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diplomatique contraire à celle du gouvernement. Ainsi Primus, citoyen français, ne peut dire : « Le gouvernement de mon pays ne reconnaît pas la prise qui a été faite par les ennemiş, v. g. par les Russes, du navire de Secundus, qui, comme moi, est Français: pour la nation française, le navire de Secundus, quoique aux mains et en la possession des Russes, est toujours un navire français; mais moi, je me place en dehors de la doctrine nationale; je reconnais que les Russes sont devenus véritables propriétaires du navire de Secundus, et je le leur achète. »

En ce cas, le navire de Secundus revenant en France sans avoir été repris sur l'ennemi, doit lui être rendu. Il en est ainsi en cas de représailles; les gouvernements considèrent toujours les navires qui leur ont été pris par suite de l'exercice de représailles comme appartenant à leur pavillon ; et si ces navires reviennent dans leurs ports, ils les saisissent pour les rendre à leurs premiers propriétaires.

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Ainsi, il y a quelques années, un vapeur anglais avait abordé, près du Havre, un vapeur français. Des poursuites furent dirigées devant les tribunaux français, qui condamnèrent les Anglais, propriétaires du vapeur, auteurs de l'accident, à payer une certaine somme, ou à abandonner leur navire en remplacement de celui qui avait été coulé. Ils préférèrent ce dernier parti. Les Français prirent possession du vapeur anglais, et y arborèrent pavillon tricolore; mais ils n'osèrent jamais naviguer avec ce bâtiment dans les ports d'Angleterre, car ils savaient que les Anglais auraient fait saisir le navire, et en auraient repris possession, parce que les Français n'en étaient devenus possesseurs que par suite de l'exercice d'une sorte de droit de représailles.

Ainsi, pendant la guerre, si un Français achetait de l'ennemi un pavire pris sur un autre Français, l'achat serait nul, et le premier propriétaire reprendrait son bâtiment. Mais lorsque la paix est faite, et qu'il est convenu que chaque puissance gardera ses prises, il n'en est plus de même; par cette convention, chacune d'elles renonce au droit de propriété qu'elle avait eu la prétention de retenir jusqu'alors

sur les navires de ses sujets. La propriété en passe aux capteurs, ils deviennent choses russes, par exemple. Un Français peut alors les acheter, comme il peut acheter un navire russe. C'est ce qui a été jugé par le Conseil d'Etat, le 22 juillet 1818, dans une décision rapportée ci-dessous.

Il s'agissait d'un navire français pris à la Guadeloupe le 12 août 1815. Il ne fut vendu que le 26 novembre, alors que l'on connaissait le rétablissement de la paix. Des Français l'avaient acheté; les frères Périer, ses premiers propriétaires, le réclamèrent; mais leur réclamation fut rejetée par une décision du Conseil d'Etat, dont les motifs sont erronés, car elle a l'air de reconnaître en principe que tout navire français, loyalement pris sur les ennemis de la France, peut être acheté par des Français, ce qui est inexact, ainsi que nous avons essayé de le démontrer. Ce qui fait que le Conseil d'Etat, indépendamment des considérants de son arrêt, à bien jugé, c'est que, lors du rétablissement de la paix, il avait été convenu que chaque puissance, auparavant belligérante, garderait ses prises. Le navire des frères Périer était alors, du consentement du gouvernement français, devenu propriété anglaise, et il avait pu être acheté par un Français.

Nous ne terminerons pas l'examen de la question de savoir si un Français peut acheter un navire français capturé par l'ennemi, sans faire remarquer qu'un pareil achat pourrait, suivant les circonstances, constituer un acte de trahison. En effet, spéculer sur le malheur du pays, car c'est un malheur pour le pays chaque fois qu'un bâtiment français est pris; porter aux étrangers l'argent français, qui doit être distribué en parts de prise à leurs corsaires ou à leurs équipages de guerre, ce sont là des actes que le patriotisme condamne, et dont un pays a droit de demander compte à ceux qui s'en rendent coupables.

Tout ce que nous venons de dire pour le corps vire, s'applique également aux facultés.

du na

DÉCLARATION DU ROI.

22 septembre 1638.

