Images de page
PDF
ePub

Traité d'alliance de Paris du 24 février 1812 entre la France et la Prusse.

pour

propos de placer dans son journal officiel, il ignore la suite des démarches que le général de Krusemarck a dû faire décider le gouvernement françois à choisir entre deux partis, celui d'anéantir l'existence politique de la mo narchie prussienne, et celui de tirer, pour la campagne qu'il projetoit, de la malheureuse Prusse, plus d'avantages qu'elle ne lui en auroit offert, s'il l'avoit incorporée à ses vastes domaines. Un jour on saura comment M. de Krusemarck et M. de Béguelin, chargés, le premier de la partie politique, et l'autre de la partie financière de la négociation, ont été obligés de marchander, article par article, quelques soulagemens pour leur malheureuse patrie. On doit se contenter, pour le moment, des résultats de leurs travaux.

Plusieurs traités furent signés, le 24 février 1812, entré le général Krusemarck et M. Maret, dit duc de Bassano . Le premier est un traité d'alliance défensive, composé de cinq articles patens, par lesquels les deux états contractent une alliance défensive contre toutes puissances de l'Europe avec lesquelles l'une ou l'autre seroit ou entreroit en état de guerre. Elles se garantissent réciproquement, par l'article 2, l'intégrité de leur territoire. Chaque fois que le cas d'alliance surviendra, les dispositions à prendre en conséquence par les deux parties seront réglées par une convention spéciale. Art. 5. MARTENS, Recueil, Vol. XII, p. 414.

par la

Toutes les fois, dit l'art. 4, que l'Angleterre attentera aux droits du commerce, soit déclaration en état de blocus des côtes de l'une ou de l'autre des parties contractantes, soit par toute autre disposition contraire au droit maritime consacré par le traité d'Utrecht, tous les ports et les côtes desdites puissances seront également interdits aux bâtimens des nations neutres qui laisseroient violer l'indépendance de leur pavillon.

On voit que ces articles sont rédigés d'une manière vague, et qu'ils ne renferment rien qui paroisse dirigé contre la Russie; mais ils sont suivis de quatre articles secrets qui font changer de nature à l'alliance, puisque, de défensive qu'elle paroissoit, elle devient offen

sive.

e

Art. 1. L'alliance contractée aujourd'hui entre S. M. l'empereur des François, roi d'Italie, protecteur de la confédération du Rhin, médiateur de la confédération suisse, et S. M. le roi de Prusse, sera offensive et défensive dans toutes les guerres des deux hautes parties contractantes, en Europe.

Art. 2. Cependant il est convenu, dès à présent, que, dans les guerres que la France pourroit avoir à soutenir au-delà des Pyrénées, en Italie ou en Turquie, la Prusse ne sera point tenue de fournir de contingent, faisant cependant, sous les autres rapports, cause commune avec la France.

Art. 3. Les présens articles resteront secrets, et ne pourront être rendus publics ni communiqués à

[merged small][ocr errors][merged small]

Première convention secrète du as février 1812.

aucun cabinet par l'une des parties contractantes sans le consentement de l'autre.

Art. 4. Ils seront ratifiés, et les ratifications en seront échangées à Berlin dans l'espace de dix jours, ou plus tôt si faire se peut.

Enfin l'alliance fut expressément dirigée contre la Russie par une convention également secrète, que les mêmes ministres signèrent le même jour, et par laquelle le roi de Prusse s'engagea de fournir dans cette guerre un contingent de 20,000 hommes, ayant 60 pièces de canon, indépendamment d'une garnison de 4,000 hommes à Colberg; de 1,200 hommes à Potsdam; de 10,000 dans les places fortes de la Silésie, et de 3,000 dans Graudenz 1.

