Images de page
PDF
ePub

pas comme des expéditions distinctes la navigation qui a lieu entre deux relâches. La loi exige que le rôle d'équipage soit arrêté dans le port d'où part l'expédition, parce que c'est dans ce port que se forme l'équipage. L'intention de la loi est que la nationalité des marins soit constatée par une pièce officielle, arrêtée par des officiers publics, dont l'inter vention écarte toute idée de fraude. Si l'équipage vient à se modifier, il faut que les changements qui surviennent soient constatés comme la composition primitive; ils devront donc être portés sur le rôle d'équipage et être signés par les officiers publics du lieu où ils s'opéreront, quoique ce ne soit pas le point de départ de l'expédition. On a agité la question de savoir s'ils pourraient l'être par le consul de la nation, à laquelle appartient le navire, qui modifie son équipage dans un port étranger. Cette question a reçu diverses solutions; tantôt on a décidé que les changements dans l'équipage ne pouvaient être constatés que par les officiers du sou verain qui exerce l'autorité dans le port de relâche; tantôt on a décidé, au contraire, que le consul étant le représentant de son souverain et ayant, par conséquent, un caractère public, pouvait comme tel arrêter les rôles d'équipage des navires portant le pavillon de son souverain. Quant à nous, nous pensons sur ce point que les officiers publics du lieu de relâche et les consuls sont également compétents pour constater les modifications survenues dans un équipage. Ce que le règlement de 1778 a voulu, c'est l'intervention d'une personne revêtue d'un caractère public. Le consul de la nation neutre offre à cet égard les mêmes garanties que l'officier du lieu ; c'est ce qui nous détermine à leur reconnaître une compétence concurrente. On doit être d'autant plus disposé à adopter cette décision que certaines nations ont une législation qui oblige les capitaines des navires portant leur pavillon à faire insérer par le consul, au rôle d'équipage, les changements survenus pendant le voyage. Nous citerons l'article 6 de l'ordonnance du roi de Danemark, en date du 4 mai 1803.

Le rôle d'équipage étant destiné à prouver la nationa

T. I.

3

lité des gens de l'équipage, doit contenir leurs noms, leurs lieux de naissance et de domicile.

Nous rapportons ci-dessous plusieurs décisions rendues dans des espèces où des questions relatives à l'application des articles 9 et 10 du règlement de 1778 avaient été soulevées.

CONSEIL DES PRISES. 29 fructidor an VIII.

Est de bonne prise le navire neutre dont les officiers-majors sont sujets ennemis.

Tout navire ennemi vendu à des neutres, depuis le commencement de la guerre, est de bonne prise.

LE CANINHOLM contre LE SCIPION.

Conclusions du commissaire du gouvernement.

Le 7 prairial an VII, le corsaire français le Scipion, de Bordeaux, capitaine Martin, armateurs, Reymond Bonet et compagnie, se trouvant par 48° 40" latitude nord, et par 48° de longitude à l'ouest du méridien de Paris, découvrit le Caninholm, commandé par John Alcock.

« Après lui avoir tiré le coup de semonce, un officier du Caninholm se rendit à bord avec quelques papiers.

« Le capitaine du corsaire, ayant trouvé ces papiers insignifiants, envoya à bord du Caninholm ses deux lieutenants, qui le trouvèrent en état de défense; l'audace de l'équipage du corsaire en ayant imposé à celui du Caninholm, le capitaine en second muni des papiers de ce navire se rendit à bord du corsaire.

« Ces papiers furent mis dans un sac avec un état écrit de la main du second, énonçant la quantité des pièces remises; cet état fut fait pour suppléer au sceau dont manquait le capitaine en second du Caninholm.

Le capitaine du corsaire dressa son procès-verbal de capture, que le second du Caninholm refusa de signer.

« Nous avons puisé ces faits dans le procès-verbal de capture. « Le Caninholm fut amariné, et le premier lieutenant du corsaire fut chargé de le commander.

