Images de page
PDF
ePub

de loi dans ce sens a été déposé à la Chambre des députés le 20 octobre 1890, par M. Pierre Legrand et plusieurs de ses collègues. Voici comment il était conçu :

«Les salaires dus aux commis, ainsi que les commissions dues aux « voyageurs, aux courtiers et représentants de commerce, pour les six mois qui auraient précédé la déclaration de faillite, sont admis au «mn rang ».

Ai i libellé, le projet dépassait le but à atteindre puisqu'il assurait une situation privilégiée même aux courtiers et représentants de commerce qui ne sont pas des «< commis », mais de véritables négociants. La Chambre des députés l'a compris et, sur le rapport de M. Pierre Leg and, elle a voté la disposition que voici :

«Les appointements dus aux commis attachés à une ou plusieurs << maisons de commerce, sédentaires ou voyageurs, et les commissions qui leur sont allouées à titre d'appointements ou de supplément d'ap«pointements, pendant les six mois qui précèdent la déclaration de « faillite, sont admis au même rang ».

Au Sénat, le projet a été l'objet de deux rapports de M. Thézard, sénateur, le 17 juillet 1893 et le 15 fé rier 1894. Dans ce second rapport, la commission proposait la rédaction suivante qui fut adoptée :

་་

«Les appointements dus aux commis, attachés à une ou plusieurs << maisons de commerce, sédentaires ou voyageurs, et les commissions qui leur sont allouées à titre d'appointements ou de supplément d'appointements, seront admis au même rang, savoir: pour les six mois qi précèdent la déclaration de faillite, s'il s'agit d'appointements <<fices, et pour les trois derniers mois seulement, s'il s'agit de commis<<< sions >>.

་་

La seule différence entre les deux projets successivement votés par la Chambre et le Sénat consistait dans la limitation à trois mois, faite par le Sénat, du temps pour lequel serait accordé le privilège en ce qui concerne les commissions proportionnelles. Le rapporteur justifiait cette limitation et la différence ainsi faite avec les appointements fixes par une double considération: l'employé rémunéré à la commission a presque toujours une provision qui le met à l'abri de toate perte sérieuse et il est, en tout cas, à même d'obtenir des règlements plus fréquents que ceux des ommis à appointements fixes; de plus il ne faut pas que l'mployé rémunéré à la commission se trouve trop entraîné, lorsqu'il sentira que sa maison est dans une situation périlleuse, à multiplir le chiffre des affaires douteuses pour augmenter ses commissions privilégiées au détriment de la masse des créanciers qui se trouveraient ainsi doublement frus r ́s.

Le projet revenu à la Chambre et renvoyé à l'examen de la commission du travail, y a été l'objet d'un rapport très complet et très approfondi de M. Guillemin, député.

Outre une modification dans le titre du projet, modification simplifiant ce titre, la com...ission a proposé d'assimiler la liquidation judi

ciaire à la faillite au point de vue du droit privilégié reconnu aux commis; c'était là, évidemment, une assimilation nécessaire.

Quant à la différence introduite par le Sénat, entre les appointements fixes et les commissions proportionnelles, la commission de la Chambre l'a maintenue, mais elle a remanié toute la rédaction de l'article pour lui donner plus de précision et de clarté.

C'est le projet rédigé par cette commission qui, après un vote d'urgence, a été adopté sans discussion le 10 juillet 1894.

Au Sénat, la commission ayant encore pour rapporteur M. Thézard s'est ralliée sans hésiter à la rédaction adoptée par la Chambre, et le Sénat, déclarant à son tour l'urgence, a définitivement voté le projet sans discussion, le 1er février 1895.

Article unique.

Le dernier alinéa de l'article 549 du code de commerce est modifié ainsi qu'il suit:

« Le même privilège est accordé aux commis attachés à une ou plusieurs maisons de commerce, sédentaires ou voyageurs, savoir:

«S'il s'agit d'appointements fixes, pour les salaires qui leur sont dus durant les six mois antérieurs à la déclaration de la liquidation judiciaire ou de la faillite;

« Et, s'il s'agit de remises proportionnelles allouées à titre d'appointements ou de suppléments d'appointements, pour toutes les commissions qui leur sont définitivement acquises dans les trois derniers mois précédant le jugement déclaratif, alors même que la cause de ces créances remonterait à une époque antérieure. »

III.

LOI DU 9 FÉVRIER 1895, SUR LES FRAUDES EN MATIÈRE ARTISTIQUE (1).

Notice et notes par M. Alcide DARRAS, docteur en droit.

L'origine de cette loi remonte à l'article 7 de la loi sur ce qu'on appelle improprement la propriété artistique, projet de loi qui fut déposé le 24 juillet 1879 à la Chambre des députés, mais qui ne vint jamais en discussion.

(1) J. Off. du 12 février 1895. TRAVAUX PRÉPARATOIRES.