LOUIS, etc., Nous avons, par ces présentes, signées de notre main, fait très-expresses inhibitions et défenses à toutes personnes, soit de nos sujets ou autres, de quelques royaumes, pays et seigneuries qu'ils puissent être, d'apporter et vendre en notre royaume, pays, terres et seigneuries de notre obéissance, sous quelque prétexte que ce soit, les biens et marchandises pris en mer et déprédés sur nos sujets, et à tous nos sujets et autres d'en acheter, si elles y étaient apportées, à peine, contre ceux qui les y apporteront, de confiscation de leurs vaisseaux et desdites marchandises et autres qu'ils pourraient apporter dans lesdits vaisseaux; et contre ceux qui en achèteront, de la confiscation desdites marchandises par eux achetées, et de 10,000 livres d'amende pour la première fois, et de punition corporelle pour la seconde, desquelles confiscation et amende nous avons attribué le tiers aux dénonciateurs; et s'il arrive que ceux, sur lesquels lesdites marchandises ont été prises ou déprédées, justifient lesdites marchandises leur appartenir, Nous voulons que les deux tiers desdites marchandises leur soient restituées, le tiers d'icelles demeurant au profit du dénonciateur......

CONSEIL DES PRISES. 18 août 1813.

La donation qu'un ennemi fait à des Français d'un navire français dont il s'est emparé n'est pas valide. Les Français donataires, qui ramènent le navire en France, peuvent seulement étre considérés comme sauveteurs en pleine mer.

JOYAU contre DENOUEL ET VANDENDRESSCHE.

La Dryade, frégate anglaise, avait pris, en 1812, une barque française appelée la Marie-Jeanne. Après avoir fait quelques autres prises, cette frégate se trouva avoir un nombre de prisonniers assez considérable: elle voulut se débarrasser de quelques-uns de ces prisonniers ; elle rendit à seize d'entre eux la liberté, moyennant une rançon de 2,400 francs.

Pour que ces prisonniers pussent revenir en France, la frégate anglaise leur donna la Marie-Jeanne. Le capitaine anglais fit donation de cette barque à deux des prisonniers rançonnés, Denouel et Vandendressche, qui étaient francs-maçons comme lui.

Un des propriétaires de la barque, Mathurin Joyau, revendiqua sa part de propriété dans la Marie-Jeanne.

Il s'agissait de savoir quel devait être le sort de la donation faite par l'Anglais.

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« Le CONSEIL, Attendu qu'il y a lieu de rendre aux propriétaires le produit de la vente du bâtiment; mais qu'aux termes de l'art. 27, titre IX, liv. IV, ordon. de 1681, le tiers appartient à tous les marins qui l'ont ramené en France, par la raison qu'ils peuvent être considérés comme sauveteurs en pleine mer du bâtiment, puisque, sans eux et sans la rançon qu'ils ont consentie, le bâtiment, brûlé par l'ennemi, n'eût jamais été recouvré par les propriétaires ;

«Sans avoir égard au don fait par le capitaine de la frégate anglaise la Dryade, aux sieurs Vandendressche et Denouel, non plus qu'à l'acte souscrit par eux et le sieur Joyau, le 2 janvier dernier, si ce n'est en ce

ce qui concerne l'intérêt que ledit Joyau a dans le navire la MarieJeanne, fait pleine et entière mainlevée au profit des propriétaires de la saisie faite dudit navire par les préposés des douanes de l'île de Ré; en conséquence, ordonne que le produit net de la vente dudit navire sera restitué auxdits propriétaires, à la charge par eux de payer aux marins qui ont ramené ledit navire en France le tiers de sa valeur, sans déduction des frais; sauf aux parties, en cas de contestation relativement à la rançon, à la porter devant les juges qui devront en connaître, etc. »

CONSEIL D'ÉTAT. - 22 juillet 1818.

Un Français ne peut, après le rétablissement de la paix et lorsqu'il a été convenu que chaque nation belligérante garderait ses prises, faire saisir dans un port français un navire qui lui appartenait et qui, pris par l'ennemi, avait été déclaré de bonne prise, et vendu valablement pendant la guerre; s'il fait la saisie, il doit des dommages-intérêts.