<< Pendant la route et le 16 prairial, les officiers conducteurs de la prise trouvèrent, dans leurs recherches sur le Caninholm, une quantité de papiers, comme journaux entiers, lettres, reçus de bord, signaux, de même qu'un pavillon anglais, que l'on a dégradé ainsi que la flamme. D'après cela (dit-on dans le procès-verbal d'où nous copions ces faits), nous avons vu réellement que le bâtiment se nommait le Rodney, dé Londres, par conséquent masqué sous pavillon danois.

« Le navire le Caninholm, étant d'une très-grande capacité, ne put remonter la Gironde et fut mouillé à l'île du Nord.

Le 19 prairial, le capitaine du corsaire se présenta au juge de paix de Saint-Ciers-de-Canesse ; il le requit de se transporter à bord avec un interprète, pour y recevoir la déclaration du conducteur, les papiers de la prise, et faire toutes les opérations relatives à son ministère.

« Le juge de paix déclara, à la suite de cette pétition, qu'il se rendait à bord le 21 prairial.

« Le juge de paix se rendit à bord du Caninholm, avec l'assistance d'interprètes compétents; après avoir reçu la déclaration du conducteur de la prise, il procéda à l'inventaire des pièces trouvées dans le sac relaté dans la déclaration du capitaine de prise.

<< Il s'y trouva, en effet, vingt-une pièces, plus, une déclaration du second capitaine du Caninholm, contenant la remise desdites pièces.

Le juge de paix requit le second du Caninholm de signer cette première partie de son procès-verbal, à quoi il se refusa.

« Sur le requis de l'armateur du corsaire, le juge de paix somma le capitaine capturé de l'introduire dans son appartement, où, d'après le triage des papiers qui s'y trouvaient, il choisit ceux qui lui parurent utiles, et laissa ceux que l'interprète lui dit être insignifiants.

« Ces papiers furent remis à l'interprète.

« On procéda ensuite à l'apposition des scellés, à la description de l'armement du navire.

« Ces opérations finies, le juge de paix interrogea les hommes de l'équipage.

«Il résulte des réponses du capitaine, qu'il se nomme John Alcock, âgé de quarante-huit ans, marin; qu'il est né à Harwick, en Angleterre ; qu'il a résidé en différents endroits, comme Londres, Copenhague et les Indes orientales; que, depuis environ quatre ans, il a fait sa résidence tant à Copenhague qu'en Angleterre, où il prit l'état de marin ; qu'il a navigué sous pavillon danois; qu'il est parti de Copenhague pour son dernier voyage; qu'il est allé à Portsmouth en Angleterre, où il a pris de l'argent; qu'il a touché au cap de Bonne-Espérance, pour y déposer quelques marchandises, qu'il a reçu ses expéditions à Copenhague ; qu'il est parti de Canton en Chine, où il a pris ses expéditions pour retourner en Europe; qu'il est venu en droiture sans s'arrêter nulle part, si ce n'est à l'île du Nord, dans le détroit de Sunda, pendant un jour, pour y faire de l'eau ; que ses marchandises consistent principalement en thé, suivant son manifeste auquel il réfère; que son navire a été construit en Angleterre; que c'est un ancien bâtiment de la Compagnie des Indes, qui se nommait le Rodney;

« Qu'il est à bord du Caninholm depuis le mois de juillet 1797; qu'il a toujours commandé ce navire depuis cette époque; que ses armateurs sont MM. Duntzfeld et compagnie, de Copenhague; qu'il a chargé son navire à Copenhague; qu'il n'avait point de consignataire, étant libre de s'adresser à qui il voulait; que le chargement consistait en fer, goudron, vin, eau-de-vie; qu'il n'a pris à Porstmouth que des piastres; qu'il a déchargé au cap de Bonne-Espérance diverses marchandises en balles et en futailles, dont il ignore le contenu; qu'il avait à bord un pavillon danois; qu'il croit qu'il y en avait un anglais, mais qu'il n'en est pas sûr; que son navire a dix canons en batterie; que depuis qu'il commande des navires danois, il a été dans le cas de se battre contre des pirates sur la côte du Malabar; que c'est pourquoi le navire se trouve armé, suivant l'usage des navires qui vont dans l'Inde; qu'il croit avoir à bord quinze ou vingt barils de poudre, avec des boulets et des balles en proportion, et qu'il a tout pris à Copenhague; qu'il a seize canons à fond de calle pour lest; qu'il a toujours navigué sous pavillon danois; qu'il n'a jamais hissé pavillon anglais; que sa femme se trouve dans ce moment dans le nord de l'Angleterre, où elle est depuis son départ d'Europe; qu'il a le même équipage qu'à son départ de Copenhague, à la réserve d'une couple de matelots et deux ou trois déserteurs; qu'il croit que son

