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de navire qui se trouverait fondée avait des suites fâcheuses pour l'armateur, en rejetant sur lui les frais de justice et de garde, de même que ceux de la vente des effets périssables, et enfin ceux de la nourriture des gens du navire pris. L'armateur donnerait alors de tels ordres à son capitaine, que celui-ci n'oserait amener que des bâtiments évidemment de bonne prise; et alors, par la facilité qu'il y a de masquer les navires, combien de prises légitimes que les corsaires laisseraient échapper! Si l'on oppose que l'impunité peut autoriser à amener toute sorte de prises, la réponse est que cela n'est pas à craindre, les armateurs ne pouvant que perdre lorsque les prises sont déclarées indûment faites, et d'ailleurs demeurant sujets aux dommages et intérêts, quand il n'y a aucunes circonstances capables de les excuser ou pallier.]

Ajoutons, en ce qui touche les dépens, que les parties pouvant se défendre elles-mêmes, elles doivent, s'il leur convient de recourir au ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, payer, quel que soit le sort des débats élevés devant le Conseil des prises, les honoraires des conseils aux lumières desquels elles ont voulu recourir; car c'est là une question de convenance personnelle.

Il importe de préciser enfin ce qu'on entend par les frais qui sont une suite naturelle de la prise, et dont la charge est de droit au compte des capturés, même en cas de restitution, pourvu qu'il n'y ait pas mauvaise foi évidente et injustice flagrante de la part du capteur.

Un arrêt du Conseil des prises, que nous citerons ci-dessous (le Trocoghab), décide que les frais dont la rétention doit être supportée par le capturé, même en cas de restitution, sont ceux de garde, de déchargement, de transport, de magasinage et de vente des objets capturés; à quoi il faut, du reste, ajouter, d'après l'arrêt de règlement du 23 décembre 1705, les frais de subsistance des mariniers, matelots, maîtres et autres officiers du bâtiment capturé, s'il n'a pas été pourvu à leur subsistance avec les vivres que portait le navire amariné.

Par suite de la déclaration du 29 mars 1854, où la France a renoncé au droit de confisquer la propriété des neutres à bord des bâtiments ennemis, naît la question de savoir si, en restituant la cargaison, le fret ne doit pas être prélevé au profit des équipages capteurs. L'affirmative ne paraît pas douteuse, en se référant aux articles 302 et 303 du Code de commerce; mais le fret n'est dû qu'en proportion de l'avancement du voyage. Aux termes de l'article 302, « il n'est dû aucun fret pour les marchandises perdues par naufrage ou échouement, pillées par des pirates ou prises par des ennemis. » Et même, si le fret a été payé d'avance, le second paragraphe ajoute : « Le capitaine est tenu de restituer le fret qui lui aura été avancé, s'il n'y a convention contraire. »

Enfin l'art. 303 dit: « Si le navire et les marchandises sont rachetés, ou si les marchandises sont sauvées du naufrage, le capitaine est payé du fret jusqu'au lieu de la prise ou du naufrage. » Le cas prévu par le Code de commerce est celui où, moyennant rançon, navire et marchandises sont rachetés; mais le cas où le navire est de bonne prise, en même temps que la cargaison est relâchée, offre une position analogue, et nous n'hésitons pas à penser que les neutres chargeurs pour compte ne doivent aux équipages capteurs le fret que jusqu'au port où la prise a été conduite, ou, comme le dit l'article 296, à proportion de ce que le voyage est

avancé.

S'il était prouvé régulièrement que ce fret a été payé d'avance, le gouvernement capteur auquel appartiennent les valeurs trouvées à bord n'aurait rien à réclamer en plus; telle nous parait être la règle d'équité qu'il est raisonnable de suivre '.

Le Moniteur du 11 novembre vient confirmer notre doctrine, en nous faisant connaitre que, par décision du 28 octobre 1854, le Conseil impérial des prises a validé la prise du navire russe l'Orione, capturé sous pavillon toscan par l'aviso à vapeur de l'État l'Averne, et que, par application de la déclaration du 29 mars 1854, la cargaison a été restituée à la maison néerlandaise qui l'a réclamée, mais à charge de payer le fret acquis et les frais. Le payement du fret légitimement du au bâtiment capturé et la déduction des frais, constituent une application précise de notre doctrine.

CONSEIL DU ROI. 28 mars 1705.

Lorsqu'une prise est restituée méme par grâce, les frais de justice, de garde et autres frais pour raison de la prise doivent être prélevés sur les objets saisis et restitués; mais les frais d'avocat, faits par les parties seront supportés par elles.

