomniander leurs justiciables à l'autorité supérieure.

Je désire que mon cousin l'ARCHICHANCELIER lise ce projet à la première séance du Conseil d'État, et que la section de législation, à laquelle le comte MONTAlivet se réunira, soit chargée de me présenter un projet de réglement conforme à ces vues.

Schoenbrunn, le 29 septembre 1809.

Cette note fut lue au Conseil d'État, dans la séance du 7 octobre 1809, et l'ARCHICHANCELIER

chargea la section de législation de rédiger un projet conforme aux vues qui y étaient énoncées.

M. le comte BERLIER présenta une première rédaction dans la séance du 16 novembre 1809, présidée par Napoléon.

Le projet subit plusieurs amendemens et fut renvoyé à une rédaction nouvelle.

Dans la séance du 28, M. le comte BERLIER présenta une seconde rédaction. Elle fut, comme la première, amendée et renvoyée à la section.

Une troisième rédaction fut discutée dans la séance du 4 janvier 1810, encore présidée par Napoléon. Elle fut amendée et renvoyée à la section comme les deux précédentes.

Le 9 janvier, quatrième rédaction, qui, après quelques observations, fut renvoyée à la section pour présenter une rédaction nouvelle.

Le 13 du même mois, toujours sous la présidence de Napoléon, cinquième rédaction, qui reçut quelques amendemens et fut renvoyée à la section pour rédaction définitive.

Cette cinquième rédaction fut présentée le 18, arrêtée et communiquée officieusement à la commission du Corps Législatif.

La commission fit quelques observations qui donnèrent lieu à une conférence et dont on rendit compte au Conseil dans la séance du 24 février, où une dernière rédaction fut présentée et arrêtée définitivement.

M. le comte BERLIER, accompagné de M. le comte

CORVETTO et de M. le baron PASQUIER, conseillers d'État et orateurs du gouvernement, porta le projet au Corps Législatif le 1er mars 1810, et en exposa les motifs.

Le 8, M. RIBOUD, d'après la communication officielle à la commission du Corps Législatif, en fit le rapport et présenta le vœu d'adoption.

Le projet fut décrété le même jour, à la majorité de 243 voix contre 4.

Cette loi a été promulguée le 18.

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DE LA LOI DU 8 MARS 1810 SUR LES EXPROPRIATIONS POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE,

OU

CONFÉRENCE DES DISCUSSIONS DU CONSEIL D'ÉTAT, des OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DU CORPS LÉGISLATIF, DES EXPOSÉ DE MOTIFS ET RAPPORT, DES LOIS ET ACTES ACCESSOIRES, AVEC LE texte de chaque article DE LA LOI, ET ENTRE eux.

NOTIONS GÉNÉRALES.

La loi sur les expropriations pour cause d'utilité publique n'est que le développement de l'article 545 du Code Civil. Exposé de motifs par M. BERLIER, IX, no 1. Justice du principe que cet article pose. Rapport par M. RIBOUD, X, n°1. Inconvéniens qu'entraînait la manière arbitraire ou défectueuse dont on l'appliquait. Ils appelaient une loi qui établît un mode plus régulier, et qui, remplissant cette lacune de la législation, donnât une garantie complète au droit de propriété, contre l'abus du principe qu'il doit céder à l'utilité générale. Exposé de motifs par M. BERLIER, IX, no 9. Rapport par RIBOUD, X, no 1. Bases du projet. Exposé de motifs par M. BERLIER, IX, no 1.

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TITRE PREMIER.

Dispositions préliminaires.

ART. Ier.

L'expropriation pour cause d'utilité publique s'opère par

l'autorité de la justice.

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