D'après cette convention, les seules places de Glogau, de Stettin et de Custrin devoient rester occupées par les troupes françoises. Cependant Buonaparte fit aussi occuper Spandau et Pillau. Lorsque, par la suite, la Prusse se plaignit de cette vexation, le gouvernement françois déclara que l'occupation de ces deux places étoit fondée sur le traité du 24 février 1812. Voici comment on interpréta ce traité: Les deux forteresses sont situées dans la partie des états prussiens que l'article 6 permet aux troupes françoises de traverser et d'occuper. Colberg, Potsdam et Graudenz sont dans le même cas; mais l'art. 4 dit expressément que

Voy. MARTENS, Recueil, Vol. XII, p. 417.

ces trois places auront garnison prussienne; il ne dit pas la même chose de Pillau et Spandau : d'où il s'ensuit que les François sont autorisés à occuper ces deux places, quoique la con- .. vention ne le leur accorde

pas.

con

du 24 février

vention spéciale 2/2 février

Une seconde convention spéciale, signée le vention spéciale même jour, étoit relative aux mesures ulté-1812. rieures à suivre dans la guerre avec l'Angleterre. Buonaparte, qui a divulgué les deux conventions dont nous venons de parler, n'a pas jugé à propos de faire connoître le contenu de celle-ci. Un seul article favorable au commerce du cabotage entre Lubeck et Memel a été cité dans une brochure semi-officielle, la seule où il soit question de cette convention 1. La troisième convention que négocia et signa Troisième conM. de Béguelin, détermine les fournitures que la Prusse dut faire à l'armée françoise, lors de son passage par la Prusse, ou, en d'autres termes, elle prescrit comment la France pompera avec ordre et méthode, et de la manière la plus utile à ses intérêts, jusqu'aux dernières ressources d'un pays dont la ruine avoit déjà été bien avancée par la guerre de 1807, par le séjour prolongé des armées françoises et par le système continental. En lisant cette convention, il ne faut pas oublier qu'il y est question d'un

1

Exposé de la conduite du gouvernement françois envers la Prusse, par M. de KüSTER, inséré dans mon Recueil de Pièces officielles, Vol. II, p. 273.

سل

1813.

pays peu riche, n'ayant guère au-delà de 4 millions d'habitans. Comme elle n'est pas sus→ ceptible d'un extrait, nous renverrons nos lecteurs au texte de ce traité 1.

pro

'On le trouve, sous la dénomination de seconde convention spéciale, dans le Moniteur de 1813, p. 359, et dans le Recueil de M. de MARTENS, Vol. XII, p. 421. On trouve, dans ce même recueil; Vol. XII , p. 429, une convention relative à un échange réciproque des déserteurs, que le baron de Krusemark signa à Paris, le 10 mai 1812, avec M. Maret. En considérant le tableau des charges que la convention du 24 févr. imposa à la Prusse, on est tenté de croire que ce pays, épuisé par toutes les vexations qu'il avoit endurées, ne pourra pas remplir les engagemens qu'il a contractés. Eh bien ! non seulement la Prusse livra tout ce qu'elle avoit mis, mais elle éteignit, aux mois de mars, d'avril et de mai, les 40 millions d'arriéré qu'elle devoit encore sur les contributions; et, ce qui paroîtroit incroyable si cela n'étoit constaté par des documens authentiques, elle devint, par des fournitures successives, créancière de la France d'une somme qui, à la fin de 1812, se montoit à 94 millions de France. Elle renonça, par la paix de Paris de 1814, au remboursement de cette somme. On auroit encore une foible idée des sacrifices que la Prusse fit en 1812, si l'on ne les estimoit que d'après les stipnlations que nous venons de rapporter. Les administrations et les généraux françois n'ont jamais su faire une distinction entre un pays ennemi et celui d'un allié; partout où ils ont mis le pied, ils se sont crus autorisés

commander en maîtres. La Prusse l'a éprouvé plus qu'aucun autre pays. La convention du 24 février n'a été exécutée que dans les dispositions qui tomboient à sa charge. Nous renvoyous, pour le détail des vexa

« PrécédentContinuer »