PERIER contre VAUCRESSON et Ce, et DE LA MORINIÈRE.

Les frères Perier, de Bordeaux, avaient, en 1814, expédié l'Hendrick à la Guadeloupe : en 1815 la guerre se rallume; les Anglais prennent la colonie, saisissent l'Hendrick, le font déclarer de bonne prise par la vice-amirauté de la Barbade et le vendent à un Anglais, qui le revend à Vaucresson et autres. Le navire revient au Havre; Perier frères le revendiquent.

Le Conseil rejeta leur demande, parce que l'Hendrick avait été valablement confisqué par les Anglais, et qu'il avait été convenu que chaque nation garderait ses prises. Vaucresson et Ce réclamaient des dommages et intérêts devant le Conseil.

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LOUIS, etc.; Vu le jugement rendu par la vice-amirauté de la Barbade, le 9 octobre 1815, qui déclare valable la prise de l'Hendrick comme ayant appartenu, au moment de sa capture et saisie par les forces anglaises, aux ennemis de la Grande-Bretagne; Considérant que la vice-amirauté de la Barbade, par jugement du 9 octobre 1815, a déclaré valable la prise de l'Hendrick comme ayant appartenu, au moment de sa capture et saisie par les forces navales anglaises, aux ennemis de la Grande-Bretagne, a prononcé sa confiscation et ordonné sa vente aux enchères; que des négociants anglais s'en sont rendus adjudicataires, et que ces négociants l'ont revendu aux sieurs Vaucresson et autres; - Considérant que l'ordonnance de 1638, invoquée par les sieurs Perier, ne peut s'appliquer à des navires; Considérant que la loi du 12 vendémiaire an VI, également invoquée par les sieurs Perier, et relative aux reprises faites sur l'ennemi par les troupes françaises, ne peut recevoir d'application dans l'espèce; Qu'il suit de ces différents motifs que la saisie-revendication exercée par les sieurs Perier devant le tribunal de commerce du Havre est nulle et de nul effet; - Considérant, sur la question des dommages-intérêts, qu'il y a lieu de renvoyer les parties devant les tribunaux.

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Art. 1er. Les sieurs Vaucresson et autres sont réintégrés et maintenus dans la propriété et possession du navire l'Hendrick, ses agrès, ustensiles et apparaux. Art. 2. Les sieurs Vaucresson et autres sont renvoyés devant les tribunaux pour y faire statuer sur la question de dommages-intérêts.

CHAPITRE II.

LIQUIDATION ET PARTAGE DES PRISES FAITES PAR LES CORSAIRES.

Dans ce chapitre, nous nous occuperons des prises faites par les corsaires. L'arrêté du 2 prairial an XI, sur la course, ne s'occupe que de ces prises. Dans un chapitre suivant, nous commenterons l'arrêté du 9 ventôse an IX, qui est relatif aux liquidations des prises faites par les bâtiments de la marine impériale.

SECTION Ire.

De la liquidation particulière ou provisionnelle.

Arrêté du 2 prairial an XI.— ART. 89 et 90.

Arrêté du 2 prairial an XI.-ART. 89. Il devra être procédé à la liquidation particulière, dans le mois du jour du dépôt mentionné en l'article précédent, sans que l'arrêté de ladite liquidation puisse être suspendu sous prétexte d'articles qui ne seraient pas encore en état d'être liquidés, lesquels seront tirés pour mémoire, sauf à les comprendre ensuite dans la liquidation gé

nérale.

Il faut savoir que dans le langage des prises, les mots liquidation particulière veulent dire liquidation provisionnelle. Notre article veut que dans le mois qui suit le dépôt du compte du produit de la prise on procède à la liquidation provisionnelle, c'est-à-dire que l'on règle ce qui restera du produit de la prise, après la déduction des frais, tant de garde que de justice. Ainsi, le compte déposé, on doit prélever les frais et déterminer la somme nette que les capteurs auront à se partager; c'est ce qu'on appelle faire la liquidation provisionnelle. On appelle aussi cette liquidation particulière, parce que la loi a prévu le cas où plusieurs prises seraient faites par le même corsaire, et qu'elle a pres

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