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ne reçut de lui que cette réponse : Je n'ai pas assez de loisir pour me souvenir de Denys.

Dans son second voyage en Sicile, il venait demander à Denys le jeune des terres et des hommes, pour réaliser son plan de république. On lui avait fait des promesses qu'on ne tint pas. Il courut même, dit-on, de grands dangers, sous prétexte d'avoir persuadé à Dion et à Théotas d'affranchir la Sicile. Mais Archytas le Pythagoricien, dans une lettre au tyran, défendit Platon, et lui ménagea son retour dans sa patrie. Voici la lettre :

ARCHYTAS A DENYS, salut.

« Tous les amis de Platon vous envoient Lamiscus et Photidas pour le ramener, comme vos traités avec lui nous en donnent l'espérance: Ah! que l'équité vous rappelle votre ancienne admiration, ces temps où vous nous recommandiez avec tant de zèle de vaincre ses refus, de hâter son départ, et ces promesses généreuses qui ne devaient lui laisser aucune inquiétude sur sa liberté. Rappelez-vous de quels honneurs son arrivée fut suivie, quelle fut alors votre amitié pour l'homme que vous avez le plus aimé. S'il est survenu quelque mécontentement, il faut de la clémence dans le cœur de l'homme, rendez-nous Platon sans vous être vengé. En vous conduisant ainsi, vous aurez fait le bien; nous serons consolés. »

Platon entreprit son troisième voyage pour réconcilier Denys avec Dion: il revint après des efforts inutiles.

Ses ouvrages prouvent qu'il aurait pu alors se mêler aux affaires de sa patrie; mais il ne voulait pas gouverner un peuple accoutumé à d'autres lois. Il est vrai qu'au rapport de Pamphila, vingt-cinquième livre de ses Mémoires, les Arcadiens et les Thébains, ayant bâti Mégalopolis, l'invitèrent à en être le législateur. Il refusa, quand il sut qu'on n'adopterait pas l'égalité des biens.

Vers le même temps, il prit la défense de Chabrias, accusé de crime capital, lorsqu'aucun citoyen n'osait le faire ; et comme il montait à la citadelle avec lui, le délateur Crobyle lui dit en face: O toi qui viens parler pour un autre, ignores-tu que la coupe de Socrate est là qui t'attend? Quand j'ai combattu pour ma patrie, répliqua-t-il, je n'ai pas craint les dangers; quand c'est à un ami que je me dois, je ne les craindrai pas.

Le premier, dit Favorinus, livre VIII des Mélanges, il introduisit le genre du dialogue; le premier, il enseigna la méthode analytique à Laodamas de Thasos; le premier, il fit connaître à la philosophie les mots, antipodes, élément, dialectique, qualité, étendue dans le nombre, surface plane, providence divine; le premier, il réfuta les raisonnemens de Lysias, fils de Céphale, qu'il cite mot pour mot dans son Phèdre; le premier enfin, il vit et prouva l'utilité de la Grammaire: mais on demande comment un auteur qui a critiqué presque tous ses devanciers, n'a jamais nommé Démocrite.

Lorsqu'il parut aux Jeux Olympiques, dit Néanthe

le Cyzicénien, les yeux de la Grèce entière se tournèrent sur lui. Il y rencontra Dion, qui se disposait à faire la guerre au tyran.

Mithridate, si l'on en croit le premier livre des Mémoires de Favorinus, fit élever à Platon une statue dans l'Académie, avec cette inscription: Mithridate, Perse, fils de Rhodobate, élève à Platon cette statue, ouvrage de Silanion, et la consacre aux Muses.

Dans sa jeunesse, dit Héraclide, il était si modeste et si retenu, qu'on ne le surprit jamais riant aux éclats. Malgré ses qualités et son génie, les comiques ne l'épargnèrent pas plus que les autres philosophes.

Un n'est pas un, vous dis-je,

Et deux font à peine un, Platon l'a démontré.

THÉOPOMPE, Autocharès.

On aurait dit Platon dévorant ses olives.

ANAXANDRIDE, Thésée.

Vous avez lu Platon, ses contes, ses merveilles?

TIMON.

Tu viens fort à propos: car je suis fatiguée;
En bas, en haut, partout, sans trouver rien de bon,
J'ai cherché, j'ai couru, j'ai fait comme Platon.

ALEXIS, Méropis.

Laisse,nouveau Platon, tes secrets, tes grands mots.
O prodige ! il connaît les sels...... et les poireaux !

Le même, Ancylion.

Ma foi, je n'entends rien à ce bonheur si grand,
C'est le souverain hien de Platon.-L'ignorant!

AMPHIS, Amphicrate.

A tes rides, Platon, à ce sourcil froncé,
Je crois voir l'escargot dans sa coque enfoncé.

Le même, Dexidémide.

Vous êtes homme enfin, et vous avez une âme. —

Platon ne le dit pas, il le croit.......

CRATINUS, le Faux-enfant-supposé.

Mon corps de ses débris épouvante vos yeux;
Mais mon souffle immortel est rentré dans les cieux. -
Oh! oh! c'est du Platon.

ALEXIS, Olympiodore.

Et dans le Parasite:

Il faut, comme Platon, babiller entre nous.

Anaxilas l'attaque aussi dans le Botrylion, la Circé, et les Femmes riches. Enfin Aristippe, de l'Ancienne volupté, livre IV, l'accuse d'une folle amitié pour le jeune Aster, un de ses disciples en astronomie, et pour Dion, l'illustre Sicilien: d'autres y joignent Phèdre. Il cite même en preuve quelques vers du philosophe :

Tandis que de la nuit ton œil perçant les voiles
Observe les feux de l'éther,

O si j'étais le ciel, combien j'aurais d'étoiles

Pour contempler le jeune Aster!

Et après la mort de son disciple:

Comme un astre du soir tu vas briller encore,
Bel Aster; mais hélas ! le ciel n'a plus d'aurore.
Voici les vers sur Dion:

Ces dieux vengeurs, ces dieux cruels,
Qui de Troie et d'Hécube épuisèrent les larmes,
En vain donnaient toujours la victoire à tes armes ;
En vain de tes présens tu chargeais leurs autels.
Dion! quel noble espoir Syracuse déplore!
Elle égalait pour toi l'amour des immortels,
Et moi, je t'aimais plus encore.

Aristippe dit que ces vers sont gravés sur le tombeau de Dion à Syracuse. Ceux qui font aussi un crime à Platon de son attachement pour Alexis et pour Phèdre, lui attribuent ce quatrain:

De te plaire, Alexis, chacun fait son étude;
Seul, de ton amitié négligeant la douceur,
J'hésite, quand déjà par mon incertitude,
O Phèdre, j'ai perdu ton cœur !

Une autre pièce, si elle était de lui, prouverait qu'il aima la courtisane Archéanasse de Colophon:

Charmante Archéanasse, en vain l'âge s'avance;
L'amour s'assied encor sur ton front adoré.

O de quels feux dut périr dévoré
Celui qui le premier reconnut la puissance
De ces yeux qui m'ont égaré!

On lui prête ailleurs les vers qui suivent:

Mon âme en ce baiser sur mes lèvres errante
S'échappe...... reçois-la fugitive et mourante.

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