LES DEUX-FRÈRES contre LE DAUPHIN.

Vu les requêtes présentées, la première par Sengestadt, Suédois, maître du vaisseau les Deux Frères, tendant à ce qu'il plaise à Sa Majesté décharger le nommé Gohon, marchand du Havre, du cautionnement par lui prêté de la somme de 852 livres 11 sous, prétendue par Jean Tilly, commandant la barque le Dauphin, pour le remboursement des frais par lui faits à l'occasion de la prise dudit vaisseau les Deux-Frères, et condamner ledit Tilly en dix-huit cents livres de dommages et intérêts; ladite requête contenant que l'armateur ayant arrêté ce bâtiment, il a été déclaré de bonne prise par l'ordonnance du 11 février 1704; mais, par l'arrêt intervenu sur l'appel, le 23 juin suivant, il en a été fait mainlevée par grâce, ce qui aurait donné lieu à Tilly de répéter contre le suppliant les frais par lui faits pour parvenir au jugement; en quoi il n'est nullement recevable,, puisque la grâce n'étant point limitée, elle doit avoir le même effet qu'une mainlevée pure et simple; et ainsi il n'y a pas eu lieu à la saisie du vaisseau faite à sa requête, pour raison de ces frais. La seconde requête, présentée par ledit Jean Tilly, commandant la barque le Dauphin, tendant à ce qu'il plaise à Sa Majesté condamner ledit Gohon, caution de Sengestadt, à lui payer la somme de 852 livres 11 sous, pour le montant des frais par lui faits à l'occasion de la prise dudit vaisseau les Deux-Frères, sans préjudice de ceux de la saisie, sur ce que l'ordonnance qui a déclaré ledit vaisseau de bonne prise est régulière et que l'arrêt qui l'a suivie, en faisant mainlevée par grâce, justifie la conduite dudit Tilly; que l'arrêt du 6 mars 1696, portant que les frais tomberont sur la partie qui succombera, il est sans difficulté que Sengestadt, qui est censé dans ce cas, puisqu'il n'est relevé que par grâce, doit les acquitter; Vu aussi les pièces jointes à la requête dudit Sengestadt, consistant eu une ordonnance du lieutenantgénéral de l'amirauté du Havre, du 23 juillet 1704, portant renvoi au Conseil de la contestation sur la saisie faite à la requête de Tilly, du vaisseau les Deux-Frères, pour le payement de 852 livres 11 sous, pour les frais par lui faits au sujet de sa prise; Ouï le rapport du sieur comte de Pontchartrain, secrétaire d'Etat au département de la marine, et tout considéré, LE ROI ÉTANT EN SON CONSEIL, sans avoir égard à la requête dudit Sengestadt, maître du vaisseau les Deux-Frères, ni à celle dudit Tilly, armateur, a ordonné et ordonne que les frais faits par les avocats, tant dans l'instance principale que d'appel, seront payés par les parties pour lesquelles ils ont occupé; et ceux de justice, de garde et autres, faits pour raison de la prise, seront pris sur la chose même.

CONSEIL DU ROI. 23 décembre 1705.

Arrêt de règlement.

Sur ce qui a été représenté à Sa Majesté étant en son Conseil, qu'il était survenu différentes contestations entre les armateurs et ceux qui réclament

les prises amenées dans les ports du royaume, lorsqu'ils en ont obtenu la mainlevée, au sujet des frais qui se font pour la conservation des prises et la subsistance des équipages; les armateurs prétendant que les autres en sont tenus, parce que ces frais ne sont faits que pour maintenir les prises en attendant le jugement; et les réclamateurs, de leur part, que c'est aux armateurs à en être chargés, puisqu'ils ont arrêté mal à propos leurs bâtiments et sans un juste motif; Sur quoi, Sa Majesté voulant pourvoir, après s'être fait représenter l'arrêt du 28 mars 1705, qui ordonne que dans les prises dont il est fait mainlevée par grâce, les frais des avocats seront payés par les parties qui les auront employés, et que ceux de justice, de garde et autres seront pris sur la chose même; Ouï le rapport du sieur comte de Pontchartrain, secrétaire d'Etat ayant le département de la marine; LE ROI, ÉTANT EN SON CONSEIL, a ordonné et ordonne qu'à l'avenir tous les frais faits, tant pour la conservation ou la vente des marchandises des prises, dans le cas où elle sera permise, que pour la subsistance du maître et autres officiers, mariniers ou matelots qui y seront restés, seront pris sur le bâtiment et payés par le réclamateur qui en aura obtenu la mainlevée, lorsqu'il en sera remis en possession.

