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Projet d'avis du Ministre.

Le Conseil d'État, qui a entendu le rapport de la section de l'intérieur sur celui du ministre de ce département, relatif à la question de savoir si un propriétaire d'usines anciennement existantes sur un cours d'eau qui n'est ni navigable ni flottable, peut être dépossédé sans indemnité pour raison de dommages causés par ses usines à l'utilité publique ou communale, quand d'ailleurs les dommages ne sont reconnus qu'après une longue et paisible jouissance du propriétaire.

Vu l'article 545 du Code Civil et la loi du 8 mars 1810, sur les expropriations pour cause d'utilité publique, EST D'AVIS

Que, dans ce cas, un propriétaire d'usines ne peut être dépossédé ou éprouver des modifications dans sa propriété, sans la juste indemnité à laquelle il a droit.

N° 2.

RAPPORT de la Section de l'intérieur.

En lisant le rapport présenté au nom du ministre de l'intérieur, on voit qu'il ne met point en doute que le propriétaire de l'aciérie de Souppes n'ait droit à un dédommagement pour le déplacement qu'on fait éprouver à ses moulins; et il pense que ce dédommagement ne doit rien coûter à l'État, mais qu'il doit être fourni par les propriétaires des communes de Souppes et de Château-Landon, qui supporteraient alors la dépense de la digue qu'il est nécessaire de construire en aval du pont, pour remplacer celle qui était en amont, et dont la direction des ponts et chaussées a ordonné la destruction, comme nuisant à la solidité des piles du pont de Souppes.

Quand un ministre regarde comme juste une décision qu'il a droit de prendre, il n'est pas d'usage qu'il en provoque lui-même la discussion au Conseil d'Etat, et en

core moins qu'il présente sous la forme d'un principe général à consacrer, ce qui est d'une application journalière, fondée sur toutes les lois de la France. Sans doute un propriétaire d'usines, comme tout autre propriétaire, ne peut être dépossédé ou éprouver des modifications dans sa propriété, sans une juste indemnité; et l'article 545 du Code Civil, et la loi du 8 mars 1810 sur les expropriations pour cause d'utilité publique, s'appliquent aux propriétaires d'usines comme à tous les autres propriétaires. Le ministre ne l'ignore pas. Cependant il croit avoir besoin d'une autorisation nouvelle pour agir conformément à ses lumières; et l'on voit, dans son rapport, qu'il est arrêté par la décision prise sur la même affaire par la direction des ponts et chaussées.

Cette décision est entièrement contraire à l'opinion du ministre. Loin de croire qu'il soit dû le moindre dédommagement au propriétaire de l'aciérie de Souppes, la direction des ponts et chaussées prétend que les dégradations qu'ont éprouvées les piles du pont, ayant été causées par la digue en amont de ce pont, digue qui n'était utile qu'à l'aciérie, c'est au propriétaire de cette aciérie à supporter la dépense de la reconstruction d'une digue en aval, puisque cette digue aura pour objet principal l'avantage de ses usines.

La section de l'intérieur ne se croit pas appelée à prononcer entre deux opinions contradictoires, sur un fait d'administration qui est entièrement du ressort ministériel. Si le Conseil d'État pouvait intervenir chaque fois qu'il y aurait sentiment contraire entre les autorités chargées d'assurer l'action du gouvernement, on sent trop combien la marche des affaires deviendrait tardive; l'esprit même de la monarchie en serait bientôt altéré. Le ministre de l'intérieur ne s'est point dissimulé cette vérité; aussi a-t-il essayé de présenter cette affaire particu

lière sous la forme d'un principe général. C'est donc uniquement sur le projet d'avis joint à son rapport, que la section a cru devoir délibérer. Elle propose la décision suivante :

Cette décision forme l'avis dont il est ici question, et qui est ainsi conçu :

No 3. —AVIS DU CONSEIL D'ÉTAT du 19 février 1811, approuvé le 27.

Nota. Cet avis n'a point été inséré au Bulletin des Lois.

Le Conseil d'État, qui a entendu le rapport de la section de l'intérieur sur le renvoi d'un rapport de son Exc. le ministre de l'intérieur, touchant une question de propriété relative aux usines de Souppes;

EST D'AVIS,

1o. Que les lois qui assurent de justes dédommagemens aux propriétaires dépossédés pour cause d'utilité publique étant applicables aux propriétaires qui, pour la même cause, éprouvent des modifications dans leurs propriétés, il n'est pas nécessaire d'établir par un principe qui paraîtrait nouvellement reconnu, ce qui est décidé par le Code Civil et par la loi du 8 mars 1810;

2o. Que, dans l'affaire présentement soumise à la délibération du Conseil, le ministre a droit de prononcer, sauf aux particuliers ou aux communes qui se croiraient lésés par sa décision, à se pourvoir dans les formes consacrées par les lois.

Voici un autre avis, accompagné du rapport présenté par le ministre, qui décide la question de savoir si la loi du 8 mars 1810 abroge ou maintient, par forme d'exception, celles qui lui sont antérieures.

XV.

N° 1. RAPPORT présenté le 5 décembre 1810, par le ministre de la guerre.

Un arrêté du Conseil d'État, du 9 juillet 1718, confirmatif de celui du 10 décembre 1669, autorise les salpêtriers à continuer de jouir des lieux où sont établis leurs ateliers, lorsque les baux en sont expirés, en payant le prix desdits baux, de gré à gré ou à dire d'experts. Suivant le même arrêt, la connaissance des contestations qui pourraient s'élever à ce sujet avec les propriétaires, est réservée au Roi, et il est défendu aux tribunaux d'en connaître.

Le salpêtrier établi à Saint-Denis, ayant reçu congé, par huissier, de la maison qu'il occupe depuis dix-huit ans (dont quatorze par tacite réconduction), a rẻclamé l'application en sa faveur du susdit arrêt, qui n'a pas été abrogé par les lois subséquentes, relatives à l'exploitation du salpêtre.

D'un autre côté, le propriétaire de ladite maison assure qu'il a besoin de celle-ci pour l'usage de son commerce, et il prétend que, d'après les articles 544 et 545 du Code Civil, et la loi du 8 mars 1810, relative aux propriétés foncières, il ne peut être contraint à conserver comme locataire un particulier, parce qu'il a tel ou tel état.

J'ai l'honneur de soumettre cette contestation au gouvernement, en le priant d'en faire le renvoi au Conseil d'État, afin qu'il maintienne ou annulle l'arrêt de 1789. N° 2. - Avis du Conseil d'État, du 11 janvier 1811, approuvé le 12, portant que l'Arrêt du Conseil du 9 juillet 1718, relatif aux Salpêtriers, ne doit plus avoir force de loi.

Le Conseil d'ÉTAT, qui a entendu le rapport de la

section de la guerre sur celui du ministre de ce département, ayant pour objet de déterminer,

Si l'arrêt du Conseil d'État du 9 juillet 1718, qui autorisait les salpêtriers à continuer de jouir des lieux où étaient établis leurs ateliers lorsque les baux en étaient expirés, conserve encore force de loi;

Vu l'article 544 du Code Civil, qui détermine le droit de propriété ; l'article 545, portant que nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n'est pour objet d'utilité publique;

Vu le Titre I de la loi du 8 mars 1810, qui règle d'après quelles formes cette utilité doit être constatée et prononcée,

EST D'AVIS,

Que l'arrêt du Conseil d'État du 9 juillet 1718, mentionné ci-dessus, ne doit plus avoir force de loi.

FIN.

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