second est natif d'Ecosse, et que son premier lieutenant est Danois; qu'il ignore l'origine des autres, et qu'à cet égard il se réfère à son rôle d'équipage;

« Qu'il a embarqué des Chinois à Canton, et des Indiens sur la côte de Coromandel; qu'il commandait le Caninholm lorsqu'il portait le nom de Rodney, et qu'il l'a conduit sous ce dernier nom, de Londres à Copenhague, sous pavillon anglais; qu'il arriva à Copenhague en septembre 1797, année où le navire a été vendu ; qu'avant que ce navire appartînt à MM. Duntzfeld et compagnie, qui lui en ont confié le commandement, il croit qu'il appartenait à M. Hunter, négociant à Londres.

«Il répond que sa destination est pour le Texel, ou quelque port de la Mauche, où il pourrait entrer facilement, et où il devait trouver des ordres; que les propriétaires sont Danois; que tout a été chargé à Canton par Bekker-Terrsink, Hollandais, actuellement à bord en qualité de subrecargue. Dit qu'il a remis tous les papiers qu'il avait en son pouvoir, mais que le subrécargue en a d'autres; qu'il n'a point connaissance qu'il ait été jeté des papiers à la mer; que le subrécargue n'est pas porté sur le rôle; qu'il n'a pas obéi au coup de semonce, parce qu'il n'a pas aperçu de pavillon au corsaire ;

Qu'il s'était disposé à combattre pour sa légitime défense, n'ayant pas vu de pavillon; mais que dès que les officiers français avaient paru, il avait donné ordre à ses canonniers de se retirer; qu'il n'a point de commission de guerre.

Il se plaint de pillage fait à son bord; qu'il croit que le pavillon anglais trouvé à bord a été coupé pour faire des flammes; que les journaux ne sont pas à lui, qu'ils doivent appartenir à quelque officier.

« Ici on suspend l'interrogatoire, attendu que les papiers qui avaient été trouvés à bord se trouvent égarés, sauf à le reprendre lorsqu'on les aura trouvés.

La reprise de l'interrogatoire est insignifiante.

Le capitaine, interpellé de signer, refuse de le faire.

Le subrecargue dit s'appeler John Bekker Terrsink, natif de Flessingue, domicilié à Amsterdam, passager, s'être embarqué à Portsmouth en janvier 1798, pour aller à Trinquebar, côte de Coromandel. Il déclare que MM. Connink, négociants à Copenhague, ont chargé quarante-six caisses de piastres, envoyées de Hambourg en Angleterre, pour être chargées pour leur compte dans ledit navire, à Portsmouth, et être délivrées à lui déclarant à son arrivée à Trinquebar; qu'il est allé en droiture au cap de Bonne-Espérance, où il croit qu'on a relàché pour rafraîchir, et y laisser un passager; qu'il est parti de Canton, où le capitaine a pris ses lettres de passe; qu'il a relâché à l'île du Nord, aux côtes de Sumatra; que le chargement est pour le compte d'André-Gabriel Swzbellius, négociant à Calmar, en Suède, à la consignation de MM. de Connink et compagnie, négociants à Copenhague, pour entrer dams un des ports de la Manche au Texel.

Le reste est conforme aux réponses du capitaine.

James Archer, cuisinier, se dit natif de Philadelphie et s'être embarqué pour Trinquebar.