CONSEIL DES PRISES.-3 pluviose an X.

La décision qui ordonne la restitution d'une prise, déduction faite des frais légitimement dus, ne permet de retenir que les frais de garde, de déchargement, transport, magasinage et vente des objets capturés, et nullement les frais de procédure et défense des armateurs du corsaire capteur.

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LE TROCOGHAB.

Le CONSEIL, Lecture faite du mémoire par lequel le capitaine du navire danois le Trocoghab expose que la décision qui ordonne la restitution de cette prise, porte en même temps qu'elle s'effectuera sous la déduction des frais légitimement faits; qu'il est à craindre, et que déjà même les armateurs se prévalent de cette dernière disposition pour prétendre faire supporter aux propriétaires les dépenses par eux faites pour suivre la confiscation devant les tribunaux et le Conseil; ce qui serait aussi contraire à la justice qu'à l'esprit de la décision;

En conséquence, le capitaine à conclu à ce qu'interprétant, en tant que de besoin, la décision du 27 frimaire dernier, il soit déclaré qu'il ne peut y avoir d'autres frais déduits que ceux relatifs à la conservation du chargement;

Considérant qu'en ordonnant la déduction des frais légitimement faits, il a suffisamment expliqué que cette déduction ne pouvait s'entendre que des frais de garde, de déchargement, transport, magasinage et vente des objets capturés, et nullement des frais de procédure et défenses des armateurs du corsaire capteur; passe à l'ordre du jour.

CONSEIL DES PRISES. 27 brumaire an X.

Le prix de la vente régulièrement faite tient lieu des objets capturés, lorsque la restitution en a été ordonnée en l'état, sans dommages et

intérêts.

La question de savoir si la vente est régulière, et le débat des articles de dépenses présentés par le corsaire capteur ne sont pas de la compétence du Conseil des prises.

L'APOLLON.

John Walker, capitaine du navire américain l'Apollon, exposait qu'une décision du Conseil, du 13 brumaire an IX, qui avait ordonné à son profit la restitution du navire et de la cargaison, dans l'état où ils se trouvaient, sans dommages et intérêts, n'avait pu encore être exécutée, d'un côté parce que les objets n'existaient point en nature et avaient été vendus irrégulièrement à très-vil prix; de l'autre, parce que l'armateur du corsaire capteur avait présenté un compte de vente, dont la plupart des articles en dépense ne pouvaient être évidemment à la charge des capturés.

En conséquence, il demandait, qu'en complétant la décision du 13 brumaire an IX, et sans s'arrêter ni avoir égard aux prétendues ventes et expéditions qui pourraient avoir été faites, Jacques Conte, armateur du corsaire, ainsi que tous autres armateurs, intéressés et cautions, fussent condamnés par corps à restituer: 1° la somme à laquelle le navire serait estimé par experts, d'après l'état où il était lors de la capture;

2o Les trois cent soixante-quinze boucauds de tabac, formant la cargaison, d'après la quantité portée au manifeste, et sur le pied de l'évaluation faite par ledit Jacques Conte, en la police d'assurance, plus les dommages et intérêts résultant du retard apporté à la restitution depuis le 5 ventôse an IX, jour de la première sommation faite.

Le CONSEIL, considérant 1° que toutes les fois que la restitution d'une prise est ordonnée purement et simplement, sans dommages et intérêts, lorsque la vente en a été faite régulièrement, le prix de cette vente légale doit tenir lieu des objets à restituer, et doit désintéresser pleinement le capturé.

2° Qu'en ordonnant la restitution au profit de John Walker, du navire l'Apollon et de son chargement, en l'état où ils se trouvent, le Conseil a clairement exprimé son intention, et que sa mission, relativement à la validité de la capture, seul objet de son institution, se trouve entièrement remplie; mais que si John Walker croit être fondé à discuter la légalité de la vente d'aucun des objets de la prise, ou à débattre tout ou partie des articles de dépense ou compte présenté par l'armateur du corsaire capteur, ces débats ne font plus partie des attributions du Conseil et doivent être portés devant les autorités compétentes; renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit.

CHAPITRE IV.

DES TRANSACTIONS EN MATIÈRE DE PRISES MARITIMES.

Aucun texte spécial de loi ni de règlement n'a soumis à l'examen et au contrôle du commissaire du gouvernement près le Conseil des prises, et ensuite à l'homologation du Conseil, les transactions faites en matière de prises; mais, dans des conclusions remarquables, M. Portalis a établi

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