Sénat, exposé des motifs, doc. 1886, p. 14; rapport, p. 47; 1r délibération, 21 janvier 1886; 2° délibération, 16 février. Chambre, texte transmis, doc. 1885, p. 1073; nouvelle transmission, doc. 1893 (session extraordinaire), p. 22; rapport, doc. 1394, p. 1059; déclaration d'urgence et adoption, 8 novembre 1894.

M. Bardoux, chargé du rapport, avait déposé son travail le 12 mars 1881 (1). Devenu sénateur, il reprit pour son compte personnel le projet dont il avait été rapporteur à la Chambre (2); l'article 11 de la proposition était la reproduction de l'article 11 du projet de la commission qui, luimême, reproduisait textuellen ent l'article 7 du projet du gouvernement. Cette proposition fut l'objet d'un rapport sommaire de M. Marcel Barthe, puis d'un rapport plus complet de M. Bardoux (3). Elle fut discutée les 27 juin et 1er juillet 1884; mais, sur les premiers articles, le Sénat adopta des dispositions cont raires aux prétentions des artistes et le renvoi à la commission fut prononcé avant que l'article 11 ait été discuté. C'est alors que, de l'ensemble de la proposition, MM. Bardoux, Humbert et J. Bozérian détachèrent les dispositions relatives aux fraudes en matière artistique qu'ils déposèrent, sous la forme d'une proposition nouvelle, à la séance du Sénat du 21 novembre 1885. La proposition su bit alors les vicissitudes que résume la note de la page 76. A pari quelques observations échangées devant le Sénat au cours de la première délibération, la proposition fut votée sans discussion.

Les rapports de MM. Bardoux et Goujon ne jettent pas toujours sur le texte voté une clarté suffisante; il est facile de voir que la pensée dom inante à laquelle les rapporteurs, le premier principalement, ont obéi a été de montrer la grande utilité de la loi nouvelle, ce qui parfois a eu pour résultat de leur faire donner aux textes déjà existants une interprétation un peu trop étroite (4).

Certaines législations étrangères possèdent des dispositions analogues à celles de la loi nouvelle qui, le plus souvent d'ailleurs, n'ont pas été créées uniquement pour les artistes, mais dont le bénéfice peut aussi être invoqué par les auteurs d'oeuvres littéraires (5). L'origine même de la loi française fait comprendre pourquoi celle-ci ne s'applique qu'au cas d'usurpation du nom d'un artiste.

Art. 1er. Seront punis d'un emprisonnement d'un an au moins et de cinq ans au plus, et d'une amende de seize francs au moins et de trois mille francs au plus, sans préjudice des dommages-intérêts, s'il y a lieu:

(1) Chambre, doc. 1881, p. 399.
(2) Sénat, séance du 19 avril 1883.
(3) Sénat, doc, 1884, p. 232.

(4) V. à ce sujet Vaunois, Interprétation de la loi du 9 février 1895, bulletincommentaire des lois nouvelles, 1895, p. 160; Maunoury: Des fraudes en matière artistique, thèse de doctorat, appendice, nos 90 et s..; Darras, Le droit d'auteur (de Berne), 1895, p. 31.

(5) V. Allemagne, L. 9 janvier 1876, art. 6, no 1; Belgique, L. 22 mars 1886, art. 25; Italie, C. pénal du 30 juin 1889, art. 296; Japon, Ord. 28 déc. 1887, art. 21 et 28; Luxembourg, C. pén. revisé du 18 juin 1879, art. 191; Monaco, L. 27 février 1889, art. 18; Suisse, L. 23 avril 1883, art. 13; Tunisie, L. 15 juin 1889, art. 9. V. pour l'Angleterre, Digest de Stephen. art. 33, Litt. e et s., Droit d'auteur, 1894, p. 152.

1° Ceux qui auront apposé ou fait apparaitre frauduleusement un nom usurpé sur une œuvre de peinture, de sculpture, de dessin, de gravure ou de musique (1-2);

2o Ceux qui, sur les mêmes œuvres, auront frauduleusement, et dans le but de tromper l'acheteur sur la personnalité de l'auteur, imité sa signature ou un signe adopté par lui.

Art. 2. Les mêmes peines seront applicables à tout march and ou commissionnaire qui aura sciemment recélé, mis en vente ou en circulation les objets revêtus de ces noms, signatures ou signes (3). Art. 3.

Les objets délictueux seront confisqués et remi au plaignant ou détruits, sur son refus de les recevoir (4).

Art. 4. La présente loi est applicable aux œuvres non tombées dans le domaine public (5), sans préjudice pour les autres de l'application de l'article 423 du Code pénal.

(1) La formule employée par le législateur pourrait laisser croire que la loi nouvelle n'est pas applicable au cas d'usurpation portant sur une œuvre d'art qui ne rentre pas expressément dans l'un des genres d'œuvres artistiques indiqués au texte ; pour nous, cependant, le mot dessin doit recevoir, dans l'interprétation de la loi de 1895, le même sens large qu'il a reçu dans l'interprétation de la loi de 1793; il comprend notamment, selon nous, les œuvres photographiques. V. d'ailleurs Vauno's, loc. cit., p. 164, note 2; Darras, Droit d'auteur (de Berne, 1895, p. 31. Contrà Maunoury, no 94.