François Boutelley, de Dunkerque, matelot, dit s'être embarqué à Copenhague pour Trinquebar; il déclare venir du port de Bambouck en Chine, avoir entendu dire que le navire allait à Hambourg ou au Texel; qu'il y avait à bord un pavillon anglais; qu'il a vu charger de l'argent en caisses et des provisions à Portsmouth; qu'il n'a pas de connaissance

qu'il y ait des marchandises anglaises à bord; que le second capitaine s'appelle Skène, qu'il le croit Anglais, et qu'il croit les premier et second lieutenants Danois.

Dominique Dimanche, matelot, se dit natif de Pondichéry, s'être embarqué à Madras, pour aller en Chine; qu'au premier coup de semonce, le capitaine a laissé un peu arriver en forçant de voiles; que les canons étaient chargés avant que le corsaire fût à portée de l'atteindre; que les canonniers prirent leur poste par le commandement du second capitaine; que les mèches étaient allumées, les canons amorcés et prêts à faire feu; que le second ne se détermina à aller à bord du corsaire que sur la menace que lui fit ce dernier de faire feu ; qu'il n'a point vu jeter de papiers à la mer.

Le capitaine en second s'appelle Georges Skène; il déclare être né à Edimbourg, d'où il est sorti très-jeune : il n'a point de domicile fixe, a été élevé dans le nord de l'Ecosse, a toujours voyagé, a monté le Caninholm à Copenhague, d'où il est allé à Portsmouth, de là au cap de Bonne-Espérance; que le navire et la cargaison étaient adressés à des personnes de Trinquebar, qu'il est parti de Chine pour revenir en Europe, qu'il a relâché à l'ile du Nord, qu'il croit que le navire est de construction anglaise; que sa famille est domiciliée à Aberdeen, en Ecosse.

James Creigkton, charpentier, natif de New-York, dans les Etats-Unis d'Amérique, où il a son domicile ordinaire, dit s'être engagé à Londres, au mois d'octobre 1796, dans ledit navire, en qualité de charpentier; que le navire s'appelait le Rodney, commandé par le capitaine Maitland, sous pavillon anglais; qu'il est parti sous ce pavillon pour Copenhague, où il l'a conservé cinq à six jours; qu'il était alors commandé par le capitaine John Alcock; que de Copenhague il est allé à Portsmouth, sous pavillon danois; qu'ils y ont chargé quarante ou quarante-cinq caisses d'argent et le bagage de quelques passagers, dont il croit six Anglais; que le Rodney appartenait à Hunter et compagnie, de Londres; qu'il a entendu dire que le capitaine avait attaché certains papiers au plomb de la sonde pour être jetés à la mer ; que le capitaine résidait en Angleterre, lorsqu'il est parti; que sa femme et lui habitent habituellement le nord de l'Angleterre; que de l'ordre du second capitaine Skène, il a démoli une ou deux cabanes pour faire place aux canons; qu'on alluma des fanaux et qu'on fit battre la caisse pour intimider le corsaire; que l'opinion pour la défense fut générale, moins le capitaine, qui s'y opposa et fit éteindre les fanaux.

« Peter Diedrickther, lieutenant, dit s'être embarqué à Copenhague pour Trinquebar; il a touché à Portsmouth et au cap de Bonne-Espérance; qu'il y avait environ dix passagers, dont partie a été débarquée à Madras et partie à Trinquebar; que la majeure partie étaient des Anglais; qu'au cap on a déchargé quelques caisses et quelques futailles, qu'ils y ont pris deux ou trois passagers qu'il croit Anglais, et qu'à Madras ils ont déchargé le reste de la cargaison venant de Trinquebar, où ils avaient pris une partie de bois d'ébène; que les chargeurs, en Europe, sont Duntzfeld et compagnie, qu'il ne connaît pas ceux de l'Inde; qu'ils ont touché à Sumatra pour faire de l'eau; que le navire n'a pas cherché à éviter le corsaire; qu'il a vu le charpentier travailler aux cabanes, et qu'il ignore pourquoi il s'était préparé à la défense, ne connaissant pas l'état politique de l'Europe.

Georges Anthony, second lieutenant, dit être natif de New-York,

« PrécédentContinuer »