(2) La loi parlant de l'apposition d'un nom sur une œuvre de peintur, de sculpture, etc., il est douteux qu'une peine puisse être prononcée contre celui qui fait apparaître un nom, non pas sur l'œuvre elle-même, mais sur son socle, sur son cadre, etc. Vaunois, loc. cit., no 30; — contrà Maunoury, loc. cit. (3) On conçoit que d'autres personnes que celles expressément indiquée par la loi puissent prendre une part plus ou moins directe à une fraude de la nature de celles que réprime la loi du 9 février 1895; le rapporteur à la chambre des députés, visant le cas de Barnums, peu scrupuleux, qui exposent des couvres d'art revêtues de fausses signatures, a estimé, tout en le regrettant, qu» de telles pratiques ne tombassent pas sous l'application de la loi nouvelle. Cette opinion a été vivement critiquée; il semble, en effet, que la théorie générale du Code pénal sur la complicité pourrait, au besoin, être utilement invoquée dans l'interprétation de la loi de 1895. V. Vaunois, loc. cit., no 36; Maunury, no 95; Darras, Droit d'auteur, 1895, p. 31.

(4) « C'est là une excellente mesure, dit M. Goujon dans son rapport, mais qui, dans certains cas, ne laissera pas que de créer certaines difficultés. En effet, il pourra y avoir deux plaignants: l'artiste dont le nom a été effacé, et celui dont le nom a été ajouté. Au profit duquel des deux la confiscation aura-t-elle lieu? On comprend parfaitement la remise à l'artiste dont le nom aura été effacé, car c'est lui, en somme, qui est l'auteur véritable; il pourra au besoin rétablir sa signature. Quant aux autres plaignants, il semble que le seul droit qu'ils puissent avoir, c'est d'exiger la destruction, ce qui est déjà suffi-ant. Peut-être y aurait-il une légère modification à apporter sur ce point. Mais votre commission a passé outre. Elle a craint de retarder la promulation d'une loi si impatiemment attendue dans le monde artistique. » 'Rapport de M. Goujon).

(5) Il est fâcheux que la loi nouvelle ne soit pas applicable aux œuvres ' m

Art. 5.

L'article 463 du Code pénal s'appliquera aux cas pré

vus par les articles 1 et 2.

IV.

LOI DU 5 MARS 1895, RENDANT APPLICABLE AUX ÉTRANGERS, EN MATIÈRE COMMERCIALE, L'ARTICLE 166 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE, RELATIF A LA CAUTION JUDICATUM SOLVI (1).

Notice et notes par M. GARSONVET, professeur à la faculté de droit de Paris.

L'article 166 du Code de procédure civile portait que « tous étrangers, « demandeurs principaux ou intervenants, seront tenus, si le défendeur « le requiert avant toute exception, de fournir caution de payer les « frais et dommages-intérêts auxquels ils pourraient être condamnés, »> mais l'article 16 du Code civil (qui dispensait en même temps de fournir cette caution, dite judicatum solvi, les étrangers qui posséderaient en France les immeubles d'une vale ir suffisante pour assurer ce paiement) disposait que cette caution ne serait pas exigée en matière com nerciale, et l'article 423 du Code de procédure civile le confirmait sur ce point.

On se plaignait depuis longtemps, et les Chambres de commerce s'en étaient faites l'écho, que les commerçants étrangers, non admis à établir leur domicile en France pussent attaquer injustement les Français de vant les juridictions françaises, et disparaître du jour au lendemain sans qu'il fût possible de recouvrer contre eux les frais de justice et les dom mages intérêts auxquels ils auraient été condamnés.

Pour donner satisfaction à ces réclamations, M. Lebon et plusieurs de ses collègues ont déposé à la Chambre des députés le 3 mars 1892 une proposition de loi ainsi conçue : « L'article 166 du Code de procédure <«< civile sera applicable aux étrangers en matière commerciale à partir de << la promulgation de la présente loi ». Cette proposition a été l'objet d'un rapport favorable de M. Guillemet au nom de la commission d'initiative parlementaire, puis d'un rapport également favorable de M. Lebon

bées dans le domaine public; il en résulte que la Di de 1893 ne permet pas de poursuivre celui qui, sur une œuvre ancienne, ferait apparaitre le nom d'un artiste moderne. C'est une conséquence à laquelle le législateur n'a sans dout e pas pensé - V. Maunoury, no 98; Vaunois, p. 166, no 43; Darras, p. 32. — Contrà: Kohler, La fraude en matière artistique et la loi française du 9 février 1895. Droit d'auteur (de Berne), 1896, p. 12.

(1) J. Off. du 6 mars 1895.

TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Chambre Exposé des motifs, doc. 1892, p. 556; rapport sommaire, p. 1540; adoption, 10 mars 1893. - Sénat teste transmis doc. 1893, p. 97; rapport, doc. 1893, p. 162; adoption (urgence déclarée), 23 février 1895.

« PrécédentContinuer »